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29/06/2022 | FRANCE | N°22/01409

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 29 juin 2022, 22/01409


MINUTE N° 353/22



























Copie à :



- Me [H]



Copie notifée aux parties



Copie au Parquet



Le 29.06.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

STATUANT EN AUDIENCE SOLENNELLE



ARRET DU 29 Juin 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/01409 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ5T



D

écision déférée à la Cour : Election d'un membre du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Strasbourg lors du scrutin des 04 et 05 Avril 2022



REQUERANT :



Maître [O] [X]

[Adresse 2]



comparant en personne



REQUIS :



L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU ...

MINUTE N° 353/22

Copie à :

- Me [H]

Copie notifée aux parties

Copie au Parquet

Le 29.06.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

STATUANT EN AUDIENCE SOLENNELLE

ARRET DU 29 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/01409 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ5T

Décision déférée à la Cour : Election d'un membre du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Strasbourg lors du scrutin des 04 et 05 Avril 2022

REQUERANT :

Maître [O] [X]

[Adresse 2]

comparant en personne

REQUIS :

L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE STRASBOURG

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me [H], bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Strasbourg

Maître [Z] [U]

[Adresse 1]

non comparant, non représenté

en présence de Maître HUCK, Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Strasbourg, entendu en ses observations.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Mai 2022, en audience publique et en audience solennelle, un rapport ayant été présenté, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

Mme DENORT, Conseillère

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme GARCZINSKI, Conseillère

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

Ministère Public :

représenté lors des débats par M. JAEG, avocat général, qui a fait connaître son avis et dont les réquisitions écrites ont été communiquées aux parties.

ARRET :

- Réputé contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES :

Par requête reçue en lettre simple par le secrétariat-greffe du parquet général le 7 avril 2020, Me Antoine BON avocat au barreau de Strasbourg a saisi la cour d'appel d'une demande en annulation d'une élection au conseil de l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg.

Dans sa requête, Me [X] expose qu'en date 8 mars 2022 l'ordre des avocats de Strasbourg a diffusé à tous les avocats du barreau une circulaire 02/2022 convoquant des élections partielles en remplacement d'un membre du conseil de l'ordre ayant cessé ses fonctions avant le terme normal et indiquait le nom des avocats inéligibles.

Maître [X] explique qu'il s'est rendu à la date indiquée du 4 avril 2022 pour le premier tour, surpris qu'aucune candidature n'ait été annoncée par la voie habituelle à savoir la transmission par l'ordre des avocats de la déclaration de candidature des binômes et qu'il a constaté qu'à l'entrée de l'ordre des avocats se trouvait une affiche réglementaire qui confirmait qu'aucun candidat n'était déclaré à l'ouverture du bureau de vote et qui mentionnait également que l'élection visait un membre démissionnaire.

Maître [X] indique que lorsqu'il s'est présenté au bureau de vote, il a constaté qu'un scrutin était organisé malgré la carence affichée du candidat et que sur la table n'étaient présentés que des bulletins blancs et des enveloppes, qu'après avoir vérifié la liste des confrères inéligibles il avait procédé au vote pour lui-même et pour une cons'ur lui ayant donné procuration en inscrivant deux noms et prénoms de confrères de sexe différent qui ne figuraient pas sur les listes des confrères inéligibles.

Dans sa requête Maître [X] explique que le contenu du procès-verbal des élections qu'il a reçu par email l'a surpris dès lors qu'il a constaté que le nombre d'électeurs était de 1210, que le nombre de votants était de 57, que le nombre de bulletins blancs ou nuls était de 55, que le nombre de votes exprimés était de 2 et qu'avait ainsi obtenu une voix Me [T] et Me [D] et Maître [U] et Me [Y], et que pour le deuxième tour de scrutin qui s'est déroulé le 5 avril 2022 seuls deux bulletins avaient manifestement été pris en compte l'un ayant mentionné Me [T] et Me [D] et l'autre Maître [U] et Me [Y], sur 57 votants, 55 bulletins ayant été déclarés blancs ou nuls sans distinction

Maître [X] indique dans sa requête sa surprise d'avoir vu considérer son bulletin de vote comme nul ou blanc.

Maître [X] indique que c'est finalement Maître [U] qui a été élu suite au tirage au sort et ce alors qu'il n'avait pas fait acte de candidature à cette élection avant l'ouverture du scrutin.

Maître [X] soutient qu'en l'absence de candidature déclarée à l'ouverture du scrutin un procès-verbal de carence aurait dû être dressé et que pour être élu il faut avoir été candidat avant l'ouverture du vote conformément à l'article 5 du décret 91'1197.

Maître [X] sollicite l'annulation de l'élection en qualité de membre du conseil de l'ordre de Maître [U] lors du scrutin des 4 et 5 avril 2022.

L'ordre des Avocats de [Localité 4] a soutenu que Maître [X] ne démontrait pas que la sincérité du scrutin avait été altérée dans la mesure où :

- Il est le seul à avoir contesté le résultat des élections ;

- Aucun autre avocat de [Localité 4] n'a formé de recours ;

- Maître [W] n'a lui-même pas formé de recours ;

- Maîtres [W] et [X] avaient informé l'ensemble des avocats du Barreau à plusieurs reprises de la privation par le Conseil Régional de Discipline du mandat ordinal du premier, et des conclusions qu'ils en avaient eux-mêmes tirées.

L'ordre des Avocats de [Localité 4] demande à la Cour d'écarter les arguments du requérant et de débouter Maître [X] de sa requête.

L'ordre des Avocats de Strasbourg explique qu'il n'est pas contesté qu'aucun binôme ne s'est inscrit sur le registre des inscriptions mais que le défaut d'inscription n'est pas sanctionné par une inéligibilité, que le vademecum produit aux débats et concernant les élections du conseil de l'ordre date de 2016 et n'a pas pris en considération l'arrêt de la Cour de Cassation du 09 Juin 2017.

Sur la validité du scrutin, l'ordre des Avocats de [Localité 4] fait valoir que :

* A l'issue du 1er tour de scrutin, le dépouillement des bulletins de vote a permis de constater l'existence de 57 votants dont :

- 55 bulletins blancs ou nuls,

- 2 bulletins :

- l'un mentionnant Maître [I] [T] et Maître Cédric LUTZ-SORG,

- l'autre mentionnant Maître [Z] [U] et Maître Marylène CORREIA,

* qu'en l'absence de majorité absolue dégagée sur l'un ou l'autre de ces noms, un deuxième tour de scrutin a été organisé. (Pièce n°6)

* qu'à l'issue de ce 2ème tour de scrutin, le dépouillement des bulletins de vote a permis de constater l'existence de 82 votants dont :

- 22 bulletins blancs ou nuls,

- 28 bulletins en faveur de Maître [I] [T] et Maître Cédric LUTZ-SORG.

- 32 bulletins en faveur de Maître [Z] [U] et Maître Marylène CORREIA.

Un tirage au sort a été effectué entre Maître [Z] [U] et Maître [Y] qui a vu le nom de Maître [Z] [U] tiré au sort. (Pièce n°7)

Maître [Z] [U] a été proclamé élu membre du Conseil de l'Ordre pour la durée du mandat de Maître [L] [W] restant à courir, sauf éventuelle décision de la Cour infirmant avant le 31 décembre 2021 celle du Conseil de Discipline Régional, sur appel de Maître [W].

Dans des réquisitions du 4 mai 2022, Monsieur le procureur général a rappelé que selon la jurisprudence, l'inscription préalable sur le registre des candidats ne tend qu'à assurer la publicité des candidatures, qu'elle n'est pas une condition pour être candidat et que le défaut d'inscription n'est pas sanctionné par l'inéligibilité.

À ce titre Monsieur procureur général rappelle un arrêt de la Cour de cassation, première chambre civile, rendu le 9 juin 2017.

Il requiert que la cour rejette la requête en annulation présentée par Me [X] en raison de l'absence de candidature inscrite sur le registre spécialement ouvert par l'ordre des avocats.

Monsieur le Bâtonnier a été informé de la date de l'audience pour qu'il présente ses observations.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 09 Mai 2022.

Maître [X] a développé son argumentation en faisant valoir qu'il convenait de préserver les valeurs démocratiques, que les élections ne s'étaient pas déroulées régulièrement dès lors qu'il n'était fait mention d'aucun candidat sur le registre, que seuls des bulletins blancs avaient mis à la disposition des électeurs, qu'aucune information n'avait été donnée sur le caractère inéligible de Maître [W].

Monsieur le Bâtonnier a indiqué que la décision du conseil de discipline concernant Maître [W] ne pouvait pas être assortie de l'exécution provisoire et que Maître [W] l'avait informé de sa volonté de saisir Madame la Première Présidente, ce qu'à ce jour il n'avait pas fait.

L'ordre des Avocats de [Localité 4], représenté par Monsieur le Bâtonnier, a demandé à la Cour de déclarer irrecevable le recours formé par Maître [X] dès lors qu'il n'avait pas été engagé par lettre recommandée ou par courrier recommandé avec accusé de réception.

L'ordre des Avocats de Strasbourg, représenté par Monsieur le Bâtonnier, a indiqué que la décision du Conseil de discipline ne pouvait pas être revêtue de l'exécution provisoire, que Maître [W] lui avait indiqué qu'il solliciterait le sursis à exécution provisoire mais que la Première Présidente n'avait pas été saisie de cette demande, et a fait valoir que l'inscription sur le registre relevait d'une question de publicité et que la seule question à laquelle la Cour devait répondre était celle de la sincérité du scrutin.

Le Ministère public a indiqué à la Cour que la recevabilité du recours de Maître [X] pouvait être retenue, que la situation n'était pas tranchée s'agissant de l'exécution provisoire dont était revêtue la décision du conseil de discipline, a développé ses réquisitions écrites et a présenté l'existence d'une analogie entre l'organisation de l'élection contestée et l'application de l'article L257 du code électoral concernant les communes de moins de 1 000 habitants.

Par une note en délibéré reçue le 10 Mai 2022, Maître [X] a demandé à la Cour de ne pas retenir l'argumentation développée par le ministère public et fondée sur l'article L257 du code électoral concernant les communes de moins de 1 000 habitants, qui n'était pas précisée dans ses réquisitions écrites.

Le Ministère Public a par un soit-transmis du 22 Juin 2022, adressé à la Cour une ordonnance de référé rendue par le magistrat délégué par la Première Présidente qui a arrêté l'exécution provisoire dont était revêtue la décision du conseil de discipline.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité du recours formé par Maître [X], il convient de constater que Maître [X] a déposé sa requête en annulation datée du 07 Avril 2022, au Greffe de la Cour d'Appel qui a apposé le tampon 'Entré le 07 Avril 2022', démarche qui doit s'analyser comme une déclaration faite au greffe.

Le recours formé par Maître [X] sera en conséquence, déclaré recevable.

S'agissant de la note en délibéré déposée par Maître [X], la Cour relèvera que l'analogie proposée par le Ministère Public et fondée sur l'article L257 du code électoral concernant les communes de moins de 1 000 habitants est un moyen inopérant en l'espèce, seules les dispositions régissant la profession d'avocat étant applicables à la présente affaire.

Le moyen tiré de l'application de l'article L257 du code électoral concernant les communes de moins de 1 000 habitants étant inopérant et Maître [X] s'étant expliqué sur ce moyen dans sa note en délibéré, il n'y a pas lieu d'ordonner la réouverture des débats.

Sur la demande en annulation des élections au conseil de l'ordre, la Cour relèvera :

- que l'article 115. 1 du règlement intérieur prévoit au paragraphe REGLES GENERALES que pour les élections ne peuvent être élus bâtonnier, vice-bâtonnier, Bâtonnier élu ou membres du conseil de l'ordre, par l'assemblée générale de l'ordre, que les avocats disposant du droit de vote, qui ont prêté serment depuis plus de quatre ans au 1er janvier de l'année au cours de laquelle a lieu l'élection et qui sont à jour de leurs obligations professionnelles. Les avocats éligibles et désirant faire acte de candidature doivent inscrire leur nom et prénom sur le registre spécialement ouvert à cet effet au secrétariat de l'ordre 10 jours avant la date du premier tour de l'élection à laquelle il souhaite être candidat. Les inscriptions sont closes trois jours avant ce premier tour. Une affiche est apposée dans les locaux de l'ordre aux emplacements indiqués par le bâtonnier sur laquelle figurent les noms et prénoms des avocats ayant fait acte de candidature. Ils sont inscrits par ordre d'ancienneté au tableau. Pour l'élection des membres du conseil de l'ordre la fiche précise la mention 'sortant rééligible' et les noms et prénoms des sortants non rééligibles et des avocats qui restent inéligibles. Quelle que soit l'élection concernée les avocats qui décident de renoncer à leur candidature en informent sans délai le Bâtonnier.

(')

Lorsque le scrutin est déclaré clos, le bureau de vote procède publiquement au décompte des enveloppes puis au dépouillement des bulletins. Sont déclarés nuls les bulletins sur lesquels les votants se sont fait connaître, les bulletins comportant des signes de reconnaissance ou toute autre adjonction, les bulletins comportant exclusivement des noms de fantaisie, ou de confrères inéligibles, les bulletins sur lesquels le nom du candidat ou, pour l'élection au conseil de l'ordre, d'un des membres du binôme, aurait été rayé.

- que si l'inscription préalable sur le registre des candidats ne tend à n'assurer que la publicité des candidatures et que le défaut d'inscription n'est pas sanctionné par l'inéligibilité, le règlement intérieur impose que les candidatures soient inscrites sur ce registre afin qu'elles puissent être portées à la connaissance des avocats,

- que dans ses écritures du 06 Mai 2022, et à l'audience, Monsieur le Bâtonnier n'a pas contesté qu'aucun binôme ne s'était inscrit sur le registre des inscriptions clôturé le 31 Mars 2022,

- que la circulaire n° 02/2022 émise avant les élections ne portait la mention du nom de l'avocat, membre du conseil de l'Ordre, qu'il convenait de remplacer dans le cadre des élections à venir,

- que sur l'affiche apposée sur une vitre à l'entrée du bureau de vote, il était indiqué le nom des avocats inéligibles, soit Maîtres [E], [A], [N], [R] et [C],

- que Maître [W], était au jour du scrutin inéligible, en raison de l'exécution provisoire dont était assortie la décision du Conseil Régional de discipline rendue le 20 Janvier 2022, prononçant à son encontre la sanction de la privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre alors que son nom ne figurait pas sur cette affiche,

- que l'ordre des Avocats de Strasbourg, représenté par Monsieur le Bâtonnier et Maître [Z] [U] ne produisent aucune pièce justifiant que Maître [W] aurait été 'démissionnaire' et qu'à tout le moins l'information selon laquelle Maître [W] était inéligible aurait été portée à la connaissance de l'ensemble des membres du Barreau de Strasbourg, par l'utilisation d'un moyen de communication commun à tous les avocats du Barreau de Strasbourg,

- que sur la table dans le bureau de vote n'étaient présentés que des bulletins blancs et des enveloppes,

- que Monsieur le Bâtonnier a déclaré à l'audience, ce qui avait été précédemment précisé dans les écritures de l'ordre des Avocats de [Localité 4], que des bulletins avaient été déclarés nuls car ils comportaient un vote en faveur de Maître [W].

Il résulte de ces éléments et sans qu'il soit opérant d'apprécier la pertinence des autres moyens des parties, que les électeurs n'étaient pas en mesure de savoir pour qui voter, ce qui a nécessairement entraîné une atteinte à la sincérité du vote.

Dans ces conditions, l'élection de Maître [Z] [U], en qualité de membre du Conseil d l'Ordre, lors du scrutin des 04 et 05 Avril 2022 sera annulée.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Annule l'élection de Maître [Z] [U], en qualité de membre du Conseil d l'Ordre des avocats du barreau de Strasbourg, lors du scrutin des 04 et 05 Avril 2022.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 22/01409
Date de la décision : 29/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-29;22.01409 ?
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