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14/09/2022 | FRANCE | N°18/05589

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 14 septembre 2022, 18/05589


MINUTE N° 433/22

























Copie exécutoire à



- Me Laurence FRICK



- Me Ahlem RAMOUL -BENKHODJA





Le 14.09.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 14 Septembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 18/05589 - N° Portalis DBVW-V-B7C-G6H3



D

écision déférée à la Cour : 25 Octobre 2018 par la Première chambre civile du Tribunal de grande instance de STRASBOURG



APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :



CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 4] CONCORDE

prise en la personne de son représentant légal...

MINUTE N° 433/22

Copie exécutoire à

- Me Laurence FRICK

- Me Ahlem RAMOUL -BENKHODJA

Le 14.09.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 14 Septembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 18/05589 - N° Portalis DBVW-V-B7C-G6H3

Décision déférée à la Cour : 25 Octobre 2018 par la Première chambre civile du Tribunal de grande instance de STRASBOURG

APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 4] CONCORDE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

INTIMES - APPELANTS INCIDEMMENT :

Madame [Z] [D] Mme [D] veuve [B]

[Adresse 1]

Représentée par Me Ahlem RAMOUL-BENKHODJA, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019001751 du 23/04/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

Madame [X] [J] [B] [Adresse 1]

Représentée par Me Ahlem RAMOUL-BENKHODJA, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019001753 du 23/04/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

Monsieur [R] [B] [Adresse 1]

Représenté par Me Ahlem RAMOUL-BENKHODJA, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019001752 du 23/04/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

Monsieur [C] [B] représenté par Mme [Z] [D] veuve [B]

[Adresse 1]

Représenté par Me Ahlem RAMOUL-BENKHODJA, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019001754 du 23/04/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

APPELEE EN INTERVENTION FORCEE :

Madame [L] [B] divorcée [O]

[Adresse 3]

non représentée, assignée par P.V. 659 du CPC le 26.02.2019

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- rendu par défaut

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'acte d'huissier délivré le 8 décembre 2017, par lequel Mme [Z] [D], veuve [B], agissant en son nom propre et en qualité de représentant civil de ses enfants, alors tous mineurs, Mme [X] [J] [B], M. [R] [B] et M. [C] [B], ci-après également dénommés 'les consorts [B]', ont fait assigner la Caisse de Crédit Mutuel (CCM) [Localité 4] Concorde, ci-après également 'le Crédit Mutuel' ou 'la banque', devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins, notamment, de condamnation à leur payer la somme de 35 350 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2005, ainsi que d'indemnisation de préjudices moraux,

Vu le jugement rendu le 25 octobre 2018, par lequel le tribunal de grande instance de Strasbourg a :

- déclaré recevables les demandes formées par Mme [Z] [D], veuve [B] en son nom propre et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs,

- condamné la banque à payer à Mme [Z] [D], veuve [B], à M. [R] [B], à M. [C] [B] et à Mme [X] [J] [B], la somme de 35 350 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2014, au titre de leurs préjudices matériels,

- débouté Mme [Z] [D], veuve [B] de sa demande d'indemnisation de son préjudice moral,

- débouté Mme [Z] [D], veuve [B] de sa demande d'indemnisation du préjudice moral de son fils mineur, [R] [B],

- débouté Mme [Z] [D], veuve [B] de sa demande d'indemnisation du préjudice moral de son fils mineur, [C] [B],

- débouté Mme [Z] [D], veuve [B] de sa demande d'indemnisation du préjudice moral de sa fille mineure, [X] [J] [B],

- débouté la banque du surplus de ses demandes,

- condamné la banque à verser aux demandeurs la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la banque de ses demandes à ce titre,

- condamné la banque à supporter les dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Vu la déclaration d'appel formée par la CCM [Localité 4] Concorde contre ce jugement, et déposée le 26 novembre 2018,

Vu la constitution d'intimée de Mme [Z] [D], épouse [B], Mme [X] [J] [B], M. [R] [B] et M. [C] [B], ces deux derniers alors mineurs, représentés civilement par leur mère, Mme [Z] [D], veuve [B], en date du 24 décembre 2018,

Vu l'arrêt rendu avant dire droit en date du 15 février 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits et de la procédure, et par lequel la cour de céans a :

- ordonné la réouverture des débats,

- révoqué l'ordonnance de clôture en date du 4 novembre 2020,

- invité les parties à conclure sur l'application au litige de l'article L. 133-34 du code monétaire et financier,

- renvoyé l'affaire à la mise en état,

- réservé les demandes au fond, les dépens et les demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions en date du 15 octobre 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la CCM [Localité 4] Concorde demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé,

- Infirmer le jugement du 25 octobre 2018 en toutes ses dispositions,

- déclarer irrecevable la demande de Mme [Z] [D] veuve [B], de Mme [X] [J] [B], de M. [R] [B] représenté par Mme [Z] [B], de M. [C] [B], représenté par Mme [Z] [B],

- débouter Mme [Z] [D] veuve [B], de Mme [X] [J] [B], de M. [R] [B] représenté par Mme [Z] [B], de M. [C] [B], représenté par Mme [Z] [B], de l'intégralité de leurs fins et conclusions,

À titre subsidiaire,

- déclarer recevable et bien fondé l'appel en intervention forcée de Mme [L] [B],

- dire y avoir lieu à partage de responsabilité pécuniaire entre la concluante et Mme [L] [B], sans solidarité possible entre la concluante et Mme [L] [B],

- appliquer le pourcentage de responsabilité ainsi retenu à l'indemnisation de Mme [Z] [D] veuve [B], de Mme [X] [J] [B], de M. [R] [B] représenté par Mme [Z] [B], de M. [C] [B], représenté par Mme [Z] [B], sans solidarité possible entre la concluante et Mme [L] [B],

- condamner Mme [L] [B] à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

Sur appel incident :

- déclarer l'appel incident mal fondé,

- débouter Mme [Z] [D] veuve [B], Mme [X] [J] [B], M. [R] [B] représenté par Mme [Z] [B], M. [C] [B] représenté par Mme [Z] [B] de leurs demandes,

En tout état de cause,

- condamner Mme [Z] [D] veuve [B], Mme [X] [J] [B], M. [R] [B] représenté par Mme [Z] [B], M. [C] [B], représenté par Mme [Z] [B], aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel,

- condamner in solidum Mme [Z] [D] veuve [B], Mme [X] [J] [B], M. [R] [B] représenté par Mme [Z] [B], M. [C] [B], représenté par Mme [Z] [B], à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et ce, en invoquant, notamment :

- l'irrecevabilité de la demande adverse, pour forclusion, par application des dispositions de

l'article L. 133-13 du code monétaire et financier, applicables aux ayants droit d'un utilisateur du service de paiement, le délai de 13 mois en résultant courant à compter du moment où Mme [Z] [B] a eu connaissance des faits susceptibles de fonder son action, soit du 29 mai 2006 et subsidiairement du 8 avril 2008, et ne pouvant être interrompu par une demande d'aide juridictionnelle, au demeurant caduque, faute d'introduction d'une instance dans l'année de la décision du bureau d'aide juridictionnelle, d'où par ailleurs, subsidiairement, acquisition de la prescription de droit commun,

- l'application de l'article L. 133-24 du CMF à la relation de compte entre M. [B], puis ses ayants droit, et la concluante, qui n'aurait eu aucune obligation d'actualisation ou d'information s'agissant d'un compte clôturé,

- l'autorité de chose jugée au pénal, qui a déclaré, sur l'action civile, Mme [L] [B] seule et entièrement responsable du préjudice subi, cette autorité s'imposant à tous,

- le mal fondé de la demande, en l'absence de faute commise par la concluante, qui n'avait pas été informée du retrait du mandat de Mme [L] [B], non expressément limité dans le temps par l'ordonnance initiale, la banque n'étant pas professionnel du droit mais du chiffre, et ne pouvant en deviner le caractère temporaire, au-delà du principe de non-ingérence du banquier dans les affaires de son client, et alors que Mme F. [B] était déjà intervenue de manière régulière avant le retrait litigieux pour le compte de son frère,

- subsidiairement, un partage de responsabilité à hauteur de 90 % pour Mme [L] [B] la situation trouvant son origine dans les agissements de cette dernière, dont les man'uvres auraient conduit la banque à remettre les fonds, d'où également demande de condamnation de l'intéressée à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre la concluante,

- l'absence de préjudice des consorts [B], déjà désintéressés, à ce titre, par le tribunal correctionnel, et subsidiairement, la prise en compte du partage de responsabilité, ainsi que l'absence de préjudice moral, tant de Mme [Z] [B], qui n'était pas héritière de son époux, que de ses enfants, dont le seul préjudice serait financier, résultant de la privation des fonds.

Vu les dernières conclusions en date du 16 septembre 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles Mme [Z] [D], épouse [B], Mme [X] [J] [B], M. [R] [B] et M. [C] [B], ce dernier mineur, représenté civilement par sa mère, Mme [Z] [D], veuve [B] demandent à la cour, sur l'appel principal, la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la banque à leur payer la somme de 35 350 euros augmenté des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2014 ; et sur appel incident, l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elles les a déboutés de leurs demandes d'indemnisation de leur préjudice moral, et statuant à nouveau, la condamnation de la banque à leur payer, chacun, la somme de 2 500 euros à ce titre, outre condamnation de l'appelante principale aux dépens, ainsi qu'à leur verser, par application de l'article 700, alinéa 2, du code de procédure civile, une indemnité de 4 000 euros,

et ce, en invoquant, notamment :

- l'absence de prescription ou de forclusion de leur action, le délai de prescription ayant été interrompu par deux décisions d'aide juridictionnelle, et les dispositions invoquées du CMF visant la forclusion n'étant applicables qu'aux utilisateurs du service de paiement, outre qu'elles n'auraient pas été applicables au moment des faits, la banque n'ayant, de surcroît ni actualisé sa convention de compte, ni informé les ayants droit de la modification de la législation,

- un manquement contractuel de la banque à ses obligations de prudence, de vigilance et de vérification, faute pour cette dernière de s'être assurée de la validité du mandat de Mme [L] [B], les fonds ayant été remis sur la foi d'une décision de sauvegarde judiciaire devenue caduque, et dont les effets avaient vocation à être limités dans le temps,

- un préjudice lié à la privation des fonds retirés, qui auraient permis à Mme [B] d'être moins inquiète quant à l'avenir matériel de ses enfants, leur scolarité et leur confort.

Vu l'appel en intervention de Mme [L] [B], divorcée [O], en date du 26 février 2019, selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, l'intéressée n'ayant pas constitué avocat,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 20 octobre 2021,

Vu les débats à l'audience du 22 novembre 2021,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la recevabilité des demandes des consorts [B] :

Sur la forclusion :

Le Crédit Mutuel oppose aux consorts [B] la forclusion de leurs demandes sur le fondement de l'article L. 133-24 du code monétaire et financier (CMF), applicable, selon elle, aux retraits d'espèce sur un compte de paiement, y compris au guichet d'une agence bancaire, les consorts [B] venant aux droits de M. [B] qui avait la qualité d'utilisateur de services de paiement au sens de la disposition précitée, et le délai de forclusion courant à compter de la date à laquelle Mme [Z] [B] aurait eu, en sa qualité d'héritière comme de représentante légale des enfants mineurs, connaissance de la remise de fonds litigieuse, soit dès le 29 mai 2006, ou au plus tard le 8 avril 2008. Elle conteste toute incidence du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle, postérieurement à l'expiration du délai de forclusion, et de surcroît caduque.

Concernant l'application temporelle des dispositions dont elle invoque le bénéfice, elle soutient que ce texte aurait vocation à s'appliquer à la relation de compte ayant existé entre elle-même et M. [B], puis ses héritiers.

Elle conteste enfin toute nécessité d'actualiser ses conditions générales et communiquer des informations complémentaires au titre de l'article 20 de l'ordonnance du 15 juillet 2009, le compte ayant été précédemment clôturé du fait du décès de son titulaire.

Pour leur part, les consorts [B] réfutent l'application les concernant de l'article L. 133-24 du CMF, faute d'avoir la qualité d'utilisateurs des services de paiement au moment des faits.

Ils ajoutent que cette disposition ne s'appliquerait pas aux faits de l'espèce, comme étant postérieure à ces derniers.

Ils reprochent, enfin, à la banque de n'avoir ni actualisé sa convention de compte qui l'a lié à eux en tant qu'ayants-droits de M. [B], ni de les avoir informés de la modification de la législation, comme celle-ci le prévoyait, ce qui la rendrait mal fondée à invoquer le délai de forclusion issu de cette disposition légale.

Sur ce, la cour rappelle que l'article L. 133-24 du code monétaire et financier, dispose, en sa version initiale issue de l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009, que 'L'utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion à moins que le prestataire de services de paiement ne lui ait pas fourni ou n'ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement conformément au chapitre IV du titre 1er du livre III.

Sauf dans les cas où l'utilisateur est une personne physique agissant pour des besoins non professionnels, les parties peuvent décider de déroger aux dispositions du présent article.'

L'article 19 de l'ordonnance précitée prévoit, notamment, que les dispositions de cette ordonnance s'appliquent aux conventions de compte de dépôt et aux conventions spécifiques qui leur sont ou non annexées, conclues avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, et que les clauses des conventions de compte de dépôt et des conventions spécifiques contraires aux dispositions de la présente ordonnance sont caduques à compter de la même date.

En outre, l'article 20 de cette ordonnance indique que 'Pour l'application du deuxième alinéa du I de l'article L. 312-1-1, lorsqu'un client ouvre un compte de dépôt après le 1er novembre 2009, les établissements de crédit ne disposant pas d'une convention de compte de dépôt actualisée conformément à la présente ordonnance sont tenus de communiquer à ce client, avant la conclusion de la convention de compte de dépôt, une information écrite portant sur les conséquences des nouvelles dispositions introduites par la présente ordonnance et précisant qu'elles s'appliquent immédiatement à la convention de compte de dépôt.

Les établissements de crédit ne disposant pas d'une convention de compte de dépôt actualisée conformément à la présente ordonnance sont en outre tenus de fournir cette information écrite avant le 1er décembre 2009 à leurs clients ayant ouvert un compte de dépôt avant le 1er novembre 2009.

Ils informent en outre avant le 31 mai 2010 leurs clients ne disposant pas d'une convention de compte de dépôt actualisée conformément à la présente ordonnance de la mise à leur disposition en agence, ou par tout autre moyen approprié, d'une convention de compte de dépôt actualisée et de la possibilité d'en recevoir un exemplaire sur support papier sur simple demande.

Les établissements de crédit sont tenus d'avoir mis les conventions de compte de dépôt de leurs clients et les conventions spécifiques qui leur sont ou non annexées en conformité avec la présente ordonnance avant le 31 mai 2010.'

Il résulte, en l'espèce, de l'application combinée des dispositions qui précèdent que, s'agissant d'un compte dont la banque invoque elle-même, pour voir écarter toute nécessité d'information ou d'actualisation, la clôture à la suite du décès de M. [B], et s'agissant d'un point de départ situé au plus tard, selon l'appelante, au 8 avril 2008, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la disposition invoquée, laquelle n'avait vocation à s'appliquer, aux termes de l'article 19 précité qu'aux conventions en cours, eussent-elles été conclues antérieurement à son entrée en vigueur, que l'application de l'article L. 133-24 du CMF aux circonstances de l'espèce doit être écartée, en conséquence de quoi l'action des consorts [B] ne sera pas déclarée irrecevable de ce chef.

Sur la prescription :

La banque fait, sur ce point, grief au jugement entrepris d'avoir retenu qu'une demande d'aide juridictionnelle assimilable à une demande en justice avait interrompu le délai de prescription, alors qu'une demande en justice qui est caduque, comme ce serait le cas en l'espèce de la première demande d'aide juridictionnelle introduite par les consorts [B], ne pourrait interrompre le cours de la prescription, tandis que la seconde demande d'aide juridictionnelle aurait été introduite alors que le délai de prescription était déjà acquis.

Quant aux consorts [B], ils se prévalent tant de la première décision d'aide juridictionnelle intervenue dans le délai de prescription et interruptive de celui-ci, que de la seconde, à nouveau interruptive, de sorte qu'ils approuvent les premiers juges d'avoir retenu que conformément à l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 l'assignation était intervenue dans le délai.

Cela étant, la cour rappelle qu'en application de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-1142 du 26 juillet 2007, et applicable à la première demande d'aide juridictionnelle, la demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de prescription et un nouveau délai de même durée court à compter de la date de son admission.

Par ailleurs, l'article 54 du même décret, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que la décision d'admission à l'aide juridictionnelle est caduque si, dans l'année de sa notification, la juridiction n'a pas été saisie de l'instance en vue de laquelle l'admission a été prononcée.

Cela étant, si une demande en justice dont la caducité a été constatée ne peut interrompre le cours de la prescription (voir 2e Civ., 21 mars 2019, pourvoi n° 17-31.502), la caducité d'une décision d'admission à l'aide juridictionnelle lorsque la juridiction n'a pas été saisie dans l'année de sa notification n'a d'effet qu'en ce qui concerne le bénéfice de l'aide juridictionnelle et n'a pas d'incidence sur l'interruption des délais résultant de l'aide juridictionnelle (2e Civ., 7 mai 2003, Bull 128, pourvoi n° 01-17.693 et, mutatis mutandis, 3e Civ., 7 janvier 2021, pourvoi n° 19-24.649).

Dans ces conditions, la cour estime que sur ce point, le premier juge a, par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, en retenant que l'assignation étant réputée être intervenue dans le délai de prescription, la fin de non-recevoir tirée de la prescription devait être rejetée.

Sur l'autorité de la chose jugée au pénal :

La CCM [Localité 4] Concorde entend rappeler que Mme [L] [B] a été déclarée seule et entièrement responsable du préjudice subi par la partie civile, selon le jugement rendu le 16 octobre 2008 par le tribunal correctionnel de Strasbourg, en invoquant l'autorité de la chose jugée de cette décision à l'égard de tous, y compris d'elle-même.

Les consorts [B], sans conclure spécifiquement sur ce point, font toutefois valoir que l'infraction commise par Mme [L] [B] condamnée par le tribunal correctionnel de Strasbourg, n'exonérerait pas la banque de sa responsabilité.

Sur ce, il convient de rappeler que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé. Pour autant, l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux éléments constitutifs de l'incrimination poursuivie et ne fait pas obstacle à ce que d'autres éléments étrangers à cette dernière soient soumis à l'appréciation de la juridiction civile.

Or, en l'espèce, la banque s'appuie non sur les constatations faites dans le cadre de l'action pénale au titre des éléments constitutifs de l'infraction ou de la culpabilité de Mme [L] [B], par ailleurs non remise en cause par les intimés, ou au titre de la base commune de l'action civile et de l'action pénale, mais sur des dispositions relatives à la seule action civile, et ce alors que l'action des consorts [B] devant les juridictions civiles concerne des parties distinctes de celles de l'instance pénale.

Il convient donc également d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée.

Sur la responsabilité contractuelle de la CCM [Localité 4] Concorde :

Sur le manquement contractuel :

Les consorts [B] reprochent à la banque d'avoir manqué à son obligation de 'surveillance, d'information et de discernement' en remettant des fonds à Mme [L] [B] sur la base d'une ordonnance de désignation d'un mandataire spécial devenue caduque au moment des faits, l'ordonnance ayant précisé que ses effets cesseraient avec la sauvegarde de justice, dont la durée était légalement limitée, sans que la banque ne se soit assurée de la validité du mandat, et ce alors que le montant important des fonds sur plusieurs comptes et une décision de justice ancienne aurait dû, à leur sens, attirer l'attention de la banque en ce qu'il ne pouvait s'agir d'un acte de gestion courante.

La banque entend répliquer qu'elle n'avait pas été informée de la limitation dans le temps du mandat confié à Mme [L] [B], qui ne figurait pas dans l'ordonnance de désignation, pas davantage qu'elle n'aurait été avisée, en particulier par Mme [Z] [B] qui en avait connaissance, d'une modification ultérieure, notamment de la transformation de la mesure en curatelle. Elle argue de sa qualité de professionnel du chiffre et non du droit, ajoutant encore que Mme [L] [B] avait déjà effectué dans le cadre de son mandat des opérations d'une certaine importance.

Pour autant, sur cette question, le premier juge a fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties pour la plupart repris en appel. À ces justes motifs que la cour approuve, il convient encore d'ajouter que la banque, fût-elle en premier lieu un professionnel du chiffre, et nonobstant le principe de non-ingérence dans les affaires de son client, se devait néanmoins, dans l'intérêt de ce dernier, d'être attentive à l'incidence d'une mesure de protection patrimoniale prise à l'égard de l'un de ses clients au regard de la portée de cette dernière quant aux modalités de réalisation des opérations réalisées pour son compte, ce qui impliquait une vigilance particulière quant aux conditions, notamment à la limitation dans le temps, de la mesure de sauvegarde de justice, et ce quand bien même elle n'aurait pas été expressément avisée de l'expiration de cette mesure, de son absence de renouvellement et de l'évolution du régime de protection de M. [U] [B].

Dès lors, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu l'existence d'une faute de la CCM [Localité 4] Concorde.

Sur le préjudice :

Les consorts [B] invoquent le préjudice subi du fait de la privation du bénéfice de la somme retirée par leur tante, Mme [L] [B].

Ils entendent, en outre, sur appel incident, solliciter l'indemnisation d'un préjudice moral lié à l'indisponibilité d'une somme qui aurait grandement facilité le quotidien de la famille, ajoutant n'avoir rien perçu à ce titre, la CIVI ayant rejeté leurs demandes et Mme [L] [B] ayant toujours été insolvable, bénéficiant des prestations sociales, Mme [Z] [B] ayant, en outre, toujours craint des représailles de cette dernière.

La banque a entendu appeler en intervention forcée Mme [L] [B], afin que soit opéré un partage de responsabilité, aux motifs que ce sont les man'uvres de cette dernière qui auraient décidé la banque à lui remettre les fonds, ces agissements impliquant un quantum minimal de 90 % de responsabilité à la charge de Mme [B], outre que, étant seule à l'origine des faits et ayant conservé les montants prélevés, elle devrait en tout état de cause être condamnée à garantir la concluante de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre. Concernant le préjudice lui-même, la banque fait valoir que les intimés auraient déjà été désintéressés au-delà du préjudice matériel subi, à la suite de la décision du tribunal correctionnel.

Concernant l'appel incident, elle conteste tout préjudice moral des héritiers mineurs, dont l'argent aurait été placé s'ils l'avaient perçu, ce qui ne pouvait induire qu'un préjudice financier, et de Mme [Z] [B] qui n'aurait pas la qualité d'héritière de son mari.

Sur ce, la cour entend rappeler que, si la banque entend rechercher un partage de responsabilité avec Mme [L] [B], les consorts [B] ont, comme l'a, d'ailleurs, fait observer la banque, déjà obtenu la condamnation de Mme [L] [B] au titre des faits qu'elle a commis à leur préjudice au titre de l'infraction pour laquelle elle a été condamnée, la question posée en l'espèce étant celle de l'étendue du préjudice causé par le manquement de la banque à ses obligations telles que rappelées ci-dessus, ayant conduit la banque à remettre à une personne non habilitée, au préjudice de M. [U] [B], dorénavant de ses ayants droit, la quasi totalité des fonds que l'établissement détenait pour le compte de M. [B].

Au vu des éléments dont dispose la cour, il en résulte que le montant du préjudice subi, du fait des agissements fautifs de la banque, peut être fixé à la somme de 7 070 euros correspondant à 20 % du montant de la somme indûment remise à Mme [L] [B].

La banque sera donc condamnée au paiement de cette somme, en infirmation de la décision entreprise, sans qu'il n'y ait lieu, pour le surplus, de faire droit à la demande formée par les consorts [B] au titre d'un préjudice moral dont le premier juge a relevé, par des motifs qu'il convient d'approuver, qu'il n'était pas suffisamment caractérisé, et ce, de surcroît, alors que les consorts [B] ont obtenu, en 2010, la condamnation pécuniaire de Mme [L] [B] dont ils indiquent eux-mêmes qu'ils n'ont pas poursuivi le recouvrement. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur cette question.

Sur l'appel en garantie :

Au regard des conclusions auxquelles est parvenue la cour quant à la responsabilité de la banque au regard du préjudice subi par les consorts [B], et dans la mesure où il a déjà été statué, par la juridiction pénale, sur l'indemnisation des consorts [B] par Mme [L] [B], et ce indépendamment de la faute commise distinctement par la banque, sa demande d'appel en garantie doit être rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Chaque partie succombant partiellement conservera la charge des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande en outre de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile, ou de son deuxième alinéa, à l'encontre de l'une ou l'autre des parties à l'instance d'appel, tout en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 25 octobre 2018 par le tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il a :

- condamné la CCM [Localité 4] Concorde à payer à Mme [Z] [D], veuve [B], à M. [R] [B], à M. [C] [B] et à Mme [X] [J] [B], la somme de 35 350 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2014, au titre de leurs préjudices matériels,

Et statuant à nouveau de ces chefs de demande,

Condamne la CCM [Localité 4] Concorde à payer à Mme [Z] [D], veuve [B], à M. [R] [B], à M. [C] [B] et à Mme [X] [J] [B], la somme de 7 070 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, au titre de leurs préjudices matériels,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

Déboute la CCM [Localité 4] Concorde de sa demande d'appel en garantie dirigée contre Mme [L] [B],

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de l'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions régissant l'aide juridictionnelle,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la CCM [Localité 4] Concorde,

Déboute Mme [Z] [D], veuve [B], Mme [X] [J] [B], M. [R] [B] et M. [C] [B] de leur demande d'application de l'article 700, alinéa 2, du code de procédure civile.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 18/05589
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;18.05589 ?
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