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14/09/2022 | FRANCE | N°20/03260

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 14 septembre 2022, 20/03260


MINUTE N° 425/22





























Copie exécutoire à



- Me Raphaël REINS



- Me Thierry CAHN





Le 14.09.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 14 Septembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/03260 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNUJ

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Décision déférée à la Cour : 22 Juin 2020 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de MULHOUSE



APPELANT :



Monsieur [D] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Raphaël REINS, avocat à la Cour



INTIMEE :



S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE...

MINUTE N° 425/22

Copie exécutoire à

- Me Raphaël REINS

- Me Thierry CAHN

Le 14.09.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 14 Septembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/03260 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNUJ

Décision déférée à la Cour : 22 Juin 2020 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [D] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Raphaël REINS, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

La société Caisse d'Epargne et de prévoyance d'Alsace (la Caisse) a consenti à la SARL Les Archives, pour les besoins de son activité, un prêt professionnel d'un montant de 75'000 euros, garanti par le cautionnement solidaire de M. [K] dans la limite de 48'750 euros et d'une durée de 108 mois.

Par jugement du 25 novembre 2015, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Les Archives.

Par lettre du 8 janvier 2016, la Caisse a déclaré sa créance.

Par jugement du 24 mai 2017, un plan de redressement a été arrêté à l'égard de la société Les Archives pour une durée de 10 ans.

Après avoir, par lettre du 25 avril 2019, mis en demeure la caution de régler les sommes restant dues au titre du prêt, la Caisse l'a assignée en paiement.

Par jugement du 22 juin 2020, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :

- condamné M. [K] à payer à la SA Caisse d'Epargne et de prévoyance d'Alsace, aux droits de laquelle vient la SA Caisse d'Epargne et de prévoyance Grand Est Europe la somme de 28'726,53 euros, avec intérêts contractuels au taux de 6,60 % à compter du 26 avril 2019,

- ordonné, s'il y a lieu, la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,

- débouté M. [K] de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [K] aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le 4 novembre 2020, M. [K] a interjeté appel du jugement.

Le 7 janvier 2021, la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe (la Caisse) s'est constituée intimée.

Par ses dernières conclusions du 1er février 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, M. [K] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

- faire droit à l'ensemble de ses demandes, moyens et prétentions,

- déclarer les demandes de l'intimée irrecevables en tous cas mal fondées,

- débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes, moyens et prétentions, y compris s'agissant d'un éventuel appel incident,

Corrélativement,

- infirmer le jugement entrepris,

Et, statuant à nouveau,

- débouter la Caisse d'Epargne et de prévoyance Grand Est Europe de l'intégralité de ses fins, moyens et conclusions,

- condamner la Caisse d'Epargne et de prévoyance Grand Est Europe à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant la procédure de 1ère instance et 3 000 euros concernant la procédure d'appel,

- condamner la Caisse d'Epargne et de prévoyance Grand Est Europe aux entiers frais et dépens de 1ère instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions du 26 avril 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la SA Caisse d'Epargne et de prévoyance Grand Est Europe demande à la cour :

- rejeter l'appel,

- confirmer le jugement entrepris en toutes dispositions,

- condamner M. [K] aux entiers dépens d'appel, et au versement d'un montant de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Par ordonnance du 15 décembre 2021, la clôture de la procédure a été ordonnée et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 24 janvier 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. Sur le moyen pris du respect du plan et paiement de la créance :

M. [K] soutient, d'une part, que les dispositions du plan ont été respectées et que la créance est à ce jour soldée, et, d'autre part, que l'obligation de la caution n'est exigible qu'en cas de défaillance du débiteur principal, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il ajoute que la Caisse a accepté les propositions de Me [Y], notamment que son engagement de caution soit limité au montant des créances arrêtées dans le cadre du plan. Il soutient qu'en vertu des dispositions de l'article 2290 du Code civil et des échanges de courriels, son engagement devait être revu en rapport avec les abandons de créance consentis dans le cadre du plan. Il souligne que procéder d'une autre manière, viendrait faire peser sur lui 'un engagement disproportionné, notamment en raison du fait (qu'il) fait l'objet d'une perte de chance quant au fait de pouvoir rechercher en responsabilité le débiteur principal'.

La Caisse réplique avoir accepté un abandon partiel de la créance dans le cadre du plan de redressement, mais n'avoir jamais accepté de réduire l'engagement de caution de M. [K] au montant arrêté dans le cadre du plan.

Elle conteste avoir accepté les propositions de Maître [Y]. À cet égard, elle souligne que le courrier de l'administrateur du 21 novembre 2016 ne fait pas état d'une limitation de la caution et qu'elle n'a jamais validé les propositions du mail de l'administrateur du 25 février 2017, et que l'article L. 631-20 du code de commerce est particulièrement clair.

Elle ajoute que les montants versés et les sommes réclamées au titre de la caution ne dépassent pas le montant dû par la société Les Archives au titre du prêt, que le montant total de la créance a été admis et qu'il est tenu compte des sommes versées au titre du plan.

Sur ce,

La cour constate que la Caisse justifie qu'après avoir déclaré sa créance au titre du prêt de 75 000 euros n°9308663 notamment pour un montant de 55 460,47 euros au titre du capital dû à échoir, outre assurance-vie à échoir et intérêts, elle a été admise, au titre de cette créance de prêt, pour la somme de 61 922,40 euros à échoir, outre intérêts au taux contractuel et que l'avis de dépôt de l'état des créances a été publié au BODACC le 18 octobre 2016 (pièce 4).

Selon la pièce 8 de la Caisse, un versement d'un montant de 33 276,28 euros a été déduit, de sorte qu'imputé sur le capital de 55 460,47 euros et les intérêts ayant couru au 25 avril 2019, le total restant dû s'élève à 28 726,53 euros.

Ainsi, l'intégralité des sommes dues au titre du prêt n'a pas été payée. En revanche, ce versement correspond aux sommes que devait verser le débiteur principal dans le cadre du plan, le jugement du 24 mai 2017 arrêtant le plan de continuation prévoyant le remboursement selon les conditions négociées avec la Caisse d'Epargne des créances à échoir relatives aux prêts, et l'accord donné par courriel par la Caisse le 6 mars 2017 prévoyant, pour le prêt n°9308663, le règlement de 30 % du capital déclaré dès l'adoption du plan puis règlement de 30 % à N+1, et abandon du solde restant de 40 %.

Cependant, d'une part, M. [K] ne démontre pas que la Caisse avait accepté de limiter son engagement de caution et d'abandonner également à son égard le solde de la dette. Si une telle proposition avait été effectuée par Maître [Y] à la Caisse, cette dernière n'y a pas répondu favorablement, acceptant la restructuration de la dette du débiteur et précisant que 'les garanties (...) seront maintenues tel que prévu contractuellement'.

D'autre part, selon l'article L.631-20 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, applicable au plan de redressement : 'Par dérogation aux dispositions de l'article L. 626-11, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle (...) ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan.'

La caution ne peut ainsi se prévaloir des remises consenties par le créancier dans le cadre du plan de redressement au débiteur, contrairement à celles d'un plan de sauvegarde.

En revanche, en l'absence de déchéance du terme, la caution est tenue de la partie exigible de la dette cautionnée, conformément au terme convenu de son engagement, jusqu'à extinction de la dette garantie par le cautionnement, sous déduction des sommes payées en exécution du plan.

En l'espèce, la banque ne soutient ni ne démontre avoir prononcé la déchéance du terme du prêt, étant relevé qu'elle n'a été admise au passif du débiteur principal que pour une créance à échoir. Toutefois, il sera relevé que le tableau d'amortissement du prêt prévoyait son remboursement par mensualités de 1 032,04 euros jusqu'au 5 novembre 2020. Le prêt est dès lors actuellement à terme et toutes les sommes dues selon les modalités contractuelles sont donc échues.

Il en résulte que le montant restant dû au titre du prêt de 28 726,53 euros, outre intérêts contractuels au taux contractuel de 6,60 % à compter du 26 avril 2019 est exigible de la part de la caution.

2. Sur le moyen pris du manquement au devoir de mise en garde :

M. [K] soutient que, compte tenu des montants du passif déclaré, dont celui des créances déclarées par la Caisse, et de l'importance des engagements pris par la société Les Archives, la Caisse était soumise à un devoir de mise en garde à son égard en sa qualité de caution personne physique. Il fait valoir qu'elle ne l'a pas expressément mis en garde quant au risque de son engagement au regard des capacités financières de la société Les Archives, de sorte qu'il y a lieu de le libérer de ses engagements.

Il conteste être une caution avertie, soutenant que cette qualité ne peut se déduire de celle de dirigeant et que son seul diplôme est un CAP serveur.

La Caisse d'Epargne réplique que la banque ne doit pas mettre en garde la caution avertie, que M. [K] a été successivement associé majoritaire et gérant de plusieurs sociétés, et qu'en s'engageant, il connaissait déjà parfaitement le monde des affaires, de sorte qu'il ne peut prétendre être une caution non avertie.

Elle ajoute qu''en tout état de cause, il n'y avait pas de mise en garde particulière formulée sachant que le prêt en cause a été signé en 2013 et la caution de M. [K] était limitée, que le redressement judiciaire a été prononcé que le 25 novembre 2015 avec mise au point et adoption d'un plan de redressement.' Elle conclut qu'il ne peut être en aucun cas prétendu que l'affaire présentait des spécificités ou des risques particuliers

Sur ce,

La cour retient que, sans qu'il soit nécessaire de vérifier si M. [K] a, ou non, la qualité de caution avertie, les premiers juges ont, par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter, retenu que celui-ci ne démontre pas que son engagement de caution était inadapté à ses propres capacités financières, ni à celles de la société Les Archives et partant qu'il existait un risque d'endettement né de l'octroi du prêt consenti. Il sera ajouté à ces motifs que le seul montant du passif déclaré à la procédure collective du débiteur principal, y compris de la part de la Caisse, ne suffit pas à démontrer que, lors de la souscription du prêt litigieux, celui-ci était inadapté à la situation financière de ce débiteur principal.

Il ne démontre ainsi pas que la banque était tenue à un devoir de mise en garde à son égard.

3. Sur le moyen pris de l'application de l'article L. 341-4 du code de la consommation :

M. [K] soutient qu'aucune fiche de renseignement ne figure dans les annexes produites par la Caisse, que la banque a commis une faute en ne prenant pas la peine de se renseigner sur ses revenus et son taux d'endettement. Il ajoute que son engagement de caution est manifestement disproportionné à ses revenus et à son taux d'endettement à l'époque de sa signature, de sorte que le professionnel ne peut se prévaloir de son engagement.

La Caisse réplique que la fiche de solvabilité avait été remplie fin 2013 et que M. [K] en sa qualité de gérant gagnait alors 1 900 euros net par mois, outre 400 euros par mois au titre de ses revenus fonciers ou titres, et était engagé 'dans différentes opérations immobilières, soit avec des prêts, la valeur résiduelle était à chaque fois positive'. À titre subsidiaire, elle soutient qu'il faut également tenir compte de la situation de la caution lorsque l'engagement est mis à exécution et qu'aucune précision n'est fournie à cet égard.

Sur ce,

La cour rappelle qu'il appartient à la caution qui entend opposer au créancier la disproportion de son engagement par rapport à ses biens et revenus à la date de sa souscription, d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, M. [K] s'est engagé en qualité de caution, par acte du 19 octobre 2013, dans la limite de 48 750 euros.

Contrairement à ce qu'il soutient, la banque produit, en pièce 10, une 'fiche de solvabilité' signée le 4 octobre 2013. Il sera précisé que cette pièce est listée dans le bordereau de pièces du 26 avril 2021 de la Caisse qui a été transmis par voie électronique le même jour sans qu'aucune contestation relative à la communication des pièces visées n'ait été soulevée.

M. [K] n'invoque pas quelle était sa situation financière lors de la souscription du prêt, et ne fait notamment pas valoir les éléments déclarés dans la fiche de solvabilité.

Il ne réplique pas non plus aux conclusions précitées de la Caisse faisant état de sa situation financière.

Il convient d'en déduire qu'il ne démontre pas que, lors de son engagement, celui-ci était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

4. Sur la demande de délais de paiement :

Dans le corps de ses conclusions, M. [K] demande, à titre subsidiaire, à la cour de faire application de l'article L.622-28, alinéa 2, du code de commerce et de lui accorder des délais de paiement.

Cependant, la cour constate qu'outre le fait qu'il ait déjà bénéficié, de fait, de larges délais de paiement, il ne formule pas une telle demande de délais dans le dispositif de ses conclusions, de sorte que la cour n'en est pas saisie.

5. Sur les frais et dépens :

M. [K] succombant, il convient de le condamner à supporter les dépens de première instance, le jugement étant confirmé de ce chef, et d'appel, et de rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant au titre de la première instance, le jugement étant confirmé de ce chef, qu'au titre de l'instance d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Caisse, de sorte que sa demande sera rejetée.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 22 juin 2020,

Y ajoutant :

Condamne M. [K] à supporter les dépens d'appel,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/03260
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;20.03260 ?
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