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07/09/2022 | FRANCE | N°20/00970

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 07 septembre 2022, 20/00970


MINUTE N° 415/22





























Copie exécutoire à



- Me Joseph WETZEL



- Me Thierry CAHN





Le 07.09.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 07 Septembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/00970 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJ2G



Décision déférée à la Cour : 31 Janvier 2020 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANT - INTIME INCIDEMMENT :



Monsieur [N] [E]

[Adresse 1]



Représenté par Me Joseph WETZEL, avocat à la Cour



INTIMEE - APPELANTE INCIDEMM...

MINUTE N° 415/22

Copie exécutoire à

- Me Joseph WETZEL

- Me Thierry CAHN

Le 07.09.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 07 Septembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/00970 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJ2G

Décision déférée à la Cour : 31 Janvier 2020 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANT - INTIME INCIDEMMENT :

Monsieur [N] [E]

[Adresse 1]

Représenté par Me Joseph WETZEL, avocat à la Cour

INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :

S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Thierry CAHN , avocat à la Cour

INTIME :

Monsieur [B] [F]

[Adresse 3]

non représenté, assigné par P.V. 659 du CPC le 09.06.2020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Novembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- par défaut

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les assignations délivrées le 3 mai 2016 par lesquelles la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, ci-après également dénommée 'la Banque Populaire' ou 'la banque' a fait citer M. [B] [F] et M. [N] [E] devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020 tribunal judiciaire, de Strasbourg,

Vu le jugement rendu le 31 janvier 2020, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- condamné solidairement Messieurs [M] [sic] [F] et [N] [E] à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne au titre du solde débiteur du compte courant, la somme principale de 46 578,79 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2016 ;

* dans la limite de 23 400 euros augmentée des intérêts légaux à compter de l'assignation pour M. [F],

* dans la limite de 18 200 euros augmentée des intérêts légaux à compter de l'assignation pour M. [E],

- condamné M. [M] [sic] [F] à payer à la Banque Populaire au titre du prêt 09229041 dans la limite de la somme de 12 745 euros augmentée des intérêts légaux à compter de l'assignation,

- la somme principale de 9 240,46 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de retard de 6 %1'an à compter du 23.03.2016 ;

- 1a somme de 103,34 euros au titre des intérêts échus,

- la somme de 3 907,37 euros au titre des indemnités forfaitaires augmentée des intérêts légaux à compter de l'assignation,

- condamné M. [N] [E] à payer à la Banque Populaire au titre du prêt 09229041 dans la limite de 10 428 euros augmentée des intérêts légaux à compter de l'assignation,

- la somme principale de 7 560,38 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de retard de 6 %1'an à compter du 23.03.2016,

- la somme de 87,01 euros au titre des intérêts échus,

- la somme de 3 907.32 euros au titre des indemnités forfaitaires augmentées des intérêts légaux à compter de l'assignation.

- condamné solidairement MM. [F] et [E] à payer à la Banque Populaire au titre du crédit mobilier la somme de 10 870,65 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 23.03.2016.

- donné acte à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne de ce qu'elle déduirait de la créance au titre du crédit bail, 1e prix de cession du véhicule en cas de restitution,

- condamné M. [F] dans la limite de 25 000 euros à payer à la banque au titre du prêt 08646733 :

- la somme principale de 22 727,43 euros augmentée des intérêts au taux conventionné de retard de 6.50 % 1'an à compter du 23.03.2016.

- la somme de 218,26 euros au titre des intérêts échus.

- la somme de 6 509,84 euros au titre des indemnités forfaitaires.

- constaté la disproportion manifeste du montant des engagements de M. [N] [E] au regard du prêt n° 08646733.

- déchu la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne du droit de se prévaloir de cet engagement, et l'a déboutée de sa demande à ce titre.

- dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts,

- dit n'y avoir lieu à paiement de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [F] et M. [E] solidairement aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Vu la déclaration d'appel formée par M. [N] [E] contre ce jugement, et déposée le 28 février 2020,

Vu la constitution d'intimée de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne en date du 17 mars 2020,

Vu l'assignation délivrée le 09 juin 2020 par M. [N] [E], selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, à M. [B] [F], qui n'a pas constitué avocat,

Vu la décision rendue le 17 mai 2021 par la présidente de chambre déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Colmar, sur saisine de M. [N] [E], ordonnant le sursis à exécution du jugement rendu le 31 janvier 2020 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg.

Vu les dernières conclusions en date du 29 juin 2021, auquel est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [N] [E] demande à la cour de :

'A TITRE LIMINAIRE,

CONSTATER que les écrits communiqués par la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ne respectent pas le formalisme imposé par l'article 954 du Code de procédure civile ;

En conséquence,

JUGER que la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne n'a pas conclu dans le délai qui lui était imparti ;

CONSTATER l'irrecevabilité de l'appel incident ;

DIRE ET JUGER que la demande de Monsieur [N] [E] est recevable et bien fondée,

INFIRMER le jugement du 31 janvier 2020 (R.G.16/01113) en ce qu'il :

Dit que 'la demande de Monsieur [E] tendant à voir la responsabilité de la BANQUE engagée pour manquement à ses devoirs de mise en garde doit être déclarée non fondée'

'CONDAMNE solidairement Messieurs [M] [F] et [N] [E] à payer à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE :

Au titre du solde débiteur du compte courant la somme principale de 46.578,79 € avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2016 :

- Dans la limite de 18.200 € augmentée des intérêts légaux à compter de l'assignation pour M. [E] ;

CONDAMNE M. [N] [E] à payer à la BANQUE POPULAIRE au titre du prêt 09229041 dans la limite de 10.428 € augmentée des intérêts légaux à compter de l'assignation :

- la somme principale de 7.560,38 € augmentée des intérêts au taux conventionnel de retard de 6 % l'an à compter du 23.03.2016 ;

- la somme de 87,01 € au titre des intérêts échus,

- la somme de 3.907,32 € au titre des indemnités forfaitaires augmentées des intérêts légaux à compter de l'assignation.

CONDAMNE solidairement Mrs [F] et [E] à payer à la BANQUE POPULAIRE au titre du crédit mobilier la somme de 10.870,65 € augmentée des intérêts légaux à compter du 23.03.2016.

CONDAMNE M. [F] et M. [E] solidairement aux dépens.

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement.'

ET STATUANT A NOUVEAU,

CONSTATER la disproportion manifeste du montant des engagements de Monsieur [E] souscrits pour des montants de 18.200 €, 13.212 € et 10.428 €

DECHOIR la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne du droit de se prévaloir des engagements de caution souscrits par Monsieur [E],

Sur la demande reconventionnelle,

DIRE ET JUGER que la demande de Monsieur [E] à titre reconventionnel est recevable et parfaitement fondée,

CONSTATER que l'intimée a manqué à son devoir de mise en garde,

En conséquence,

CONDAMNER la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à payer à Monsieur [E] la somme de 80.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

CONDAMNER la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à réparer intégralement le préjudice subi par Monsieur [E],

A TITRE PRINCIPAL,

DIRE ET JUGER que la demande de Monsieur [N] [E] est recevable et bien fondée,

INFIRMER le jugement du 31 janvier 2020 (R.G.16/01113) en ce qu'il :

Dit que 'la demande de Monsieur [E] tendant à voir la responsabilité de la BANQUE engagée pour manquement à ses devoirs de mise en garde doit être déclarée non fondée'

CONDAMNE solidairement Messieurs [M] [F] et [N] [E] à payer à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE :

Au titre du solde débiteur du compte courant la somme principale de 46.578,79 € avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2016 :

- Dans la limite de 18.200 € augmentée des intérêts légaux à compter de l'assignation pour M. [E] ;

CONDAMNE M. [N] [E] à payer à la BANQUE POPULAIRE au titre du prêt 09229041 dans la limite de 10.428 € augmentée des intérêts légaux à compter de l'assignation :

- la somme principale de 7.560,38 € augmentée des intérêts au taux conventionnel de retard de 6 % l'an à compter du 23.03.2016 ;

- la somme de 87,01 € au titre des intérêts échus,

- la somme de 3.907,32 € au titre des indemnités forfaitaires augmentées des intérêts légaux à compter de l'assignation.

CONDAMNE solidairement Mrs [F] et [E] à payer à la BANQUE POPULAIRE au titre du crédit mobilier la somme de 10.870,65 € augmentée des intérêts légaux à compter du 23.03.2016.

CONDAMNE M. [F] et M. [E] solidairement aux dépens.

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement.

CONSTATER la disproportion manifeste du montant des engagements de Monsieur [E] souscrits pour des montants de 18.200 €, 13.212 € et 10.428 €

DECHOIR la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne du droit de se prévaloir des engagements de caution souscrits par Monsieur [E],

Sur la demande reconventionnelle,

DIRE ET JUGER que la demande de Monsieur [E] à titre reconventionnel est recevable et parfaitement fondée,

CONSTATER que l'intimée a manqué à son devoir de mise en garde,

En conséquence,

CONDAMNER la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à payer à Monsieur [E] la somme de 80.000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice subi,

CONDAMNER la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à réparer intégralement le préjudice subi par Monsieur [E],

Sur l'appel incident formé par la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne :

CONSTATER la disproportion manifeste du montant de l'engagement de caution souscrit par Monsieur [E] pour un montant de 25.000 €

En conséquence,

REJETER l'appel incident formé par la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ;

CONFIRMER le jugement en ce qu'il :

'CONSTATE la disproportion manifeste du montant des engagements de Monsieur [N]

[E] au regard du prêt n°08646733 ;

DECHOIT la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne du droit de se prévaloir de cet engagement et la DEBOUTE de sa demande à ce titre ;

DIT n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts'

CONDAMNER l'intimée à payer à Monsieur [E] la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

DIRE et JUGER que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et en ordonner la capitalisation en application de l'article 1154 du Code civil.

CONDAMNER la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne aux entiers frais et dépens de la présente instance y compris les éventuels frais d'exécution provisoire de la décision à intervenir.'

et ce, en invoquant, notamment :

- l'irrecevabilité des conclusions adverses au regard de l'article 954 du code de procédure civile,

- l'absence de consentement de son conjoint à certains engagements de caution,

- la disproportion manifeste de ses engagements,

- à titre reconventionnel, un manquement de la banque à son devoir de mise en garde en présence d'une caution non avertie.

Vu les dernières conclusions en date du 26 août 2021, auquel est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne demande à la cour de :

'REJETER l'appel principal,

RECEVOIR l'appel incident,

REFORMER pour partie le jugement entrepris,

L'INFIRMER en ce que le Tribunal a constaté la disproportion manifeste du montant des engagements de Monsieur [N] [E] au regard du prêt n° 08646733 et déchu la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE du droit de se prévaloir de cet engagement,

CONDAMNER, dès lors, sur l'appel incident, Monsieur [N] [E] à payer à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE, au titre du prêt 08646733, outre la condamnation concernant Monsieur [F] :

- la somme principale de 22.727,43 € avec intérêts au taux conventionnel de retard de 6,50 % l'an à compter du 23 mars 2016,

- 218,16 € au titre des intérêts échus et, pour mémoire, pour les intérêts ultérieurs jusqu'à complet paiement,

- 6.509,84 € au titre des indemnités forfaitaires augmentées des intérêts légaux à compter de l'assignation.

CONFIRMER le jugement entrepris pour le surplus,

CONDAMNER Monsieur [N] [E] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'au versement d'un montant de 2.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour l'instance d'appel.'

et ce, en invoquant, notamment :

- l'absence de disproportion des engagements de caution de M. [E],

- le caractère averti de la caution au titre du devoir de mise en garde.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 octobre 2021,

Vu les débats à l'audience du 8 novembre 2021,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Au préalable, la cour rappelle que :

- aux termes de l'article 954 du code de procédure civile alinéa 3, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion,

- ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à 'dire et juger' ou 'constater', en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n'y répondra qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs.

Sur la recevabilité de l'appel incident :

M. [E] entend, à titre liminaire, contester, au visa des dispositions de l'article 954 précité, ainsi que de l'article 909 du même code, la recevabilité des conclusions adverses, en date du 26 août 2020, au motif que, les écritures litigieuses ne comportant, pour chaque prétention, aucune indication des pièces invoquées et de leur numérotation, elles ne pouvaient être considérées comme des conclusions d'appel, ce dont il résultait que la banque n'avait pas conclu dans le délai de trois mois qui lui était imparti, de sorte que son appel incident n'était pas recevable.

Sur ce, la cour relève que, si l'article 954 du code de procédure civile dispose, en son premier alinéa, que 'les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé', ces dispositions ne sont assorties expressément, en l'état du droit applicable en la cause, s'agissant d'un appel antérieur au 17 septembre 2020, d'aucune sanction, si ce n'est la possibilité pour le magistrat chargé de la mise en état, en application de l'article 913 du code précité, d'enjoindre aux avocats de mettre leurs conclusions en conformité avec les dispositions des articles 954 et 961, outre la possibilité pour la cour de ne statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif et de n'examiner les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Dans ces conditions, l'irrecevabilité des conclusions de la partie intimée, et partant de son appel incident, n'étant pas encourue, outre qu'il sera observé que la banque verse aux débats des pièces énumérées et numérotées dans un bordereau récapitulatif de communication, il convient d'écarter la fin de non-recevoir soulevée par M. [E].

Sur la demande principale en paiement :

Sur la disproportion manifeste de l'engagement de caution de M. [E] :

Aux termes de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Pour l'application, de ces dispositions, il y a lieu de rappeler que la disproportion manifeste de l'engagement de la caution commune en biens s'apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci, sans distinction et sans qu'il y ait lieu de tenir compte du consentement exprès du conjoint donné conformément à l'article 1415 du code civil, qui détermine seulement le gage du créancier, de sorte que doivent être pris en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs, incluant les revenus de son conjoint (Com., 6 juin 2018, pourvoi n° 16-26.182, Bull. 2018, IV, n° 68).

Dès lors, en l'espèce, c'est à bon droit que le premier juge a retenu, s'agissant de la situation de M. [E], marié sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, ce qui ressort de son contrat de mariage en date du 4 juin 2009, qu'il y avait lieu de prendre en considération non seulement les biens propres de la caution, mais également le patrimoine commun du couple, tout en observant, au demeurant, à juste titre, que l'épouse de M. [E] était intervenue à deux actes de cautionnement, à savoir les engagements en date des 24 octobre et 10 décembre 2013.

Sur ce, il convient de rappeler que M. [N] [E] a souscrit auprès de la Banque Populaire :

- le 24 octobre 2013 une caution solidaire tous engagements pour une durée de dix ans dans la limite de 18 200 euros, avec, comme il vient d'être indiqué, l'accord exprès de sa conjointe,

- le 10 décembre 2013, un engagement de caution personnelle et solidaire, dans la limite du montant de 13 212 euros pour une durée de 84 mois, en garantie d'un contrat de crédit-bail mobilier souscrit le même jour, pour le même montant, au profit de la société Novaferm, avec également accord exprès de sa conjointe,

- le 13 mai 2014, un acte de cautionnement solidaire dans la limite de 10 428 euros au titre d'un prêt équipement n° 07029041 d'un montant de 85 000 euros, consenti par offre acceptée en date du 28 octobre 2013, à la SAS Novaferm, modifié par avenant du 13 mai 2014 qui a, notamment, pris acte du désengagement de M. [Y] [K] de ses obligations de cautions et reconduit la caution solidaire de M. [B] [F], ainsi que, dans les conditions sus-indiquées, la caution solidaire de M. [E] (prise initialement pour un montant de 8 925 euros pour une durée de 84 mois), pour une durée de 78 mois,

- le 25 février 2015, un cautionnement solidaire d'un montant de 25 000 euros, pour une durée de 84 mois, garantissant un prêt équipement numéroté 08646733, d'un montant de 100 000 euros, souscrit le 20 février 2015, au bénéfice de la société Novaferm.

Une fiche de renseignements a été remplie par M. [E] en date du 20 juillet 2013, annexée à son engagement du 24 octobre 2013, dont il ressort qu'il déclare être marié sous le régime de la séparation de biens, ce qui ne correspond, d'ailleurs, pas à la réalité de sa situation matrimoniale, étant toutefois observé que la banque a tiré les conséquences de la réalité de cette situation, qui est celle d'un régime de communauté, en faisant intervenir Mme [E] aux actes des 24 octobre et 10 décembre 2013, ce qui implique que cette situation lui était connue au moment de la souscription de ces actes, et donc postérieurement.

M. [E] ajoute qu'il perçoit un revenu de 42 401 euros annuel et son épouse 30 682 euros, et que le couple est propriétaire commun d'une résidence principale dont la valeur est estimée à 160 000 euros, et d'un terrain d'une valeur évaluée à 90 000 euros, tandis qu'est mentionné au titre des engagements un crédit construction d'un montant initial de 250 000 euros et d'un en-cours de 230 986 euros souscrit auprès de la Caisse d'Épargne.

Au vu de ces éléments, et en considération de ce qui précède, à savoir la prise en compte, pour l'appréciation de la situation, du patrimoine commun, et notamment des revenus de Mme [E], il apparaît que M. [E] qui est tenu, en l'absence d'anomalie apparente, l'erreur relative au régime matrimonial n'en relevant pas, au regard de ce qui vient d'être relevé, n'établit pas que les engagements souscrits en dates des 24 octobre et 10 décembre 2013 auraient un caractère manifestement disproportionné, et ce même en prenant en considération l'importance des charges d'emprunt grevant le patrimoine des époux, d'une part, et la souscription, en garantie du prêt de 85 000 euros, d'un autre engagement de caution, que M. [E] comme la banque datent du 1er septembre 2013, qui fera l'objet d'une reconduite en date du 13 mai 2014. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a écarté la disproportion manifeste de ces deux engagements, dont la caution ne pourra être déchargée de son engagement en application du texte précité.

Concernant cet engagement en date du 13 mai 2014, il convient d'observer que la banque, qui invoque dans ses conclusions la situation au moment de l'engagement initial du 1er septembre 2013, qui n'est cependant pas celui au titre duquel M. [E] a été appelé, n'a pas entendu faire renseigner à M. [E] une nouvelle fiche patrimoniale, et ce alors que la précédente fiche datait de neuf mois auparavant.

Or, selon l'avis d'imposition de 2014 sur les revenus de 2013, versé aux débats par M. [E], ce dernier percevait un revenu net imposable annuel, avant application de la déduction de 10 %, de 27 495 euros. Toutefois, il convient également de prendre en compte pour l'appréciation de l'éventuelle disproportion manifeste, les revenus de son épouse, qui s'élevaient à 31 349 euros net annuels, fût-ce en l'absence d'accord exprès de celle-ci à l'engagement. En tenant compte des engagements précédemment souscrits et en l'absence d'éléments relatifs à l'évolution du patrimoine des époux [E], il convient également de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Quant au dernier engagement, en date du 25 février 2015, au titre duquel, comme relevé par le premier juge, aucune fiche de renseignements n'a davantage été établie, il convient de relever que M. [E] justifie de la perception d'un revenu annuel net de 12 834 euros au titre de l'année 2014, celui de son épouse s'élevant à 31 418 euros. Compte tenu du montant des engagements déjà souscrits, en l'absence d'éléments relatifs à l'évolution du patrimoine immobilier du couple, dont la banque se borne à affirmer, sans autre précision, qu'il aurait augmenté, et au vu des montants d'emprunts restant à leur charge, tel qu'il ressort des tableaux d'amortissement produits par M. [E], soit un encours en capital total de 216 615,73 euros réparti sur six prêts au 5 février 2015, outre les intérêts d'emprunt restant à courir, ce dont il ressort une valeur nette patrimoniale résiduelle au regard des autres charges du ménage, de sorte que c'est à juste titre que la caution justifie, qu'au jour de sa conclusion, son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

La banque ne soutient pas, dans ses écritures, pas davantage qu'elle n'établit, comme cela lui revient, qu'au jour où elle a appelé la caution, son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation, se limitant à reprocher à la partie adverse son silence sur sa situation actuelle. Au demeurant, il ressort des éléments versés aux débats par M. [E] qu'au moment de la mise en demeure du 22 mars 2016, valant appel de la caution, la situation de cette dernière n'avait pas connu d'amélioration, les bulletins de paie produits sur les huit premiers mois de l'année 2016, faisant état d'un revenu net imposable cumulé de l'ordre de 8 796 euros, soit environ 1 100 euros par mois.

Il convient donc, également, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la Banque Populaire serait déchue du droit de se prévaloir de l'engagement en date du 25 février 2015.

Au regard de ce qui précède, le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de M. [E] au titre des trois premiers engagements de caution, et a débouté la banque de ses demandes au titre de l'engagement relatif au prêt de 100 000 euros.

Sur la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde de la caution :

La cour rappelle qu'un établissement bancaire n'est pas tenu à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsqu'au jour de son engagement, celui-ci est adapté aux capacités financières de la caution et qu'il n'existe pas de risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

Si, en revanche, la banque démontre que la caution était avertie, elle n'est tenue à un devoir de mise en garde à son égard que si cette dernière établit que la banque avait sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération cautionnée, des informations que la caution aurait ignorées.

Ceci rappelé, la cour relève qu'il n'est, en tout état de cause, pas établi, au vu de ce qui précède, et plus particulièrement des conclusions auxquelles elle est parvenue sous l'angle de l'examen de la disproportion manifeste des engagements de caution, que ceux-ci auraient été inadaptés à la situation financière de M. [E], et auraient donc induit un risque de non-remboursement ou d'absence de règlement des sommes susceptibles d'être mises à sa charge à ce titre, sous réserve du dernier engagement, dont la caution a néanmoins obtenu la décharge, ce dont il résulte qu'elle ne justifie pas d'un préjudice à ce titre.

Dans ces conditions, et sans qu'il n'apparaisse, dès lors, nécessaire d'examiner le caractère averti de la caution, il convient donc, en confirmation du jugement entrepris, de débouter M. [E] de sa demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de la Banque Populaire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [E] succombant pour l'essentiel sera tenu des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande en outre de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de l'une ou l'autre des parties, tout en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 janvier 2020 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg,

Y ajoutant,

Condamne M. [N] [E] aux dépens de l'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de M. [N] [E] que de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/00970
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;20.00970 ?
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