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21/09/2022 | FRANCE | N°21/02597

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 21 septembre 2022, 21/02597


MINUTE N° 449/22





























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- Me Anne CROVISIER





Le 21.09.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 21 Septembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/02597 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HS7Y



Décision déférée à la Cour : 06 Avril 2021 par le Juge des référés civils du Tribunal judiciaire de COLMAR



APPELANTE :



S.A.S. TRANSCO

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Guillaume HARTER, av...

MINUTE N° 449/22

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Anne CROVISIER

Le 21.09.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 21 Septembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/02597 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HS7Y

Décision déférée à la Cour : 06 Avril 2021 par le Juge des référés civils du Tribunal judiciaire de COLMAR

APPELANTE :

S.A.S. TRANSCO

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me PAWELETTA, avocat au barreau de LILLE

INTIMEES :

S.A.R.L. FREIGHT SOLUTIONS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 4]

S.A.R.L. FREIGHT SOLUTIONS 88

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentées par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me GROETZ, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Février 2022, en audience publique, un rapport ayant été présenté, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :

 

Les sociétés TRANSCO et FREIGHT SOLUTIONS sont deux entreprises commissionnaires en matière de transport de marchandises.

 

L'une des employés de la société TRANSCO, Mme [K] aurait transféré à Mme [X], salariée chez la société FREIGHT SOLUTIONS un fichier appartenant à la société TRANSCO le 26 novembre 2019 comportant la liste des clients actifs ainsi que des potentiels clients.

La société TRANSCO affirme que s'en est suivie une perte de ses clients et de son CA, d'autant plus que Mme [K] a démissionné en juillet 2020 après transfert de ce dossier pour rejoindre la société FREIGHT SOLUTIONS. TRANSCO affirme que c'est ce transfert de clientèle et cette démission qui sont la cause de sa perte de CA et de clients, elle accuse FREIGHT SOLUTIONS de lui faire de la concurrence déloyale.

 

Par exploit du 24 septembre 2020, la société TRANSCO a fait assigner les sociétés FREIGHT SOLUTIONS et FREIGHT SOLUTIONS 88 en référé devant le Tribunal judiciaire de Colmar aux fins, sur le fondement de l'article 145 CPC, de voir : désigner tel huissier de justice et tout sachant expert informatique avec mission d'explorer toutes les messageries de la société FREIGHT SOLUTIONS et FREIGHT SOLUTIONS 88 pour retrouver toute trace de la transmission de fichiers de la société TRANSCO entre Mme [K] et ces deux sociétés depuis le 7 octobre 2019 et en dresser constat. Désigner tel expert-comptable pour mission de se faire présenter pièces et documents, notamment copie du livre d'entrée et sortie du personnel depuis la création de la société, copie des conditions générales de vente et tarifs, copie du fichier clients actifs et les facturations afférentes pour les deux sociétés FREIGHT SOLUTIONS. Egalement pour dresser un état des clients perdus et dont les flux commerciaux ont diminué chez TRANSCO (spécifiquement sur [Localité 6]) à compter du second semestre 2020 en comparaison avec l'année 2019 et par comparaison avec les clients actifs des sociétés FREIGHT SOLUTIONS à compter de leur création. De dresser un état comparatif des chiffres d'affaires effectués sur ces mêmes clients par ces deux sociétés à compter du second semestre 2020 et de chiffrer le préjudice économique subi par TRANSCO du fait des actes de concurrence déloyale des sociétés FREIGHT SOLUTIONS et FREIGHT SOLUTIONS 88. Condamner les sociétés FREIGHT SOLUTIONS et FREIGHT SOLUTIONS 88 aux entiers frais et dépens d'instance, au paiement d'une somme de 2000€ chacune au titre de 700 CPC.

 

L'ordonnance de référé a été rendue le 6 avril 2021 (dossier 20/00195). La juridiction des référés déboute la société TRANSCO de sa demande d'expertise, rappelle que la présente ordonnance est exécutoire par provision, déboute FREIGHT SOLUTIONS ET FREIGHT SOLUTIONS 88 de leur demande au titre de l'article 700 CPC, condamne TRANSCO aux entiers frais et dépens de l'instance.

 

Par déclaration faite au greffe le 31 mai 2021, la société TRANSCO a interjeté appel de cette décision.

 

Par déclaration faite au greffe le 24 juin 2021, les sociétés FREIGHT SOLUTIONS et FREIGHT SOLUTIONS 88 se sont constitués intimées.

 

Par ses dernières conclusions le 22 février 2022 auxquelles était joint le bordereau de communication des pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, les intimées demandent à la Cour :

à titre principal,

- de déclarer la société TRANSCO mal fondée en son appel,

- de la débouter de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions.

En conséquence,

- de confirmer l'ordonnance entreprise.

A titre subsidiaire,

- de dire et juger que la demande d'expertise formulée par la société TRANSCO est irrecevable, les faits à l'origine du litige ayant déjà conduit à la saisine d'une juridiction au fond.

A titre encore plus subsidiaire,

- de dire et juger que la demande d'expertise est mal fondée, non étayée, et présentée par la société TRANSCO comme visant à démontrer une concurrence déloyale inexistante et conséquemment ne respectant pas les dispositions prévues aux articles 145 et 146 du CPC.

En conséquence,

- de confirmer l'ordonnance entreprise, au besoin par substitution de motifs.

En cas d'infirmation de l'ordonnance entreprise, avant dire droit, sur la communication des pièces,

- d'enjoindre à la société TRANSCO de produire sous astreinte de 100 euros par jour à compter du 8ème jour suivant la date de l'arrêt avant-dire droit, astreinte que la Cour se réservera le droit de liquider, le PV de constat réalisé par Me [W], la totalité du fichier qui a été transféré tel qu'existant à la date de son transfert, le fichier et les données le concernant dont l'huissier a constaté le transfert pour permettre d'analyser si oui ou non ce fichier a été consulté.

Au fond,

- d'entendre M. [S] [M] responsable régional de la société TRANSCO qui n'est pourtant pas l'interlocuteur choisi par la société TRANSCO pour ce litige.

- de limiter la mesure d'instruction sollicitée à la désignation d'un huissier de justice et de tout sachant expert informatique avec pour mission de se rendre aux locaux de TRANSCO pour déterminer qui sont les 10 plus gros clients de l'agence et de rechercher que les clients perdus par TRANSCO n'ont pas tenté de continuer de travailler avec elle, se sont vus apporter une réponse inadéquate à leurs demandes professionnelles, d'où leur départ chez la concurrence.

- dire que l'huissier devra dresser du tout, un pré-rapport soumis aux observations des parties, avant dépôt du rapport définitif.

En second lieu, à supposer que le constat établisse une perte liée aux 10 plus gros clients de l'agence,

- de désigner un huissier de justice et un sachant expert informatique pour explorer les messageries FREIGHT SOLUTIONS et constater s'il y a trace d'échanges entre Mme [K] et les sociétés FREIGHT SOLUTIONS en dehors du cadre privé,

- de limiter ces recherches à compter de la date d'embauche de Mme [K].

- de désigner un expert-comptable devant convoquer les parties, se faire présenter toutes pièces et documents et se faire communiquer par les sociétés FREIGHT SOLUTIONS, la copie du livre d'entrée et sortie du personnel depuis la création de la société, copie du fichier client actifs des sociétés FREIGHT SOLUTIONS et les facturations afférentes à compter du 18 juin 2020 dans la limite des seuls 10 clients principaux évoqués par la société TRANSCO,

- de recueillir les déclarations des parties nécessaires,

- d'entendre tout sachant,

- de dresser un état des clients perdus par TRANSCO au deuxième semestre 2020 et de comparer avec les flux commerciaux de l'année 2019 et les clients actifs des sociétés FREIGHT SOLUTIONS avec les clients perdus par TRANSCO à partir de la création des sociétés FREIGHT SOLUTIONS.

- de vérifier si ces clients perdus le sont du fait de relations professionnelles non satisfaisantes pour ces clients en question,

- de dresser un état des pertes liées au seul départ de M. [K],

- de constater les manquements professionnels de la société TRANSCO.

- de dire que l'expert devra dresser un pré-rapport soumis aux observations des parties avant dépôt du rapport définitif,

en tant que besoin,

- de surseoir à statuer jusqu'au dépôt du premier constat d'huissier, sur la désignation de l'huissier en second lieu et sur l'expertise comptable et réserver dans ce cas aux sociétés FREIGHT SOLUTIONS de conclure pour tirer toutes conséquences de constatations de l'huissier.

En tout état de cause,

- débouter la société TRANSCO de l'intégralité des autres demandes sollicitées dans le cadre de l'expertise, y compris celles faites au titre de l'article 700 CPC,

- condamner TRANSCO aux entiers frais et dépens ainsi qu'à payer 10 000 € à chacune des sociétés FREIGHT SOLUTIONS et FREIGHT SOLUTIONS 88.  

 

Au soutien de ses prétentions, les sociétés FREIGHT SOLUTIONS affirment qu'il ne faut pas prendre en compte le règlement intérieur 2021 de la société TRANSCO produit aux débats, car il n'est pas utilisé dans les conclusions de l'appelante, ce document n'était pas actif lorsque Mme [K] était salariée, que de plus, rien ne prouve que ce document respecte les normes édictées par le droit du travail.

Concernant les propos de M. [H] sur lesquels la société TRANSCO fonde certaines de ses prétentions, celui-ci est présenté à tort comme étant le responsable régional des agences du Grand Est, alors que c'est M. [S] [M] qui occupe ce poste. Que pourtant ce dernier n'a jamais été entendu dans le cadre des débats.

Sur la communication de certaines pièces demandées à la société TRANSCO, les sociétés FREIGHT SOLUTIONS avancent que la société TRANSCO n'a jamais transmis le contenu intégral du dossier transmis par Mme [K] comme il lui a été demandé. De ce fait, selon FREIGHT SOLUTIONS, la société TRANSCO n'apporte aucun élément au soutien de sa demande d'expertise, ce qu'oblige l'article 146 CPC.

Concernant l'utilisation par Mme [K] du fichier de clients de la société TRANSCO, cette dernière avance que sa prospection et son démarchage téléphonique depuis qu'elle est salariée chez FREIGHT SOLUTIONS démontrent son utilisation du présent fichier. Selon FREIGHT SOLUTIONS, ces propos concernant les agissements de Mme [K] ne doivent pas être entendus par la Cour car Mme [K] n'est pas partie aux débats et la demande d'expertise émise par la société TRANSCO ne concerne absolument pas les agissements de Mme [K].

En cas d'infirmation de l'ordonnance, selon les sociétés FREIGHT SOLUTIONS il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de référé expertise sur le fondement de l'article 145 CPC émise par TRANSCO car un juge du principal a déjà été saisi à la date de la saisine du Tribunal de commerce, en l'occurrence, le Conseil des Prud'hommes dans le cadre des actes de déloyauté dont est accusée Mme [K]. Cette action est liée à celle en cours devant la Cour d'appel, la décision rendue dans l'une ou l'autre de ces décisions aura forcément un impact sur l'autre. Dès lors une demande de référé-expertise n'a pas lieu d'exister.

Qu'au titre de l'article 146 CPC la demande d'expertise n'a pas pour vocation de pallier une carence dans l'élaboration de la preuve de la part de la partie qui la demande.

Qu'en l'espèce, la société TRANSCO demande de se faire communiquer les chiffres d'affaire et dossiers clients des sociétés FREIGHT SOLUTIONS alors qu'elle ne parvient pas à prouver de manière exacte ses propres comptes. Qu'a contrario, les chiffres certifiés par les sociétés FREIGHT SOLUTIONS démontrent que la société TRANSCO a bien des pertes mais elles ne sont pas dues intégralement aux activités de FREIGHT SOLUTIONS contrairement à ce qu'affirme TRANSCO, la demande d'expertise n'est donc pas fondée.

Que de plus, la société TRANSCO est tout à fait à même de produire les chiffres permettant d'établir la preuve de ce qu'elle avance, mais elle ne l'a pas fait.

Sur la réalité des pertes alléguées par la société TRANSCO, cette dernière avance que la perte, imputée à FREIGHT SOLUTIONS, de chiffre d'affaire réalisée sur ses 10 plus gros clients serait d'environ 297 000 euros, alors que les sociétés FREIGHT SOLUTIONS ne réalisent qu'un CA de 242 842€ sur la totalité de ses clients. Que de plus, le chiffre d'affaire communiqué aux débats par TRANSCO est lacunaire en plusieurs points, ce qui, selon FREIGHT SOLUTIONS, démontre que la publication de chiffres complets et détaillés ne serait pas à l'avantage de la société TRANSCO.

Sur le détournement de clientèle, cette affirmation n'est pas fondée. En effet, comment la perte de 10 clients (même les plus importants) sur un total de plus de 300 clients pourrait être la preuve d'une concurrence déloyale et causer un réel préjudice à la société TRANSCO.

Sur le transfert du fichier client, il fonde le recours en l'espèce, pourtant les sociétés FREIGHT SOLUTIONS affirment que le transfert d'un tel fichier est complètement inutile, si Mme [K] voulait sciemment en partager le contenu, elle pouvait simplement en extirper les données pour les transmettre via des canaux de communication plus privés. Que de plus, le constat d'huissier produit pour affirmer que le fichier litigieux a bel et bien été utilisé ne respecte pas les règles applicables en la matière, de ce fait, ce constat est nul et inopposable. Ce fichier n'a jamais été publié aux débats, donc rien ne prouve son contenu et son intérêt ainsi que les conséquences de ce transfert. Aussi, il n'y a aucune trace dudit fichier dans le Google drive de Mme [X] à qui le fichier aurait été transféré, qu'il est en plus impossible de consulter le fichier sans l'aval de l'administrateur/créateur de ce fichier, M. [L], employé chez TRANSCO.

Quant à l'expertise informatique commandée par TRANSCO, l'expert avance que rien ne l'empêche de dire que FREIGHT SOLUTIONS n'a pas consulté les dossiers litigieux, mais en aucun cas il ne prouve que c'est bel et bien le cas. La demande d'expertise supplémentaire demandée par TRANSCO repose sur l'existence d'une telle consultation, qui en l'espèce n'est pas formellement démontrée.

Concernant le contenu de l'expertise si celle-ci était autorisée par la Cour, les intimées demandent à ce que son contenu soit limité à certains éléments que les intimées détaillent dans leurs conclusions.

Concernant l'article 700 CPC, les sociétés FREIGHT SOLUTIONS affirment le caractère choquant de la procédure intentée par la société TRANSCO, à sa volonté de nuire, à son manque de diligence dans la production de preuves et ses affirmations parfois diffamatoires.

 

Par ses dernières conclusions le 16 février 2022 auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, TRANSCO demande à la Cour d'appel :

- de déclarer l'appelante recevable en son appel,

- la dire bien fondée,

- infirmer intégralement l'ordonnance du 6 avril 2021 et notamment en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise.

Statuant à nouveau,

- désigner tel huissier de justice et tout sachant expert-informatique avec mission :

*d'explorer toutes les messageries des sociétés FREIGHT SOLUTIONS pour retrouver toute trace de la transmission de fichiers de la société TRANSCO entre Mme [K] et les sociétés FREIGHT SOLUTIONS depuis le 7 octobre 2019 et en dresser constat.

- de désigner tel expert-comptable avec pour mission :

*de se faire présenter pièces et documents, notamment copie du livre d'entrée et sortie du personnel depuis création société, copie des conditions générales de vente et tarifs, copie du fichier clients actifs et les facturations afférentes pour FREIGHT SOLUTIONS. Egalement pour dresser un état des clients perdus et dont les flux commerciaux ont diminué chez TRANSCO (spécifiquement sur [Localité 6]) à compter du second semestre 2020 en comparaison avec l'année 2019 et par comparaison avec les clients actifs des sociétés FREIGHT SOLUTIONS à compter de leur création.

*de dresser un état comparatif des chiffres d'affaires effectués sur ces mêmes clients par ces deux sociétés à compter du second semestre 2020. 

*de chiffrer le préjudice économique subi par TRANSCO du fait des actes de concurrence déloyale des sociétés FREIGHT SOLUTIONS.

En tout état de cause,

- de débouter les intimées de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, y compris au titre d'un appel incident.

- de condamner les intimées à régler chacune 4 000€ au titre de l'article 700 CPC et aux entiers dépens et frais.

 

Au soutien de ses prétentions, la société TRANSCO affirme que concernant la chute du chiffre d'affaire de l'agence où Mme [K] travaillait, celle-ci n'est pas due à la crise du COVID comme l'indiquent les intimées, car cette chute de chiffre d'affaire n'existe pas dans les autres agences du groupe. Cette chute serait bien due au démarchage de Mme [K] auprès des clients de TRANSCO effectué grâce au fichier client dérobé à son ancien employeur.

Sur la caractérisation d'un acte de concurrence déloyale, l'appelante affirme qu'en l'espèce il y a concurrence déloyale via un détournement de clientèle de la société TRANSCO vers FREIGHT SOLUTIONS, détournement opéré par une ancienne salariée grâce à des documents confidentiels, obtenus et transmis à FREIGHT SOLUTIONS peu avant la démission de Mme [K] de la société TRANSCO pour rejoindre la société FREIGHT SOLUTIONS.

Sur la désignation d'un huissier de justice et d'autres experts judiciaires au titre de l'article 145 CPC, les faits démontrent qu'il est nécessaire qu'un expert établisse l'évaluation des préjudices allégués. Plusieurs indices mettent en évidence l'utilisation de ce fichier par FREIGHT SOLUTIONS bien que le fichier, selon l'huissier de justice, ne soit pas accessible via l'ordinateur professionnel de Mme [X], un autre expert, M. [Z], explique que ce fichier est tout de même accessible via d'autres procédés. En y ajoutant la chute massive du nombre de clients pour TRANSCO, le démarchage effectué par M. [K], la chronologie des faits, son arrivée chez FREIGHT SOLUTIONS se déroulant juste après sa démission chez TRANSCO et la communication du fichier litigieux, il est légitime pour TRANSCO de faire appel à une mesure d'instruction au titre de l'article 145 CPC pour apporter la preuve des faits dénoncés avant tout procès en concurrence déloyale.

Sur les frais irrépétibles et les dépens, l'appelante considère qu'il serait injuste et inéquitable de lui faire supporter les frais qu'elle a été contrainte d'exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts.

 

La Cour se référera aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties.

 

Par ordonnance rendue le 12 octobre 2021, l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 28 février 2022.

          L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 28 février 2022

 

MOTIFS DE LA DECISION :

Au soutien de ses prétentions, la société TRANSCO affirme que concernant la chute du chiffre d'affaire de l'agence où Mme [K] travaillait, celle-ci n'est pas due à la crise du COVID comme l'indiquent les intimées, car cette chute de chiffre d'affaire n'existe pas dans les autres agences du groupe. Cette chute serait bien due au démarchage de Mme [K] auprès des clients de TRANSCO effectué grâce au fichier client dérobé à son ancien employeur.

Sur la caractérisation d'un acte de concurrence déloyale, l'appelante affirme qu'en l'espèce il y a concurrence déloyale via un détournement de clientèle de la société TRANSCO vers FREIGHT SOLUTIONS, détournement opéré par une ancienne salariée grâce à des documents confidentiels, obtenus et transmis à FREIGHT SOLUTIONS peu avant la démission de Mme [K] de la société TRANSCO pour rejoindre la société FREIGHT SOLUTIONS.

Sur la désignation d'un huissier de justice et d'autres experts judiciaires au titre de l'article 145 CPC, la partie appelante affirme que les faits démontrent qu'il est nécessaire qu'un expert établisse l'évaluation des préjudices allégués, que plusieurs indices mettent en évidence l'utilisation de ce fichier par les sociétés FREIGHT SOLUTIONS bien que le fichier, selon l'huissier de justice, ne soit pas accessible via l'ordinateur professionnel de Mme [X], qu'un autre expert, M. [Z], explique que ce fichier est tout de même accessible via d'autres procédés, qu'en y ajoutant la chute massive du nombre de clients pour TRANSCO, le démarchage effectué par Mme [K], la chronologie des faits, son arrivée chez FREIGHT SOLUTIONS se déroulant juste après sa démission chez TRANSCO et la communication du fichier litigieux, il est légitime pour TRANSCO de faire appel à une mesure d'instruction au titre de l'article 145 CPC pour apporter la preuve des faits dénoncés avant tout procès en concurrence déloyale.

Sur les frais irrépétibles et les dépens, l'appelante considère qu'il serait injuste et inéquitable de lui faire supporter les frais qu'elle a été contrainte d'exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts.

Au soutien de son argumentation, FREIGHT SOLUTIONS affirme qu'il ne faut pas prendre en compte le règlement intérieur 2021 de la société TRANSCO produit aux débats, car il n'est pas utilisé dans les conclusions de l'appelante, ce document n'était pas actif lorsque Mme [K] était salariée, que de plus, rien ne prouve que ce document respecte les normes édictées par le droit du travail.

Concernant les propos de M. [H] sur lesquels la société TRANSCO fonde certaines de ses prétentions, FREIGHT SOLUTIONS affirme que celui-ci est présenté à tort comme étant le responsable régional des agences du Grand Est, alors que c'est M. [S] [M] qui occupe ce poste et que pourtant ce dernier n'a jamais été entendu dans le cadre des débats.

Sur la communication de certaines pièces demandées à la société TRANSCO, FREIGHT SOLUTIONS avance que la société TRANSCO n'a jamais transmis le contenu intégral du dossier transmis par Mme [K] comme il lui a été demandé. De ce fait, selon FREIGHT SOLUTIONS, la société TRANSCO n'apporte aucun élément au soutien de sa demande d'expertise, ce qu'oblige l'article 146 CPC.

Concernant l'utilisation par Mme [K] du fichier de clients de la société TRANSCO, cette dernière avance que sa prospection et son démarchage téléphonique depuis qu'elle est salariée chez FREIGHT SOLUTIONS démontrent son utilisation du présent fichier. Selon FREIGHT SOLUTIONS, ces propos concernant les agissements de Mme [K] ne doivent pas être entendus par la Cour car Mme [K] n'est pas partie aux débats et la demande d'expertise émise par la société TRANSCO ne concerne absolument pas les agissements de Mme [K].

En cas d'infirmation de l'ordonnance, selon FREIGHT SOLUTIONS il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de référé expertise sur fondement de l'article 145 CPC émise par TRANSCO car un juge du principal a déjà été saisi à la date de la saisine du Tribunal de commerce, en l'occurrence, le Conseil des Prud'hommes dans le cadre des actes de déloyauté dont est accusée Mme [K]. Cette action est liée à celle en cours devant la Cour d'appel, la décision rendue dans l'une ou l'autre de ces décisions aura forcément un impact sur l'autre. Dès lors une demande de référé-expertise n'a pas lieu d'exister.

Qu'au titre de l'article 146 CPC la demande d'expertise n'a pas pour vocation de pallier une carence dans l'élaboration de la preuve de la part de la partie qui la demande.

Qu'en l'espèce, la société TRANSCO demande de se faire communiquer les chiffres d'affaire et dossiers clients de FREIGHT SOLUTIONS alors qu'elle ne parvient pas à prouver de manière exacte ses propres comptes. Qu'a contrario, les chiffres certifiés par FREIGHT SOLUTIONS démontrent que la société TRANSCO a bien des pertes mais elles ne sont pas dues intégralement aux activités de FREIGHT SOLUTIONS contrairement à ce qu'affirme TRANSCO, la demande d'expertise n'est donc pas fondée.

Que de plus, la société TRANSCO est tout à fait à même de produire les chiffres permettant d'établir la preuve de ce qu'elle avance, mais elle ne l'a pas fait.

Sur la réalité des pertes alléguées par la société TRANSCO, cette dernière affirme que la perte, imputée à FREIGHT SOLUTIONS, de chiffre d'affaire réalisée sur ses 10 plus gros clients serait d'environ 297 000 euros, alors que FREIGHT SOLUTIONS ne réalise qu'un CA de 242 842€ sur la totalité de ses clients. Que de plus, le chiffre d'affaire communiqué aux débats par TRANSCO est lacunaire en plusieurs points, ce qui, selon FREIGHT SOLUTIONS, démontre que la publication de chiffres complets et détaillés ne serait pas à l'avantage de la société TRANSCO.

Sur le détournement de clientèle, cette affirmation n'est pas fondée. En effet, comment la perte de 10 clients (même les plus importants) sur un total de plus de 300 clients pourrait être la preuve d'une concurrence déloyale et causer un réel préjudice à la société TRANSCO.

Sur le transfert du fichier client, FREIGHT SOLUTIONS indique que ce transfert fonde le recours en l'espèce, alors que le transfert d'un tel fichier est complètement inutile, si Mme [K] voulait sciemment en partager le contenu, elle pouvait simplement en extirper les données pour les transmettre via des canaux de communication plus privés, que de plus, le constat d'huissier produit pour affirmer que le fichier litigieux a bel et bien été utilisé ne respecte pas les règles applicables en la matière, de ce fait, ce constat est nul et inopposable, que ce fichier n'a jamais été communiqué aux débats, et qu'ainsi, rien ne prouve son contenu et son intérêt ainsi que les conséquences de ce transfert. Aussi, il n'y a aucune trace dudit fichier dans le Google drive de Mme [X] à qui le fichier aurait été transféré, qu'il est en plus impossible de consulter le fichier sans l'aval de l'administrateur/créateur de ce fichier, M. [L], employé chez TRANSCO.

Quant à l'expertise informatique commandée par TRANSCO, les parties intimées font valoir que l'expert avance que rien ne l'empêche de dire que FREIGHT SOLUTIONS n'a pas consulté les dossiers litigieux, mais en aucun cas il ne prouve que c'est bel et bien le cas. La demande d'expertise supplémentaire demandée par TRANSCO repose sur l'existence d'une telle consultation, qui en l'espèce n'est pas formellement démontrée.

Concernant le contenu de l'expertise si celle-ci était autorisée par la Cour, les intimées demandent à ce que son contenu soit limité à certains éléments que les intimées détaillent dans leurs conclusions.

Concernant l'article 700 CPC, FREIGHT SOLUTIONS affirme le caractère choquant de la procédure intentée par la société TRANSCO, à sa volonté de nuire, à son manque de diligence dans la production de preuves et ses affirmations parfois diffamatoires.

Pour justifier l'organisation d'une mesure d'expertise, la partie demanderesse doit justifier d'un intérêt légitime.

En l'espèce pour étayer sa demande, la société TRANSCO doit démontrer que le transfert de clientèle a été effectif.

La société TRANSCO critique le premier juge quant à l'appréciation du défaut d'appropriation des données.

Il résulte de la lecture de la page 5 du procès-verbal d'huissier établi le 29 Juin 2020 par Maître [W], et produit aux débats par la société TRANSCO, que les constatations de l'huissier ont été effectuées à partir de l'ordinateur de Monsieur [H] et qu'elles démontrent que le 29 Novembre 2019 une consultation a été autorisée par Madame [K] au profit de Madame [X].

A partir de la page 6 du constat d'huissier, figurent tous les éléments du diagnostic technique de l'ordinateur de Monsieur [H] qui n'apportent rien à la solution du litige.

Par ailleurs, il résulte de la lecture du procès-verbal de constat d'huissier établi par Maître [F] le 16 Septembre 2020, que 'du compte professionnel de Madame [X], avec le fichier 'clients actifs [Localité 6]', l'accès n'est pas possible puisque le propriétaire du fichier n'a pas autorisé son partage et qu'il est donc impossible de consulter son contenu. Manifestement, l'échange d'information n'a pu être opéré'.

La simple lecture de la page 14 du constat d'huissier, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une analyse informatique, permet de constater que lorsque l'huissier tape en haut de l'ordinateur 'clients actifs [Localité 6]', puis sur la touche ENTREE, le message suivant apparaît 'Aucun de vos fichiers ou dossiers ne correspond à cette recherche'.

Pour apprécier l'existence d'un motif légitime, il convient que la société TRANSCO justifie d'un transfert effectif de fichiers clients et ne peut pas invoquer, à priori, un éventuel préjudice qui résulterait d'actes de concurrence déloyale pour établir la réalité d'un tel motif.

C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le premier juge a estimé que la société TRANSCO ne justifiait pas d'un motif légitime, le transfert du fichier n'ayant pas pu être réalisé.

Sur le moyen tiré des termes du règlement intérieur invoqué par la société TRANSCO, il convient de relever que le document produit aux débats est daté de l'année 2021 et ne trouvait pas application en novembre 2019.

Dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire d'apprécier les autres moyens des parties, la décision entreprise sera confirmée.

Succombant, la société TRANSCO sera condamnée aux entiers dépens et sa demande fondée sur l'article 700 sera rejetée.

L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés FREIGHT SOLUTIONS et FREIGHT SOLUTIONS 88.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme l'ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal judiciaire de Colmar le 06 Avril 2021,

Y Ajoutant,

Condamne la société TRANSCO aux entiers dépens,

Condamne la société TRANSCO à verser respectivement à la société FREIGHT SOLUTIONS et à la société FREIGHT SOLUTIONS 88, la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société TRANSCO fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/02597
Date de la décision : 21/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-21;21.02597 ?
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