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15/06/2022 | FRANCE | N°21/00043

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 15 juin 2022, 21/00043


MINUTE N° 334/22





























Copie exécutoire à



- Me Céline RICHARD



- Me Mathilde SEILLE





Le 15.06.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 15 Juin 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00043 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HOT6



Décision déférée à la Cour : 14 Octobre 2020 par le Juge des référés commerciaux du Tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTE :



S.A.S. VERSUS

prise en la personne de son représentant légal

3, rue du Fort

67118 GEISPOLSHEIM



Représentée par Me Céline...

MINUTE N° 334/22

Copie exécutoire à

- Me Céline RICHARD

- Me Mathilde SEILLE

Le 15.06.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 15 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00043 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HOT6

Décision déférée à la Cour : 14 Octobre 2020 par le Juge des référés commerciaux du Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

S.A.S. VERSUS

prise en la personne de son représentant légal

3, rue du Fort

67118 GEISPOLSHEIM

Représentée par Me Céline RICHARD, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A.R.L. ALBER

prise en la personne de son représentant légal

1 Place du Corbeau

67000 STRASBOURG

Représentée par Me Mathilde SEILLE, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Par ordonnance du 18 décembre 2019, le juge des référés commerciaux du tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné la société Alber à retirer, de son enseigne et de tout document commercial, les termes VERSUS et à cesser toute exploitation du terme VERSUS, sous peine d'astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai de six semaines suivant la signification de la décision et l'a condamnée au paiement de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la juridiction se réservant la compétence pour connaître du contentieux de liquidation de l'astreinte.

Cette décision a été confirmée par arrêt du 15 février 2021 de la cour d'appel de céans.

Soutenant que la société Alber ne respectait pas les obligations prescrites par l'ordonnance du 18 décembre 2019, la société Versus l'a assignée en liquidation d'astreinte et demandait notamment que l'astreinte soit doublée pour l'avenir.

Par ordonnance du 14 octobre 2020, le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- rejeté la demande de sursis à statuer formulée par la société Alber,

- constaté la nullité de la signification réalisée le 14 janvier 2020 par Maître [O] agissant en qualité d'associé de la SCP [O]-[S], société titulaire d'un office d'huissier de justice à Strasbourg,

- dit en conséquence que l'astreinte assortissant l'ordonnance de référé du 18 décembre 2019 n'a pas commencé à courir,

- débouté la société Versus de sa demande de liquidation d'astreinte,

- condamné la société Versus aux dépens et à payer à la société Alber une indemnité de 1 500 euros au titre de ses frais non compris dans les dépens.

Le 26 novembre 2020, la société Versus a interjeté appel de cette décision.

Le 11 janvier 2021, la société Alber s'est constituée intimée.

Par ordonnance du 7 mai 2021, l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 11 octobre 2021. Le même jour, le greffe a adressé l'avis de fixation de l'affaire aux avocats.

Par ses dernières conclusions du 9 septembre 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la société Versus demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté le sursis à statuer soulevé par la société Alber,

- l'infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau :

1) Sur la validité de la signification de l'ordonnance du 18 décembre 2019, signifiée le 14 janvier 2020 :

A titre principal,

- dire et juger de la validité du procès-verbal de signification de l'ordonnance du 18 décembre 2019, signifiée le 14 janvier 2020 par Maître [U] [O] agissant es qualité d'associé de la SCP [O]-[S], société titulaire d'un office d'huissier de justice à Strasbourg.

En conséquence,

- dire et juger que l'astreinte a commencé à courir le 25 février 2020, soit six semaines après la signification de l'ordonnance du 18 décembre 2019.

A titre subsidiaire,

- dire et juger que le défaut de pouvoir de Maître [U] [O] de représenter la SCP [O]-[S] lors de la signification de la décision du 18 décembre 2019, signifiée le 14 janvier 2020 constitue une nullité de forme.

- dire et juger que la signification d'un acte par un huissier de justice incompétent constitue une nullité de forme.

- dire et juger de l'absence de grief de la société ALBER lors de la signification de l'ordonnance du 18 décembre 2019, signifiée le 14 janvier 2020 à personne, au représentant de la société ALBER.

En conséquence,

- dire et juger que l'astreinte a commencé à courir le 25 février 2020, soit six semaines après la signification de l'ordonnance du 18 décembre 2019.

2) Sur la liquidation de l'astreinte

- dire et juger que la société ALBER SARL ne respecte pas les obligations prononcées dans le cadre de l'ordonnance du 18 décembre 2019, signifiée le 14 janvier 2020 à la société ALBER.

- dire et juger que l'astreinte a commencé à courir le 25 février 2020, soit six semaines après la signification de l'ordonnance du 18 décembre 2019.

- ordonner la liquidation d'astreinte.

- condamner la société ALBER SARL à payer à la société VERSUS la somme de 200.000 € (soit du 26 février 2020 au 14 septembre 2020) au titre de la liquidation d'astreinte.

- ordonner le doublement de l'astreinte pour l'avenir en cas d'inexécution, soit à hauteur d'un montant de 2.000 €, à compter du 8e jour de la notification de l'ordonnance de référé à intervenir.

3) En tout état de cause

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la société ALBER.

- condamner la société ALBER SARL à payer à la société VERSUS une somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

En substance, la société Versus soutient que, tandis qu'elle exerçait, depuis le 11 avril 2018, une activité de vente de vins, de champagne et spiritueux et produits et accessoires liés à la vente de vin et exploiter commercialement l'enseigne Versus, la société Alber a commencé à exploiter son restaurant sous les signes Versus près d'une année après, que le risque de confusion est patent, qu'elle s'est adressée à l'intimée, notamment par lettre de mise en demeure le 4 février 2019 et que la société Alber a le même jour déposé deux marques Versus à l'INPI. Elle ajoute que la société Alber a ouvert son restaurant le 18 mars 2019 et qu'elle a ainsi obtenu l'ordonnance de référé du 18 décembre 2019.

Sur la validité de l'acte de signification de l'ordonnance du 18 décembre 2019 réalisé par acte d'huissier de justice le 14 janvier 2020, elle soutient que Maître [U] [O] avait qualité et pouvoir pour accomplir l'acte de signification au nom de la SCP [O]-[S]. Elle invoque les dispositions des articles 62, 75 et 135-5 du décret n°69-1274 du 31 décembre 1969. Elle fait valoir, en premier lieu, qu'elle détenait ce pouvoir tant que les huissiers de la SELARL n'avaient pas prêté serment. Elle ajoute, en second lieu, que la société Alber ne peut se prévaloir de la dissolution de la SCP avant l'accomplissement des formalités de publicité prévues relatives au liquidateur, qu'en l'espèce aucun liquidateur n'a été désigné et que la SCP a été dissoute au profit d'une nouvelle étude d'huissier, la SARL EXACT, de sorte que la société d'huissier de justice continuait d'exercer provisoirement ses fonctions jusqu'à la prestation de serment des huissiers au profit de la SARL EXACT qui est intervenue le 22 janvier 2020. En troisième lieu, elle soutient qu'aucun texte ne prévoit que la dénomination sociale de la SCP doit être complétée par la mention 'société en liquidation'. En quatrième lieu, elle soutient surtout que Maître [O] et Maître [S] ont prêté serment dans la nouvelle structure de sorte que la SCP continuait à exister provisoirement dans le respect de l'article 135-5 du décret précité, aussi longtemps qu'elle n'était pas liquidée et qu'en application de ce texte, la SCP représentée par Maître [O], pouvait continuer à exercer provisoirement ses fonctions tant que le liquidateur n'était pas désigné.

A titre subsidiaire, elle soutient qu'il ne s'agirait que d'une nullité de forme et que la société Alber n'a subi aucun grief, de sorte que l'acte de signification demeure valable. Elle invoque à cet égard les articles 694 et 112 et suivants du code de procédure civile. Elle rappelle que l'article 114 du code de procédure civile, sur lequel s'est fondé le juge, est relatif aux nullités de forme. Elle fait valoir que la SCP n'était pas liquidée au jour de la signification et disposait, même durant la période de dissolution, de la personnalité juridique, que le vice allégué proviendrait uniquement du défaut de pouvoir de Maître [O] de représenter la SCP, ce qui ne figure pas dans la liste limitative de l'article 117 du code de procédure civile relative aux vices de fond. Elle ajoute que l'incompétence de Maître [O] ne constitue pas une nullité de fond de l'acte mais une nullité de forme. Enfin, elle soutient que la société Alber n'a subi aucun préjudice, Maître [O] étant toujours huissier de justice et l'acte ayant été signifié à personne.

Sur la liquidation de l'astreinte, elle soutient que la décision, signifiée le 14 janvier 2020, devait être exécutée par la société Alber au plus tard le 25 février 2020, mais que cela n'est pas le cas selon procès-verbaux de constat du 10 mars 2020 et du 15 mai 2020. Elle soutient que le procès-verbal du 22 mai 2020 produit par la société Alber démontre uniquement que les publications ont été supprimées ce jour là. Elle ajoute qu'elle a continué à utiliser la désignation Versus sur son répondeur le 2 juin 2020 et dans son restaurant comme il résulte d'une publication Instagram du 9 septembre 2020.

Elle ajoute que la société Alber ne justifie pas avoir rencontré des difficultés particulières pour exécuter la décision, notamment concernant le changement de l'identifiant de la page Instagram, et qu'elle sait utiliser les réseaux sociaux.

Elle demande la liquidation de l'astreinte du 26 février au 14 septembre 2020, date à laquelle les serviettes utilisées par le restaurant affichaient encore le mot Versus, soit à 1 000 euros par jour, la somme de 200 000 euros.

Elle conteste que l'astreinte ait été suspendue le 12 mars 2020 en application de l'ordonnance du 25 mars 2020, car elle n'a pas commencé à courir pendant la période évoquée par l'ordonnance. Elle fait aussi valoir que les faits constatés sont des publications Instagram et Facebook effectuées à distance et que la société Alber n'était pas empêchée de ne pas utiliser les termes Versus.

Par ses dernières conclusions du 20 septembre 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la société Alber demande à la cour de :

- déclarer l'appel de la Société Versus irrecevable et mal fondé.

- le rejeter,

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance rendue le 14 octobre 2020, en toutes ses dispositions.

- juger nul et de nul effet l'acte de signification de l'ordonnance rendue par le 18 décembre 2019.

- juger que l'astreinte prévue par l'ordonnance rendue le 18 décembre 2019, n'a pas commencé à courir.

A titre subsidiaire,

- juger que les griefs reprochés à la société Alber ne relèvent pas du champ d'application des obligations sanctionnées par l'astreinte comminatoire, conformément à l'ordonnance du 18 décembre 2019.

- débouter la société Versus de l'intégralité de ses demandes.

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que la période au titre de laquelle l'astreinte pourra être liquidée se situe entre le 26 février 2020 et le 11 mars 2020, soit 15 jours.

- ordonner la liquidation de l'astreinte au montant d'un euro.

En tout état de cause,

- débouter la société Versus de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Albert

- juger la demande d'augmentation du taux de l'astreinte à l'avenir sans objet.

- débouter la société Versus de l'intégralité de ses demandes.

- condamner la société Versus d'avoir à payer à la société Albert la somme de 3.000 euros au visa de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamner la société Versus aux entiers frais et dépens de la procédure.

En substance, elle expose d'abord que les activités exercées par les parties sont différentes, que les chartes graphiques ne sont pas assimilables ni identiques et qu'elles ne s'adressent pas aux mêmes clients et qu'elle a exécuté les injonctions fixées par l'ordonnance de référé.

Elle invoque la nullité de l'acte de signification de l'ordonnance du 18 décembre 2019, soutenant que la SCP [O]-[S] a été dissoute par suite des retraits de Maîtres [O] et [S] conformément à l'arrêté du 17 décembre 2019, publié au journal officiel le 8 janvier 2020 et qu'en application des articles 76 et 83 du décret du 31 décembre 2019, elle est dissoute depuis le 8 janvier 2020. Invoquant les articles 63 et 66 de ce décret, elle soutient que la dénomination sociale de la SCP aurait dû être complétée par la mention 'société en liquidation' et que seul le liquidateur pouvait accomplir les actes relevant de la profession d'huissier de justice. Elle ajoute qu'en application de l'article 83 du décret, sont applicables les articles 74 à 76, de sorte qu'un liquidateur aurait dû être désigné et que rien ne dispense la SCP de cette obligation légale. Elle en déduit que Maître [O], en qualité d'associé de la SCP [O]-[S], n'avait aucune qualité pour procéder à la signification le 14 janvier 2020.

Elle conteste que la dissolution ne serait pas opposable aux tiers en application de l'article 75 du décret, dès lors que la défaillance de la SCP dans le respect des exigences du décret n'a pas d'effet quant à la dissolution, qu'il lui appartenait de suspendre son activité jusqu'à l'accomplissement des formalités nécessaires à la désignation d'un liquidateur et à sa prise de fonction. Enfin, elle ajoute qu'une éventuelle inopposabilité aux tiers ne peut avoir pour effet de rendre valides les actes accomplis par une société dissoute.

Elle conteste l'application de l'article 135-5 du décret dans le cas du regroupement de sociétés civiles professionnelles des huissiers de justice ou du retrait simultané des associés, soutenant que les conséquences du retrait de l'ensemble des associés sont régies par les articles 76 et 83 du décret précité, dont il résulte que la dissolution de la société, suite au retrait de tous les associés, est effective dès la publication de l'arrêté du garde des sceaux.

Elle soutient qu'il s'agit de l'accomplissement d'un acte par une personne qui ne disposait d'aucun pouvoir juridique et que le défaut de pouvoir, prévu par l'article 117 du code de procédure civile, applicable aux actes d'un huissier de justice selon l'article 649 dudit code, constitue une irrégularité de fond ne nécessitant pas la démonstration d'un grief. Elle ajoute que l'acte de signification émanait de la personne morale dissoute, dépourvue de titulaire d'office d'huissier de justice et n'étant pas représentée par un liquidateur.

Elle en déduit la nullité de l'acte et le fait que l'astreinte n'a pas commencé à courir.

A titre subsidiaire, elle soutient que l'intégralité des griefs est relative à la documentation publicitaire et qu'il n'est justifié d'aucun fait constitutif de la violation des obligations mises à sa charge. Elle ajoute qu'il appartenait à la société Versus de former une requête en interprétation pour préciser les supports exacts desquels le terme Versus devait être supprimé, mais aussi qu'elle n'a adressé aucune mise en demeure préalable. Elle conteste la valeur probante des éléments de preuve produits par la partie adverse.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande la réduction de l'astreinte. S'agissant de la période de liquidation de l'astreinte, elle soutient qu'elle a couru depuis le 26 février 2020, puis a été suspendue en application des articles 4 et 1 de l'ordonnance du 25 mars 2020, du 12 mars au 23 juin 2020. Invoquant le constat d'huissier du 22 mai 2020 et soutenant avoir cessé toute utilisation du terme Versus au plus tard le 22 mai 2020, elle considère que la liquidation de l'astreinte ne pourrait être demandée qu'entre le 26 février et le 11 mars 2020.

S'agissant du montant de l'astreinte, elle invoque son caractère excessif par rapport à ses capacités financières, à ses efforts déployés qu'elle décrit et à sa bonne foi.

Enfin, elle soutient que, s'étant conformée à l'ordonnance, la demande de modification du montant de l'astreinte n'a plus d'objet.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 11 octobre 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

Par acte du 14 janvier 2020, Maître [U] [O] a, en qualité d''associé de la SCP [U] [O] - [D] [S], société titulaire d'un office d'huissier de justice' signifié à la société Alber l'ordonnance de référé du 18 décembre 2019 à la requête de la société Versus.

Or, par arrêté du Garde des sceaux, ministre de la justice, du 17 décembre 2019, publié au journal officiel du 8 janvier 2020 : avaient été acceptés les retraits de Mme [O] [U] et de M. [S] [D], huissiers de justice associés, membres de la SCP '[U] [O]-[D] [S]', titulaire d'un office d'huissier de justice à la résidence de Strasbourg ; par suite de ces retraits, ladite SCP est dissoute.

L'arrêté ajoutait que la SARL Exact, constituée pour l'exercice de la profession d'huissier de justice, est nommée huissière de justice à la résidence de Strasbourg en remplacement de ladite SCP, que Mme [O] [U] et M. [S] [D] sont nommés huissiers de justice associés, membres de la SARL Exact pour exercer dans l'office dont était titulaire la SCP [U] [O]-[D] [S]', à la résidence de Strasbourg.

Comme l'a exactement énoncé le premier juge, en application de l'article 76 du décret n°69-1274 du 31 décembre 1969, la dissolution de la société n'est effective qu'à compter de la publication de l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, au Journal officiel de la République française.

Comme l'a également exactement rappelé le premier juge, la personnalité morale de la société subsiste alors pour les besoins de la liquidation jusqu'à la clôture de celle-ci, et sa dénomination sociale est obligatoirement suivie de la mention 'Société en liquidation'. Il sera ajouté que, contrairement à ce que soutient la société Versus, ces dispositions résultent de l'article 63 dudit décret. Il sera aussi observé que l'acte litigieux ne portait pas une telle mention.

Et selon l'article 66 dudit décret, alinéa 1er, le liquidateur représente la société pendant la durée de la liquidation de celle-ci et accomplit en remplacement des associés tous actes relevant de la profession d'huissier de justice. Selon son dernier aliéna, à compter de la date de prestation de serment du successeur de la société, le liquidateur cesse d'avoir qualité pour accomplir, au nom de celle-ci, les actes relevant de la profession d'huissier de justice.

En outre, comme l'a aussi exactement retenu le premier juge, par des motifs qu'il convient d'adopter, l'article 135-5 de ce décret n'est pas applicable à la situation de l'espèce.

Ainsi, si comme le soutient la société Versus, la société d'huissier de justice ayant fait l'objet de la dissolution pouvait continuer à exercer provisoirement ses fonctions, elle ne le pouvait que dans les conditions précitées.

S'il est constant qu'aucun liquidateur n'a été désigné en l'espèce, la SCP dissoute n'a pu continuer à exercer provisoirement ses fonctions autrement qu'en étant représentée par un liquidateur. Me [O] ne disposait plus de la qualité, ni du pouvoir d'agir au nom de la SCP [O]-[S] à compter du 8 janvier 2020.

Certes, selon l'article 62 dudit décret, la nullité ou la dissolution de la société n'est opposable aux tiers qu'à compter de l'accomplissement des formalités de publicité prévues par les articles 72, 75 (alinéa 2) et 81.

Cependant, outre que l'acte a été délivré à la requête de la société Versus, qui n'était donc pas un tiers par rapport à l'huissier instrumentaire et à ladite société d'huissiers de justice, et que la dissolution de la société n'est pas opposée mais invoquée par la société Alber, l'éventuelle inopposabilité aux tiers ne peut avoir pour effet de rendre valides à l'égard de ces deux sociétés les actes accomplis au nom d'une société dissoute par une personne dépourvue de pouvoir à cet effet.

Ainsi, seul un liquidateur de la SCP [O]-[S] avait qualité pour accomplir au nom de ladite SCP les actes relevant de la profession d'huissier de justice entre le 8 janvier 2020, date de la publication de l'arrêté de dissolution au journal officiel et le 22 janvier 2020, date de la prestation de serment de Maître [O] en qualité d'huissier de justice associé au sein de l'office d'huissier de justice dont est titulaire la société Exact, mais également de celles de Maître [S] et d'autres huissiers en la même qualité.

Maître [O], en qualité d'associée de la SCP [O]-[S] n'avait pas, le 14 janvier 2020, qualité ni pouvoir pour accomplir au nom de ladite SCP l'acte de signification litigieux.

En application de l'article 649 du code de procédure civile, la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.

C'est dès lors par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu que l'acte litigieux était affecté d'une irrégularité de fond, était dès lors nul, de sorte que l'astreinte n'avait pas commencé à courir.

Il n'est pas soutenu qu'aurait été délivré un autre acte de signification de l'ordonnance du 18 décembre 2019 faisant courir l'astreinte.

L'ordonnance rejetant la demande de liquidation de l'astreinte sera dès lors confirmée.

La société Versus succombant, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a statué sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Elle sera condamnée à supporter les dépens d'appel et à payer à la société Alber la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et sa demande de ce chef sera rejetée.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme l'ordonnance du juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg du 14 octobre 2020,

Y ajoutant :

Condamne la société Versus à supporter les dépens d'appel,

Condamne la société Versus à payer à la société Alber la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société Versus au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/00043
Date de la décision : 15/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-15;21.00043 ?
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