La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/09/2022 | FRANCE | N°21/00273

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 14 septembre 2022, 21/00273


MINUTE N° 432/22





























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- Me Laurence FRICK





Le 14.09.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 14 Septembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00273 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPAJ



Décision déférée à la Cour : 12 Novembre 2020 par la Troisième chambre civile du Tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTS :



Madame [I] [L] épouse [O]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Monsieur [Y] [O]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentés par Me Gu...

MINUTE N° 432/22

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Laurence FRICK

Le 14.09.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 14 Septembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00273 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPAJ

Décision déférée à la Cour : 12 Novembre 2020 par la Troisième chambre civile du Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTS :

Madame [I] [L] épouse [O]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Monsieur [Y] [O]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentés par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A. BANQUE CIC EST

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant offre préalable émise le 25 janvier 2007, acceptée le 6 février 2007, la banque Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine a consenti à M. [O] et Mme [L] épouse [O] deux prêts immobiliers pour l'acquisition de leur habitation, le premier d'un montant de 19 000 euros et le second, d'un montant de 147 157 euros.

Suivant offre préalable émise le 6 mars 2008, acceptée le 18 mars 2008, la banque CIC Est leur a consenti un prêt pour financer des travaux de leur habitation d'un montant de 34 851 euros.

Par acte d'huissier du 8 janvier 2016, ils ont assigné la société banque CIC Est en annulation, subsidiairement déchéance du droit aux intérêts conventionnels, et en dommages-intérêts.

Par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- déclaré irrecevable la demande de nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts présentée par M. et Mme [O], et donc sans objet la fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette action,

- déclaré irrecevables pour être prescrites les demandes en déchéance des intérêts,

- condamné M. et Mme [O] aux dépens,

- condamné solidairement M. et Mme [O] à payer à la société CIC Est la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,

- débouté les parties de l'ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions.

Le 22 décembre 2020, M. et Mme [O] en ont interjeté appel.

Le 27 janvier 2021, la société Banque CIC Est s'est constituée intimée.

Par leurs dernières conclusions du 1er octobre 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, M. et Mme [O] demandent à la cour de :

Statuant sur l'appel interjeté par les époux [O] à l'encontre du jugement rendu le 12 novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de STRASBOURG :

- juger qu'il a été bien appelé, et mal jugé.

- réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau sur les chefs de jugement critiqués,

1) En ce qui concerne le premier chef de jugement critiqué : l'irrecevabilité de leur action en nullité :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les époux [O] irrecevables à soulever la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts,

- statuant à nouveau, juger recevables et bien fondés les époux [O] à soulever la nullité de la clause de stipulation d'intérêt de leurs différents prêts,

2) En ce qui concerne le deuxième chef du jugement critiqué : l'irrecevabilité de leur action en déchéance des intérêts,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les époux [O] irrecevables leur action en déchéance des intérêts conventionnels,

- statuant à nouveau, juger que l'action des époux [O] n'est pas prescrite,

- en conséquence, juger recevables et bien fondés les époux [O] à soulever la déchéance des intérêts conventionnels,

3) Sur les manquements de la SA CIC Est :

- juger que le calcul des intérêts conventionnels des trois offres de prêt est erroné, l'établissement bancaire ayant utilisé l'année lombarde,

- constater que la SA CIC Est a manqué à son obligation d'information à l'égard des époux [O] en ne les informant pas de l'utilisation et de l'incidence de l'année lombarde sur leurs trois offres de prêt.

4) Sur les demandes des époux [O] :

- à titre principal, juger que le calcul des intérêts conventionnels des trois offres de prêt est erroné, l'établissement bancaire ayant utilisé l'année lombarde,

- en conséquence, prononcer la nullité de la clause de stipulation d'intérêt de leurs différents prêts,

- prononcer l'annulation des intérêts au taux contractuel desdits prêts,

- juger que les intérêts contractuels desdits prêts seront remplacés par les intérêts au taux légal en vigueur au moment de la découverte du calcul sur l'année lombarde en 2015, soit 0,93 %, et ce jusqu'à la fin du prêt,

- juger que les versements d'ores et déjà réalisés par les époux [O] seront imputés sur le capital desdits prêts,

- juger que la Banque CIC Est devra communiquer aux époux [O] un nouveau tableau d'amortissement tenant compte de la substitution des intérêts au taux légal de 0,93 %,

- à titre subsidiaire, prononcer la déchéance des intérêts des prêts souscrits par les époux [O],

- juger que les intérêts contractuels desdits prêts seront remplacés par les intérêts au taux légal en vigueur au moment de la découverte du calcul sur l'année lombarde en 2015, soit 0,93 %, et ce jusqu'à la fin du prêt,

- juger que les versements d'ores et déjà réalisés par les époux [O] seront imputés sur le capital desdits prêts,

- juger que la Banque CIC Est devra communiquer aux époux [O] un nouveau tableau d'amortissement tenant compte de la substitution des intérêts au taux légal de 0,93 %,

- En tout état de cause, condamner la Banque CIC Est à régler aux époux [O] les sommes suivantes, augmentées des intérêts au taux légal à compter de l'assignation :

- 10 000 euros au titre du préjudice moral,

- 3 000 euros au titre du préjudice financier

- rejeter l'ensemble des demandes de la SA Banque CIC Est,

- condamner la Banque CIC Est à régler aux époux [O] la somme de 3 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Banque CIC Est aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En substance, ils soutiennent, s'agissant de la recevabilité de l'action en nullité de la stipulation d'intérêt, que la sanction est bien la nullité et que l'ordonnance du 17 juillet 2019, qui n'est pas rétroactive, est postérieure aux offres de prêts immobiliers.

S'agissant de la recevabilité de l'action en déchéance des intérêts, ils soutiennent que le point de départ du délai de prescription court du jour où ils ont eu connaissance de l'erreur de calcul, c'est-à-dire lorsqu'ils ont été destinataires du premier rapport de M. [F] le 28 juillet 2014, soulignant de pas être juristes et n'avoir aucune compétence en mathématiques financières, M. [O] étant tatoueur et Mme [O] préparatrice en pharmacie, et qu'une simple lecture de l'acte de prêt ne leur permettait pas de découvrir que le prêt était calculé sur la base de l'année lombarde.

Sur le fond, ils soutiennent que le taux conventionnel, doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l'année civile dans tout acte de prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel et que le seul fait d'utiliser l'année lombarde pour calculer le taux conventionnel est sanctionné. Ils indiquent avoir soupçonné une anomalie dans le calcul des intérêts conventionnels et consulté M. [F], expert bancaire et financier, qui a constaté dans son second rapport que la banque n'avait jamais utilisé l'année civile pour le calcul des intérêts conventionnels, mais l'année lombarde.

S'agissant du manquement à l'obligation d'information, ils invoquent l'ancien article L.111-1 du code de la consommation et soutiennent que la banque ne les a jamais informés du mode de calcul utilisé et qu'ils l'ignoraient avant de faire appel à l'expert.

En réplique au moyen de la banque qui soutient une équivalence des calculs, ils soutiennent qu'il n'y a pas de stricte égalité financière entre les deux méthodes. Ils ajoutent que l'usage du mois normalisé prévu par l'annexe de l'article R.313-1 du code de la consommation n'est pas applicable aux crédits immobiliers, que ce texte a été pris en application de la directive n°98/7 du 16 février 1998 qui exclut de son champ d'application les crédits immobiliers et que dans l'article R.313-1 du code de la consommation, le seul endroit où il est fait référence à l'annexe est dans la partie concernant les autres crédits, définis par exclusion par rapport au crédit immobilier et au crédit professionnel.

En réplique au moyen de la banque qui soutient qu'une tolérance de la décimale doit être appliquée, ils soutiennent qu'il ne s'agit pas de sanctionner une erreur dans le calcul inférieur à la décimale, mais de sanctionner l'utilisation d'une méthode de calcul prohibée.

S'agissant de leurs demandes, ils indiquent être recevables et bien fondés à demander la nullité de la stipulation d'intérêt au taux contractuel, que pour ces prêts, la banque est déchue de son droit aux intérêts contractuels et qu'ils seront remplacés par le taux légal en vigueur au moment de la découverte de cette anomalie en 2015, soit 0,93 %, que les versements déjà réalisés seront imputés sur le capital des différents prêts. A titre subsidiaire, ils indiquent être recevables et bien fondés à demander la déchéance des intérêts et présentent les mêmes demandes.

Ils ajoutent avoir subi un préjudice moral, ayant été beaucoup perturbés par le fait que la banque n'a jamais voulu reconnaître ses erreurs, malgré plusieurs courriers, alors qu'elle a commis une faute lourde en leur faisant souscrire des prêts sur la base de 360 jours, la banque étant informée depuis 2005 des recommandations de la Commission des clauses abusives.

Ils invoquent en outre un préjudice financier, ayant dû recourir à l'expert.

Par ses dernières conclusions du 20 août 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la société Banque CIC Est demande à la cour de :

- déclarer l'appel mal fondé,

- rejeter l'appel,

- débouter les appelants de toutes leurs fins et prétentions,

- confirmer le jugement,

- condamner solidairement M. et Mme [O] à leur payer une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- condamner solidairement M. et Mme [O] aux entiers frais et dépens.

En substance, elle soutient l'irrecevabilité de l'action en nullité des stipulations d'intérêts, pour le motif retenu par le premier juge, à savoir que la sanction spéciale énoncée par l'article L.312-33 du code de la consommation alors en vigueur, écarte la sanction de la nullité, les deux sanctions étant incompatibles entre elles et la deuxième étant au surplus incompatible avec le droit communautaire. Elle invoque l'ordonnance du 17 juillet 2019 et la jurisprudence de la Cour de cassation ayant généralisé la sanction de la déchéance aux contrats conclus avant ladite ordonnance. Elle fait valoir que l'ordonnance du 17 juillet 2019 ne modifie aucune disposition légale antérieure, que la sanction du TEG a toujours été prétorienne et qu'il n'existe pas de droit à une jurisprudence immuable. Elle ajoute que la jurisprudence communautaire a toujours exigé des sanctions proportionnées.

Elle invoque la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts, soutenant que le point de départ se situe au jour où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaître les faits susceptibles de fonder son action, c'est-à-dire le jour où les faits ou éléments permettant de constater l'erreur étaient à sa disposition, car apparents, et que tel a toujours été le cas lorsqu'un élément de coût a été omis dans le calcul, que l'offre comporte les indications légales, ou lorsqu'une erreur de calcul a été commise et que le contrat permet de la constater.

En l'espèce, elle soutient que les tableaux d'amortissement permettent sans difficulté de vérifier que les intérêts inclus dans les mensualités sont calculés par application, sur le capital restant dû, du taux nominal annuel divisé par 12, donc sur la base d'une année civile. Elle soutient que le prétendu calcul des intérêts de chaque mois à raison d'intérêts annuels x30/360 (ou bien x 1/12) pouvait être facilement décelé au vu des offres et des tableaux d'amortissement joints, avec une simple règle de trois.

A titre subsidiaire, sur le fond, elle indique que, pour chacun des prêts, il n'existe qu'une erreur sur la première ligne du tableau d'amortissement, concernant les intérêts pour un mois incomplet, qui ont dû être calculés au nombre de jours au numérateur et non pas sur un mois de 365 jours/12 correspondant au mois normalisé, soit, pour chaque prêt, une différence, respective, de 20 centimes, 23 centimes et 28 centimes, mais conteste que l'erreur affecte le calcul de l'ensemble des intérêts.

Elle discute le rapport d'expertise produit et soutient qu'à l'exception de l'erreur affectant la première échéance, le calcul des intérêts est le même qu'ils soient calculés à raison des intérêts de l'année civile divisés par 12 (ce qui est la méthode exacte pour les prêts immobiliers) ou à raison du mois normalisé de 30,41666/365 jours comme le prévoit l'annexe de l'article R.313-1 ou encore à raison de 30/360 jours. Elle ajoute que les tableaux prévisionnels joints aux offres, qui ne comportent pas de premières échéances incomplètes, ont calculé les intérêts sur l'année civile.

Elle fait valoir, en outre, que les erreurs n'affectent que les tableaux d'amortissement définitifs, édités à posteriori après déblocage des prêts, soit sur un simple document d'exécution, de sorte que la sanction de l'article L.312-33 du code de la consommation ne s'applique pas.

Elle ajoute que les intérêts ne se calculent pas au nombre de jours, mais par application des mêmes périodes unitaires que pour le TAEG, et que l'erreur ne peut être sanctionnée que si son incidence sur le TEG est supérieure à 0,1 %.

Enfin, elle conteste que puisse être appliqué le taux légal au moment de la découverte de l'erreur, soutenant que le taux légal est fixé par la loi et varie.

Par ordonnance du 15 décembre 2021, la clôture de la procédure a été ordonnée et l'affaire renvoyée à l'audience du 24 janvier 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

En l'espèce, M. et Mme [O] soutiennent l'existence d'une erreur affectant le TEG mentionné dans les prêts souscrits, invoquant les offres de prêts immobiliers souscrits les 6 février 2007 et 6 mars 2008.

1. Sur l'action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnelle :

Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que l'inexactitude du taux effectif global mentionné dans une offre de prêt acceptée est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge.

Ainsi, la mention, dans l'offre de prêt, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile, est sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit aux intérêts, lorsque l'inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale.

En revanche, la nullité de la clause d'intérêts figurant dans l'offre de prêt, en cas d'inexactitude du taux effectif global, n'est pas légalement prévue à l'article L. 312-33, devenu L. 341-34 du code de la consommation (par ex. : 1re Civ., 6 juin 2018, pourvoi n° 17-16.300).

Ces dispositions étaient applicables lors de la souscription des offres de prêts immobiliers en l'espèce.

La solution est toujours d'actualité, étant observé que la jurisprudence a évolué uniquement lorsqu'est invoquée une irrégularité du TEG, non pas dans l'offre, mais dans le contrat de prêt. (Civ. 1ère 10 juin 2020, n°18-24.287 ; Com. 24 mars 2021, n°19-14.307 ; ou encore 1re Civ., 30 juin 2021, pourvoi n° 19-22.319 par exemple).

En l'espèce, le tribunal a jugé irrecevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, sans cependant retenir une cause d'irrecevabilité et la banque n'en invoque pas devant la cour.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré l'action irrecevable.

Statuant à nouveau, cette demande tendant à prononcer l'annulation de cette stipulation sera déclarée recevable. Cependant, elle sera rejetée, puisque l'irrégularité invoquée n'est pas sanctionnée par la nullité de la stipulation d'intérêt.

Il en sera de même des demandes subséquentes.

2. Sur l'action en déchéance du droit aux intérêts de la banque :

Sur la prescription de l'action :

Le délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels court du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant, dans l'offre de crédit immobilier, le taux effectif global.

Le délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts est de cinq ans en application de l'article L.110-4 du code de commerce, et, en application de l'article 2224 du code civil, son point de départ se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le calcul du taux effectif global.

Le délai de prescription ne peut ainsi courir à compter de l'acceptation de l'offre que si l'emprunteur était en mesure de déceler par lui-même, à la seule lecture de l'offre, l'erreur affectant le calcul du taux effectif global (cf. 1re Civ., 5 février 2020, pourvoi n° 18-20.565 ; 1re Civ., 7 octobre 2020, pourvoi n° 18-23.576 ; solution récemment réitérée : 1re Civ., 15 juin 2022, pourvoi n° 20-21.343).

En l'espèce, les emprunteurs soutiennent que le TEG mentionné dans les offres de prêt immobilier est erroné dès lors que les intérêts conventionnels ont été calculés sur la base de l'année lombarde, et non de l'année civile.

Ils soutiennent que l'utilisation de l'année lombarde n'était pas décelable par eux.

Ils produisent les rapports d'expertise privée suivants concluant à :

- rapport du 28 juillet 2014 : une erreur dans le calcul du TEG dans les offres de prêts pour les prêts de 19 000 euros (TEG invoqué de 3,851616 % au lieu du TEG mentionné de 3,720 %) et de 147 157 euros (TEG invoqué de 5,367486 % au lieu du TEG mentionné de 5,354 %) et de 34 851 euros (TEG invoqué de 5,843421 % au lieu du TEG mentionné de 5,834 %).

- rapport du 18 mars 2015 : une erreur dans le calcul des intérêts mentionnés dans le tableau d'amortissement pour la période du 1er au 10 mai 2007 pour les deux premiers prêts précités et du 1er au 5 mai 2008 pour le troisième prêt précité, résultant d'un calcul opéré par la banque sur l'année lombarde et non sur l'année civile, pour ces trois prêts,

- rapport du 28 juillet 2016 : une erreur dans le calcul des intérêts mentionnés dans le tableau d'amortissement pour toutes les échéances autres que la première, résultant d'un calcul opéré par la banque sur l'année lombarde et non sur l'année civile, pour ces trois prêts,

La banque réplique que le calcul des intérêts conventionnels de chaque mois à raison des intérêts annuels x 30/360 jours pouvait être facilement décelé au vu des offres et des tableaux d'amortissement joints.

Sur ce, compte tenu des moyens invoqués par les emprunteurs dans la présente instance uniquement fondée sur l'application de l'année lombarde au lieu de l'année civile, le premier rapport de l'expert, qui ne conclut pas à une telle irrégularité, est inopérant.

Dans les deux autres rapports, pour considérer que la banque a utilisé l'année lombarde pour calculer les intérêts mis en compte dans les tableaux d'amortissement, l'expert constate qu'ils correspondent à 30/360 des intérêts annuels calculés par l'application du taux d'intérêt annuel appliqué au capital restant dû après paiement de l'échéance précédente, et, s'agissant de la première échéance qui ne correspond pas à un mois complet, au prorata du nombre de jours de la première échéance/360.

A supposer qu'il résulte de cette opération mathématique que l'année lombarde ait été utilisée pour calculer les intérêts mis en compte dans les tableaux d'amortissement, les emprunteurs pouvaient également effectuer, eux-mêmes, une telle opération mathématique - et en tous les cas, ils ne démontrent pas avoir ignoré maîtriser ces règles simples de calcul -, et ainsi en déduire, comme ils le soutiennent à présent, que les intérêts auraient été calculés sur l'année lombarde, et ce dès la souscription de l'offre et la remise des tableaux d'amortissement mentionnant les intérêts mis en compte.

En effet, dès lors qu'ils connaissaient le montant du capital restant dû à chaque échéance, le taux d'intérêt appliqué, la période pour laquelle les intérêts étaient mis en compte, ainsi que leur montant, ils pouvaient aisément déterminer si un tel quotient de 30/360 avait été utilisé, et dès lors, invoquer comme ils le font à présent une irrégularité affectant le TEG mentionné dans l'offre de prêt.

Le point de départ du délai de prescription se situe donc au moment où ils ont eu connaissance des offres et des tableaux d'amortissement mentionnant ces éléments ainsi que le montant des intérêts au sein des échéances mensuelles.

Le tableau d'amortissement provisoire à titre indicatif était joint à l'offre de prêt, comme il résulte des courriers de transmission des offres et des termes mêmes des offres de prêt acceptées par les emprunteurs. Il n'est pas soutenu que les intérêts prélevés au titre des échéances de remboursement pendant la période d'amortissement du prêt étaient d'un montant différent de ceux mentionnés sur ledit tableau d'amortissement prévisionnel.

Dès lors, dès la réception des offres de prêt auxquelles était joint un tel tableau, les emprunteurs étaient en mesure de connaître le mode de calcul prétendument irrégulier du TEG mentionné dans les offres de prêt.

L'action, introduite plus de cinq ans après l'acceptation des offres de prêt, est dès lors prescrite en ce qu'elle est fondée sur l'irrégularité du TEG résultant du calcul de l'intérêt conventionnel sur l'année lombarde pendant la période d'amortissement du prêt.

En revanche, s'agissant des intérêts mis en compte au titre des mensualités dues pendant la période de franchise, qui s'est achevée, selon les prêts, en début ou en milieu de l'année 2008, ils figurent sur les tableaux d'amortissement définitifs.

La banque indique, sans être contredite, qu'elle a édité ces tableaux après le déblocage complet des prêts. Cependant, la date de transmission de ces tableaux aux emprunteurs ou de la date de connaissance des intérêts prélevés pendant cette période n'est pas connue, aucune des parties ne l'invoquant.

Dès lors, il n'est pas démontré que les emprunteurs ont eu connaissance des intérêts prélevés pendant ladite période de franchise et, dès lors, pu être en mesure de s'apercevoir de l'irrégularité invoquée plus de cinq ans avant d'introduire la présente action en justice.

L'action en déchéance du droit aux intérêts, en ce qu'elle est fondée sur l'irrégularité du TEG dans l'offre de prêt résultant du calcul invoqué de l'intérêt conventionnel sur l'année lombarde pendant la période de franchise du prêt est, dès lors, recevable.

Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts tirée de l'irrégularité du TEG dans l'offre de prêt résultant du calcul invoqué de l'intérêt conventionnel sur l'année lombarde pendant la période de franchise de chaque prêt :

La mention, dans l'offre de prêt, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts dans les termes de l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa rédaction applicable, lorsque l'inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale.

S'agissant des intérêts prélevés au titre de la première échéance, qui ne correspondait pas à une période mensuelle complète, l'expert relève dans son rapport du 18 mars 2015 qu'ils ont été calculés sur une année de 360 jours et la banque admet l'erreur de calcul. Cependant, les emprunteurs ne démontrent pas que ces différences, respectives, de 20 centimes, 23 centimes et 28 centimes, ont entraîné un écart de TEG pour chacun des prêts supérieur à une décimale.

S'agissant des intérêts prélevés au titre des autres échéances de la période de franchise, les emprunteurs ne démontrent pas qu'ils ont été calculés sur l'année lombarde. Non seulement les exemples pris par l'expert ne portent pas sur cette période, mais il résulte des tableaux d'amortissement produits que les intérêts des mensualités de la période de franchise ont été calculés sur l'année civile. En effet, ils correspondent à 1/12ème du taux d'intérêt annuel appliqué au capital dû, et ce en arrondissant le deuxième chiffre après la virgule à la baisse ou à la hausse selon que le troisième chiffre après la virgule soit inférieur ou supérieur à 5. Il sera précisé que le capital auquel est appliqué le taux d'intérêt était le même que celui du mois précédent, puisqu'il n'était pas, dans cette période de franchise, amorti partiellement par les précédentes mensualités, composées uniquement des intérêts et cotisations d'assurance. Dès lors, aucune irrégularité relative à l'application de l'année civile qui soit supérieure à une décimale n'est démontrée.

La demande sera dès lors rejetée, ainsi que les demandes subséquentes.

2. Sur la demande de dommages-intérêts :

Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016, que la mention, dans l'offre de prêt acceptée, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile, ne peut être sanctionnée que par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que ce calcul ait généré au détriment de l'emprunteur un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 précité. La seule sanction encourue par la banque est la déchéance totale ou partielle de son droit aux intérêts (1re Civ., 23 septembre 2020, pourvoi n° 19-16.130, voir aussi.1re Civ., 6 janvier 2021, pourvoi n° 18-25.865, 1re Civ., 9 décembre 2020, pourvoi n° 19-11.146).

En outre, M. et Mme [O] n'ont pas démontré que la banque avait 'fait souscrire des prêts sur la base de 360 jours' et le seul fait qu'une irrégularité dans le calcul des intérêts de la première mensualité, dite brisée, ait été constatée ne suffit pas à considérer que chaque prêt était, en son intégralité, soumis à l'année lombarde. De plus, ils ne démontrent pas avoir subi un préjudice moral résultant de la seule irrégularité de quelques centimes qui a été constatée.

Il résulte également de ce qui précède qu'ils ne démontrent pas qu'ils ont été contraints de recourir aux services d'un expert, et ce dès lors qu'ils pouvaient eux-mêmes, par une simple opération mathématique, vérifier si les intérêts mis en compte lors de chaque échéance avaient été calculés sur la base d'une année lombarde ou d'une année civile.

Dès lors, leur demande de dommages-intérêts sera rejetée.

3. Sur les frais et dépens :

M. et Mme [O] succombant, ils seront condamnés à supporter les dépens de première instance, le jugement étant confirmé de ce chef, et d'appel.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a statué sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile. Ils seront, en outre, condamnés à payer à la banque la somme de 2 000 euros de ce chef pour la procédure à hauteur d'appel et leur demande sera rejetée.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 12 novembre 2020, mais seulement en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable la demande de nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts présentée par M. et Mme [O], et donc sans objet la fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette action,

- déclaré irrecevables pour être prescrites les demandes en déchéance des intérêts, mais seulement en ce que ces demandes sont fondées sur l'irrégularité du TEG résultant de l'application invoquée du calcul de l'intérêt conventionnel sur l'année lombarde pendant la période de franchise de chacun des trois prêts ;

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Déclare recevable la demande tendant à prononcer l'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêt,

Rejette cette demande tendant à prononcer l'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêt,

Rejette, en conséquence, les demandes subséquentes tendant à juger que les intérêts contractuels des trois prêts seront remplacés par les intérêts au taux légal en vigueur au moment de la découverte du calcul sur l'année lombarde en 2015, soit 0,93 %, et ce jusqu'à la fin du prêt, à juger que les versements d'ores et déjà réalisés par M. et Mme [O] seront imputés sur le capital desdits prêts, et à juger que la Banque CIC Est devra communiquer à M. et Mme [O] un nouveau tableau d'amortissement tenant compte de la substitution des intérêts au taux légal de 0,93 %,

Déclare recevable la demande de déchéance du droit aux intérêts de la société Banque CIC EST en ce que cette demande est fondée sur l'irrégularité du TEG résultant de l'application invoquée du calcul de l'intérêt conventionnel sur l'année lombarde pendant la période de franchise de chacun des trois prêts,

Rejette cette demande de déchéance du droit aux intérêts de la société Banque CIC EST en ce qu'elle est fondée sur l'irrégularité du TEG résultant de l'application invoquée du calcul de l'intérêt conventionnel sur l'année lombarde pendant la période de franchise de chacun des trois prêts,

Rejette en conséquence, les demandes subséquentes tendant à juger que les intérêts contractuels desdits prêts seront remplacés par les intérêts au taux légal en vigueur au moment de la découverte du calcul sur l'année lombarde en 2015, soit 0,93 %, et ce jusqu'à la fin du prêt, à juger que les versements d'ores et déjà réalisés par M. et Mme [O] seront imputés sur le capital desdits prêts, et à juger que la Banque CIC Est devra communiquer à M. et Mme [O] un nouveau tableau d'amortissement tenant compte de la substitution des intérêts au taux légal de 0,93 %,

Y ajoutant :

Rejette les demandes de dommages-intérêts présentées par M. et Mme [O],

Condamne M. et Mme [O] à supporter les dépens d'appel,

Condamne M. et Mme [O] à payer à la société Banque CIC EST la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de M. et Mme [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/00273
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;21.00273 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award