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06/07/2022 | FRANCE | N°20/02154

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 06 juillet 2022, 20/02154


MINUTE N° 373/22

























Copie exécutoire à



- Me Anne CROVISIER



- Me Céline RICHARD





Le 06.07.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 06 Juillet 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/02154 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HLYH



Décision

déférée à la Cour : 26 Juin 2020 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTE :



S.A.S. KRONENBOURG

anciennement dénommée BRASSERIES KRONENBOURG

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 4]
...

MINUTE N° 373/22

Copie exécutoire à

- Me Anne CROVISIER

- Me Céline RICHARD

Le 06.07.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 06 Juillet 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/02154 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HLYH

Décision déférée à la Cour : 26 Juin 2020 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

S.A.S. KRONENBOURG

anciennement dénommée BRASSERIES KRONENBOURG

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A.R.L. ON THE BEACH

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Céline RICHARD, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'assignation délivrée le 30 novembre 2017 par laquelle la SAS Brasseries Kronenbourg, aux droits de laquelle vient la SAS Kronenbourg, a fait citer la société On The Beach devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Strasbourg,

Vu le jugement rendu le 26 juin 2020, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- déclaré la demande irrecevable,

- condamné la société Kronenbourg aux dépens, ainsi qu'à payer à la société On The Beach une indemnité de 2 000 euros en couverture des frais non compris dans les dépens,

aux motifs, notamment, que :

- une procédure de redressement judiciaire avait été ouverte à l'encontre de la société On The Beach, un plan de redressement devant ultérieurement être arrêté sur neuf ans,

- le contrat de bière litigieux avait été conclu antérieurement à l'ouverture de la procédure collective et s'était poursuivi jusqu'à son terme, sans prévoir de déchéance de terme en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire,

- ce contrat avait fait naître, dès sa conclusion, au bénéfice de la société Kronenbourg une double créance au titre de la restitution de la prestation financière et de la clause pénale, dont la détermination du quantum et l'exigibilité avaient été fixées au terme du contrat quelle qu'en soit la cause,

- par voie de conséquence, la créance dont le paiement était poursuivi par la société Kronenbourg relevait des dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce ;

Vu la déclaration d'appel formée par la SAS Brasseries Kronenbourg contre ce jugement, et déposée le 29 juillet 2020,

Vu la constitution d'intimée de la SARL On The Beach en date du 12 août 2020,

Vu les dernières conclusions en date du 24 février 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS Kronenbourg demande à la cour de :

'Vu les dispositions des articles 1101 et suivants, 1193, 1217, 1231, 1231-1 et suivants du Code Civil,

Vu les dispositions de I'article 8 du contrat de bière du 01 juillet 2014,

DIRE et JUGER l'appelante recevable et fondée en son appel.

REFORMER le jugement rendu le 26 juin 2020 en ce qu'il a :

- DECLARER la demande irrecevable

- CONDAMNE la société KRONENBOURG aux dépens

- CONDAMNE la société KRONENBOURG à payer à l'intimée une somme de 2.000 € en couverture de ses frais non compris dans les dépens

STATUANT A NOUVEAU :

CONDAMNER l'intimée à payer à KRONENBOURG une indemnité de 7.594 €.

CONDAMNER la partie intimée à payer à KRONENBOURG la somme de 3.648 € au titre des dommages et intérêts contractualisés, avec intérêts de retard a compter du 18 août 2017, date de la mise en demeure.

CONDAMNER la partie intimée aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel, outre une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure de première instance ainsi qu'une somme de 3.000 € pour la procédure d'appel.'

et ce, en invoquant, notamment :

- le caractère postérieur (déterminé par la date de la prestation, sa naissance à l'occasion de l'activité régulière et légale de l'entreprise de sa créance, en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période) par rapport au jugement d'ouverture de la procédure collective de la société On The Beach, qui avait opté, lors de cette ouverture, pour la poursuite du contrat de bière en cours, et donc la réalisation des volumes contractualisés, sans que la concluante ne puisse alors se prévaloir d'aucune créance restant due par l'intimée, laquelle créance indemnitaire est née au terme du contrat, après constatation de la non-réalisation des hectolitres contractualisés, lorsque les volumes ont été arrêtés,

- à titre subsidiaire, l'intégration, dans l'attestation produite par la partie adverse, des volumes dont elle se prévaut pour obtenir la réduction de sa condamnation, de telle sorte que le montant de l'indemnité réclamée par la concluante serait strictement conforme aux dispositions contractuelles liant les parties,

- l'absence de démonstration, par la partie intimée, ni du caractère manifestement excessif des dommages et intérêts réclamés, ni des conséquences dommageables que sa condamnation au paiement de ladite somme pourrait lui causer.

Vu les dernières conclusions en date du 13 janvier 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SARL On The Beach demande à la cour de :

'Vu l'article 1231-5 du Code Civil

Vu le redressement judiciaire de la société ON THE BEACH

Vu l'homologation du plan de redressement

Vu les articles L622-29 du code de commerce et l'article L622-24 Alinéa 1 du même code

Vu le contrat de bière du 1/07/2014

- Déclarer l'appel mal fondé, et en conséquence confirmer le jugement en toutes ses dispositions en tant qu'il a :

- Déclaré l'action de la société KRONENBOURG en restitution de la créance irrecevable

Subsidiairement,

- Dire que le décompte de l'indemnité prévu a l'article 8 du contrat de bière est erroné et par conséquent le rejeter

- Dire que les indemnités de rupture prévues a l'article 8 du contrat de bière sont assimilables à une clause pénale

Vu l'article 1231-5 alinéa 2,

- Réduire les pénalités à

- 3.712,62 € au titre de la restitution

- 1 % soit 145,20 € au titre des dommages et intérêts

En tout état de cause

- condamner la société KRONENBOURG à 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- La condamner en tous les dépens.'

et ce, en invoquant, notamment :

- l'inopposabilité de l'action adverse à son encontre, s'agissant d'une créance de remboursement d'un prêt, née au jour de la conclusion du prêt ou de la remise des fonds, et qui aurait dû être régulièrement déclarée dans les délais prévus,

- subsidiairement, le caractère de clause pénale, constituant l'accessoire de la prestation principale que serait le prêt consenti, de l'article 8 du contrat de bière fondant la demande de dommages-intérêts de la société Kronenbourg,

- le caractère manifestement excessif et usuraire de cette clause, en l'absence de prise en compte des volumes réalisés auprès du distributeur désigné par le contrat,

- le caractère également de clause pénale de l'indemnité correspondant au remboursement de la prestation financière, dont la réduction est demandée au prorata des hectolitrages réalisés,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 octobre 2021,

Vu les débats à l'audience du 10 novembre 2021,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur l'opposabilité de l'action de la société Kronenbourg à la société On The Beach :

En vertu de l'article L. 622-17 I du code de commerce, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.

L'article L. 622-21 du même code prévoit, pour sa part, que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

Quant à l'article L. 622-24, alinéa 1er, du code précité, il dispose qu'à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'État. Selon l'article L. 622-26, alinéa 2, du même code, les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus.

Enfin, aux termes de l'article L. 622-29 du code précité, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé. Toute clause contraire est réputée non écrite.

En l'espèce, et au préalable, et au regard de l'application de la dernière disposition précitée, la cour observe que c'est à bon droit que le premier juge a relevé que l'article 3 de la reconnaissance de dette annexée au contrat de bière, laquelle indique que, 'en cas de cession de fonds de commerce, en redressement ou liquidation judiciaire, ou d'aliénation de quelque nature que ce soit, plus généralement si les relations commerciales entre la SARL ON THE BEACH propriétaire (ou le gérant de fait du fonds de commerce) et BRASSERIES KRONENBOURG et/ou son distributeur devaient être interrompues, la SARL ON THE BEACH remboursera immédiatement le montant non amorti a la date de cette dette', ne prévoyait pas une déchéance du terme en cas d'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire, mais une déchéance du terme en cas de cession du fonds de commerce de la société On The Beach, que cette cession intervienne in bonis ou dans le cadre d'une procédure collective, et ce en dépit d'une rédaction maladroite sur ce point.

Cela étant, la cour rappelle que les parties ont conclu un contrat de bière courant pour une durée de trois ans à compter du 1er juillet 2014, par lequel la société On The Beach bénéficiait d'une prestation financière d'un montant de 7 594,60 euros, en contrepartie de son engagement de réaliser, pendant la durée du contrat, un volume total minimum de 99 hectolitres de bières en fûts spécifiées au contrat. Ce contrat s'est poursuivi jusqu'à son terme, soit le 1er juillet 2017.

La société On The Beach a été placée en redressement judiciaire par jugement du 13 novembre 2015, le tribunal de commerce de Dunkerque devant, par la suite, arrêter, par jugement du 8 novembre 2016, un plan de redressement sur neuf ans, et ce avant que la société Kronenbourg, par l'assignation susvisée, ne saisisse la juridiction de Strasbourg de demandes à l'encontre de la société On The Beach, au titre du contrat susmentionné, et objet du présent litige.

Dans ce contexte, les parties s'opposent sur l'antériorité, telle que l'a retenue le premier juge, ou la postériorité de la créance litigieuse par rapport au jugement d'ouverture, impliquant ou non l'obligation, pour la société Kronenbourg, de déclarer sa créance dans les délais prescrits.

À cet égard, il doit encore être rappelé que la société Kronenbourg invoque l'application de l'article 8 du contrat, aux termes duquel 'en cas de non-respect total ou partiel, de tout ou partie des obligations qui constituent ensemble la cause déterminante des engagements de la brasserie, par le Débitant de Boissons, ou de cessation d'activité, le présent contrat sera résilié de plein droit, après mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, de respecter le ou les engagements, restée sans effet 8 jours après réception de ladite lettre.

En conséquence de quoi, le débitant de boisson s'oblige :

- A restituer à la brasserie tous les avantages mentionnés au chapitre B pour leurs montants totaux et, en outre,

- A payer à la brasserie des dommages et intérêts qui ne sauraient être inférieurs à un montant fixé forfaitairement à 20 % (vingt pour cent) du prix TTC des quantités de bières manquantes valorisées sur base de la dernière facturation au tarif du distributeur CHD.

Ces mêmes dispositions s'appliqueront, à l'échéance du contrat si le débitant de boissons n'a pas réalisé les volumes fûts contractualisés.'

Or, si le contrat impliquait, pour le débiteur, l'exécution de prestations, en termes à la fois d'exclusivité et de volumes, s'appréciant sur la durée du contrat, à la fois périodiquement et à son échéance, de sorte que les manquements à ces obligations survenus après l'ouverture de la procédure collective, tels que ceux invoqués en l'espèce, étaient de nature à donner naissance à des créances postérieures à cette ouverture, il apparaît que la contrepartie de cette prestation a été fournie sous la forme d'une prestation financière consentie au moment de la conclusion du contrat, soit antérieurement à l'ouverture de la procédure.

En conséquence de ce qui précède, la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la créance dont le paiement est poursuivi parla société Kronenbourg relevait des dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce, et que, dès lors, et en application des dispositions de l'article L. 622-21 de ce code, la demande était irrecevable.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La SAS Kronenbourg succombant pour l'essentiel, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande en outre de mettre à la charge de l'appelante une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de l'intimée, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Strasbourg,

Y ajoutant,

Condamne la SAS Kronenbourg aux dépens de l'appel,

Condamne la SAS Kronenbourg à payer à la SARL On The Beach la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SAS Kronenbourg.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/02154
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;20.02154 ?
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