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21/09/2022 | FRANCE | N°19/00167

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 21 septembre 2022, 19/00167


MINUTE N° 452/22

























Copie exécutoire à



- Me Valérie PRIEUR



- Me Laurence FRICK





Le 21.09.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 21 Septembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/00167 - N° Portalis DBVW-V-B7D-G7EK



Décisio

n déférée à la Cour : 12 Juillet 2018 par le Tribunal de grande instance de STRASBOURG - 3ème chambre civile



APPELANT :



Monsieur [U] [W] [Adresse 1]



Représenté par Me Valérie PRIEUR, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale...

MINUTE N° 452/22

Copie exécutoire à

- Me Valérie PRIEUR

- Me Laurence FRICK

Le 21.09.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 21 Septembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/00167 - N° Portalis DBVW-V-B7D-G7EK

Décision déférée à la Cour : 12 Juillet 2018 par le Tribunal de grande instance de STRASBOURG - 3ème chambre civile

APPELANT :

Monsieur [U] [W] [Adresse 1]

Représenté par Me Valérie PRIEUR, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019002076 du 23/04/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

INTIMES :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

Madame [N] [E] [Adresse 3]

non représentée, assignée par procès-verbal 659 du CPC du 23.04.2019

Maître [H] [C] mandataire judiciaire de la SARL AU DELA DU FIL

[Adresse 4]

non représentée, assignée par voie d'huissier à personne morale le 23.04.2019

Monsieur [R] [G] Y [Adresse 5]

non représenté, assigné en l'étude d'huissier le 23.04.2019

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- rendu par défaut

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les assignations délivrées les 5 et 11 octobre 2016 par lesquelles la Caisse de Crédit Mutuel (CCM) Illkirch Graffenstaden, ci-après également dénommée 'le Crédit Mutuel' ou 'la banque', a fait citer Mme [N] [E], M. [U] [W], M. [R] [G] y [X] et la SARL AU DELA DU FIL, ci-après également dénommée 'la société', devant le tribunal de grande instance de Strasbourg,

Vu le jugement en date du 31 janvier 2017 par lequel a été ouverte une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL AU DELA DU FIL et le jugement du 26 septembre 2017 la convertissant en liquidation judiciaire,

Vu le jugement, réputé contradictoire, rendu le 12 juillet 2018, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal de grande instance de Strasbourg a :

- fixé la créance de la Caisse de Crédit Mutuel Illkirch Graffenstaden dans la procédure collective de la SARL AU DELA DU FIL, prise en la personne de Me [H] [C], ès qualités de mandataire judiciaire, aux montants suivants :

o 46 935,70 euros, avec intérêts aux taux de 13,369 % l'an à compter du 2 septembre 2016, au titre du compte courant 211 772 01,

o 24 266,84 euros, avec des intérêts au taux de 5,8 % et 0,5 % l'an au titre des cotisations d'assurance vie sur la somme principale de 23 115,76 euros et au taux légal pour le surplus, à compter du 2 septembre 2016 au titre du prêt 211 772 02,

o 2 658,25 euros, avec intérêts au taux de 4,75 % et 0,5 % l'an au titre des cotisations d'assurance vie sur la somme principale de 2.532,08 euros et au taux légal pour le surplus, à compter du 2 septembre 2016 au titre du prêt 211 772 03,

- condamné M. [U] [W] à payer à la banque la somme de 46 925,70 euros, avec un intérêt au taux de 13,369 % l'an à compter du 2 septembre 2016, au titre du compte courant 211 772 01, dans la limite de la somme de 62 400 euros en principal et intérêts,

- condamné, solidairement, Mme [N] [E] et M. [R] [G] y [X] à payer à la banque la somme de 24 266,84 euros, avec intérêts au taux de 5,8 % et 0,5 % l'an au titre des cotisations d'assurance vie sur la somme principale de 23 115,76 euros et au taux légal pour le surplus, à compter du 2 septembre 2016 au titre du prêt 211 772 02 expurgé des intérêts échus entre le 5 avril et le 11 août 2016, dans la limite de la somme de 6 000 euros chacun en principal et intérêts,

- condamné, solidairement, M. [U] [W] et Mme [N] [E] à payer à la banque la somme de 2 658,25 euros, avec intérêts au taux de 4,75 % et 0,5 % l'an au titre des cotisations d'assurance vie sur la somme principale de 2.532,08 euros et au taux légal pour le surplus, à compter du 2 septembre 2016 au titre du prêt 211 772 03, dans la limite de la somme de 6 480 euros chacun en principal et intérêts,

- condamné, solidairement, M. [U] [W], Mme [N] [E] et M. [R] [G] y [X] à payer à la banque la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure, ainsi qu'aux dépens,

- débouté M. [R] [G] y [X] de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

Vu la déclaration d'appel formée par M. [U] [W] contre ce jugement, et déposée le 21 décembre 2018,

Vu la constitution d'intimée de la Caisse de Crédit Mutuel Illkirch Graffenstaden en date du 23 janvier 2019,

Vu les assignations délivrées le 23 avril 2019 à Mme [E], selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, à M. [G] y [X], en l'étude de l'huissier, ainsi que de Me [C], ès qualités, assignée à personne morale, et qui n'ont pas constitué avocat,

Vu l'arrêt rendu par cette cour le 18 janvier 2021, ordonnant la réouverture des débats, la révocation de l'ordonnance de clôture du 24 juin 2020 et invitant les parties à conclure sur la recevabilité des demandes de M. [U] [W] en ce qu'elles concernaient la validité des engagements de la société Au-Delà du Fil,

Vu les dernières conclusions en date du 7 octobre 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [U] [W] demande à la cour de :

'DECLARER recevables les demandes de M. [W], y compris celles tendant à :

- l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fixé les créances de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN au passif de la procédure collective de la SARL AU DELA DU FIL au titre des concours financiers référencés 211 772 01, 211 772 02 et 211 772 03,

- voir prononcer la nullité des engagements souscrits à compter du 18 juin 2014 auprès de la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN par M. [W] ès qualité de gérant de la SARL AU DELA DU FIL ainsi qu'à titre personnel, à savoir :

o Le cautionnement tous engagements donné par M. [W] pour un montant de 14 400 € le 18 août 2014,

o Le contrat de prêt 211 772 03 de 5.400 € du 12 février 2015,

o Le cautionnement donné par M. [U] [W] le 12 février 2015 pour garantir le contrat de prêt 211 772 03 dans la limite de 6.480 euros couvrant le principal, les intérêts et pénalités,

o Le cautionnement tous engagements donné par M. [U] [W] pour un montant de 48.000 € le 12 mars 2015,

REJETER les fins de non-recevoir formées par la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN à cet égard,

DECLARER l'appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit :

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il :

- Fixe la créance de la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN dans la procédure collective de la SARL AU DELA DU FIL, prise en la personne de Maître [H] [C], ès qualité de mandataire judiciaire, aux montants suivants :

o 46.935,70 €, avec intérêts aux taux de 13,369 % l'an à compter du 2 septembre 2016, au titre du compte courant 211 772 01

o 24.266,84 €, avec des intérêts au taux de 5,8 % et 0,5 % l'an au titre des cotisations d'assurance vie sur la somme principale de 23.115,76 € et au taux légal pour le surplus, à compter du 2 septembre 2016 au titre du prêt 211 772 02 19/22

o 2.658,25 €, avec intérêts au taux de 4,75 % et 0,5 % l'an au titre des cotisations d'assurance vie sur la somme principale de 2.532,08 € et au taux légal pour le surplus, à compter du 2 septembre 2016 au titre du prêt 211 772 03

- Condamne M. [U] [W] à payer à la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN la somme de 46.925,70 €, avec un intérêt au taux de 13,369 % l'an à compter du 2 septembre 2016, au titre du compte courant 211 772 01, dans la limite de la somme de 62.400,00 € en principal et intérêts,

- Condamne M. [U] [W] et Mme [N] [E] solidairement à payer à la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN la somme de 2.658,25 €, avec intérêts au taux de 4,75 % et 0,5 % l'an au titre des cotisations d'assurance vie sur la somme principale de 2.532,08 € et au taux légal pour le surplus, à compter du 2 septembre 2016 au titre du prêt 211 772 03, dans la limite de la somme de 6.480,00 € chacun en principal et intérêts,

- Condamne M. [U] [W], Mme [N] [E] et M. [R] [G] Y [X] solidairement à payer à la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamne M. [U] [W], Mme [N] [E] Et M. [R] [G] Y [X] solidairement aux dépens,

Et, statuant à nouveau :

PRONONCER la nullité des engagements souscrits à compter du 18 juin 2014 auprès de la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN par M. [W] ès qualité de gérant de la SARL AU DELA DU FIL ainsi qu'à titre personnel, à savoir :

' Le cautionnement tous engagements donné par M. [W] le 18 août 2014 pour un montant de 14 400 €,

' Le prêt 211 772 03 de 5.400 € souscrit le 12 février 2015,

' L'acte de cautionnement du prêt du 12 février 2015 donné par M. [W] dans la limite de 6.480 euros couvrant le principal, les intérêts et pénalités,

'Le cautionnement tous engagements donné par M. [W] le 12 mars 2015 pour un montant de 48.000 €,

En conséquence :

DEBOUTER la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement :

CONSTATER le caractère manifestement disproportionné des actes de cautionnement souscrits par M. [W] au profit de la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN les 18 août 2014, 12 février 2015 et 12 mars 2015, tant au jour de leur signature qu'à ce jour,

DIRE ET JUGER que la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN ne saurait se prévaloir desdits actes de cautionnement,

DEBOUTER la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause :

DIRE ET JUGER que la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN a manqué à son devoir de mise en garde envers M. [W],

CONDAMNER la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN à verser à M. [W] la somme de 68 800 € à titre de dommages et intérêts,

PRONONCER la déchéance des intérêts de la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN à l'égard de M. [W],

DEBOUTER la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN à payer directement à Maître Valérie PRIEUR la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER la CAISSE DU CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris l'intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de l'arrêt à intervenir par voie d'huissier, et en particulier tous les droits de recouvrement ou d'encaissement visés par le Décret n° 2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice, sans exclusion des droits de recouvrement ou d'encaissement à la charge du créancier.'

et ce, en invoquant, notamment :

- son droit à poursuivre la nullité de l'intégralité des contrats contestés à son égard, bien que certains d'entre eux aient été souscrits par la société et, en conséquence, la décharge de ses obligations en tant que caution, ce qui resterait valable même si la cour devait considérer qu'il n'était pas fondé à poursuivre l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé la créance du Crédit Mutuel au titre des actes nuls au passif de la SARL Au-Delà-Du-Fil puisque celle-ci est en liquidation judiciaire et, de ce fait, représentée par son liquidateur, lequel n'a formé aucune demande dans le cadre de la présente procédure, seules les conséquences de la nullité étant éventuellement limitées à l'égard du concluant,

- la nullité de ses engagements de caution, du fait d'une erreur substantielle ou en l'absence d'engagement éclairé, dans la mesure où, à la suite d'un accident vasculaire cérébral, il n'était plus 'sain d'esprit' au sens de l'article 414-1 du code civil, et ne disposait plus de l'ensemble des facultés cognitives lui permettant de conclure valablement des engagements excédant ses capacités financières, cet état de santé étant connu de la banque lors de ses différents engagements au second semestre 2014,

- la disproportion manifeste des actes de cautionnement, ses revenus ne lui permettant de faire face à aucun des deux engagements, en l'absence de patrimoine, ni lors de leur souscription, ni actuellement, alors qu'il a été expulsé courant 2016 parce qu'il ne pouvait plus payer son loyer depuis plusieurs mois, et au regard de la situation dégradée des sociétés dont il était associé,

- un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, l'établissement ne s'étant pas préalablement enquis de ses capacités financières et lui ayant accordé, en connaissance de cause, plusieurs concours alors que sa santé se dégradait,

- la déchéance de la banque de son droit aux intérêts, faute pour sa part d'avoir reçu la moindre information ;

Vu les dernières conclusions en date du 23 septembre 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la Caisse de Crédit Mutuel Illkirch Graffenstaden demande à la cour de :

'DECLARER irrecevables les demandes de monsieur [W] es-qualité de gérant de la SARL AU DELA DU FIL au titre de la nullité du prêt 211 772 03.

DECLARER irrecevable la demande d'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fixé les créances de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN au passif de la procédure collective de la SARL AU DELA DU FIL au titre des concours financiers référencés 211 772 01, 211 772 02 et 211 772 03.

DECLARER l'appel de monsieur [W] irrecevable respectivement mal fondé.

REJETER l'appel.

CONFIRMER le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

DEBOUTER Monsieur [W] de l'intégralité de ses fins et conclusions.

CONDAMNER Monsieur [W] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ILLKIRCH GRAFFENSTADEN la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

CONDAMNER Monsieur [W] aux entiers dépens de la première instance et d'appel.'

et ce, en invoquant, notamment :

- l'absence de qualité à agir de M. [W] en qualité de gérant de la société en liquidation, exclusivement représentée par son mandataire qui n'a pas constitué avocat, et partant l'irrecevabilité de l'appelant pour solliciter l'infirmation de la décision en ce qu'elle a fixé une créance de la concluante dans la procédure collective de la SARL Au-Delà du Fil, ce que M. [W] admettrait lui-même,

- l'absence de preuve, par la partie adverse, que M. [W] n'était pas en mesure de comprendre la nature et la portée des engagements de caution souscrits et par suite, qu'il n'était pas capable de contracter ou qu'il aurait commis une erreur essentielle, et en particulier l'absence de preuve des conséquences de son accident vasculaire cérébral sur ses capacités cognitives,

- l'absence de devoir de mettre en garde M. [W] contre un éventuel risque d'endettement lié au prêt pour des raisons médicales, au regard d'une situation qu'elle ne pouvait pas anticiper,

- l'absence de disproportion manifeste des cautionnements, à défaut de production de pièces justificatives de revenus,

- l'information annuelle de M. [W], conformément aux stipulations contractuelles, et, s'agissant du découvert en compte, la circonstance qu'en sa qualité de dirigeant, il recevait mensuellement les relevés bancaires du compte courant de sa société, outre le fait que si les contrats de prêt ont rencontré leurs premières échéances impayées à compter du mois d'avril 2016, les observations de M. [W], ne peuvent concerner que le seul prêt 211772 03 au titre duquel il a été destinataire d'un courrier d'information et de mise en demeure de la concluante en date du 11 août 2016 et qu'il n'est pas établi qu'une éventuelle suspension des échéances d'intérêts entre ces deux dates affecte le montant pour lequel il est poursuivi ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 20 octobre 2021,

Vu les débats à l'audience du 15 décembre 2021,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur les demandes visant la société Au-Delà du Fil en liquidation judiciaire et la validité des actes passés par son gérant :

Ainsi qu'il a été rappelé ci-avant, M. [W] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fixé les créances de la banque au passif de la procédure collective de la société au titre des concours financiers référencés 211 772 01, 211 772 02 et 211 772 03, et entend voir prononcer la nullité des engagements qu'il a souscrits à compter du 18 juin 2014 auprès du Crédit Mutuel en sa qualité de gérant de cette société.

Sur ce point, la cour rappelle également que par l'arrêt susvisé, elle a ordonné la réouverture des débats, relevant qu'avant tout examen au fond des prétentions de M. [W], se posait la question de sa qualité ou de son intérêt à agir pour le compte de la société Au-Delà du Fil, et ce alors que celle-ci, désormais en liquidation judiciaire, avait été attraite en la procédure en la personne de son mandataire liquidateur, lequel n'a pas constitué avocat.

À cet égard, M. [W] soutient être fondé à poursuivre la nullité de l'intégralité des contrats contestés à son égard, bien que certains d'entre eux aient été souscrits par la société et, en conséquence, la décharge de ses obligations en tant que caution, et ce même si la Cour devait considérer qu'il n'est pas fondé à poursuivre l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé la créance du Crédit Mutuel au titre des actes nuls au passif de la SARL Au-Delà-Du-Fil puisque celle-ci est en liquidation judiciaire et, de ce fait, représentée par son liquidateur, lequel n'a formé aucune demande dans le cadre de la présente procédure, seules les conséquences de la nullité étant alors éventuellement limitées à l'égard de M. [W].

Le Crédit Mutuel entend, pour sa part, faire valoir qu'à partir de l'ouverture de la procédure collective de la société, celle-ci était exclusivement représentée par son mandataire judiciaire, lequel a constitué avocat sans conclure devant le premier juge, et n'a pas constitué en appel, en conséquence de quoi les demandes formées par M. [W] en sa qualité de gérant de la société seraient irrecevables, que ce soit en ce qu'il poursuit l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de la concluante au passif de la société, mais aussi d'une façon plus générale dès lors qu'elles sont faites en cette qualité.

Sur ce, la cour observe que M. [W] entend, en réalité, voir reconnaître son droit en tant que caution à obtenir la décharge de ses obligations en contestant la validité de certains actes souscrits par la société ou par lui-même au nom de celle-ci.

Pour autant, dès lors que, comme il a été rappelé, la société fait l'objet d'une procédure collective depuis janvier 2017, au titre de laquelle son mandataire a été appelé en la cause, sans comparaître, à tout le moins à hauteur de cour, M. [W], en ce qu'il agit à titre personnel pour se préserver de l'incidence des actes pris à son égard, n'est pas recevable à remettre en cause la validité de ces engagements en ce qu'ils concernent la société elle-même, faute de qualité ou d'intérêt à agir au nom de cette dernière, ce qui implique que ses demandes tendant à voir rejeter les prétentions de la banque telles que dirigées contre la société seront déclarées irrecevables.

De surcroît, si M. [W], invoquant l'application de l'article 2313 du code civil, lequel dispose, en sa version applicable à la cause que 'la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ; Mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur', entend poursuivre la nullité de l'intégralité des contrats souscrits par la société, à son égard, pour obtenir la décharge de ses obligations en tant que caution, ce qui concerne plus particulièrement, au vu du dispositif des conclusions de l'appelant, le prêt 211 772 03 de 5 400 euros souscrit le 12 février 2015, il se prévaut, à ce titre, d'une nullité pour vice du consentement, et notamment pour erreur, et ce alors qu'est en cause une nullité relative affectant le consentement du débiteur principal, et qui, destinée à protéger ce dernier, relève d'une exception purement personnelle. Sa demande doit donc également être déclarée irrecevable à ce titre.

Pour le surplus des prétentions de l'appelant, s'agissant d'actes passés par M. [W] à titre personnel, il apparaît recevable à en invoquer la nullité, rien n'indiquant, contrairement à ce que soutient la banque, que ces actes seraient contestés par M. [W] en sa qualité de gérant de la société.

Sur les demandes relatives à la validité des engagements de caution souscrits par M. [W] :

M. [W] entend contester la validité des actes qu'il a passés à compter du 18 juin 2014 et plus particulièrement :

- le cautionnement tous engagements souscrit le 18 août 2014 pour un montant de 14 400 euros,

- le cautionnement consenti le 12 février 2015 pour garantir le contrat de prêt 211 772 03 dans la limite de 6 480 euros couvrant le principal, les intérêts et pénalités,

- le cautionnement tous engagements donné pour un montant de 48 000 euros le 12 mars 2015.

Il invoque une altération de ses facultés cognitives consécutive à un accident vasculaire cérébral (AVC), ne lui permettant plus de conclure valablement un contrat, compte tenu de capacités de mémorisation, d'apprentissage, de flexibilité mentale et d'attention soutenue réduites, dont la banque aurait eu connaissance lors de la signature des actes au second semestre 2014, des difficultés, notamment langagières devant perdurer en avril 2015, et des séquelles sur le plan cognitif persister en avril 2016, de sorte qu'il n'aurait pas été sain d'esprit ou à tout le moins aurait commis une erreur essentielle et n'aurait pu donner un consentement éclairé en signant les différents actes souscrits puisque ses capacités cognitives ne lui auraient pas permis de se rendre compte de la teneur de ses engagements, parfois sans rapport avec ses capacités financières.

Le Crédit Mutuel conteste que M. [W] ait été hors d'état de manifester sa volonté et de souscrire les engagements litigieux, bien que son AVC ait réduit ses facultés cognitives, le premier certificat médical produit par l'appelant ne démontrant que la réalité de cet AVC à l'exclusion de ses effets, tandis que les certificats ultérieurs concluaient qu'il était en mesure de poursuivre son activité professionnelle consistant en la gestion d'une entreprise et des fonctions de commercial, sans relever de troubles de la vigilance ou de l'attention.

La cour rappelle qu'en application des articles 1108 et 1109 du code civil, en leur version applicable à la cause, le consentement de la partie qui s'oblige est une condition essentielle de celle d'un contrat, la validité de ce consentement impliquant qu'il n'ait pas été donné que par erreur, extorqué par violence ou surpris par dol, l'article 414-1 du même code, en sa même version, ajoutant qu'il faut être sain d'esprit pour consentir valablement, ce dont

il résulte une nullité de l'acte pour existence d'un trouble mental au moment de sa souscription, ou à tout le moins durant la période à laquelle il a été passé sauf à la partie défenderesse, et en l'espèce à la banque, à établir l'existence d'un intervalle lucide au moment même de la conclusion de l'acte.

Dans les circonstances de l'espèce, il ressort des éléments médicaux versés aux débats par M. [W] que ce dernier a été hospitalisé jusqu'au 18 juin 2014, puis à nouveau à compter du 6 octobre 2014, et qu'un examen réalisé le 1er juillet 2014 identifie un 'AVC ischémique sylvien superficiel gauche avec discrets remaniements hémorragiques', le bilan réalisé le 14 novembre 2014 indiquant que la deuxième hospitalisation relève d'un contrôle à trois mois après un infarctus cérébral sylvien gauche. Ce bilan conclut à une aphasie encore importante, un ralentissement global modéré de la vitesse de traitement de l'information et une fatigabilité attentionnelle modérée, en cohérence avec la lésion cérébrale du patient, ajoutant que, dans ce contexte, les capacités d'apprentissage, de mémoire de travail, de flexibilité mentale, jusqu'à provoquer un blocage de plusieurs minutes sur une idée erronée, et d'attention soutenue restent réduites et les temps de réponse parfois lents. Si, malgré une aphasie de production encore importante, le discours reste cohérent et le patient ne perd pas le fil de ses idées, et s'il n'est pas noté de trouble exécutif majeur en tant que tel, il est relevé une certaine lenteur de traitement de l'information, en lien probable avec une mémoire de travail auditivo-verbale limitée, que révèle un échec pour restituer une série de 5 chiffres à l'endroit et 3 chiffres à l'envers.

Au regard de ces éléments, et si le bilan réalisé est intervenu postérieurement à la signature du premier engagement de caution de M. [W], en date du 18 août 2014, il apparaît que cet acte a été signé entre l'AVC lui-même et le bilan, lequel intervient dans un contexte d'évolution qualifié de favorable, et qu'il ressort globalement de cet avis médical, tel qu'il vient d'être détaillé que les capacités mentales de M. [W], sans remettre en cause la cohérence de son raisonnement, apparaissent tout de même altérées, dans un contexte d'aphasie persistante, et donc préalable au bilan et nécessairement liée à l'AVC, ayant une incidence sur ses capacités de concentration et de récupération, ainsi que de traitement de l'information, et même de jugement, de sorte que cette altération doit être considérée comme de nature à mettre en cause sa capacité à appréhender la connaissance du contenu et de la portée exacte des documents qu'il a signés, et partant à entacher la validité de son consentement.

En conséquence, et à défaut d'élément de nature à établir qu'il aurait eu, à cette occasion, une amélioration suffisamment notable de son état de santé, il convient de considérer que l'acte d'engagement souscrit le 18 août 2014 est nul pour vice de consentement.

Le bilan réalisé le 13 avril 2015 mentionne la persistance d'un ralentissement modéré du traitement de l'information, avec dans ce contexte, des capacités d'apprentissage, de mémoire de travail et de flexibilité mentale réduites. À ce titre, il est noté que ces difficultés n'empêchent pas la poursuite de son activité professionnelle mais occasionnent tout de même une certaine fatigue et une certaine impatience. Il est également noté une absence de perturbation de sa vigilance au point d'envisager une reprise de la conduite automobile, sous réserve, cependant, de l'aval d'un médecin assermenté. Nonobstant ces éléments plutôt favorables, il n'est cependant pas mentionné d'évolution majeure des capacités mentales de M. [W], dont la lenteur de l'apprentissage et du traitement de l'information reste notable, affectant toujours sa capacité d'apprentissage et sa mémoire de travail, au point qu'il perd le fil de son activité, tout en manquant de flexibilité mentale pour le retrouver, même s'il est noté que la quantité d'information finalement apprise et la consolidation de ces informations dans le temps sont normales. Concernant la mémoire de travail, il est plus particulièrement mentionné un empan chiffré réduit, ce qui signifie une capacité de mémorisation réduite à cet égard.

Dans ces conditions, la cour considère que, même dans un contexte de poursuite d'activité professionnelle possible et nonobstant la nature de cette activité, ainsi que le rappelle la banque, l'altération des capacités mentales de M. [W] reste suffisamment caractérisée pour considérer qu'en dépit de ses aptitudes en termes de mémorisation et de restitution à long terme, il n'était pas à même de mesurer le sens et la portée d'un engagement requérant des capacités de concentration, de raisonnement et de mémorisation au regard de son importance, de sorte que la nullité des deux actes de cautionnement conclus entre les deux bilans précités, le 12 février 2015 et le 12 mars 2015, doit également être retenue.

La nullité des engagements de caution en dates des 18 août 2014, 12 février et 12 mars 2015 étant retenue, M. [W] doit être déchargé de ses engagements à ce titre, en conséquence de quoi la CCM Illkirch Graffenstaden sera déboutée de ses demandes dirigées contre l'appelant, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner, pour le surplus, le caractère manifestement disproportionné de ses engagements ou sa demande en déchéance du droit aux intérêts du prêteur qui se trouvent privés d'objet.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par M. [W] à l'encontre de la CCM Illkirch Graffenstaden pour manquement à son devoir de mise en garde :

M. [W] sollicitant à ce titre l'indemnisation d'un préjudice correspondant au montant de ses engagements, alors qu'il est, par ailleurs, déchargé desdits engagements, cette demande sera donc rejetée en l'absence de préjudice subsistant pour l'appelant.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La CCM Illkirch Graffenstaden succombant pour l'essentiel sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre infirmation du jugement déféré sur cette question, en ce que M. [W] a été condamné solidairement avec les autres défendeurs, cette infirmation n'impliquant pas, pour autant, de condamner la banque, alors même que M. [W] était défaillant dans le cadre de la première instance.

L'équité commande en outre de mettre à la charge de la banque une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 1 500 euros au profit du conseil de M. [W], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de M. [W], et en infirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef, pour dire n'y avoir lieu à condamnation de M. [W] à ce titre.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 12 juillet 2018 par le tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il a :

- condamné M. [U] [W] à payer à la CCM Illkirch Graffenstaden la somme de 46 925,70 euros, avec un intérêt au taux de 13,369 % l'an à compter du 2 septembre 2016, au titre du compte courant 211 772 01, dans la limite de la somme de 62 400 euros en principal et intérêts,

- condamné M. [U] [W], solidairement avec Mme [N] [E], à payer à la CCM Illkirch Graffenstaden la somme de 2 658,25 euros, avec intérêts au taux de 4,75 % et 0,5 % l'an au titre des cotisations d'assurance vie sur la somme principale de 2.532,08 euros et au taux légal pour le surplus, à compter du 2 septembre 2016 au titre du prêt 211 772 03, dans la limite de la somme de 6 480 euros chacun en principal et intérêts,

- condamné M. [U] [W], solidairement avec Mme [N] [E] et M. [R] [G] y [X], à payer à la CCM Illkirch Graffenstaden la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure, ainsi qu'aux dépens,

Et statuant à nouveau de ces chefs de demande,

Déboute la Caisse de Crédit Mutuel Illkirch Graffenstaden de ses demandes en paiement dirigées contre M. [U] [W],

Dit que M. [U] [W] ne sera pas tenu des dépens de première instance solidairement avec Mme [N] [E] et M. [R] [G] y [X],

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

Déboute M. [U] [W] de sa demande en dommages-intérêts au titre du devoir de mise en garde,

Condamne la Caisse de Crédit Mutuel Illkirch Graffenstaden aux dépens de l'appel,

Condamne la Caisse de Crédit Mutuel Illkirch Graffenstaden à payer au profit de Me Valérie Prieur, avocat de M. [U] [W] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700, alinéa 2, du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la Caisse de Crédit Mutuel Illkirch Graffenstaden.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 19/00167
Date de la décision : 21/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-21;19.00167 ?
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