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22/06/2022 | FRANCE | N°20/01407

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 22 juin 2022, 20/01407


MINUTE N° 344/22





























Copie exécutoire à



- Me Christine BOUDET



- Me Laurence FRICK





Le 22.06.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 22 Juin 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/01407 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKQS



Décision déférée à la Cour : 13 Mars 2020 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANT :



Monsieur [J] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Christine BOUDET, avocat à la Cour



INTIMEE :



S.A.S. FRANCE BOISSONS ...

MINUTE N° 344/22

Copie exécutoire à

- Me Christine BOUDET

- Me Laurence FRICK

Le 22.06.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 22 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/01407 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKQS

Décision déférée à la Cour : 13 Mars 2020 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur [J] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Christine BOUDET, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A.S. FRANCE BOISSONS RHONE-ALPES

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Novembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'assignation délivrée le 31 mars 2017 par laquelle la SAS France Boissons Rhône-Alpes a fait citer M. [J] [R] et M. [P] [R] devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Strasbourg,

Vu le jugement rendu le 13 mars 2020, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- constaté la qualité à agir de la société France Boissons Rhône-Alpes à l'encontre de M. [P] [R] et [J] [R].

- constaté la qualité de créancier professionnel de la société France Boissons,

- dit les engagements de caution de M. [P] [R] manifestement disproportionnés a ses biens et revenus,

- dit et jugé que la société France Boissons Rhône-Alpes ne pouvait se prévaloir du cautionnement solidaire de M. [P] [R],

- condamné M. [J] [R] à payer à la société France Boissons Rhône-Alpes au titre de son engagement de caution, la somme de 20 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2017.

- ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière.

- dit n'y avoir lieu à paiement de frais irrépétibles au profit de la société France Boissons Rhône-Alpes,

- condamné la société France Boissons Rhône-Alpes à payer à M. [P] [R] une somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [J] [R] aux dépens,

- ordonné 1'exécution provisoire.

Vu la déclaration d'appel formée par M. [J] [R] contre ce jugement, et déposée le 22 mai 2020,

Vu la constitution d'intimée de la SAS France Boissons Rhône-Alpes en date du 20 juillet 2020,

Vu les dernières conclusions en date du 20 août 2020, auquel est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [J] [R] demande à la cour de :

 

'I. In limine litis,

CONSTATER le défaut de qualité à agir de la société France BOISSONS RHONE ALPES,

INFIRMER le jugement du 13 mars 2020 en toutes ses dispositions concernant Monsieur [J] [R],

DECLARER les demandes de la société FRANCE BOISSONS RHONE ALPES irrecevables et, en tous les cas, mal fondées,

La DEBOUTER de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

II. Subsidiairement, au fond

Vu les articles 331-1, 331-2 et 332-1 du Code de la Consommation,

DEBOUTER la société France BOISSONS RHONE ALPES de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

CONSTATER le défaut de pouvoir et de qualité du signataire de la déclaration de créance litigieuse au passif de la société [R] 67 ;

DIRE ET JUGER la créance litigieuse éteinte ;

DIRE ET JUGER que les actes de cautionnement litigieux sont éteints et inopposables aux défendeurs,

DEBOUTER la société FRANCE BOISSONS de toutes ses demandes à l'encontre de Monsieur [J] [R],

CONSTATER la qualité de créancier professionnel de la société FRANCE BOISSONS,

DIRE et JUGER que Monsieur [R] ne disposait pas de biens propres lors de son engagement de caution,

DIRE et JUGER que les engagements de caution de Monsieur [J] [R] sont manifestement disproportionnés à ses biens et revenus,

DIRE et JUGER que la société FRANCE BOISSONS ne saurait se prévaloir des cautionnements solidaires de Monsieur [J] [R] du 14 mai 2012,

CONSTATER que les fiches de renseignements ont été établies au profit de la société HEINEKEN ENTREPRISE SAS,

DIRE et JUGER que la société France BOISSONS RHONE ALPES ne peut s'en prévaloir à l'encontre de Monsieur [R],

DECHARGER Monsieur [J] [R] de sa caution, faute de possibilité de bénéficier de la subrogation du fait du créancier,

A titre subsidiaire :

CONDAMNER la société France BOISSONS à la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde,

REDUIRE l'engagement de caution de Monsieur [R] à la somme de 10.000 €,

En tout état de cause :

CONDAMNER la société FRANCE BOISSONS aux entiers dépens,

CONDAMNER la société FRANCE BOISSONS à verser à Monsieur [J] [R], la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.'

et ce, en invoquant, notamment :

- l'irrecevabilité de la demande pour défaut de qualité à agir de la SAS France Boissons Rhône-Alpes, qui serait étrangère au litige à défaut d'être la cocontractante de la société [R] 67, de la banque ou des cautions,

- l'extinction du cautionnement par l'effet de celui de la créance déclarée irrégulièrement au passif du débiteur principal, faute de pouvoir régulier du signataire,

- la qualité de créancier professionnel de la société France Boissons et l'application des dispositions du code de la consommation,

- la disproportion manifeste de ses engagements et l'inopposabilité de la fiche de renseignements, ainsi que l'application de l'article 1415 du code civil,

- l'impossible subrogation du concluant, par la faute de l'intimée, dans les droits de la société France Boissons à l'encontre de M. [P] [R] dont les engagements ont été jugés disproportionnés,

- à titre subsidiaire, un manquement de la société France Boissons à son obligation de renseignement et de conseil, ainsi qu'à son devoir de mise en garde.

Vu les dernières conclusions en date du 1er décembre 2020, auquel est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS France Boissons Rhône-Alpes demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de condamner l'appelant aux dépens de l'appel, ainsi qu'à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et ce, en invoquant, notamment :

- sa qualité à agir, comme venant régulièrement aux droits de la société France Boissons Nord-Est, à l'exclusion de tout intuitu personae, et en présence d'un contrat de sous-cautionnement entre l'appelant et la concluante,

- la régularité de sa déclaration de créance, dont le défaut ne serait, au demeurant, pas une exception inhérente à la dette,

- le caractère très largement proportionné de l'engagement de caution de M. [R], à supposer qu'il soit en droit d'invoquer une disproportion en qualité de sous-caution, et en présence d'une fiche de renseignements dépourvue d'ambiguïté, signée par l'appelant en amont de son engagement et en vue de celui-ci, et sans qu'il y ait lieu de tenir compte du consentement exprès du conjoint donné conformément à l'article 1415 du Code civil, qui détermine seulement le gage du créancier,

- l'absence d'obligation de mise en garde à sa charge,

- l'absence de préjudice de M. [R] au titre d'une privation de subrogation alors qu'aucun droit ne pouvait lui être transmis,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 octobre 2021,

Vu les débats à l'audience du 8 novembre 2021,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

La cour entend, au préalable, rappeler que :

- aux termes de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion,

- ne constituent pas des prétentions, au sens de l'article 4 du code de procédure civile, les demandes des parties tendant à 'dire et juger' ou 'constater', en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n'y répondra qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs.

Sur la qualité à agir de la société France Boissons Rhône-Alpes :

M. [R], qui reproche à la société France Boissons Rhône-Alpes de ne pas justifier de la prise en location-gérance du fonds de commerce de la société France Boissons Nord Est qu'elle invoque, entend faire valoir que cette circonstance ne lui permettrait, en tout état de cause, pas d'agir en ses lieu et place, à défaut de transfert des créances antérieures.

Il entend, par ailleurs, faire observer que c'est la société France Boissons Rhône-Alpes qui a désintéressé la banque en date du 31 janvier 2014, et non les sociétés France Boissons Nord ou France Boissons Nord Est, qui auraient pu, si la créance était née dans leur patrimoine, la transférer à la société France Boissons Rhône-Alpes le 4 juillet 2014, dans le cadre de la dévolution universelle de patrimoine. Il se serait donc produit une totale novation qui n'était absolument pas couverte par les engagements de caution des frères [R] au profit de la seule société France Boissons Nord Est.

La société France Boissons Rhône-Alpes objecte qu'elle aurait bien pris en location-gérance le fonds de commerce précédemment exploité par la société France Boissons Nord Est, devenue France Boissons Nord, et ce en date du 1er mai 2013, soit antérieurement à la délivrance de la quittance subrogatoire par la SA Banque CIC Est, et ce alors que la concluante avait, avant l'apport partiel d'actif, exercé en sa qualité de locataire-gérant, les droits de la société France Boissons Nord Est, ce qui lui conférerait qualité à agir contre l'appelant.

Elle ajoute que le traité d'apport partiel d'actif a pris effet au 1er janvier 2014, soit avant que la banque ne soit désintéressée et ne délivre quittance subrogative.

Sur ce, s'il doit être retenu, comme l'a fait le premier juge, que la créance est née au plus tard au jour où la banque a été désintéressée, soit le 31 janvier 2014, et s'il est justement relevé, par M. [R] que c'est la société France Boissons Rhône-Alpes qui a procédé au règlement, la cour observe que l'engagement de caution de la société France Boissons Nord Est, tout comme le sous-cautionnement consenti par M. [J] [R] s'inscrivent dans le cadre des traités, conventions, engagements qui auraient pu être conclus ou pris par France Boissons Nord au titre de la branche d'activité apportée, d'autant que, comme l'a rappelé le premier juge, l'apport partiel d'actif en cause est soumis au régime des scissions régi par les articles L. 236-16 à L. 236-21 du code de commerce, ce qui implique la transmission universelle du patrimoine de la société qui disparaît au profit de la ou des sociétés bénéficiaires, de sorte que celles-ci ne peuvent être considérées comme tiers aux contrats ainsi transmis.

Or, en l'espèce, la convention de transfert d'actif ayant pris effet au 1er janvier 2014 et transféré, par conséquent, à cette date l'engagement de caution de la société France Boissons Nord Est à la société France Boissons Rhône-Alpes, c'est à bon droit que cette dernière s'est acquittée auprès de la banque de la somme due au titre de l'engagement de caution, et se trouve donc en droit d'actionner la sous-caution, à savoir M. [R].

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la recevabilité de l'action de la société France Boissons Rhône-Alpes à l'encontre de M. [R].

Sur l'extinction du cautionnement :

Sur ce point, le premier juge a, par des motifs pertinents que la cour adopte, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, la cour relevant qu'il est à nouveau justifié, à hauteur d'appel, de la délégation de pouvoirs à l'auteur de la déclaration de créance, et qu'il doit encore être observé que, comme le relève justement la société France Boissons Rhône-Alpes, outre que le défaut de déclaration de créance n'est pas une exception inhérente à la dette, la déclaration de créance a été faite à l'égard de la société [R] 67, mais elle reste sans influence à l'égard de l'appelant, qui s'était porté sous-caution des engagements de cette dernière à l'égard non pas du créancier qu'était la SA Banque CIC Est, mais de la société France Boissons Nord Est, aux droits de laquelle vient la société France Boissons Rhône-Alpes.

Sur la disproportion manifeste, invoquée par M. [J] [R], de son engagement de caution :

Aux termes de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

S'agissant, au préalable, de la qualité de créancier professionnel de la société France Boissons Rhône-Alpes, que cette dernière conteste, comme n'étant pas l'organisme ayant accordé le prêt, il résulte cependant des dispositions susvisées du code de la consommation que le créancier professionnel, dans le droit du cautionnement, est celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale.

Or il convient d'observer que la SAS France Boissons Rhône-Alpes est, tout comme la société aux droits de laquelle elle vient, un établissement financier qui a pour vocation, notamment, de se porter caution de débitants de boissons en vue, comme l'a rappelé le premier juge, de faciliter leur installation et leur développement, et plus généralement de garantir leur défaillance envers les organismes prêteurs et qu'elle intervient, en l'espèce, en garantie d'une créance en rapport direct avec son activité professionnelle de débitant de boissons, au profit d'un de ses distributeurs étant encore rappelé que les textes sur le cautionnement n'interdisent pas à la sous caution de se prévaloir des textes du code de la consommation, comme toute autre caution, la qualification de caution ou de sous-caution de M. [R] étant donc dépourvue d'incidence à cet égard. À cela s'ajoute, au demeurant, comme l'a également fait observer le premier juge, que l'intimée a pris la précaution de faire établir une fiche patrimoniale 'emprunteur et caution', dont l'utilité se justifie pour les exigences relatives à la proportionnalité des engagements de caution.

Il y a donc lieu de retenir que la SAS France Boissons Nord Est, aux droits de laquelle vient la SAS France Boissons Rhône-Alpes, s'est portée caution de la débitrice principale dans l'exercice de son activité professionnelle et qu'ainsi, elle doit être considérée comme un créancier professionnel au sens des articles précités du code de la consommation.

Par ailleurs, la cour rappelle qu'il appartient à la caution de justifier, qu'au jour de sa conclusion, son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus. À ce titre, si une fiche patrimoniale a été établie au nom de M. [J] [R] en date du 27 février 2012, il convient de relever que cette fiche comporte de multiples ratures, notamment de mentions relatives à M. [P] [R], pour lequel une fiche a été signée en date du 15 mars 2012, de sorte que, même si ces deux fiches comportent des signatures différentes, et même s'il n'est pas établi que ce n'est pas M. [J] [R] qui aurait rempli cette fiche, il en résulte néanmoins une confusion et un doute suffisant quant à la fiabilité des indications y figurant, d'autant, notamment, qu'aucun revenu n'est mentionné et que M. [R] apparaît comme célibataire, alors qu'il n'est pas contesté qu'il est marié, de sorte que la banque ne pouvait prendre en compte en tant que telles les indications figurant dans cette fiche.

Pour autant, cela ne dispense pas M. [R] d'apporter la démonstration de la disproportion manifeste de son engagement. À ce titre, M. [J] [R] justifie de la perception, au premier semestre 2012, d'un revenu net mensuel de l'ordre de 331 euros selon les bulletins de paie versés aux débats. Il reconnaît sa participation dans les sociétés civiles immobilières Saga et Saga II, tout en invoquant le caractère de bien commun de ses parts de SCI, étant cependant rappelé, sur ce point, que la disproportion manifeste de l'engagement de la caution commune en biens s'apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci, sans distinction et sans qu'il y ait lieu de tenir compte du consentement exprès du conjoint donné conformément à l'article 1415 du code civil, qui détermine seulement le gage du créancier, de sorte que doivent être pris en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs, incluant les revenus de son conjoint (Com., 6 juin 2018, pourvoi n° 16-26.182, Bull. 2018, IV, n° 6).

Il est, en tout état de cause, plus précisément établi que M. [R] est détenteur de 500 des 1 000 parts de la SCI Saga, valorisées à 1 euro chacune, le capital social étant de 1 000 euros, au moment de la création de la SCI le 20 mai 2009. Aucun élément ne permet, toutefois, de déterminer la consistance du patrimoine, en particulier immobilier, détenu par cette SCI.

Il est, par ailleurs, établi que la SCI Saga II, dont M. [R] reconnaît détenir des parts, a acquis le 1er juin 2010 un bien immobilier pour un montant de 420 000 euros, ce bien étant financé par un prêt d'un montant de 325 000 euros, dont le montant restant dû au 5 mai 2012, selon ce qui ressort du tableau d'amortissement, était de 310 418,72 euros.

Dans ces conditions, la caution ne justifie pas, qu'au jour de sa conclusion, son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Dès lors, elle ne peut pas être déchargée de son engagement en application du texte précité.

Sur la violation alléguée des obligations de la société France Boissons Rhône-Alpes :

M. [R] reproche à la société France Boissons Rhône-Alpes de ne pas s'être renseignée sur la situation de la caution, et d'avoir manqué à son obligation de conseil et à son devoir de mise en garde.

Cela étant, la cour observe que la société France Boissons Rhône-Alpes n'est tenue, fût-ce en sa qualité de créancier professionnel tel qu'elle a été retenue par la cour, d'aucune obligation, qu'elle soit d'origine légale ou conventionnelle, de se renseigner sur la situation de la caution.

En outre, dans la mesure où il n'est ni soutenu, ni démontré que la société France Boissons Rhône-Alpes, ou la société aux droits de laquelle elle vient, s'était engagée à fournir un conseil ou aurait, en pratique, délivré un conseil à M. [R], cette société, qui n'était pas tenue à une obligation de conseil et qui n'a délivré aucun conseil, ne peut, en conséquence, se voir reprocher aucun manquement à ce titre.

Enfin, s'agissant du manquement invoqué au devoir de mise en garde de la société France Boissons Rhône-Alpes, il n'est, en tout état de cause, pas établi, au vu de ce qui précède, et plus particulièrement des conclusions auxquelles est parvenue la cour sous l'angle de l'examen de la disproportion manifeste de l'engagement de caution, que cet engagement aurait été inadapté à la situation financière de M. [R].

Au regard de l'ensemble de ce qui précède, il convient donc de débouter M. [R] de sa demande subsidiaire de dommages-intérêts formée à l'encontre de la société France Boissons Rhône-Alpes.

Sur la privation alléguée du recours subrogatoire envers l'autre caution :

M. [J] [R] entend voir tirer les conclusions de la disproportion manifeste de l'engagement de caution de M. [P] [R], telle qu'elle a été retenue par un chef du dispositif non contesté de la décision de première instance, y voyant une faute de la société France Boissons Rhône-Alpes le privant de recours envers l'autre caution et ayant pour effet de mettre à sa charge l'intégralité du montant de l'engagement.

Cela étant, il doit être précisé que M. [R], qui ne sollicite pas à ce titre de dommages-intérêts mais entend voir réduire le montant de son engagement à hauteur de 10 000 euros, invoque l'article 2314 du code civil, lequel dispose, dans sa version applicable à la cause, que la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution, toute clause contraire devant être réputée non écrite.

Pour autant, il sera rappelé que la sanction prévue par l'article L. 341-4 du code de la consommation prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs. Il s'ensuit que le cofidéjusseur d'une caution déchargée de son engagement en raison de sa disproportion manifeste, ne peut, lorsqu'il est recherché par le créancier, ni revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article 2314 du code civil, faute de transmission d'un droit dont il aurait été privé, ni agir à l'encontre de cette même caution sur le fondement de l'article 2310 du code civil.

En conséquence, à défaut de transmission d'un droit dont il aurait été privé, dès lors que le cautionnement manifestement disproportionné a été dépourvu rétroactivement tout effet, M. [R] sera débouté de sa demande à ce titre, ce qui emporte confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a mis à sa charge la somme de 20 000 euros en exécution de son engagement de caution.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [J] [R] succombant pour l'essentiel sera tenu des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande en outre de mettre à la charge de M. [R] une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 1 500 euros au profit de la société France Boissons Rhône-Alpes, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Strasbourg, chambre commerciale,

Y ajoutant,

Déboute M. [J] [R] de sa demande en dommages-intérêts,

Déboute M. [J] [R] de sa demande de réduction du montant de son engagement,

Condamne M. [J] [R] aux dépens de l'appel,

Condamne M. [J] [R] à payer à la SAS France Boissons Rhône-Alpes la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [J] [R].

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/01407
Date de la décision : 22/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-22;20.01407 ?
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