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14/09/2022 | FRANCE | N°20/03364

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 14 septembre 2022, 20/03364


MINUTE N° 418/22





























Copie exécutoire à



- Me Camille ROUSSEL



- Me Anne CROVISIER





Le 14.09.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 14 Septembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/03364 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNZW

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Décision déférée à la Cour : 25 Septembre 2020 par la Première chambre civile du Tribunal judiciaire de MULHOUSE



APPELANTS :



Monsieur [M] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Madame [C] [K] épouse [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentés par Me Camille ...

MINUTE N° 418/22

Copie exécutoire à

- Me Camille ROUSSEL

- Me Anne CROVISIER

Le 14.09.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 14 Septembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/03364 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNZW

Décision déférée à la Cour : 25 Septembre 2020 par la Première chambre civile du Tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTS :

Monsieur [M] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Madame [C] [K] épouse [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me Camille ROUSSEL, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A. BANQUE KOLB

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

La SA Banque Kolb a consenti à M. [M] [L] et Mme [C] [L] née [K] (M. et Mme [L]) un prêt immobilier d'un montant de 270 000 euros, remboursable en 240 mensualités moyennant un taux d'intérêt de 4,15 % l'an, qui était garanti, notamment par le cautionnement de la société Crédit Logement.

Par lettre du 29 octobre 2015, la Banque Kolb a prononcé la déchéance du terme.

Par jugement du 17 octobre 2017, M. et Mme [L] ont été condamnés solidairement à rembourser à la société Crédit Logement les sommes qu'elle avait payées à la banque.

Par acte d'huissier de justice du 2 mars 2018, M. et Mme [L] ont assigné la banque en annulation de la déchéance du terme prononcée le 29 octobre 2015 et en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 25 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :

- déclaré irrecevable la prétention tendant à l'annulation de la déchéance du terme prononcée par la banque dans le prêt immobilier n°13259 02636 160580 (et non 160180) 1361,

- rejeté la demande d'indemnisation de 298 804,47 euros,

- rejeté la demande de garantie par la banque de toute condamnation de M. et Mme [L] au bénéfice de la société Crédit Logement aux termes du jugement du 17 octobre 2017 du tribunal de grande instance de Mulhouse,

- rejeté la demande d'indemnisation de 20 000 euros,

- condamné M. et Mme [L] à payer, in solidum, à la banque la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté leur demande à ce titre,

- condamné M. et Mme [L] in solidum aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le 13 novembre 2020, M. et Mme [L] ont, par voie électronique, interjeté appel de cette décision.

Le 1er décembre 2020, la SA Banque Kolb s'est constituée intimée.

Par leurs dernières conclusions du 8 novembre 2021, auxquels était joint un bordereau de communication de pièces, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, M. et Mme [L] demandent à la cour de :

- dire et juger l'appel recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

- dire et juger que la Banque Kolb a commis une faute dans l'exécution du contrat de prêt engageant sa responsabilité contractuelle à l'égard des époux [L],

- dire et juger que la déchéance du terme a été prononcée de manière irrégulière par la Banque Kolb,

- prononcer en conséquence l'annulation de la déchéance du terme,

- condamner la Banque Kolb à verser aux époux [L] la somme de :

- 283 703,53 euros en réparation du préjudice matériel et financier,

- 20 000 euros au titre du préjudice moral subi,

- débouter la Banque Kolb de ses entiers moyens, fins et conclusions,

- condamner la Banque Kolb à payer aux époux [L] un montant de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Banque Kolb aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

En substance, ils soutiennent, sur la recevabilité de la demande tendant à voir prononcer l'irrégularité de la déchéance du terme, que la présente instance concerne une action en responsabilité dirigée contre la Banque Kolb, qui n'a pas le même objet et n'oppose pas les mêmes parties, que l'action en paiement exercée contre la caution qui a donné lieu au jugement rendu le 17 octobre 2017. Ils en déduisent être recevables à faire valoir, dans le cadre de cette instance qui les oppose à la Banque Kolb, tout moyen tendant à voir constater l'engagement de la responsabilité contractuelle de cette dernière. Ils ajoutent qu'ils n'étaient pas tenus de mettre en cause la responsabilité de la banque dans l'instance concernant le Crédit Logement. Ils concluent qu'aucune autorité de la chose jugée du jugement du 17 octobre 2017 ne peut leur être opposée. Ils ajoutent, s'agissant du principe de concentration des moyens, être recevables à faire valoir, même en appel, tout nouveau moyen à l'appui de leurs prétentions.

Sur le fond, ils reprochent, d'abord, à la Banque Kolb d'avoir prononcé la déchéance du terme sans leur avoir adressé une mise en demeure préalable. Ils soutiennent que l'article 9.1 des conditions générales du contrat de prêt ne répond pas à l'exigence de clarté imposée par la jurisprudence, se contentant de viser une formalité juridique quelconque, sans expressément indiquer l'absence de mise en demeure, de sorte que la Banque Kolb devait leur adresser, avant toute déchéance du terme, une mise en demeure en précisant le délai dont ils disposaient pour y faire obstacle.

Ils font valoir que la lettre du 20 octobre 2015 ne vise pas la déchéance du terme, de sorte que celle-ci ne pouvait être prononcée le 29 octobre 2015, et que la lettre du 8 septembre 2015 ne peut être considérée comme une mise en demeure régulière préalable à la déchéance du terme, car elle vise l'échéance du mois de septembre 2015 et un impayé de 1 851,30 euros, sans prendre en compte le paiement de 1 172,87 euros et, en outre, la déchéance du terme a été prononcée pour des montants, soit payés, soit pour lesquels aucune mise en demeure n'a été adressée. Ils ajoutent avoir adressé par la voie de leur conseil, un chèque du montant visé dans le courrier du 20 octobre 2015, soit de 3 731,38 euros, le 13 novembre 2015, soit dans le délai de 30 jours visé par la banque dans son courrier du 20 octobre 2015. Ils précisent que le chèque a été retourné à leur conseil le 30 novembre 2015 au motif qu'il était tiré de la SARL Alsace Salle et que la banque ne leur a pas laissé la possibilité de régulariser la situation. Ils en déduisent la mauvaise foi de la banque dans l'exécution du contrat et la rupture unilatérale et brutale des relations contractuelles.

Ils reprochent, d'autre part, à la banque d'avoir adopté un comportement déloyal à leur égard, alors que leurs relations existaient depuis 2012. Ils ne contestent pas que des impayés ont existé d'août 2014 à février 2015 pris en charge par le Crédit Logement, mais que la Banque n'avait alors pas prononcé la déchéance du terme. Ils ajoutent que les parties avaient instauré de facto un remboursement différé de chaque mensualité. Ils reprochent, en outre, à la Banque Kolb d'avoir refusé le chèque qui lui était adressé le 13 novembre 2015 au motif qu'il était tiré de la SARL Alsace Salle, alors qu'elle avait déjà accepté des règlements de cette société et qu'elle ne pouvait refuser un tel chèque sans s'enquérir de l'existence d'un compte courant d'associé créditeur ouvert au nom des consorts [L] dans les livres de la société. Ils ajoutent que la Banque Kolb a refusé ce chèque car elle avait déjà prononcé la déchéance du terme et appelé le Crédit Logement en garantie. Ils soutiennent qu'elle a agi avec mauvaise foi en les empêchant de régulariser la situation et qu'elle a rompu de manière brutale le contrat.

Ils soutiennent que, du fait de la faute de la banque, ils sont fichés au FICP pendant cinq ans et ne peuvent retrouver un refinancement, qu'ils ont été condamnés à payer la somme de 259 693,71 euros outre intérêts et des frais au Crédit Logement qui a obtenu une décision de vente forcée immobilière, la procédure ayant fait l'objet d'un sursis à statuer puis d'un pourvoi immédiat.

Par ses dernières conclusions du 25 mai 2021, auxquels était joint un bordereau de communication de pièces, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la SA Banque Kolb demande à la cour de :

- déclarer l'appel mal fondé,

- en conséquence, confirmer le jugement,

- condamner les époux [L] in solidum à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers frais et dépens.

En substance, elle soutient l'irrecevabilité de la demande tendant à voir prononcer l'annulation de la déchéance du terme, en se référant à la motivation des premiers juges.

Elle soutient, d'une part, que le principe de concentration des moyens imposait aux époux [L] de présenter dès la procédure en paiement introduite à leur encontre par le Crédit Logement l'ensemble des moyens qu'ils estimaient de nature à faire échec à cette demande, et notamment la prétendue nullité de la déchéance du terme.

Elle ajoute que le principe de l'autorité de la chose jugée empêche que le litige tranché par le jugement du 17 octobre 2017 soit à nouveau réexaminé, le litige ayant le même objet et la même cause. Elle ajoute qu'ils recherchent vainement la responsabilité de la banque pour obtenir l'annulation de la déchéance du terme, dès lors que seuls des dommages-intérêts peuvent être alloués en cas de responsabilité civile, et qu'ils ne peuvent demander la condamnation de la banque, qui n'était pas partie à la procédure ayant donné lieu au jugement du 17 octobre 2017, à leur payer l'équivalent du montant des condamnations définitivement prononcées à leur encontre au profit du Crédit logement par ce jugement.

Elle soutient, en outre, qu'en vertu des dispositions du droit au procès équitable, prévu par les articles 14 du code de procédure civile et 6.1 de la CEDH, elle ne peut être condamnée à les garantir des condamnations définitivement prononcées à leur encontre dans une instance à laquelle elle n'était pas partie.

Invoquant les articles 1346-1 (ancien 1252) et 1346-5 du code civil, elle soutient que la subrogation du Crédit Logement leur avait été notifiée dans l'assignation délivrée le 16 mars 2016 ayant conduit au jugement du 17 octobre 2017, laquelle est intervenue avant l'engagement de la présente instance en 2018, de sorte que ladite subrogation leur est opposable.

Elle ajoute que les prétentions indemnitaires, fondées sur une prétendue nullité de la déchéance du terme, est une exception inhérente à la dette qu'ils auraient dû opposer au Crédit Logement et qu'il ne saurait être jugé différemment de la décision définitive du 17 octobre 2017.

Sur le fond, elle réplique que l'article 9 du contrat de prêt est clair et non équivoque, de sorte que la délivrance d'une mise en demeure préalablement au prononcé de la déchéance du terme n'était pas nécessaire.

Elle ajoute leur avoir adressé des mises en demeure restées sans effet. S'agissant du courrier du 20 octobre 2015, elle indique qu'il ne fait que les informer qu'à défaut de régularisation dans les trente jours, une inscription sera effectuée au FICP, qu'il ne s'agissait pas d'une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, et qu'il était expressément précisé que le délai imparti pour éviter ce fichage était indépendant des procédures que la banque se réservait le droit d'engager pour le recouvrement de sa créance.

Elle soutient avoir pu prononcer la déchéance du terme par lettre du 29 octobre 2015, ajoutant qu'avant l'incident de paiement dénoncé par lettre du 20 octobre 2015, le prêt avait déjà accusé des impayés et qu'elle leur avait à chaque fois indiqué qu'à défaut de régularisation, elle serait contrainte de prononcer la déchéance du terme, indiquant produire plus d'une dizaine de courriers réceptionnés par les époux [L], et notamment un courrier du 8 septembre 2015. Elle souligne que les époux [L] n'ayant pas respecté le délai imparti par ce dernier courrier, elle était en droit de prononcer la déchéance du terme. Elle conteste tout accord amiable qui aurait dérogé aux stipulations du contrat de prêt.

Elle ajoute que le chèque transmis le 13 novembre 2015 l'a été postérieurement au délai de 15 jours imparti pour régulariser les échéances par la lettre du 8 septembre 2015, et émanait d'une tierce personne, de sorte qu'en application des articles 1235 et suivants du code civil, elle était en droit de le refuser, à plus forte raison lorsque ce paiement lui ferait courir un risque, notamment pénal. Elle fait valoir que l'encaissement de ce chèque n'aurait eu aucun impact sur la situation résultant de la déchéance du terme déjà notifiée. Elle conteste avoir été bénéficiaire de virements précédents de la part de la société Alsace Salle et soutient que si le bénéficiaire d'un virement n'a pas la possibilité d'empêcher son arrivée, tel n'est pas le cas de l'encaissement d'un chèque qui peut être refusé. Elle conteste toute déloyauté, brutalité et précipitation.

Sur les demandes indemnitaires, elle soutient leur irrecevabilité, n'ayant pas été attraite à la procédure en paiement engagée par la société Crédit Logement, et leur caractère mal fondé, en l'absence de faute et de lien de causalité, soutenant que la déchéance du terme procède de la défaillance récurrente des emprunteurs dans le paiement des échéances mensuelles et que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Elle en déduit que même s'il était considéré que la déchéance du terme était irrégulière, les appelants ne peuvent prétendre être indemnisés de la totalité des sommes dont ils sont redevables envers le Crédit Logement.

Par ordonnance du 15 décembre 2021, la clôture de la procédure a été ordonnée et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 24 janvier 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. Sur la demande tendant à l'annulation de la déchéance du terme :

1.1. Sur sa recevabilité :

Il résulte de l'article 1355 du code civil que, s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime être de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.

En outre, l'autorité de la chose jugée suppose que la chose demandée soit la même et que la demande soit faite entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l'espèce, le jugement du 17 octobre 2017 a été rendu entre le Crédit Logement, caution subrogée dans les droits de la banque, et les emprunteurs. Certes, ils auraient pu invoquer, à l'égard du Crédit Logement, la nullité de la déchéance du terme pour faire obstacle à sa demande en paiement.

Cependant, par l'effet de la subrogation, la banque était étrangère à ce jugement. (1re Civ., 10 juillet 2014, pourvoi n° 13-12.380). En effet, par l'effet de la subrogation, c'est la caution qui succède aux droits du créancier et non le créancier qui succède aux droits de la caution. Le créancier ne peut pas être regardé comme étant une partie à l'instance concernant la caution et le débiteur.

Dès lors, la demande, dirigée contre la banque dans la présente instance, est recevable.

1.2. Sur le fond :

Si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l'espèce, aux termes de l'article 9.1 du contrat de prêt, 'le prêt (...) deviendra immédiatement et de plein droit exigible par anticipation, sans que le Prêteur ait à remplir une formalité judiciaire quelconque, sauf accord écrit de sa part, dans l'un des cas suivants : (...) À défaut d'exécution d'un seul des engagements pris par l'Emprunteur ou par la Caution dès lors que cet engagement était nécessaire à la prise de décision du Prêteur (...). Dans ces hypothèses, la défaillance de l'Emprunteur aura comme conséquence la déchéance du terme et l'exigibilité immédiate des sommes dues'.

Une telle clause ne dispense pas de manière expresse et non équivoque la banque d'adresser une mise en demeure préalable à la déchéance du terme.

De surcroît, il peut être relevé qu'une telle clause prévoit l'hypothèse de la mise en oeuvre de l'exigibilité anticipée, ainsi que celle du non-usage de cette faculté d'exigibilité, de sorte qu'une telle exigibilité est subordonnée à la manifestation de volonté de la banque. (1re Civ., 16 mai 2018, pourvoi n° 17-16.164).

En l'espèce, il peut, d'abord, être relevé qu'alors que M. et Mme [L] avaient été mis en demeure, par lettre du 6 août 2015, de payer la somme de 11 340,86 euros représentant le montant total des impayés, le paiement de l'échéance du 5 août 2015 d'un montant de 1 851,30 euros n'ayant pas été honoré, ils justifient du virement de la SARL Alsace Salle débité le 11 août 2015, de ladite somme de 11 340,86 euros.

Ensuite, la déchéance du terme a été notifiée par la banque à M. et Mme [L] par lettre recommandée avec avis de réception du 29 octobre 2015 que ces derniers ont chacun reçue le 30 octobre 2015. Cette lettre les mettait en demeure de payer la totalité des sommes restant dues, à savoir les échéances impayées d'un montant de 3 731,38 euros, outre le capital restant dû après déchéance du terme et l'indemnité contractuelle, les intérêts de retard étant mentionnés pour mémoire.

Préalablement, elle leur avait adressé une lettre recommandée avec avis de réception du 8 septembre 2015, reçue par M. et Mme [L] le 10 septembre 2015, par laquelle elle les informait de l'impayé de l'échéance du 5 septembre 2015 d'un montant de 1 851,30 euros et indiquait 'dès réception de la présente, nous vous prions de bien vouloir prendre toute disposition utile pour régulariser cet impayé et nous faire parvenir vos prochaines mensualités. A défaut de régularisation dans les 15 jours, nous serions dans l'obligation de faire jouer la clause d'exigibilité anticipée nous permettant de vous réclamer le remboursement immédiat de la totalité de la créance.'

M. et Mme [L] contestent que cette lettre puisse valoir mise en demeure préalable à la déchéance du terme, ne visant qu'un impayé de 1 851,30 euros sans prendre en compte le paiement de 1 172,87 euros.

S'ils justifient, après le virement de la somme précitée de 11 340,86 euros correspondant aux sommes dues au 6 août 2015, du virement de la SARL Alsace Salle, débité le 11 août 2015, de la somme de 1 172,87 euros, cette dernière somme ne pouvait pas suffire à apurer le solde de cette échéance d'un montant de 1 851,30 euros pour laquelle ils avaient été mis en demeure sous peine de déchéance du terme.

En tout état de cause, ils ne soutiennent, ni ne justifient que le solde de leur compte aurait permis de régulariser totalement l'impayé du mois de septembre avant le délai imparti de 15 jours.

La banque n'a pas, alors, tout de suite prononcé la déchéance du terme, mais leur a adressé une lettre du 20 octobre 2015 contenant mise en demeure de payer deux échéances impayées pour un montant de 3 731,38 euros, dans un délai de 30 jours, sous peine d'inscription au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.

Comme le soutiennent M. et Mme [L], cette lettre ne peut valoir mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, dans la mesure où elle ne la vise pas et n'impartit aucun délai de régularisation avant son prononcé.

Cette lettre n'indiquait pas non plus que la banque renonçait aux effets de la mise en demeure du 8 septembre 2015, précisant, au contraire, que 'nous attirons également votre attention sur le fait que le délai qui vous est imparti pour éviter l'inscription sur le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, est indépendant des procédures que notre établissement aura jugé nécessaire d'engager à votre encontre pour recouvrer sa créance'.

M. et Mme [L] ne sont donc pas fondés à soutenir qu'ils avaient légitimement pensé que le délai de 30 jours visait le délai qui leur était imparti pour régulariser la situation avant le prononcé de la déchéance du terme.

Par lettre de leur conseil du 13 novembre 2015, ils ont adressé à la banque un chèque, tiré par la SARL Alsace Salle, d'un montant de 3 731,38 euros.

La banque en a refusé le paiement. Si elle n'était pas fondée à le refuser au seul motif qu'il ne provenait pas des époux [L], il convient de constater que l'envoi de ce chèque est intervenu après le prononcé, le 29 octobre 2015, de la déchéance du terme du prêt par la banque.

Dès lors, ce paiement n'aurait pas pu permettre d'apurer les causes de la mise en demeure préalable à la déchéance du terme.

Dès lors que le 29 octobre 2015, les causes de la mise en demeure du 8 septembre 2015 n'avaient pas été intégralement payées bien au-delà du délai imparti, la banque était en droit de prononcer la déchéance du terme, et ce peu important que le montant de l'impayé mentionné par la lettre prononçant la déchéance du terme ne fusse pas exact, s'agissant d'une somme qui aurait déjà été payée pour partie le 11 août 2015 au titre de l'échéance de septembre 2015, ou, s'agissant, en sus du montant de l'impayé non contesté, de la mensualité du mois d'octobre 2015 n'ayant pas fait l'objet d'une nouvelle mise en demeure de payer.

La demande tendant à annuler la déchéance du terme sera donc rejetée.

2. Sur la demande de dommages-intérêts :

Il résulte de ce qui précède que la banque n'a pas rompu brutalement les relations contractuelles, dans la mesure où la déchéance du terme a été valablement prononcée après mise en demeure préalable leur impartissant un délai de 15 jours.

M. et Mme [L] invoquent également le comportement déloyal de la banque, soutenant que les parties avaient instauré de facto un remboursement différé de chaque mensualité, et qu'elle a retourné le chèque précité transmis par leur conseil, alors qu'elle avait jusque là accepté des règlements de ladite société.

Ils invoquent plusieurs lettres de mise en demeure de payer avant déchéance du terme, certaines pour des sommes plus élevées que celle ayant donné lieu au prononcé de la déchéance du terme.

Cependant, le fait, pour la banque, de ne pas prononcer la déchéance du terme en cas de non-respect de différentes mises en demeure, et ce même à de nombreuses reprises, ne suffit pas à considérer qu'elle avait accepté que les emprunteurs diffèrent toujours les paiements et ce, au-delà du délai imparti par la mise en demeure, ni qu'elle avait renoncé aux effets des mises en demeure qu'elle délivrait, telles celle du 8 septembre 2015, fût-elle émise pour un montant moindre.

En outre, les emprunteurs ne sont pas fondés à invoquer le fait que la banque avait accepté par le passé des règlements de la SARL Alsace Salle, dès lors qu'il s'agissait de virements émanant de cette société et qu'il n'est pas démontré qu'ils étaient destinés à la banque directement, celle-ci produisant au contraire un extrait de compte au nom de Mme [L] mentionnant le crédit du virement de 11 340,86 euros sur son compte le 14 août 2015.

Enfin, comme il a été dit, la remise du chèque a été refusée par la banque postérieurement au prononcé de la déchéance du terme, de sorte que l'éventuelle faute de la banque à ce titre n'a pas de lien de causalité avec la rupture du contrat de prêt.

Ils ne démontrent dès lors pas l'existence d'une faute de la banque ayant causé la rupture du contrat de prêt, et par voie de conséquence, les préjudices dont ils demandent réparation dans le cadre de la présente instance.

Ils ne justifient dès lors pas des conditions de l'engagement de la responsabilité de la banque.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté leur demande de 20 000 euros au titre du préjudice moral.

Une demande d'un montant différent de celui sollicitée en première instance étant formée au titre de la demande de dommages-intérêts réparant le préjudice matériel et financier, le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de 298 804,47 euros, et, statuant à nouveau, leur demande de condamnation de la banque à leur payer la somme de 283 703,53 euros en réparation du préjudice matériel et financier sera rejetée.

3. Sur les frais et dépens :

M. et Mme [L] succombant, ils seront condamnés à supporter les dépens de première instance, le jugement étant confirmé, et d'appel.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a statué sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, à hauteur de cour, l'équité commande de ne pas faire application de ces dispositions, de sorte que les demandes seront rejetées.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 25 septembre 2020, sauf en ce qu'il déclare irrecevable la prétention tendant à l'annulation de la déchéance du terme prononcée par la SA Banque Kolb dans le prêt immobilier n°13259 02636 160580 (et non 160180) 1361 et en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation de 298 804,47 euros,

L'infirme de ces chefs,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Déclare recevable la demande tendant à l'annulation de la déchéance du terme prononcée par la SA Banque Kolb dans le prêt immobilier n°13259 02636 160580 (et non 160180) 1361,

Rejette cette demande,

Rejette la demande tendant à la condamnation de la SA Banque Kolb à payer à M. et Mme [L] la somme de 283 703,53 euros en réparation du préjudice matériel et financier,

Y ajoutant :

Condamne M. et Mme [L] aux dépens d'appel,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/03364
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;20.03364 ?
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