COUR D'APPEL DE COLMAR
Chambre 6 (Etrangers)
N° RG 22/02381 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H3SX
N° de minute : 156/2022
ORDONNANCE
Nous, Anne GALLIATH, Conseillère à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Nadine FRICKERT, greffier ;
Dans l'affaire concernant :
M. X se disant [U] [P]
né le 28 Décembre 1990 à [Localité 3] (MAROC), de nationalité marocaine
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;
VU l'arrêté pris le 15 novembre 2021 par M. LE PREFET DU HAUT-RHIN faisant obligation à M. X se disant [U] [P] de quitter le territoire français ;
VU la décision de placement en rétention administrative prise le 22 juin 2022 par M. LE PREFET DU HAUT-RHIN à l'encontre de M. X se disant [U] [P], notifiée à l'intéressé le même jour à 09 h 14 ;
VU la requête de M. LE PREFET DU HAUT-RHIN datée du 22 juin 2022, reçue et enregistrée le même jour à 16 h 46 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours de M. X se disant [U] [P] ;
VU l'ordonnance rendue le 23 Juin 2022 à 10 h 45 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, déclarant la requête de M. LE PREFET DU HAUT-RHIN recevable et la procédure régulière, et ordonnant la prolongation de la rétention de M. X se disant [U] [P] au centre de rétention de Geispolsheim, ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de 28 jours à compter du 24 juin 2022 à 09 h 14 ;
VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. X se disant [U] [P] par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 23 Juin 2022 à 15 h 25 ;
VU la proposition de la préfecture du Haut-Rhin par voie électronique reçue le 23 juin 2022 afin que l'audience se tienne par visioconférence ;
VU les avis d'audience délivrés le 23 juin 2022 à l'intéressé, à Maître Michel ROHRBACHER, avocat de permanence, à Madame [O] [Z] [V], interprète en langue arabe assermentée, à M. LE PREFET DU HAUT-RHIN et à M. Le Procureur Général ;
Le représentant de M. LE PREFET DU HAUT-RHIN, intimé, dûment informé de l'heure de l'audience par courrier électronique du 23 juin 2022, n'a pas comparu, mais a fait parvenir des conclusions en date du 24 juin 2022, qui ont été communiquées au conseil de la personne retenue.
Après avoir entendu M. X se disant [U] [P] en ses déclarations par visioconférence et par l'intermédiaire de Madame [O] [Z] [V], interprète en langue arabe assermentée, Maître Michel ROHRBACHER, avocat au barreau de COLMAR, commis d'office, en ses observations pour le retenu et à nouveau l'appelant qui a eu la parole en dernier.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel interjeté par Monsieur X se disant [U] [P] le 23 juin 2022 (à 15h25), par déclaration écrite et motivée, à l'encontre de l'ordonnance rendue le 23 juin 2022 (à 10h45) par le juge des libertés et de la détention de Strasbourg, dans le délai prévu à l'article R. 743-10 du CESEDA est recevable.
Sur l'appel
Monsieur X se disant [U] [P] interjette appel de l'ordonnance du 23 juin 2022 du juge des libertés et de la détention de Strasbourg ordonnant une première prolongation de sa rétention pour une durée de 28 jours à compter du 24 juin 2022 à 10h45.
Sur la recevabilité des moyens nouveaux
Il ressort des dispositions de l'article L743-11 du CESEDA qu''à peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d'une audience ultérieure'.
Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure au sens de l'article 74 du Code de procédure Civile, les moyens nouveaux sont recevables en appel.
En application des dispositions de l'article 563 du code de procédure civile, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
Les moyens nouveaux de l'acte d'appel peuvent être complétés ou régularisés dans le délai de recours de 24h.
Les moyens nouveaux développés dans la déclaration d'appel seront déclarés recevables.
Sur l'incompétence de l'auteur de l'acte
En application des dispositions de l'article R742-1, 'le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention d'une simple requête par l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de 48h mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L742-5, L.742-6 ou L.742-7".
Le conseil de l'intéressé fait valoir que le juge judiciaire doit vérifier la compétence du signataire de la requête et de l'existence des mentions des empêchements éventuels des délégataires de signature.
Il résulte des pièces de procédure que la signataire de la requête en prolongation de la rétention, Madame [S] [R] a régulièrement reçu délégation de signature pour ce faire, par arrêté du 12 janvier 2022 publié au recueil des actes administratifs du même jour du 13 janvier 2022.
Le moyen est donc infondé, la mention d'empêchements éventuels des autres délégataires de signature n'étant pas prévue par les textes.
Sur l'incompétence de l'auteur de la demande de laissez-passer consulaire
Le conseil de l'intéressé fait valoir que le juge doit vérifier que le signataire de la demande de laissez-passer consulaire ait reçu délégation de signature pour ce faire.
Les demandes de laissez-passer auprès des autorités consulaires ne sont pas des actes administratifs mais des actes d'exécution des arrêtés préfectoraux qui échappent au contrôle juridictionnel.
Le moyen est donc infondé.
Sur l'absence de preuve des diligences apportées par l'administration
En application de l'article L.741-3 du CESEDA, ' un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'
Le conseil de l'intéressé fait valoir que la préfecture n'apporte pas la preuve des diligences entreprises afin de procéder à son éloignement dans le temps le plus bref. Il soutient que Monsieur X se disant [U] [P] n'a pas fait l'objet d'une audition consulaire et que la préfecture n'a réalisé aucune diligence concernant la réservation d'un vol.
Il convient de rappeler qu'aucune critique n'avait été émise en première instance sur ce point.
En l'espèce, Monsieur X se disant [U] [P] a été placé en rétention administrative le 22 juin 2022 en exécution d'un arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire en date du 15 novembre 2021.
Deux demandes de reconnaissances consulaires ont été adressées au consulat d'Algérie et du Maroc le 21 juin 2022, l'individu se disant marocain ou algérien. L'administration étant dans l'attente d'une réponse des autorités, aucune demande de routing n'a pu être faite à ce stade. Elle sera réalisée dès la reconnaissance de l'intéressé par son pays d'origine.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'administration a effectué les diligences nécessaires et la rétention n'excède pas le temps strictement nécessaire au départ de l'intéressé.
Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le caractère non nécessaire de son placement en rétention
Aux termes des articles L. 731-1 et L741-1 du CESEDA, l'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant pour laquelle le départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision peut être placé en rétention administrative par l'autorité administrative pour une durée de 48 heures.
L'article L 612-3 du CESEDA dispose que ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifié être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2°L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité un titre de séjour ;
3°L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire ;
5°L'étranger s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement ;
6 °L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des états avec lequel s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par par l'un des Etats ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces Etats sans justifier d'un droit de séjour ;
8° Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut pas présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou de sa situation au regard du droit de circulation ou de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de de relevés d'empreintes digitales ou de prises de photographie prévues au 3° de l'article L.142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux aux obligations prévues aux articles L.721.6 à L.721.8, L.731-1, L.731-3 à L733-4, L.733-6, L.743-13 à L743-15 et L.751-5.
Le conseil de l'intéressé soutient que le placement en rétention de Monsieur X se disant [U] [P] n'est pas nécessaire, ce dernier ne souhaitant pas s'établir en France.
En l'espèce, Monsieur X se disant [U] [P] s'est présenté sous plusieurs identités au cours de la procédure : [U] [P] né le 28 décembre 1990 à [Localité 1] au Maroc, [U] [P] né le 28 décembre 1990 à [Localité 1] au Maroc et [T] [X] né le 3 mai 1991 en Algérie.
Il ne dispose ni d'un passeport authentique et valide lui permettant de voyager ni d'une adresse personnelle et stable sur le territoire français et ne justifie pas avoir exécuté une précédente obligation de quitter le territoire français qui lui avait été notifiée le 5 janvier 2020.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Monsieur X se disant [U] [P] ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le moyen est donc infondé.
Sur l'erreur de fait
Le conseil de l'intéressé sollicite l'annulation de la décision attaquée au motif que la décision retient une identité n'étant pas celle de l'intéressé.
Monsieur X se disant [U] [P] s'est présenté sous plusieurs identités au cours de la procédure.
Si l'ordonnance du juge des libertés et de la détention mentionne une date de naissance erronée, il s'agit d'une erreur matérielle qui n'entraîne pas l'annulation de la décision critiquée.
L'identité de X se disant [U] [P], né le 28 décembre 1990 à [Localité 3] au Maroc, sera rectifiée dans la présente ordonnance, étant précisé qu'aucun document ne permet à ce jour de confirmer cette identité.
Le moyen n'est donc pas fondé.
Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARONS l'appel de M. X se disant [U] [P] recevable en la forme ;
au fond, le REJETONS ;
CONFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg le 23 Juin 2022 ;
RAPPELONS à l'intéressé les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention :
- il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin,
- il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix ;
DISONS avoir informé M. X se disant [U] [P] des possibilités et délais de recours contre les décisions le concernant.
Prononcé à Colmar, en audience publique, le 24 Juin 2022 à 14 h 40, en présence de
- l'intéressé par visio-conférence
- Maître Michel ROHRBACHER, conseil de M. X se disant [U] [P]
- de l'interprète, lequel a traduit la présente décision à l'intéressé lors de son prononcé.
Le greffier,Le président,
reçu notification et copie de la présente,
le 24 Juin 2022 à 14 h 40
l'avocat de l'intéressé
Maître Michel ROHRBACHER
Présent
l'intéressé
M. X se disant [U] [P]
né le 28 Décembre 1990 à [Localité 3] (MAROC)
Comparant par visioconférence
l'interprète
Madame [O] [Z] [V]
l'avocat de la préfecture
Non comparant
EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
- pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition,
- le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou en rétention et au ministère public,
- le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l'auteur du pourvoi demeure à l'étranger,
- le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
- l'auteur d'un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,
- ledit pourvoi n'est pas suspensif.
La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :
- au CRA de GEISPOLSHEIM pour notification à M. X se disant [U] [P]
- à Maître Michel ROHRBACHER
- à M. LE PREFET DU HAUT-RHIN
- à la SELARL CENTAURE AVOCATS
- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.
Le Greffier
M. X se disant [U] [P] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance
le À heures
Signature de l'intéressé