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04/10/2022 | FRANCE | N°22/01863

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 5 b, 04 octobre 2022, 22/01863


Chambre 5 B



N° RG 22/01863



N° Portalis DBVW-V-B7G-H2WK









MINUTE N°





































































Copie exécutoire à



- Me Katja MAKOWSKI

- Me Mathilde SEILLE





Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU

PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 04 Octobre 2022





Décision déférée à la Cour : 28 Avril 2022 par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DE STRASBOURG



APPELANT :



Monsieur [W] [F]

né le 15 Mai 1976 à [Localité 8])

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représenté par Me Katja MAKOWSKI, avocat à la cour,





INTIM...

Chambre 5 B

N° RG 22/01863

N° Portalis DBVW-V-B7G-H2WK

MINUTE N°

Copie exécutoire à

- Me Katja MAKOWSKI

- Me Mathilde SEILLE

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 04 Octobre 2022

Décision déférée à la Cour : 28 Avril 2022 par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DE STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur [W] [F]

né le 15 Mai 1976 à [Localité 8])

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Katja MAKOWSKI, avocat à la cour,

INTIMÉE :

Madame [J] [H]

née le 08 Octobre 1974 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Mathilde SEILLE, avocat à la cour,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Septembre 2022, en Chambre du Conseil, devant la Cour composée de :

Mme HERBO, Président de chambre,

Mme ARNOUX, Conseiller,

Mme KERIHUEL, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme FLEURET, Greffier

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Karine HERBO, président et Mme Lorine FLEURET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [J] [H] et M. [W] [F] se sont mariés le 7 septembre 2001 devant l'officier de l'état-civil de la commune de [Localité 6] ayant fait précéder leur union d'un contrat de mariage, reçu le 27 juillet 2001 par Me [I], notaire à [Localité 9], portant adoption du régime la communauté de biens réduite aux acquêts.

De cette union sont issus deux enfants, [T] [F] et [M] [F] nées le 5 avril 2003.

Par acte notarié reçu le 6 avril 2004 par Me [N] [Z], notaire à Woerth, Mme [D] [E] épouse [F] a fait donation à son fils M. [W] [F] de la pleine propriété d'un immeuble situé au [Adresse 3], avec clause de mise en communauté libellée ainsi, « La donatrice stipule que le bien, objet de la présente donation, au profit de son fils, Monsieur [W] [F], tombe dans la communauté de biens existant entre lui et son épouse, conformément aux prévisions de l'article 1405 alinéa 2 du code civil. Cependant la présente stipulation de mise en communauté ne reste valable et définitive qu'à la condition que la communauté soit dissoute par le décès de l'un des époux, l'absence ou le changement de régime matrimonial ; elle sera donc résolue si ladite communauté de biens est dissoute pour une autre cause. La présente condition résolutoire n'affecte que la stipulation de mise en communauté et ne pourra remettre en aucune manière en cause la donation qui précède.

A la suite de la requête en divorce déposée le 1er septembre 2017 par M. [W] [F], le juge aux affaires familiales, par ordonnance de non-conciliation contradictoire du 28 novembre 2017, a, notamment, décidé au titre des mesures provisoires de :

- attribuer la jouissance du domicile conjugal à M. [W] [F] (bien propre) à titre gratuit ;

- dire que M. [W] [F] devra assurer le règlement provisoire des échéances d'emprunts immobiliers et automobile ;

- débouter Mme [J] [H] de sa demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours ;

- fixer la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants due par M. [W] [F] à la somme de 120 euros par mois et par enfant, dans le cadre d'une résidence alternée.

Par jugement du 24 juin 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Strasbourg a prononcé le divorce des époux et a notamment :

- fixé les effets du divorce entre les époux au 28 novembre 2017 ;

- condamné M. [W] [F] à verser à Mme [J] [H] une prestation compensatoire de 35 000 euros ;

- fixé la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants due par M. [W] [F] à la somme de 120 euros par mois et par enfant, dans le cadre d'une résidence alternée.

Ce jugement est définitif, le divorce étant mentionné à l'acte de mariage des époux et ceux-ci ayant établi chacun un acte d'acquiescement le 17 septembre 2019.

Par ordonnance du 28 novembre 2019 rectifiée par ordonnance du 12 décembre 2019, le tribunal d'instance d'Haguenau a ordonné l'ouverture de la procédure de partage judiciaire de la communauté de biens existant entre les époux divorcés M. [W] [F] et Mme [J] [H] et désigné Me [L] [C], notaire à Haguenau en qualité de notaire commis au partage.

Me [C] a dressé procès-verbal de difficultés le 13 avril 2020 et invité les parties à se pourvoir.

Par assignation délivrée le 5 mai 2021, M. [W] [F] a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux.

Dans son assignation, M. [W] [F] a demandé de :

- déclarer sa demande recevable ;

- dire que le bien reçu de sa mère par acte notarié du 6 avril 2004 lui appartient en propre depuis le 17 septembre 2019 avec toutes conséquences de droit pour la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre les ex-époux ;

- condamner Mme [J] [H] à lui payer une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- charger Mme [J] [H] des entiers frais et dépens subsidiairement dire que les dépens seront intégrés dans la masse passive de la communauté à partager ;

- renvoyer les parties devant le notaire pour la suite des opérations de partage ;

- rappeler l'exécution provisoire du jugement.

Par requête sur incident déposée le 27 septembre 2021, M. [W] [F] a saisi le juge de la mise en état, demandant de :

- déclarer irrecevables les demandes de Mme [J] [H] tendant d'une part à faire dire et juger que la clause de non divorce incluse dans la donation du 6 avril 2004 est illicite et doit être réputée non écrite et d'autre part dire et juger que les immeubles visés par cette donation sont des biens communs ;

- condamner Mme [J] [H] à lui payer une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la charger des entiers frais et dépens ;

- rappeler l'exécution provisoire de l'ordonnance à intervenir.

Dans ses dernières conclusions sur incident déposées le 1er février 2022, M. [W] [F] a maintenu ses demandes.

Dans ses dernières conclusions sur incident déposées le 1cr février 2022, Mme [J] [H] a demandé de :

- débouter M. [W] [F] de ses conclusions sur fins de non-recevoir ;

- condamner M. [W] [F] à lui payer un montant de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [W] [F] en tous frais et dépens ;

- constater que la décision à venir est exécutoire par provision ;

sur le fond,

- dire et juger la clause suivante : « cependant la présente stipulation de mise en communauté ne reste valable et définitive qu'à la condition que la communauté soit dissoute par le décès de l'un des époux, l'absence ou le changement de régime matrimonial ; elle sera donc résolue si ladite communauté de biens est dissoute pour une autre cause. La présente condition résolutoire n'affecte que la stipulation de mise en communauté et ne pourra remettre en aucune manière en cause la donation qui précède » incluse dans la donation du 6 avril 2004 est illicite ;

- dire et juger que ladite clause est réputée non écrite ;

- dire et juger que les immeubles sis sur la commune de [Localité 5] référencés dans la donation du 6 avril 2004 sont des biens communs ;

- renvoyer les parties par-devant le notaire afin de poursuivre les opérations de partage ;

- condamner M. [W] [F] à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [W] [F] en tous les frais et dépens ;

- constater que la décision à venir est exécutoire par provision.

Par ordonnance du 28 avril 2022, la juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Strasbourg statuant en qualité de juge de la mise en état a :

- débouté M. [W] [F] de l'ensemble de ses demandes de fin de non-recevoir ;

- condamné M. [W] [F] au paiement des entiers dépens de la présente procédure incidente ;

- condamné M. [W] [F] au paiment au profit de Mme [J] [H] d'une indemnité d'un montant de 800 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état du 16 juin 2022 pour les conclusions au fond de M. [W] [F] ou à défaut, pour la clôture de l'instruction.

Par déclaration déposée au greffe le 10 mai 2022, M. [W] [F] a interjeté appel afin d'obtenir l'annulation, respectivement l'infirmation, voire la réformation des chefs de la décision déférée à la cour en tant qu'elle l'a débouté de l'ensemble de ses demandes de fin de non-recevoir tirées du principe de l'estoppel, du défaut d'intérêt à agir et de la prescription, l'a condamné au paiement des entiers dépens de la présente procédure incidente, l'a condamné au paiement au profit de Mme [J] [H] d'une indemnité d'un montant de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a ordonné l'exécution provisoire.

Par ordonnance du 25 mai 2022, en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 6 septembre 2022.

L'affaire a été mise en délibéré au 4 octobre 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er septembre 2022, M. [W] [F] a demandé à la cour d'appel de :

- déclarer son appel bien fondé ;

- annuler l'ordonnance entreprise, subsidiairement l'infirmer dans la limite de ses chefs critiqués dans la déclaration d'appel ;

statuant à nouveau,

- déclarer irrecevables les demandes de Mme [J] [H] tendant d'une part à faire dire et juger que la clause de non divorce incluse dans la donation du 6 avril 2004 est illicite et doit être réputée non écrite et d'autre part dire et juger que les immeubles visés par cette donation sont des biens communs ;

- condamner Mme [J] [H] à lui payer à une indemnité d'un montant de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner à lui payer une indemnité d'un montant de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la charger des entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel ;

- confirmer le jugement entrepris en ses chefs non contestés par la déclaration d'appel.

Au soutien de ses prétentions, sur le fondement des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [W] [F] soutient que l'ordonnance du juge de la mise en état encourt la nullité pour ne pas avoir statué sur sa fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir tant active que passive de Mme [J] [H] et pour ne pas avoir répondu à son moyen tiré de l'impossibilité de soulever la nullité d'un contrat par voie d'exception lorsque le contrat a reçu un commencement d'exécution. Il conteste le fait que ces deux moyens n'auraient pas été clairement soulevés en première instance.

Par évocation en cas d'annulation de l'ordonnance ou par voie d'infirmation, il fait valoir qu'il est le seul bénéficiaire de la donation de 2004 et que la clause litigieuse n'emporte pas sa révocation.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir, il invoque les dispositions de l'article 32 du code de procédure civile et considère que Mme [J] [H] n'ayant pas été partie à l'acte de donation du 6 avril 2004, qu'elle n'a cosigné que pour information et opposabilité, elle n'a pas qualité à en contester la légalité a fortiori la validité. Il ajoute qu'elle ne peut faire échec à la volonté de la donatrice en opposant l'exception de nullité au seul donataire, seul le cocontractant étant recevable à opposer l'exception de nullité et non les tiers.

Il s'oppose à l'argumentation de l'intimée selon laquelle il importe peu de mettre à la cause la donatrice dans la mesure où la solution du litige est sans incidence sur sa dépossession résultant de la donation alors même que le choix du propriétaire définitif est différent de la dépossession et que ne peut être occultée la volonté de la donatrice que le bien revienne en propre à son fils en cas de divorce.

A défaut d'appel à la cause de la donatrice, la demande de Mme [J] [H] est irrecevable, d'autant plus qu'elle fonde désormais sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 953 du code civil, relatif aux donations entre vifs.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir à raison de la fraude, M. [W] [F] expose que ni pendant la procédure de divorce, ni à l'ouverture de la procédure de partage, Mme [J] [H] n'a contesté ses déclarations selon lesquels il n'existait pas d'immeuble commun et l'a, même, reconnu dans ses déclarations sur l'honneur en mentionnant que le patrimoine immobilier commun était constitué de la rénovation totale d'une maison individuelle ainsi que dans ses conclusions déposées le 2 octobre 2018 et le 18 février 2019. Il ajoute qu'elle s'est vu octroyer une prestation compensatoire d'un montant de 35 000 euros au motif que le couple n'avait pas justifié bénéficier d'un patrimoine commun.

Il soutient que la déclaration sur l'honneur de l'article 272 du code civil constitue un écrit au sens de l'article 1402 alinéa 2 du même code.

Considérant que Mme [J] [H] a non seulement reconnu la validité et la prise d'effet de la clause litigieuse, mais également le caractère propre de l'immeuble, il soutient que cette reconnaissance emporte renonciation à toute contestation ultérieure et qu'elle ne justifie donc d'aucun intérêt à agir.

Se basant sur un arrêt de la cour de cassation du 21 février 2013, il dénonce l'intention frauduleuse manifeste de l'intimée, qui conteste au stade du partage le caractère propre du bien alors qu'elle s'est vu accorder une prestation compensatoire dans le cadre de la procédure de divorce en reconnaissant ce caractère propre. Il précise qu'il avait produit avant même l'audience de conciliation, l'acte de donation litigieux qui a donc été soumis loyalement à la discussion contradictoire, étant rappelé que l'intimée était représentée par un conseil. Il rappelle que la qualification de propre du bien ne pouvait résulter que de l'application de la clause litigieuse.

Il considère comme hors sujet, les développements de Mme [J] [H] quant à l'incompétence du juge du divorce, en Alsace Moselle, à liquider et partager le régime matrimonial et quant à la qualification juridique de la proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir à raison de la libre révocation des donations entre époux, il soutient que les dispositions de l'article 1096 du code civil ne sont pas applicables, les parties à l'acte de donation n'étant pas mariées et qu'en tout état de cause, celles évoquées par l'intimée ne s'appliquent qu'aux conventions conclues après l'entrée en vigueur de la loi du 26 avril 2004, soit le 1er janvier 2005. Il considère que le nouveau fondement invoqué par Mme [J] [H] à savoir les dispositions de l'article 953 du code civil, de même que l'arrêt de la cour de cassation du 13 décembre 2008, ne sont pas non plus applicables.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, M. [W] [F] invoque les dispositions de l'article 2244 du code civil et celles de la loi du 17 juin 2008 pour considérer que les prescriptions anciennes sont arrivées à terme le 17 juin 2013.

Il soutient que Mme [J] [H] ayant comparu devant le notaire lors de la signature de l'acte de donation le 6 avril 2004, elle avait connaissance de la clause litigieuse dès cette date, rappelant que la donation a fait l'objet d'une publication et que la donation a été exécutée par transfert effectif de propriété dès 2004.

Il relève que Mme [J] [H] n'a contesté la clause litigieuse qu'en septembre 2020 et que sa demande est donc prescrite.

Il considère que le fait que Mme [J] [H] ait reconnu par écrit dans sa déclaration sur l'honneur, le caractère propre de l'immeuble objet de la donation, fait également obstacle à ce qu'elle soulève par voie d'exception la nullité d'une clause dont elle a, elle-même, invoqué les effets.

Il ajoute que la règle selon laquelle l'exception de nullité est perpétuelle ne s'applique pas si le contrat a eu un commencement d'exécution, ce qui est le cas en l'espèce.

Il conteste l'argumentation de Mme [J] [H] selon laquelle la reconnaissance du caractère illicite d'une clause n'entraîne pas sa nullité, rappelant la jurisprudence depuis reprise à l'article 1184 du code civil par l'ordonnance du 10 février 2016 aux termes de laquelle, si la clause est essentielle, son illicéité affecte l'acte en son entier, la nullité étant totale et si la clause est accessoire, elle est réputée non-écrite et la nullité est partielle. Il soutient que la vérification du caractère déterminant ou non de la clause ne peut se faire sans l'intervention à la procédure de la donatrice.

Il considère que la clause n'est pas contraire à l'ordre public dans la mesure où elle n'est pas insérée dans une donation entre époux. Il estime que les arrêts de la cour de cassation invoqués par l'intimée comme les dispositions de l'article 2236 du code civil ne sont pas applicables en l'espèce.

Il fonde ses demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant pour la procédure de première instance que d'appel les justifiant par l'irrecevabilité des demandes de Mme [J] [H] et sa mauvaise foi.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 août 2022, Mme [J] [H] a demandé à la cour d'appel de :

- déclarer l'appel de M. [W] [F] infondé ;

- l'en débouter ;

- confirmer en tous points l'ordonnance entreprise ;

si l'ordonnance entreprise devait être annulée,

statuant à nouveau :

- débouter M. [W] [F] de l'ensemble de ses fins moyens et conclusions ;

- déclarer recevables et bien fondées ses demandes tendant d'une part à faire dire et juger que la clause de non-divorce incluse dans la donation du 6 avril 2004 est illicite et doit être réputée non écrite et d'autre part de dire et juger que les immeubles visés par cette donation sont des biens communs ;

- condamner M. [W] [F] à lui payer une indemnité d'un montant de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance ;

- condamner M. [W] [F] à lui payer une indemnité d'un montant de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel ;

- le charger des entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Sur le moyen tiré de l'absence de réponse aux conclusions, Mme [J] [H] se fonde sur les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et sur le fait que le juge n'est tenu de répondre qu'aux véritables moyens qui doivent être énoncés clairement et avoir des conséquences sur le litige. Elle relève que M. [W] [F] n'avait évoqué aucun texte à l'appui de ses demandes. Elle soutient que la mise en cause ou non de Mme [D] [E] ne constitue en rien un défaut de qualité à agir, même passive, la mise en cause d'une tierce personne n'ayant vocation qu'à lui rendre opposable une décision de justice, de même que la prescription dans l'hypothèse d'un commencement d'exécution du contrat. Elle rappelle qu'en l'espèce, il n'est pas question d'une demande de nullité, mais de la reconnaissance d'une clause illicite et de la préciser non écrite.

Sur la nature juridique de la donation et de la clause de mise en communauté, elle rappelle que le débat sur la qualification juridique aura lieu devant le juge du fond.

Sur le moyen tiré du défaut de qualité à agir, au visa des articles 31 et 32 du code de procédure civile, elle expose que sa demande ne porte ni sur la validité de la donation ni même sur la nullité de la clause résolutoire de « non divorce ». Elle fait valoir que la mise en cause de la donatrice est indifférente au litige dans la mesure où la solution de celui-ci est sans incidence sur les droits de la donatrice qui s'est dépossédée du bien donné par l'effet de la donation et que la donation en elle-même n'est pas remise en cause. Elle soutient que la volonté de la donatrice est sans emport sur la solution du litige puisque celle-ci n'a vocation qu'à faire trancher la qualification de bien propre ou commun du bien donné dans le cadre d'une opération de liquidation et partage de régime matrimonial. Elle ajoute que la cour de cassation juge de l'illicéité de telles clauses alors même que les donateurs sont décédés.

Sur le moyen tiré du défaut d'intérêt à agir, au visa de l'article 31 du code de procédure civile, elle reprend l'argumentation du premier juge selon laquelle elle a un intérêt à agir dans la mesure où elle a retiré un avantage de la donation intervenue et qu'il est question que cet avantage lui soit retiré par l'application de la clause résolutoire. Elle soutient que la donation avec clause de mise en communauté s'analyse en une libéralité au profit de celle-ci, dont elle est donc également bénéficiaire.

Elle soutient que les dispositions de l'article 267 alinéa 2 du code civil ne sont pas applicables en Alsace Moselle, la procédure de partage étant régie par les articles 220 et suivants de la loi de 1924 et qu'en conséquence, le juge du divorce n'a pas compétence pour la liquidation et le partage du régime matrimonial.

Elle fait valoir que la proposition de règlement des effets pécuniaires et patrimoniaux de l'article 252 du code civil ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Elle conteste toute mauvaise foi, dans la mesure où la question de la licéité ou non de la clause litigieuse a été évoquée que dans le cadre de la procédure de partage judiciaire et rappelle qu'elle s'est jointe à l'analyse du notaire commis au partage concernant l'irrévocabilité de la mise en communauté et l'illicéité de la clause résolutoire de « non divorce », par écrit du 8 avril 2021.

Elle s'étonne de l'invocation par M. [W] [F] des dispositions de l'article 1402 alinéa 2 du code civil et rappelle que sa déclaration sur l'honneur était basée sur l'ignorance de l'existence de la difficulté liée à la clause litigieuse. Elle soutient que l'appelant n'a pas précisé dans la procédure de divorce que la donation faite par sa mère contenait une clause de mise en communauté et de révocation de celle-ci en cas de divorce, éludant ainsi toute discussion et contestation qu'elle aurait pu émettre et qu'il l'a toujours laissée dans l'ignorance d'une telle clause. Elle affirme qu'elle pensait de bonne foi que touts les immeubles étaient des propres de son époux.

Elle rappelle qu'elle soulève l'illicéité de la clause en raison du principe d'irrévocabilité des donations entre vifs de l'article 953 du code civil et n'invoque pas les dispositions de l'article 1096 du code de procédure civile.

Sur le moyen tiré de la prescription, elle fait valoir qu'elle soulève l'illicéité de la clause litigieuse et non sa nullité, en raison de son caractère prohibé par application des dispositions de l'article 953 du code civil. Elle soutient qu'il est de jurisprudence constante qu'une demande qui tend à voir réputer non écrite une clause n'est pas soumise à prescription, s'appuyant sur un arrêt de la cour de cassation du 13 mars 2019. Elle ajoute que l'illicéité de la clause de non divorce a été reconnue par arrêt de la cour de cassation du 14 mars 2012.

En tout état de cause, elle relève qu'en application des dispositions de l'article 2236 du code civil et de la suspension de la prescription entre époux, cette prescription n'est pas acquise. Invoquant les dispositions de l'article 2224 du code civil, elle précise qu'elle n'a pas eu connaissance de la clause litigieuse avant la procédure de partage, ayant signé l'acte de donation, essentiellement pour des raisons fiscales. Elle soulève également, le principe de perpétuité de l'exception de nullité soutenant que le litige ne porte pas sur un problème d'exécution du contrat mais sur le caractère illicite d'une de ses clauses.

Au visa des articles 71 et 72 du code de procédure civile et de l'arrêt de la cour de cassation du 31 janvier 2018, elle fait valoir qu'une défense au fond échappe à la prescription.

MOTIVATIONS

1. Sur la nullité de l'ordonnance de la juge de la mise en état :

En son alinéa 1, l'article 455 du code de procédure civile impose que le jugement soit motivé, exigence sanctionnée par la nullité du jugement en application des dispositions de l'article 458 du code de procédure civile.

Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs.

Le juge n'est tenu de répondre qu'à de véritables conclusions, contenant des arguments qui ont une incidence sur la solution du litige.

En l'espèce, dans ses conclusions datées du 1er février 2022, M. [W] [F] écrit en page 9 que « Mme [J] [H] n'ayant pas été partie à l'acte de donation du 6 avril 2004, qu'elle n'a cosigné que pour information et opposabilité, elle n'a ni qualité, ni intérêt à en contester la légalité a fortiori la validité » et reprend le moyen tiré du défaut de qualité à agir en page 12, du fait qu'il n'était pas le seul cocontractant de la donation.

Dans son exposé du litige, la juge de la mise en état mentionne le fait que M. [W] [F] soulève le défaut de qualité à agir de Mme [J] [H].

Or, l'ordonnance a statué sur les fins de non-recevoir tirées du principe de l'estoppel, du défaut d'intérêt à agir et de la prescription et n'a pas statué sur le moyen tiré du défaut de qualité à agir, qui était clairement évoqué et a une incidence sur le litige.

A défaut de réponse par la juge de la mise en état à un moyen soulevé, il doit être considéré que l'ordonnance n'est pas motivée.

En conséquence, la cour prononce la nullité de l'ordonnance de la juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg du 28 avril 2022.

En application des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, il appartient à la cour d'appel de statuer sur l'entier litige soumis au juge de la mise en état.

2. Sur les fins de non-recevoir :

2.1 Sur la fin de non-recevoir tirée de la qualité à agir :

L'article 31 du code de procédure civile énonce que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve de cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L'article 32 du même code dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Il résulte des articles 1179 et 1181 du code civil que la nullité relative, en ce que la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt privé, ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger.

L'article 1184 du code civil énonce que lorsque la cause de nullité n'affecte qu'une ou plusieurs clauses du contrat, elle n'emporte nullité de l'acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l'engagement des parties ou de l'une d'elles.

Le contrat est maintenu lorsque la loi répute la clause non écrite, ou lorsque les fins de la règle méconnue exigent son maintien.

En l'espèce, dans ses conclusions déposées le 26 juillet 2021, Mme [J] [H] a demandé au juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Strasbourg, notamment, de dire et juger que la clause de non divorce incluse dans la donation du 6 avril 2004 est illicite.

Mme [J] [H] sollicite ainsi que soit prononcée la nullité d'une partie de la clause litigieuse.

S'agissant des titulaires du droit d'invoquer la nullité relative, le principe consiste à réserver le droit d'agir à la personne protégée par la loi.

Aux termes des dispositions de l'article 1106 du code civil, anciennement article 1103 du même code, la donation est un contrat unilatéral.

En présence d'un contrat unilatéral, seule la personne protégée par la loi peut faire valoir la nullité de l'acte, ce peut être son auteur ou le destinataire de l'acte. La nullité relative peut également être invoquée par un tiers à l'acte.

Mme [J] [H] étant mariée au donataire, elle est concernée par la clause de « non-divorce » insérée à la clause de mise en communauté du bien donné, raison pour laquelle, elle était présente à l'acte de donation. Elle est donc destinataire de l'acte même si elle n'est pas la bénéficiaire principale de la donation.

Il en résulte que Mme [J] [H] a qualité pour agir en nullité de la clause litigieuse.

2.2 Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence à la cause de la donatrice :

En application des dispositions de l'article 14 du code de procédure civile nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

Cette règle est d'ordre public.

La donation étant un contrat unilatéral, toute décision remettant en cause tout ou partie du contrat nécessite la mise en cause de son auteur.

En outre, la clause litigieuse de la donation pose une condition au donataire.

Pour statuer sur la validité de la clause comme sur l'étendue d'une éventuelle nullité, il est nécessaire d'évaluer le caractère déterminant de la clause pour la donatrice.

L'action intentée par Mme [J] [H] impose donc la mise en cause de la donatrice, Mme [D] [E] épouse [F].

Faute de mise en cause de celle-ci, l'action intentée par Mme [J] [H] n'est pas recevable.

Il n'est, dès lors, pas nécessaire de statuer sur les autres fin de non-recevoir soulevées par M. [W] [F].

3. Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il y a lieu de condamner Mme [J] [H] au paiement des entiers dépens de la procédure d'appel.

Il est inéquitable de laisser à la charge de M. [W] [F] l'intégralité des frais irrépétibles. En conséquence, Mme [J] [H] sera condamnée à verser à celui-ci la somme de 1 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel,

Annule l'ordonnance de la juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Strasbourg statuant en qualité de juge de la mise en état, du 28 avril 2022 ;

Dit que Mme [J] [H] a qualité à agir pour solliciter la nullité de la clause de mise en communauté de la donation consentie le 6 avril 2004 par Mme [D] [E] épouse [F] à M. [W] [F] ;

Déclare irrecevable la demande de Mme [J] [H] faute d'avoir mis à la cause Mme [D] [E] épouse [F], donatrice ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les autres fins de non-recevoir soulevées par M. [W] [F] ;

Condamne Mme [J] [H] aux entiers dépens de la procédure d'appel ;

Condamne Mme [J] [H] au paiement au profit de M. [W] [F] d'une indemnité d'un montant de 1 000 euros (mille euros), au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 5 b
Numéro d'arrêt : 22/01863
Date de la décision : 04/10/2022
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-04;22.01863 ?
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