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22/06/2022 | FRANCE | N°21/03170

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 22 juin 2022, 21/03170


MINUTE N° 350/22

























Copie exécutoire à



- Me Charline LHOTE





Copie à M. le PG



Arrêt notifié aux parties



Le 22.06.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 22 Juin 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/03170 - N° Portalis DBVW-

V-B7F-HUBI



Décision déférée à la Cour : 28 Juin 2021 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de MULHOUSE



APPELANTE :



Madame [Y] [J] ayant exploité la SAS ELEONOR, LA ROSE DES SABLES

[Adresse 1]



Représentée par Me Charline LHOTE, avoca...

MINUTE N° 350/22

Copie exécutoire à

- Me Charline LHOTE

Copie à M. le PG

Arrêt notifié aux parties

Le 22.06.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 22 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/03170 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HUBI

Décision déférée à la Cour : 28 Juin 2021 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

Madame [Y] [J] ayant exploité la SAS ELEONOR, LA ROSE DES SABLES

[Adresse 1]

Représentée par Me Charline LHOTE, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021004828 du 12/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

INTIME :

Monsieur le Procureur Général près la Cour d'appel de COLMAR

[Adresse 3]

assigné par voie d'huissier à personne habilitée le 27.10.2021

PARTIE APPELEE EN INTERVENTION FORCEE :

S.E.L.A.R.L. MJM - [P] ET ASSOCIES, mandataire liquidateur de la SAS ELEONORE LA ROSE DES SABLES

[Adresse 2]

non représentée, assignée par voie d'huissier à domicile le 14.02.2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

Ministère Public :

représenté lors des débats par Mme VUILLET, substitut général, qui a fait connaître son avis et dont les réquisitions écrites ont été communiquées aux parties.

ARRET :

- rendu par défaut

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Par jugement du 6 février 2019, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la SAS Eleonor, la Rose des Sables, dont Mme [J] était présidente, la Selarl MJM [P] et associés, prise en la personne de Maître [W] [P] étant désignée mandataire judiciaire.

Par jugement du 28 juin 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a prononcé à l'encontre de Mme [J] une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole pour une durée de cinq ans et prévu plusieurs modalités de publicité dudit jugement.

Le 7 juillet 2021, Mme [J] en a interjeté appel.

Par ses dernières conclusions du 6 octobre 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, Mme [J] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé ;

Y faire droit ;

En conséquence :

- infirmer le jugement ;

Statuant à nouveau :

- dire n'y avoir lieu à prononcer une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole à l'encontre de Mme [J] ;

- subsidiairement : réduire la durée de l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole prononcée à l'encontre de Mme [J] ;

- statuer ce que de droit s'agissant des dépens.

En substance, elle conteste tout comportement malhonnête et affirme s'être trouvée dans une situation impossible suite à un enchaînement de difficultés. Elle soutient que le courrier du bailleur émane des consorts [R], vendeurs du fonds de commerce avec lesquels elle est en conflit, et n'est pas précis. Elle reconnaît avoir vendu la chaîne d'abattage pour 1 800 euros, la machine déplumeuse et un échaudoir pour 500 euros le lot, machines qui étaient dans un état déplorable. Elle précise que ce matériel était présent dans l'entreprise lors de l'achat de l'entreprise et qu'elle n'a pas pu le changer selon le devis de 70 000 euros, n'ayant pas obtenu de prêt à cet effet. Elle précise que c'est M. [H], qui a acheté, avec les fonds provenant de sa ferme, le groupe frigo et un bac d'échevinage, qu'il a prêtés gracieusement à la société pour lui permettre d'exercer son activité, puis a repris le matériel avant la liquidation. Elle souligne que l'inventaire mentionne le matériel présent dans l'entreprise. Elle soutient que ce matériel avait encore un minimum de valeur marchande, mais qu'il a maintenant été récupéré par les consorts [R].

Enfin, elle fait état de sa situation personnelle et financière et ajoute que le prononcé d'une telle sanction pour cinq ans lui cause un énorme préjudice pour retrouver une activité et ne fait que l'accabler davantage, alors qu'elle a tout perdu avec l'achat de ce fonds.

Par ordonnances du 20 octobre 2021, la Présidente de Chambre a dit que l'affaire sera appelée à l'audience de plaidoirie du 3 janvier 2022 et ordonné la communication de l'affaire à M. le Procureur Général.

Le même jour, le greffe a adressé aux avocats l'avis de fixation de l'affaire à bref délai.

Par acte d'huissier de justice délivré le 27 octobre 2021, Mme [J] a fait signifier à M. le Procureur Général le récapitulatif de la déclaration d'appel, la déclaration d'appel, l'avis de fixation de l'affaire à bref délai et ses conclusions du 6 octobre 2021 et le bordereau de communication de pièces.

Par conclusions du 3 décembre 2021, transmises par voie électronique le 10 décembre 2021, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement.

Il indique que la requête est fondée sur l'article L.653-4 5ème du code de commerce et qu'il est reproché à Mme [J], gérante, d'avoir usé de manoeuvres aux fins de détourner les actifs de la société Eleonor La Rose des sables au détriment des créanciers de la structure.

Il soutient que le procès-verbal de carence de l'huissier du 27 février 2019 n'a établi l'existence que de maigres actifs et l'absence d'actif ou de bien ayant une valeur marchande, que le rapport du mandataire liquidateur du 10 avril 2019 mentionne l'absence de tout actif et cite un courrier du bailleur faisant état d'un déplacement par Mme [J] et M. [H] de la quasi-intégralité du matériel d'exploitation de la société dans un hangar appartenant à ce dernier. Il ajoute que Mme [J] a reconnu, durant son entretien avec le mandataire judiciaire, la cession des différents actifs permettant le fonctionnement de la chaîne de production de la société et, lors de son audition par les services de gendarmerie, avoir déménagé les actifs de la société en prévision de l'ouverture de la procédure collective. Elle reconnaît avoir vendu la chaîne d'abattage, la machine déplumeuse et l'échaudoir pour 2 300 euros. Il souligne qu'aucun justificatif quant à la propriété du groupe frigo et du bac d'échevinage ne sont produits, ni quant à la non-obtention du prêt sollicité pour l'achat du matériel mentionné dans le devis de 70 000 euros, ni quant à la cession des biens pour un montant allégué de 2 300 euros. Il considère que les déclarations de l'appelante lors de son audition comme mise en cause révèlent son intention frauduleuse. Il conclut que la faute apparaît caractérisée et que la sanction prononcée pour une durée de 5 ans est justifiée eu égard à la situation délicate de Mme [J], âgée de 54 ans, bénéficiaire du RSA avec à sa charge une fille de 12 ans, et au fait qu'elle avait, dès le début de son activité, rencontré des difficultés et ne pouvait ignorer que son comportement était constitutif d'une faute.

Le 3 janvier 2022, Mme [J] a transmis par voie électronique un bordereau de pièces complémentaires et récapitulatif daté du 31 décembre 2021.

Par arrêt avant-dire droit du 31 janvier 2022, la cour de céans a invité Mme [J] à assigner en intervention forcée le mandataire judiciaire de la société SAS Eleonor, la Rose des Sables, et ce avant le 9 mars 2022 et invité les parties, à défaut de cette mise en cause, à présenter leurs observations sur la fin de non-recevoir, opposée à l'appel formé par Mme [J], relevée d'office et tirée du défaut d'intimation du mandataire judiciaire prévue par l'article R.661-6 du code de commerce.

Par acte d'huissier de justice délivré le 14 février 2022, Mme [J] a signifié à la Selarl MJM [P] et associés, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Eleonore La Rose des Sables l'arrêt du 31 janvier 2022, le récapitulatif de la déclaration d'appel, ladite déclaration d'appel, l'avis de fixation de l'affaire à bref délai et les conclusions d'appel et en intervention forcée du 8 février 2022, accompagnées du bordereau de communication de pièces et l'a assignée à comparaître à l'audience du 4 avril 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 4 avril 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, la cour constate que Mme [J] n'a pas transmis au greffe, notamment par RPVA, de 'conclusions d'appel et en intervention forcée du 8 février 2022'. La cour n'en est donc pas saisie et ne statuera qu'au vu des conclusions de Mme [J] du 6 octobre 2021.

Sur le fond, Mme [J] ne conteste pas la matérialité du grief de détournement de l'actif de la société Eleonore La Rose des Sables retenu par le tribunal à son encontre. S'agissant de son ampleur, elle indique avoir cédé une chaîne d'abattage, une machine déplumeuse et un échaudoir pour un prix total de 2 300 euros et il ne ressort pas des conclusions du ministère public que ces biens auraient eu une valeur supérieure, ni que d'autres biens de la société auraient été détournés, étant observé qu'aucun autre actif ni valeur d'actif ne sont évoqués et qu'il n'est pas démontré que le groupe frigo et le bac d'échevinage appartenaient à ladite société, outre qu'il est admis qu'il reste de maigres actifs, bien que dépourvus de valeur marchande. Le grief de détournement prévu par l'article L.653-4 5° du code de commerce est dès lors constitué.

Le grief d'augmentation frauduleuse du passif visé par ce texte n'est pas invoqué. En outre, si dans ses conclusions, le ministère public évoque le fait que Mme [J] a poursuivi une exploitation déficitaire, qui n'a d'ailleurs pas été mentionné par le tribunal, il ne résulte pas de ses conclusions qu'il lui reproche un tel grief, dès lors qu'il précise liminairement qu'il est reproché à Mme [J], gérante, d'avoir usé de manoeuvres aux fins de détourner les actifs de la société Eleonor La Rose des sables au détriment des créanciers de la structure. En outre, il ne caractérise pas suffisamment en quoi il y aurait eu poursuite d'activité déficitaire.

Compte tenu de la gravité du manquement retenu, de son ampleur relative, mais aussi de la situation personnelle et financière de Mme [J] que décrit d'ailleurs le ministère public, il est justifié de la condamner, pour une durée d'une année à compter du prononcé du jugement, à une mesure d'interdiction de diriger, de gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute exploitation commerciale ou artisanale et toute exploitation agricole.

Le jugement sera ainsi confirmé, sauf sur la durée de la mesure qu'il a prononcée.

Succombant partiellement en son appel, Mme [J] supportera les dépens.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 28 juin 2021, sauf en ce qu'il a fixé à 5 années la durée de la mesure d'interdiction prononcée à l'encontre de Mme [Y] [J],

L'infirme de ce chef,

Statuant à nouveau de ce chef infirmé :

Fixe à une année à compter du jour du jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 28 juin 2021, la durée de la mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole, prononcée à l'encontre de Mme [Y] [J] par ledit jugement,

Y ajoutant :

Dit qu'en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code du commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données,

Dit qu'en application de l'article L.128-3 du code du commerce une expédition de l'arrêt sera transmise par le Ministère Public, dans le délai de trois jours à compter de la date à laquelle la décision n'est plus susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution, au Président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce pour inscription au FNIG (Fichier National des Interdits de Gérer),

Dit que le support d'annonces légales dans lequel l'avis devra être publié en application de l'article R.621-8, 6ème, sera 'Le Paysan du Haut-Rhin',

Dit qu'en application de l'article R. 661-7 du Code de commerce, le greffier de la cour d'appel transmet dans les huit jours du prononcé de l'arrêt une copie de celui-ci au greffier du tribunal pour l'accomplissement des mesures de publicité prévues à l'article R. 621-8 lorsque l'arrêt infirme une décision soumise à la publicité,

Dit qu'en application des articles 768 5° et R 69 9° du code de procédure pénale, une expédition de l'arrêt sera transmise au service du casier judiciaire national par les soins du greffe de la juridiction qui a statué après visa du Ministère Public,

Condamne Mme [J] à supporter les dépens d'appel.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/03170
Date de la décision : 22/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-22;21.03170 ?
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