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22/06/2022 | FRANCE | N°21/01207

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 22 juin 2022, 21/01207


MINUTE N° 348/22





























Copie exécutoire à



- Me Joëlle LITOU-WOLFF



- Me Anne CROVISIER





Le 22.06.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 22 Juin 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/01207 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HQS7

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Décision déférée à la Cour : 04 Février 2021 par le Juge de la mise en état de la chambre commerciale du Tribunal judiciaire de COLMAR



APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :



S.A.S. ENDEL

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]



Représen...

MINUTE N° 348/22

Copie exécutoire à

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

- Me Anne CROVISIER

Le 22.06.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 22 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/01207 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HQS7

Décision déférée à la Cour : 04 Février 2021 par le Juge de la mise en état de la chambre commerciale du Tribunal judiciaire de COLMAR

APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :

S.A.S. ENDEL

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me BRUILLARD, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES - APPELANTES INCIDEMMENT :

S.A.S. SECHE ECO INDUSTRIES

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

S.A. ALLIANZ IARD, assureur de la Société SECHE ECO INDUSTRIES

[Adresse 1]

Représentées par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me KAPPLER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2021, en audience publique, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon un marché du 17 août 2012, la société Seche Eco Industries, qui s'est substituée suivant avenant n°1 du 14 septembre 2012 à la société Seche Environnement, exploite l'usine de compostage des ordures ménagères de [Localité 5], gérée par le Syndicat mixte de collecte et de traitement des ordures ménagères d'[Localité 3] centrale (SMICTOM).

Le 20 mars 2014, la société Endel a émis une offre concernant des travaux d'arrêt concernant la remise en état de l'entrée du BRS, qui a été acceptée par le SMICTOM.

Le 8 juillet 2014, la société Endel a émis une seconde offre concernant la 'plus value au problème de pièces suivant plan n°17433 pour la remise en état de l'entrée du BRS', qui a été acceptée par le SMICTOM.

Un procès-verbal de réception relative à la commande suivant devis du 30 mars 2014 a été dressé le 17 juillet 2014.

Le 27 juillet 2014, le bouclier d'entrée du bioréacteur de l'usine (BRS) s'est désolidarisé de la structure, le bioréacteur étant alors arrêté, et ce jusqu'au 29 septembre 2014.

La société Seche Eco Industries a mis en oeuvre des solutions alternatives et supporté un surcoût de fonctionnement.

Le 6 octobre 2014, une fissure est apparue sur le bioréacteur conduisant à des fuites.

Par requête du 28 janvier 2015, le SMICTOM a demandé au juge des référés du tribunal administratif l'organisation d'une expertise, qui y a fait droit par décision du 18 février 2015.

Le 23 octobre 2015, la société Seche Eco Industries et le SMICTOM ont conclu un avenant n°5 au contrat du 17 août 2012 concernant la prise en charge des frais liés aux incidents survenus sur le BRS.

Le rapport d'expertise a été déposé le 15 février 2019.

La société Seche Eco Industries et son assureur la société Allianz IARD qui lui avait versé certaines sommes ont demandé paiement à la société Endel et au SMICTOM, qui ont refusé.

Elles ont alors assigné, par acte délivré le 17 février 2020, la société Endel en paiement de la somme de 430 976,61 euros au titre des surcoûts de traitement de déchets.

Elles ont également saisi la juridiction administrative d'un recours contre le SMICTOM et la société Endel.

La société Endel a contesté la recevabilité des demandes et a saisi le juge de la mise en état.

Par ordonnance du 4 février 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Colmar a :

- déclaré l'action en réparation des préjudices de la société SECHE ECO INDUSTRIES et la société ALLIANZ IARD non prescrite,

- déclaré l'action en garantie de la société SECHE ECO INDUSTRIES et la société ALLIANZ IARD à l'encontre de la SAS ENDEL non prescrite

- rejeté les fins de non recevoir tirées de la prescription,

- rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société ALLIANZ IARD,

- rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société SECHE ECO INDUSTRIES,

- déclaré la demande de sursis présentée par la SAS SECHE ECO INDUSTRIES et la SA ALLIANZ IARD irrecevable,

- déclaré les demandes des sociétés SECHE ECO INDUSTRIES et ALLIANZ IARD recevables pour le surplus,

- renvoyé les parties à l'audience de mise en état,

- réservé les droits des parties et les dépens y compris ceux de l'incident qui suivront le sort de la procédure au fond,

- débouté la SAS ENDEL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 25 février 2021, la société Endel a interjeté appel de cette décision.

Le 23 mars 2021, la société Seche Eco Industries et la société Allianz IARD se sont constituées intimées.

Par ordonnance du 7 mai 2021, l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 25 octobre 2021.

Le même jour, le greffe a adressé l'avis de fixation.

Par ses dernières conclusions du 20 Mai 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la société ENDEL demande à la cour de :

- dire l'appel bien fondé,

y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- déclaré l'action en réparation des préjudices des sociétés SECHE ECO INDUSTRIES et ALLIANZ IARD non prescrite,

- déclaré l'action en garantie des sociétés SECHE ECO INDUSTRIES et ALLIANZ IARD à l'égard de la société ENDEL non prescrite,

- rejeté les fins de non recevoir tirées de la prescription,

- rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société ALLIANZ IARD,

- rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société SECHE ECO INDUSTRIES,

- déclaré les demandes des sociétés SECHE ECO INDUSTRIES et ALLIANZ IARD recevables pour le surplus,

- réservé les droits des parties et les dépens y compris ceux de l'incident qui suivront le sort de la procédure au fond,

- débouté la SAS ENDEL de sa demande au titre de l'article 700 du CPC

et statuant à nouveau :

- dire irrecevables comme prescrites les demandes des sociétés SECHE ECO INDUSTRIES et ALLIANZ IARD à l'encontre de la société ENDEL,

- débouter les sociétés SECHE ECO INDUSTRIES et ALLIANZ IARD de toutes conclusions contraires et de l'intégralité de leurs fins, moyens et prétentions,

- confirmer pour le surplus l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant :

- condamner in solidum les sociétés SECHE ECO INDUSTRIES et ALLIANZ IARD à payer à la société ENDEL la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamner in solidum les sociétés SECHE ECO INDUSTRIES et ALLIANZ IARD aux frais et dépens de première instance et d'appel,

Sur l'appel incident :

- le dire infondé, en débouter les sociétés SECHE ECO INDUSTRIES et ALLIANZ IARD,

- les condamner aux dépens de l'appel incident.

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie exercée par les sociétés SECHE ECO INDUSTRIES et ALLIANZ IARD à son égard au titre de préjudices invoqués à la suite des sinistres des 27 juillet 2014 et 6 octobre 2014, elle soutient que le recours en garantie entre co-responsables se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et que l'assignation en référé expertise délivrée par le maître de l'ouvrage constitue le point de départ du délai de l'action récursoire.

Elle reproche au premier juge d'avoir retenu qu'elles avaient reçu la requête en référé expertise du SMICTOM le 18 février 2015, soutenant qu'elles l'ont reçue les 5 et 6 février 2015, de sorte qu'elles avaient jusqu'au 6 février 2020 pour agir en justice, alors que l'assignation a été délivrée le 17 février 2020.

Elle ajoute que le point de départ de la prescription se situe au jour de l'assignation en référé expertise, peu important qu'aucune action au fond n'ait été introduite par la suite, mais également le contenu de la requête, étant précisé que dans sa requête, le SMICTOM évoquait la responsabilité de la société SECHE.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en réparation des préjudices des sociétés SECHE et ALLIANZ, elle soutient qu'en application de l'article 2224 du code civil, le point de départ de la prescription se situe à la date d'apparition du dommage, que la société SECHE explique avoir supporté des frais supplémentaires du 27 juillet au 29 septembre 2014, de sorte qu'elle était en mesure d'agir en responsabilité à compter du 30 septembre 2014 lorsque son préjudice était entièrement réalisé, alors qu'elle a attendu le 17 février 2020.

Elle ajoute que même en retenant la date de l'assignation en référé expertise, la prescription est acquise.

Elle conteste que la date de manifestation du dommage puisse être fixée au 14 février 2020, date à laquelle le SMICTOM a refusé de les indemniser. Elle soutient que c'est à compter de la date de la survenance du dommage que la victime est en mesure d'en réclamer réparation.

Elle ajoute qu'elles avaient ou auraient dû avoir connaissance du refus du SMICTOM de les indemniser avant cette date du surcoût lié au premier incident, dès lors que la société ALLIANZ a versé une indemnité le 14 décembre 2014 et que le SMICTOM a accepté de les indemniser du surcoût exposé lors du second incident d'octobre 2014. Elle soutient, en outre, qu'en application du contrat, qui n'est pas un marché public, mais un contrat de concession, les surcoûts d'exploitation sont à la charge de la société SECHE et qu'elle a subi un préjudice lors de l'arrêt du bioréacteur entre les 27 juillet et 29 septembre 2014.

Elle conteste que le point de départ de la prescription puisse être fixé au jour du dépôt du rapport d'expertise.

Enfin, elle conteste que les sociétés SECHE et ALLIANZ puissent bénéficier de l'effet interruptif de la requête en référé déposée par un tiers, le SMICTOM, lequel ne bénéficie qu'à ce dernier. Elle ajoute que sauf délivrance d'un mandat d'agir pour son compte, l'action engagée par une partie ne bénéficie pas aux tiers en matière de prescription.

Sur la demande de sursis à statuer, elle soutient qu'elle n'a pas été présentée in limine litis par les sociétés SECHE et ALLIANZ, de sorte qu'elle n'est pas recevable.

A titre subsidiaire, elle considère qu'il n'est pas d'une bonne administration de la justice que de surseoir dans l'attente de l'issue de la procédure pendante devant le tribunal administratif, dès lors que les juridictions judiciaires ont été saisies en premier lieu, qu'il s'agit d'un litige opposant deux sociétés commerciales de droit privé pour lequel ces dernières sont compétentes, tout comme le litige opposant les sociétés SECHE, ALLIANZ et le SMICTOM qui a un caractère industriel et commercial.

Par leurs dernières conclusions du 12 octobre 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la société SECHE ECO INDUSTRIES et la société ALLIANZ IARD demandent à la cour de :

- déclarer l'appel principal mal fondé et l'appel incident recevable et bien fondé,

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance du 4 février 2021 en ce qu'elle a :

- déclaré l'action en réparation des préjudices de la SAS SECHE ECO INDUSTRIES et de la SA ALLIANZ IARD non prescrite ;

- déclaré l'action en garantie de la SAS SECHE ECO INDUSTRIES et de la SA ALLIANZ IARD à l'encontre de la société ENDEL non prescrite ;

- rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription ;

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SA ALLIANZ IARD ;

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SAS SECHE ECO INDUSTRIES ;

- déclaré les demandes SAS SECHE ECO INDUSTRIES et de la SA ALLIANZ IARD recevables ;

- infirmer l'ordonnance du 4 février 2021 en ce qu'elle a déclaré la demande de sursis présentée par la SAS SECHE ECO INDUSTRIES et la SA ALLIANZ IARD irrecevable,

Et statuant à nouveau :

- ordonner un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction administrative sur le recours en indemnisation de la SAS SECHE ECO INDUSTRIES et de la SA ALLIANZ IARD constitué de la demande amiable du 20 décembre 2019 puis la saisine du Tribunal le 16 mars 2020.

En tout état de cause :

- débouter la société ENDEL de son appel et de l'ensemble de ses fins et conclusions

- condamner la société ENDEL à payer aux intimés la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens d'appel principal et incident.

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de leur action en réparation de leurs préjudices, elles soutiennent qu'en application de l'article 2224 du code civil, le point de départ de la prescription court à compter de la réalisation du dommage subi, lequel n'est pas constitué par la chute du bouclier du BRS qui n'est pas la propriété de la société Seche Eco Industries, ni maître de l'ouvrage des travaux, ni par l'engagement de frais supplémentaires qu'elle a engagés et qui étaient nécessaires pour assurer la continuité du service qui lui avait été confié.

Elles font valoir que ces frais ne devaient être pris en charge par la société Seche Eco Industries que de manière temporaire, la charge finale en incombant au SMICTOM, dès lors qu'elle est titulaire d'un marché public de services et non d'une concession de services, ce qui implique qu'elle ne supporte pas, en tant qu'exploitant, le risque d'exploitation.

Elles indiquent qu'au moment où la société Seche Eco Industries a engagé les frais supplémentaires, ceux-ci ne devaient pas rester à sa charge, de sorte qu'il n'y avait pas de dommage caractérisé. Elles ajoutent que des discussions étaient en cours, de sorte qu'à la date de la requête au tribunal administratif, il n'y avait aucun préjudice caractérisé. Elles font valoir que l'avenant du 23 octobre 2015 avait pour objet de régler la question de la prise en charge des frais liés aux incidents survenus en juillet et octobre 2014, outre un autre survenu en mai 2015. S'agissant de l'incident de juillet 2014, l'avenant précise qu'ayant été indemnisée par son assureur pour les pertes d'exploitation, la société Seche Eco Industries ne demande pas le versement d'indemnités au SMICTOM. Elles contestent cependant toute renonciation de la société Seche Eco Industrie à demander le remboursement des frais engagés pour le transport et le traitement des déchets ainsi que toute renonciation de son assureur. Au soutien de leur argument selon lequel la société Seche Eco Industries ne devait pas supporter les surcoûts, elles soulignent qu'une indemnisation était prévue pour les frais supplémentaires occasionnés par les incidents d'octobre 2014 et mai 2015.

Elles soutiennent que le SMICTOM a, pour la première fois, par courrier du 14 février 2020 refusé de rembourser les frais, de sorte que c'est à partir de cette date, que la société Seche Eco Industries a subi un dommage puisqu'elle savait à partir de cette date qu'elle ne serait pas remboursée des frais avancés pour le compte de la SMICTOM.

A titre subsidiaire, soutenant que pour être titulaire d'un droit au sens de l'article 2224 du code civil, il est nécessaire de connaître le responsable du préjudice, ce qu'elles n'ont connu que lors du dépôt du rapport d'expertise, de sorte que le point de départ court à compter du 15 février 2019.

A titre plus subsidiaire, elles soutiennent que le dommage peut être caractérisé au jour de l'avenant n°5 le 23 octobre 2015.

Elles contestent avoir su avant cette date que le SMICTOM refuserait une indemnisation et font valoir que l'indemnisation par l'assureur n'était que partielle et dans l'attente d'un remboursement par le SMICTOM.

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de leur action en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au profit du SMICTOM, elles contestent que le point de départ court à compter de la notification de la requête en référé expertise, soutenant que les jurisprudences invoquées concernent le recours en garantie entre constructeurs ou entre un constructeur et un sous-traitant, alors que la société Seche Eco Industrie n'est pas constructeur mais exploitant du site et n'a pas de lien de sous-traitance avec la société Endel.

Elles soutiennent que le délai pour former un appel en garantie court à compter de la demande au fond en indemnisation, dès lors que si sa responsabilité était évoquée par le SMICTOM au titre de sa requête en expertise, elle n'était qu'hypothétique et qu'une requête en référé ne signifie pas qu'elle serait un jour appelée en paiement.

Sur leur intérêt à agir, elles constatent que la société Endel a demandé l'infirmation de l'ordonnance ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt à agir, mais n'a pas demandé à la cour, statuant à nouveau, de déclarer irrecevable pour défaut d'intérêt à agir leurs demandes, de sorte que la cour n'a pas à se prononcer sur ce point. A titre subsidiaire, elles indiquent justifier de leur intérêt à agir, la société Allianz étant subrogée dans les droits de son assurée et la société Seche Eco Industries ayant conservé à sa charge la franchise contractuelle.

Sur la demande de sursis à statuer, elles rappellent avoir adressé le 20 décembre 2019 à la société Endel et au SMICTOM une demande amiable d'indemnisation de leur préjudice, laquelle constitue un préalable à l'engagement d'une procédure en indemnisation devant la juridiction administrative qui a été introduite le 16 mars 2020. Elles en déduisent que la procédure introduite devant la juridiction administrative l'a été le 20 décembre 2019, soit avant la saisine du tribunal judiciaire.

Elles ajoutent que ce n'est qu'à toutes fins utiles et par précaution, que la procédure a également été engagée devant les juridictions judiciaires, mais qu'il appartient au tribunal administratif de trancher les responsabilités.

Elles précisent que n'est pas demandée l'indemnisation d'un préjudice subi en qualité d'usager d'un service public industriel et commercial, mais en qualité d'usager de l'ouvrage public, en l'espèce du BRS, qui a fait l'objet de travaux à l'initiative du SMICTOM en sa qualité de maître d'ouvrage et que les travaux ont été réalisés par la société ENDEL dans le cadre d'un marché public confié par le SMICTOM, de sorte que seule la juridiction administrative est compétente.

Elles indiquent que la demande de sursis à statuer a été formée dès les premières conclusions devant le juge de la mise en état, que celui-ci étant seul compétent, cette demande de sursis ne pouvait être formée dès l'assignation.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°) Sur la demande de sursis à statuer :

La demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure, laquelle doit, à peine d'irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond en application de l'article 74, alinéa 1, du code de procédure civile.

Dès lors qu'ont été adressées au tribunal des conclusions contenant des demandes de fond avant les conclusions adressées au juge de la mise en état concluant au sursis à statuer, cette demande de sursis n'est pas recevable.

Aux termes de l'article 56 du Code de procédure civile, une assignation vaut conclusions sur le fond pour le demandeur.

Dès lors qu'en l'espèce, les sociétés Seche Eco Industries (la société SEI) et Allianz IARD ont assigné la société Endel à comparaître devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar afin qu'elle soit condamnée à lui payer une certaine somme et à la garantir, la demande de sursis à statuer, ensuite présentée au juge de la mise en état n'est pas recevable pour ne pas avoir été présentée in limine litis. Il convient dès lors de confirmer l'ordonnance déclarant irrecevable la demande de sursis à statuer.

2°) Sur les fins de non-recevoir invoquées :

La société Endel ne présente pas devant la cour de fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des sociétés intimées. L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut d'intérêt à agir des sociétés SEI et Allianz IARD.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La société SEI et son assureur indiquent que la société SEI est l'exploitant du site, étant titulaire d'un marché public de services, et que la société Endel est le constructeur intervenu pour le compte du SMICTOM.

3°) Sur l'action en réparation des préjudices subis :

La société SEI et son assureur agissent en paiement d'une somme totale de 430 976,61 euros HT, répartie entre eux selon les sommes versées par l'assureur à la société SEI, correspondant aux frais exceptionnels que la société SEI a dû mettre en place pour assurer la continuité du service public, à la suite de la chute, en juillet 2014, du bouclier d'entrée du BRS sur lequel était intervenue la société Endel.

Il n'est pas contesté que ces frais ont été engagés entre le 27 juillet et le 29 septembre 2014.

Elles soutiennent agir en réparation du préjudice subi, soutenant que ce n'est pas l'engagement de ces frais qui constitue un préjudice, dès lors qu'il était nécessaire pour assurer la continuité du service confié à la société SEI et qu'il ne constituait qu'une prise en charge temporaire, le coût final incombant au SMICTOM, mais qu'elles ont subi un dommage seulement à partir du moment où le SMICTOM a refusé de les rembourser, ce qu'elles ont appris le 14 février 2020, ou, à titre subsidiaire, à compter de la signature de l'avenant avec le SMICTOM le 29 octobre 2015 ou lors du dépôt du rapport d'expertise le 15 février 2019.

A supposer même qu'il soit considéré, comme elles le soutiennent, que le dommage dont elles demandent réparation à la société Endel se soit manifesté lors du refus du SMICTOM de prendre en charge cette somme, il convient de relever que le SMICTOM a présenté une requête en référé-expertise reçue le 28 janvier 2015 par le tribunal administratif, dans laquelle celle-ci évoquait, outre un sinistre postérieur, le sinistre du mois de juillet 2014 et les travaux réalisés jusqu'au 26 septembre 2014, l'exploitation ayant pu reprendre le 29 septembre 2014. Elle justifiait le caractère utile de la mesure en soutenant qu'il 'importe de déterminer, d'une part, les causes exactes et précises des deux sinistres, et, d'autre part, les responsabilités de chacune des parties prenantes dans la survenance de ces sinistres en vue de la prise en charge des coûts générés par les réparations provisoires et définitives à venir, ainsi que l'ensemble des préjudices qui en a découlé, dès lors qu'il n'existe aucun accord entre les parties prenantes sur les causes, l'étendue ainsi que l'imputabilité de la responsabilité de ces sinistres'. La requête ajoutait, 'sur l'utilité de la demande concernant plus particulièrement la société SEI', que 'sa propre responsabilité ne peut donc a priori être écartée' en faisant état de ses obligations.

A hauteur de cour, la société Endel produit les accusés de réception adressés par le tribunal administratif à la société SEI et à la société Allianz, dont il résulte que la première l'a reçu le 6 février 2015 et la seconde le 5 février 2015.

Ainsi à compter des 5 et 6 février 2015, les sociétés Allianz et SEI avaient respectivement connaissance de ce que le SMICTOM n'acceptait pas nécessairement de payer les frais engagés par la société SEI, puisqu'il indiquait rechercher les responsabilités des parties prenantes, et donc y compris de la société SEI, en vue de la prise en charge des réparations et qu'il ajoutait clairement que la responsabilité de la société SEI ne pouvait être écartée.

Dès lors, elles ont eu connaissance de la réalisation du dommage dont elles demandent réparation, au plus tard les 5 et 6 février 2015, de sorte que leur action en réparation introduite le 17 février 2020 est prescrite.

4°) Sur l'action en garantie :

La société Seche Eco Industries et son assureur exercent, d'autre part, une action en garantie contre la société Endel, demandant qu'elle soit tenue de les garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au profit du SMICTOM.

Il convient d'approuver les motifs des premiers juges dont il résulte que le point de départ de la prescription de l'action en garantie court à compter de la notification de la requête en référé-expertise. Il sera ajouté que cette requête visait clairement à déterminer les responsabilités de chacune des parties prenantes, y compris de la SEI, dont elle évoque précisément les obligations et la possible responsabilité.

Compte tenu de la date de la réception de cette requête par les sociétés SEI et Allianz IARD dont il est justifié à hauteur de cour, soit les 5 et 6 février 2015, l'action introduite le 17 février 2020 est prescrite.

Les demandes n'étant ainsi pas recevables, il convient, par voie de conséquence, d'infirmer les chefs de l'ordonnance disant les demandes recevables et de la confirmer pour le surplus.

5°) Sur les frais et dépens :

Les sociétés SEI et Allianz IARD succombant, elles seront condamnées à supporter les dépens de première instance, l'ordonnance étant infirmée de ce chef, et d'appel, à payer à la société Endel la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, leur demande de ce chef étant rejetée.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Colmar du 4 février 2021, sauf en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer et rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut d'intérêt à agir,

La confirme de ces chefs,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevables comme prescrites les demandes des sociétés SECHE ECO INDUSTRIES et ALLIANZ IARD contre la société ENDEL,

Condamne les sociétés SECHE ECO INDUSTRIES et ALLIANZ IARD, in solidum, à supporter les dépens de première instance et d'appel,

Condamne les sociétés SECHE ECO INDUSTRIES et ALLIANZ IARD, in solidum, à payer à la société Endel la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande des sociétés SECHE ECO INDUSTRIES et ALLIANZ IARD au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/01207
Date de la décision : 22/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-22;21.01207 ?
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