La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/09/2022 | FRANCE | N°20/03496

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 21 septembre 2022, 20/03496


MINUTE N° 453/22





























Copie exécutoire à



- Me Joseph WETZEL



- Me Joëlle LITOU-WOLFF





Le 21.09.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 21 Septembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/03496 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HN77
r>

Décision déférée à la Cour : 14 Octobre 2020 par le Juge des loyers commerciaux du Tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTE :



S.À.R.L. COUP D'ÉCLAT

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me J...

MINUTE N° 453/22

Copie exécutoire à

- Me Joseph WETZEL

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

Le 21.09.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 21 Septembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/03496 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HN77

Décision déférée à la Cour : 14 Octobre 2020 par le Juge des loyers commerciaux du Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

S.À.R.L. COUP D'ÉCLAT

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Joseph WETZEL, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me SPIEGEL, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

S.A.S. AUCHAN SUPERMARCHE venant aux droits de la société ATAC prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me BADER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2022, en audience publique, un rapport ayant été présenté, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte sous-seing privé du 30 octobre 1987, la Société Alsacienne de Supermarché, aux droits de laquelle sont venues la société Atac, puis la société Auchan Supermarché, a sous-loué à la société M.A.Z. un local commercial, pour un loyer annuel de 120'000 FF hors-taxes et hors charges, TVA en sus, indexé.

Par avenant du 15 février 1995, le montant annuel des charges communes a été fixé à 2 % du montant hors taxes du loyer annuel, la TVA en sus.

Par acte sous-seing privé du 29 mars 2007, la société MAZ a cédé son droit au bail à la société Coup d'Eclat.

Par avenant du 26 avril 2007, une nouvelle destination des lieux a été autorisée (exploitation de tout salon de coiffure homme et/ou femmes et/ou enfants, et/ou toute prestation d'esthétique et de soin de la personne) et le loyer fixé à 28 077,96 euros HT hors charges et les charges communes à 9 % du montant hors-taxes du loyer annuel, la TVA en sus.

Par acte du 31 mars 2016, la société Coup d'Eclat a demandé le renouvellement du bail pour une durée de neuf ans à compter du 1er avril 2016 moyennant fixation d'un nouveau loyer annuel de 16'000 euros hors-taxes et hors charges.

Le bailleur a donné son accord sur le principe du renouvellement mais a refusé la diminution du loyer.

La SARL Coup d'Eclat a demandé que le loyer soit fixé à 16'000 euros, tandis que la SAS Auchan Supermarché a demandé qu'il soit fixé à 33'175,55 euros.

Une expertise a été ordonnée par jugement du 21 février 2018. L'expert a déposé son rapport daté du 5 juillet 2019.

Dans le cadre d'une autre procédure, le tribunal judiciaire de Strasbourg a, par jugement du 25 juin 2020, déclaré réputée non écrite la clause figurant à l'article 4 de l'avenant numéro deux du 26 avril 2007, en sorte que le loyer actuel est celui résultant dudit avenant, soit un montant annuel hors-taxes et hors charges de 28'077,96 euros.

Par jugement du 14 octobre 2020, la juridiction des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- fixé le loyer renouvelé au 1er avril 2016 à 32'850 euros HT par an,

- condamné la SARL Coup d'Eclat aux dépens de l'instance, et à payer à la SAS Auchan Supermarché la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 20 novembre 2020, la SARL Coup d'Eclat en a interjeté appel.

Le 2 février 2021, la SAS ATAC s'est constituée intimée.

Par ses dernières conclusions du 31 décembre 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la SARL Coup d'Eclat demande à la cour :

- dire et juger son appel recevable et bien-fondé,

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le loyer renouvelé au 1er avril 2016 à 32'850 euros HT par an et l'a condamnée aux dépens de l'instance, et à payer à la SAS Auchan Supermarché la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

statuant à nouveau :

- dire et juger sa demande recevable et bien fondée,

- fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2016 à 16'000 euros hors-taxes et hors charges par an,

- condamner la SAS Auchan Supermarché à lui payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS Auchan Supermarché aux entiers frais et dépens, y compris ceux de l'expertise,

- débouter la SAS Auchan Supermarché de l'intégralité de ses fins, moyens et conclusions.

Après avoir, à titre liminaire, soutenu que la surface des locaux doit être pondérée à 134,39 m2, elle soutient qu'en application de l'article L.145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés doit correspondre à la valeur locative, laquelle doit prendre en compte :

- les caractéristiques du local considéré : elle soutient, en substance, que l'expert a relevé des éléments défavorables devant conduire à diminuer la valeur locative, que le bailleur manque à son obligation de maintenir un environnement commercial favorable, que les travaux d'isolation extérieure relèvent de l'obligation de délivrance du bailleur comme les infiltrations en provenance de la toiture, qu'elle a subi d'importantes infiltrations d'eau dans le magasin, ainsi que des invasions de cafards, que les locaux ne sont pas correctement chauffés, ni isolés et que l'environnement est délabré. Elle en déduit l'application d'un abattement conséquent sur la valeur locative.

Elle ajoute avoir réalisé d'importants investissements pour adapter les locaux à leur destination, qui relèvent en principe de l'obligation de délivrance du bailleur et que ces investissements et travaux d'entretien justifient l'application d'un abattement sur la valeur locative.

- la destination des lieux : elle soutient que le bail la soumet à un risque de concurrence.

- les obligations respectives des parties : elle soutient que le forfait de 9 % du montant annuel du loyer au titre des charges est exorbitant et injustifié, dans la mesure où il est payé sans aucune contrepartie, le bailleur n'engageant aucun frais au titre des réparations et de la valorisation du centre commercial. Elle en déduit la nécessité d'appliquer un abattement de 9 % de la valeur locative brute.

Elle ajoute que le bail met à sa charge des obligations, dont le bailleur a légalement la charge. Elle fait encore valoir que le bail stipule un droit de préemption pour le bailleur.

Elle en conclut que ces clauses, exorbitantes du droit commun, entraînent une diminution de la valeur locative.

- sur les facteurs locaux de commercialité : elle soutient que l'environnement n'est pas attractif et que les facteurs locaux de commercialité sont particulièrement défavorables pour le preneur : les locaux sont situés dans un quartier excentré, enclavé et mal desservi, l'immeuble s'est effondré en 2014, le quartier est très populaire et dépourvu de transports en commun, les abords ne sont pas entretenus, le centre souffrait au moment du renouvellement d'un taux de vacance de 33 %, la cellule voisine étant vide depuis plus de quatre ans et les locaux se trouvent isolés au sein d'un centre commercial vide de commerces.

- sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage : elle soutient que les références à d'autres centres commerciaux ne sont pas comparables et que l'importance de la superficie des locaux loués en comparaison à celle du fleuriste doit amener à une décote de l'ordre de 15 % de cette valeur. Elle conteste la possibilité de se fonder sur la seule base du local du fleuriste soutenant que la valeur locative doit intégrer la valeur locative du supermarché et faire l'objet d'abattements compte tenu des éléments qui précèdent.

Par ses dernières conclusions du 3 janvier 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la société Auchan Supermarché venant aux droits de la société Atac, demande à la cour :

- dire l'appel mal fondé,

- en débouter la société Coup d'Eclat ainsi que de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions

- confirmer le jugement, sous réserve de dire que les dépens auxquels a été condamnée la société Coup d'Eclat incluent les frais d'expertise, sinon la condamner à en supporter la charge,

Ajoutant au jugement entrepris :

- condamné la société Coup d'Eclat à lui payer la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- la condamner aux entiers frais et dépens d'appel.

En substance, elle soutient que le montant du loyer doit correspondre à la valeur locative, sauf si le preneur établit que la valeur locative est inférieure au montant de loyer plafonné, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Elle ajoute que le loyer tel qu'indexé par application d'une clause rétroactivement annulée, correspond à la valeur locative de marché

S'agissant de la surface, elle soutient qu'il n'existe aucune réserve déportée, et que l'affectation intérieure des locaux, loués en l'état de cellule brute de coffrage, dépend de la seule volonté du preneur. Elle demande la confirmation du jugement en application de la charte de l'expertise.

Sur la valeur locative, elle se réfère au rapport d'expertise, soutient que le magasin situé au sein du centre commercial Simply Market, lui-même composé d'un vaste magasin alimentaire, de trois boutiques ouvrant sur la face avant, auxquelles s'ajoutent une station-service et une station de lavage qui renforcent la commercialité et l'attractivité du site. Elle ajoute que les locaux loués bénéficient d'une situation favorable, disposant d'une double ouverture et d'un accès et qu'ils ont permis l'installation de toutes les activités prévues au bail.

Elle soutient que l'expert a pris en compte dans son chiffrage les éléments négatifs qui l'ont conduit à retenir un prix au mètre carré de 219 euros, alors que le fleuriste payait un loyer de 258 euros, et que les références prises dans les centres commerciaux voisins comparables se situent entre 310 et 400 euros le mètre carré.

Elle fait valoir les obligations pesant sur le preneur et soutient que les objections invoquées relèvent de la seule responsabilité du preneur. Elle conclut que le preneur ne peut invoquer l'état de vétusté des locaux loués alors qu'il en est le seul responsable par application des dispositions contractuelles.

S'agissant de l'état de vétusté du centre commercial, elle soutient principalement que l'expert en a tenu compte. Elle ajoute que le preneur a l'obligation d'effectuer les réparations nécessaires et de procéder aux aménagements nécessaires à son activité.

S'agissant de la destination des lieux, elle soutient que l'absence d'exclusivité constitue le droit commun en la matière et que tous les locataires du centre commercial sont soumis aux mêmes conditions, de sorte qu'il n'y a pas lieu à abattement.

S'agissant des obligations respectives des parties, elle soutient que l'autre locataire subit les mêmes charges, de sorte que la valeur de référence n'est pas impactée par ces clauses, que, compte tenu de leur modicité, les charges ne peuvent être considérées comme constituant une charge exorbitante du droit commun, que l'expert a ajouté que les clauses portant sur les honoraires de gestion et les grosses réparations de l'article 606 du Code civil ne pourront plus dorénavant s'appliquer pour le bail renouvelé et enfin que la disparition de la clause d'indexation constitue un avantage substantiel pour le preneur.

S'agissant des facteurs locaux de commercialité, elle fait valoir que de nombreuses constructions nouvelles ont sensiblement augmenté la commercialité du quartier en augmentant la zone de chalandise naturelle du centre commercial, qui constitue une amélioration de cette commercialité, quand bien même les logements sont à vocation sociale. Elle ajoute que l'absence d'entretien et la présence récurrente de personnes sans domicile fixe ont été prises en compte par l'expert, qu'elle intervient pour assurer l'entretien et écarter ces personnes et que certains désagréments n'ont pas changé depuis l'origine et ont été pris en compte dans la fixation de la valeur locative de base. Elle conteste toute valeur probante aux éléments relatifs à la baisse du chiffre d'affaires, et soutient qu'en tout état de cause, elle serait imputable à la société Coup d'Eclat qui ne fait pas d'efforts pour valoriser ses locaux et développer sa clientèle. Elle ajoute n'être tenue que d'une simple obligation de moyen concernant la commercialité du centre et que deux cellules sur trois ont été exploitées en permanence jusqu'à l'été 2019.

S'agissant du prix pratiqué dans le voisinage, elle se réfère, en substance, au rapport d'expertise

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 janvier 2022 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 24 janvier 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

Aux termes de l'article L. 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1. Les caractéristiques du local considéré ;

2. La destination des lieux ;

3. Les obligations respectives des parties ;

4. Les facteurs locaux de commercialité ;

5. Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

Selon l'article R.145-2 dudit code, ces éléments s'apprécient dans les conditions fixées par les articles R.145-3 et suivants, auxquels il convient de se référer.

En l'espèce, le litige porte sur la fixation du montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2016. Ne peuvent ainsi être pris en considération, pour le calcul du prix du bail renouvelé, que les éléments existant à la date du renouvellement.

Sur les caractéristiques du local :

Au-delà des caractéristiques relevées par l'expert et non contestées par les parties décrites dans son rapport, le locataire soutient que le tribunal aurait dû diminuer la valeur locative brute ou lui appliquer un abattement significatif en raison de caractéristiques extrêmement défavorables et tenant à l'existence, non contestée par le bailleur, et relevées par l'expert, de pièces aveugles sans ouverture sur l'extérieur, limitant leur utilisation commerciale, de l'absence d'isolement de la salle d'esthétique, induisant des nuisances sonores et du fait que la porte du réfectoire soit abîmée, ainsi que de l'existence de dégâts des eaux consécutifs à la vétusté du centre commercial.

Le bailleur réplique que l'expert en a tenu compte dans l'évaluation du prix au m2 de 219 euros par rapport au loyer payé par le fleuriste et aux références prises dans les centres commerciaux voisins et comparables.

Comme il sera indiqué plus bas, la valeur locative du local loué au fleuriste dans le même centre commercial servira de base à l'évaluation de la valeur locative du local loué à l'appelante, et l'expert a appliqué un abattement de 15 % compte tenu des facteurs énoncés dans son rapport et de la différence de surface louée par ces deux commerces.

S'agissant de l'existence de pièces aveugles, de l'absence d'isolement de la salle d'esthétique, induisant des nuisances sonores et du fait que la porte du réfectoire soit abîmée, non contestés par le bailleur et constatés par l'expert, celui-ci a justement relevé (p. 32 du rapport) qu'elles résultent de l'aménagement intérieur réalisé par le locataire et de l'usage qu'il en fait, étant rappelé que, comme le soutient le bailleur, les stipulations contractuelles applicables prévoient (article 7) que le bailleur livrera une 'coque brute 'brut de gros-oeuvre' conformément au cahier des charges et au plan annexé au bail', (article 8) que les travaux d'aménagement et de décoration intérieure du local seront exécutés par le preneur à ses frais, et (article 9) que celui-ci devra maintenir en bon état d'entretien les locaux loués. Il en résulte qu'il n'y a pas lieu à diminuer la valeur locative brute ou à lui appliquer un abattement supplémentaire à celui pratiqué par l'expert.

S'agissant des dégâts des eaux subis par le local commercial et la vétusté du centre commercial, les parties considèrent que l'expert a relevé plusieurs dégâts des eaux consécutifs à la vétusté du centre commercial.

Il résulte du rapport d'expertise que l'expert n'a pas tenu compte des dégâts des eaux survenus postérieurement à la date de renouvellement du bail, et ce à juste titre. La cour observe que le preneur ne fait état d'aucun dégât des eaux survenu avant cette date.

Le preneur fait valoir que, bien que postérieurs au renouvellement, les incidents de dégâts des eaux ne font que souligner l'état de vétusté avancée du centre commercial et des locaux, déjà présente au moment du renouvellement.

L'état de vétusté du centre commercial n'est pas contestée par le bailleur et dans leurs conclusions, les deux parties soutiennent que l'expert a relevé la vétusté du centre commercial, et en particulier de la toiture.

L'expert a précisé, sans être contredit, que le fleuriste subissait les mêmes gênes et nuisances environnantes. En outre, le preneur n'allègue ni ne démontre avoir subi de plus importantes nuisances dues à la vétusté ou l'absence d'entretien du centre commercial que ledit fleuriste, et ce à la date du renouvellement du bail le 1er avril 2016.

Dès lors, il convient de considérer que l'état de vétusté du centre commercial et son impact sur le local considéré a déjà été pris en compte au travers de la valeur locative proposée par l'expert. Il en résulte qu'il n'y a pas lieu à diminuer, de ce chef, la valeur locative brute ou à lui appliquer un abattement supplémentaire à celui pratiqué par l'expert.

En outre, l'invasion de cafards invoquée n'est pas démontrée.

Par ailleurs, le locataire soutient que les locaux ne sont pas correctement chauffés, que le système de chauffage est vétuste et énergivore, ce qui occasionne des factures prohibitives pour le locataire, d'autant plus importantes que les vitrines sont en simple vitrage.

S'agissant du système de chauffage, comme le soutient le bailleur, les locaux ont été livrés bruts de gros oeuvre et le preneur avait l'obligation d'aménager et d'entretenir son magasin.

Il peut être noté que l'expert ne fait mention du système de chauffage que pour indiquer que le laboratoire est équipé d'un système de chauffage électrique par plafond rayonnant.

La cour relève que le preneur ne démontre pas que l'installation d'un système de chauffage du local, ni de celui-ci en particulier, relève des obligations du bailleur.

S'agissant des vitrages, comme le soutient le bailleur, le contrat de bail prévoit que le preneur a l'obligation de remplacer à ses frais les vitrages qui pourraient recouvrir certaines parties des lieux loués, étant relevé que le bailleur admet que celui-ci n'a pas l'obligation d'assurer l'étanchéité extérieure du local. Il n'est cependant pas démontré que le fait que le local soit équipé de simples vitrages extérieurs et non de doubles vitrages constitue une caractéristique particulière du local devant conduire à la minoration de la valeur locative.

D'autre part, le preneur invoque les importants investissements qu'il a réalisés pour adapter les locaux à leur destination, et soutient qu'est erronée l'appréciation de l'expert selon laquelle les travaux portaient uniquement sur des aménagements intérieurs et l'achat d'équipements.

Cependant, comme l'a retenu justement l'expert, la facture Alsace Dépannage produite aux débats concerne des travaux situés dans un local qui n'est pas celui objet du présent litige, tandis que les autres factures produites portent sur des aménagements intérieurs, du mobilier et des équipements nécessaires à l'activité de coiffure exercée dans les lieux ou relevant du preneur, dès lors que les locaux ont été loués comme étant une 'coque brute 'brut de gros-oeuvre' conformément au cahier des charges et au plan annexé au bail, et que le preneur n'établit pas que les travaux qu'il a effectués relevaient de l'obligation de délivrance du bailleur.

Les caractéristiques du local ont ainsi été suffisamment prises en compte par l'expert dans l'appréciation de la valeur locative proposée.

- Sur la destination des lieux :

Comme l'a relevé l'expert, la destination des lieux est celle d'un salon de coiffure, de prestation d'esthétique et de soins à la personne.

Le bail soumet effectivement le preneur à un risque de concurrence, dans la mesure où le bailleur a la possibilité d'exploiter dans le supermarché toutes activités 'mêmes connexes et similaires à celle du preneur'.

Le preneur ne conteste cependant pas que l'autre locataire du centre était soumis à la même clause. Il n'y a ainsi pas lieu à effectuer un abattement à ce titre, par rapport à la référence utilisée qui est celle du fleuriste situé dans le même centre commercial.

- Sur les obligations respectives des parties :

Selon l'avenant du 15 février 1995, les charges communes dues par le preneur et payées par le biais de ce forfait, fixé à 2 % du loyer selon cet avenant, comprennent :

- les impôts afférents à l'ensemble immobilier, y compris l'impôt foncier,

- l'entretien et la réparation du gros-oeuvre du centre, même s'il s'agit des grosses réparations visées par l'article 606 du code civil,

- les frais d'eau, éclairage, chauffage des parties communes, y compris des installations,

- la rémunération et charges sociales éventuelles du personnel du centre ou des entreprises extérieures affectées à différentes tâches (entretien, gardiennage, sécurité, chauffage...),

- l'acquisition et le renouvellement du matériel et de l'outillage nécessaires à la gestion et à l'exploitation des parties communes,

- les primes d'assurances contractées par le bailleur en vue de couvrir les dommages matériels pouvant survenir à ses biens immobiliers et mobiliers et la responsabilité civile pour dommages causés aux tiers,

- les honoraires de gestion.

En sus, il prévoit que le preneur s'acquittera directement de toutes ses consommations personnelles d'eau, d'électricité et de téléphone.

L'avenant au bail du 26 avril 2007 prévoit le paiement par le preneur d'un forfait de 9 % du montant du loyer HT au titre des charges des parties communes du Centre commercial.

D'une part, le preneur soutient que ce forfait de 9 % du montant annuel du loyer, qui couvre des charges telles que l'entretien et la réparation du gros-oeuvre du centre, les frais d'eau, éclairage, chauffage des parties communes, ou encore l'acquisition et le renouvellement du matériel et de l'outillage nécessaires à la gestion et à l'exploitation des parties communes, alors qu'en sus, il doit s'acquitter directement de toutes ses consommations personnelles d'eau, d'électricité et de téléphone, est exorbitant et injustifié dans la mesure où il est payé sans contrepartie, le bailleur n'engageant aucun frais au titre des réparations et de la valorisation du centre commercial.

D'autre part, il soutient que le bailleur s'est déchargé des obligations dont il a légalement la charge en mettant à sa propre charge les obligations suivantes :

- entretien et réparation du gros-oeuvre du centre, même s'il s'agit des grosses réparations visées par l'article 606 du code civil,

- rémunération et charges sociales éventuelles du personnel du centre ou des entreprises extérieures affectées à différentes tâches (entretien, gardiennage, sécurité, chauffage...),

- primes d'assurances pour les polices contractées par le bailleur,

- honoraires de gestion.

- impôts afférents à l'ensemble immobilier, y compris l'impôt foncier,

Le bailleur réplique que l'autre locataire subit les mêmes charges, de sorte que la valeur de référence n'est pas impactée.

Cependant, si le contrat de bail du fleuriste prévoit aussi que le preneur est tenu des grosses réparations y compris celles de l'article 606 du code civil, y compris celles dues à la vétusté, le bailleur ne démontre pas que le contrat de bail du fleuriste mettait à la charge de ce dernier des obligations ou des charges relevant habituellement des obligations du bailleur.

De même, si le bailleur justifie que le fleuriste subit le même pourcentage de charges, à hauteur de 9 % du loyer, en produisant les factures trimestrielles du loyer le concernant de 2016, ainsi que de 2017, il ne démontre pas que ce forfait vise à payer les charges communes comme cela est le cas de l'appelante. Au demeurant, il peut être relevé que le contrat de bail du fleuriste que le bailleur produit aux débats (p.22) mentionne qu'au titre des charges locatives et d'entretien, le preneur réglera au bailleur un montant forfaitaire correspondant à 9 % du montant de loyer hors taxes.

Le bailleur soutient encore que cette somme de 9 % s'élève à 2 985,72 euros par an au 1er avril 2016, et ne peut, compte tenu de sa modicité, être considérée comme constituant une charge exorbitante du droit commun.

Cependant, ce forfait, en ce qu'il a vocation à participer au paiement des réparations et de la valorisation du centre commercial, met à la charge du locataire le paiement d'une somme sans contrepartie dans la mesure où le bailleur ne procède pas de manière correcte auxdites réparations et à ladite valorisation, ce qui résulte en grande partie de l'état de vétusté non contestée du centre commercial.

S'agissant des honoraires de gestion et des grosses réparations de l'article 606 du code civil que le contrat de bail mettait à la charge du preneur, le bailleur soutient, à juste titre, que de telles clauses ne pourront plus s'appliquer à compter du renouvellement du bail le 1er avril 2016.

Cependant, en ce que ces sommes sont incluses dans le forfait de 9 %, le preneur aura toutefois vocation à payer une participation à ce titre.

S'agissant de l'impôt foncier, les parties conviennent qu'il n'a jamais été refacturé au preneur. Cependant, comme le soutient le preneur, cela n'exclut pas que le bailleur soit susceptible d'en demander à tout moment le paiement au preneur. Toutefois, la cour relève que ce paiement ne pourra être demandé que dans la limite du forfait de 9 %.

En outre, les autres obligations précitées relèvent en principe du bailleur.

Ainsi, en ce qu'elle met, au moins en partie, à la charge du preneur les obligations précitées, cette clause prévoyant un tel forfait est de nature à conduire le preneur à supporter des charges sans aucune contrepartie, et conduit dès lors à lui faire supporter des obligations exorbitantes du droit commun.

Par ailleurs, le preneur fait encore valoir que le bail stipule un droit de préemption pour le bailleur. Cependant, il ne justifie pas en quoi une telle clause serait exorbitante du droit commun et devrait conduire à minorer la valeur locative.

De son côté, le bailleur invoque la disparition de la clause d'indexation, mais qui résulte d'une décision judiciaire de 2020, de sorte qu'elle ne peut pas être prise en compte au titre d'un avantage exorbitant au profit du preneur.

Il résulte de tout ce qui précède que la clause mettant à la charge du locataire des obligations exorbitantes du droit commun doit conduire à appliquer un abattement supplémentaire de 9 %.

- Les facteurs locaux de commercialité :

Le preneur ne démontre pas que soit erronée la description, précise et circonstanciée, des facteurs locaux de commercialité réalisée par l'expert.

S'il soutient que le quartier est excentré, enclavé et mal desservi et que la route de [Localité 5] rencontre d'importantes difficultés de circulation, il ne démontre pas que cette situation ait une incidence déterminante sur la commercialité du commerce exploité dans le local en cause.

En outre, l'expert a pris en considération l'existence de nouveaux immeubles, le rapport précisant les dates de construction et d'achèvement des nouveaux immeubles à proximité, sans qu'il en résulte qu'aient été pris en compte des immeubles qui n'auraient pas été achevés avant le renouvellement du bail. Il n'est pas non plus démontré que l'une des résidences évoquée par le preneur serait hors zone de chalandise, celle-ci étant située dans la même rue ; en outre, ce dernier est situé en face d'un supermarché sans qu'il soit soutenu que s'y trouve également un salon de coiffure. Enfin, le preneur n'explique pas en quoi le fait que les nouveaux immeubles soient essentiellement composés de logements sociaux permettrait de contredire l'affirmation pertinente de l'expert selon laquelle la densification et l'augmentation de la population sont générateurs de clients potentiels supplémentaires pour le salon exploité par le preneur.

Par ailleurs, l'expert a retenu que les abords du centre commercial ne sont pas particulièrement bien entretenus ni bien fréquentés depuis quelques années, apportant des précisions sur l'environnement extérieur du centre et indiquant qu'une cellule sur les trois que compte le centre commercial est vacante depuis 2014, tout en précisant cependant que le local occupé par le fleuriste subit les mêmes gênes et nuisances environnantes. De tels constats rejoignent les observations du preneur, étant relevé qu'il n'y a pas lieu de tenir compte du départ du fleuriste en 2019, cet événement se situant en dehors de la période à prendre en considération.

En tout état de cause, il n'est pas démontré que les facteurs locaux de commercialité auraient impacté le commerce de l'appelante différemment de celui du fleuriste installé dans le centre commercial, étant relevé que la pièce produite au soutien de l'allégation de l'appelante d'une baisse de son chiffre d'affaires n'est pas probante comme constituant un seul tableau dont l'auteur n'est pas connu, outre qu'elle ne permet pas de démontrer la cause de l'éventuelle baisse alléguée.

- Les prix couramment pratiqués dans le voisinage :

Les parties admettent que la valeur de référence utile doit être appréciée en fonction de la règle de l'unité économique autonome, s'agissant d'un local situé dans un centre commercial, sans qu'il y ait lieu de faire référence au marché locatif extérieur.

En l'espèce, l'expert a pris en considération la valeur locative du local loué au fleuriste, auquel il a appliqué une décote de 15 % pour tenir compte des facteurs relevés dans son rapport ainsi que de la surface plus importante du local loué à l'appelante.

Le preneur conteste toutefois que la valeur locative puisse se fonder exclusivement sur la base du seul local du fleuriste qui était exploité à côté du salon de coiffure au moment du renouvellement, et soutient qu'elle doit intégrer la valeur locative du supermarché, laquelle doit ensuite faire l'objet d'abattements.

Cependant, comme l'a pertinemment retenu l'expert, la valeur locative du supermarché ne peut être retenue au titre des comparatifs pertinents, et ce, eu égard, à la trop importante différence de surface, ce qui exclut une comparaison, ce d'autant qu'il n'est pas contesté que plus la surface développée est importante, plus les valeurs unitaires sont réduites.

Eu égard à la situation de l'espèce, au fait qu'un seul autre local commercial comparable était exploité dans le centre commercial, l'expert a pertinemment pris en considération la valeur locative dudit commerce, tout en y appliquant, en faveur de l'appelante, une décote de 15 %.

Compte tenu de l'abattement supplémentaire de 9 % précité, la valeur locative au m2 du local considéré sera fixée à la somme de 199,29 euros/m2.

- La surface des locaux :

Il résulte des conclusions du preneur qu'il admet que le local a une surface totale de 150 m2, mais il conteste la pondération de 1 retenue par l'expert, soutenant que seule la surface de vente peut se voir affecter d'un tel coefficient, tandis que les autres pièces (laboratoire, réfectoire et toilettes) doivent être pondérées en mètres carrés de réserve, de sorte que la surface totale pondérée du local serait de 134,39 m2.

Il n'est pas contesté qu'en l'espèce, les pièces précitées ne constituaient pas des réserves déportées.

Comme le soutient le bailleur, l'expert a fait application de la nouvelle méthode générale de pondération, approuvée par le Comité de la charte de l'expertise en évaluation immobilière et applicable à compter du 1er juillet 2015. La pièce 38 du bailleur corrobore le fait que seules les réserves déportées sont traitées en m2 de réserves et le preneur ne démontre pas l'inverse, les décisions de justice qu'il cite en ce sens étant afférentes à des baux renouvelés avant 2015.

La valeur locative au 1er avril 2016 s'élève ainsi à 29 893,50 euros HT par mois (199,20 euros/m2 x 150 m2).

Dès lors, infirmant le jugement, il convient de fixer le loyer renouvelé au 1er avril 2016 à la somme de 29 893,50 euros HT et hors charges par mois.

Sur les frais et dépens :

La société Coup d'Eclat, succombant pour l'essentiel, sera condamnée à supporter les dépens de première instance et d'appel, le jugement étant confirmé de ce chef.

Il sera rappelé qu'en application de l'article 695 du code de procédure civile, les dépens de première instance incluent les frais d'expertise judiciaire.

L'équité commande en revanche de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des parties, de sorte que le jugement ayant statué sur ce point sera infirmé et que leurs demandes seront rejetées.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement de la juridiction des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg du 14 octobre 2020, sauf en ce qu'il a condamné la SARL Coup d'Eclat aux dépens de première instance,

Le confirme de ce seul chef,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe le loyer renouvelé au 1er avril 2016 à la somme de 29 893,50 euros HT et hors charges par mois,

Rappelle que les dépens de première instance comprennent les frais d'expertise judiciaire,

Condamne la SARL Coup d'Eclat à supporter les dépens d'appel,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/03496
Date de la décision : 21/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-21;20.03496 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award