MINUTE N° 310/22
Copie exécutoire à
- Me Valérie SPIESER
- Me Anne CROVISIER
Le 08.06.2022
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 08 Juin 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00745 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HP23
Décision déférée à la Cour : 08 Décembre 2020 par le Juge des référés civils du Tribunal judiciaire de MULHOUSE
APPELANTE :
S.A.S.U. MEYER DECOR
prise en la personne de son représentant légal
25 rue Josué Hofer
68200 MULHOUSE
Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour
INTIMEE :
S.A. TUILERIES OSCAR LESAGE
prise en la personne de son représentant légal
16 Rue de Hirtzbach
68200 MULHOUSE
Représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- Contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant contrat de bail commercial du 15 avril 1985, complété par avenant du 6 février 1990, la société Tuileries Oscar Lesage a donné à bail commercial à la société Meyer, des locaux situés dans un ensemble immobilier sis 25 Rue Josué Hofer à Mulhouse.
Le 24 août 2020, elle a signifié à la SARL Meyer Decors, anciennement dénommée Meyer, un commandement de payer visant la clause résolutoire.
Assignée devant le juge des référés, la société Meyer Decor n'a pas comparu. Par lettre reçue après l'audience, son avocat a demandé la réouverture des débats.
Par ordonnance du 8 décembre 2020, le président du tribunal judiciaire de Mulhouse, statuant en référé, a :
- rejeté la demande de réouverture des débats formée pour le compte de la société Meyer Decors ;
- constaté la résiliation de plein droit du contrat de bail commercial du 15 avril 1985 complété par avenant du 6 février 1990, liant la société Tuileries Oscar Lesage à la société Meyer Decors, concernant la location de locaux situés dans un ensemble immobilier sis 25 Rue Josué Hofer à Mulhouse ;
- condamné la société Meyer Decors, ainsi que tous occupants de son chef, à quitter les lieux dans le délai d'un mois à compter de la date de la signification de la présente ordonnance, faute de quoi ils pourront en être expulsés, avec l'assistance d'un serrurier et le concours de la Force Publique ;
- condamné la société Meyer Decors à payer à la société Tuileries Oscar Lesage :
- en deniers ou quittances, à titre de provision, la somme de 46 775,11 euros, au titre du solde des loyers échus et non réglés au mois d'octobre 2020, outre les intérêts de droit au taux conventionnel de 12 % l'an à compter de chaque échéance ;
- à titre de provision, une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant équivalent au loyer qui aurait été dû en cas de continuation du contrat de bail, du 1er novembre 2020 jusqu'à la date de la libération complète des lieux, avec remise des clefs au bailleur ou son mandataire ;
- la somme de 800 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamné la société Meyer Decors aux entiers dépens de cette instance, outre le coût du commandement de payer signifié le 24 août 2020, soit 288,21 euros ;
- constaté l'exécution provisoire de plein droit des dispositions de la présente décision.
Le 4 février 2021, la SASU Meyer Decor a interjeté appel de cette décision.
Par acte d'huissier délivré le 23 février 2021, la société Meyer Decor a signifié à la société Les Tuileries Oscar Lesage la déclaration d'appel du 4 février 2021 et son récapitulatif, ainsi que les conclusions d'appel du 15 février 2021.
Le 4 mars 2021, la société Tuileries Oscar Lesage s'est constituée intimée.
Par ordonnance du 7 mai 2021, l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 25 octobre 2021. Le même jour, le greffe a délivré l'avis de fixation.
Par ses dernières conclusions du 27 juillet 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, ainsi qu'un bordereau de communication de pièces complémentaires, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, transmis par voie électronique, le 7 octobre 2021, la société Meyer Decor demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
y faisant droit,
- infirmer l'ordonnance de référé du 8 décembre 2020 en toutes ses dispositions,
In limine litis et avant toute défense au fond :
- déclarer nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire signifiée à la SARL Meyer Decor le 24 août 2020,
- annuler ledit commandement de payer en toutes ses dispositions.
Subsidiairement si le commandement ne devait pas être annulé :
- lui accorder des délais de paiement,
- constater qu'elle a réglé I'intégralité des causes du commandement de payer,
- ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire.
Dans tous les cas :
- condamner la société Tuileries Oscar Lesage à payer à la SASU MEYER DECOR, anciennement SARL MEYER DECOR, la somme de 2.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- la condamner aux entiers frais et dépens des deux instances,
- fixer le montant mensuel dû à la SA Tuileries Oscar Lesage à 5.931,66 euros TTC
- condamner la société Tuileries Oscar Lesage à rembourser à la SAS MEYER DECOR le montant de 1.200,00 € (7.131 - 5.931) par mois à compter du 1er octobre 2020 au 31 juillet 2021 soit 12.000 euros (déjà payés) et pour les mois suivants jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt à intervenir.
En substance, et au soutien de sa demande de nullité du commandement, elle expose qu'il consacre huit lignes au paiement immédiat, et que seules quatre lignes se réfèrent à la clause résolutoire, qui sont de surcroît présentées en petits caractères et que cette présentation mettant l'accent sur un paiement immédiat qui à défaut entraînait une saisie conservatoire et l'existence de délais contradictoires, a conduit le gérant de la société appelante à se méprendre sur les conséquences du défaut de règlement des loyers échus dans le délai d'un mois. Il ajoute que suite à la saisie conservatoire effectuée non seulement pour les causes du commandement, mais encore pour d'autres dettes, il a pensé qu'il n'avait plus rien à craindre. Elle ajoute que la présentation du commandement lui laissait croire qu'en cas de paiement immédiatement et sans délai, elle s'exposait à une saisie conservatoire, et que ce n'est qu'à défaut de paiement que s'ouvrait un délai d'un mois au terme duquel le bail serait résilié de plein droit si le paiement n'était pas intervenu.
Elle ajoute que le commandement de payer mentionne des textes abrogés sur la possibilité de demander des délais de paiement et la suspension de la réalisation et des effets de la clause de résiliation. Elle souligne pouvoir demander de tels délais et une telle suspension en cause d'appel.
Sur sa demande de délais de paiement, elle soutient qu'elle est recevable, n'étant pas présente en première instance. Elle précise demander des délais rétroactifs, la somme ayant été payée.
Elle invoque l'article L.1343-5 du code civil, faisant valoir sa bonne foi, qu'elle a pu croire que l'affaire était réglée après la saisie et les circonstances dans lesquelles son avocat a tenté d'obtenir une réouverture des débats. Elle ajoute qu'elle pouvait difficilement retarder le paiement des fournisseurs sans se mettre en péril et a été condamnée le 31 juillet 2020 à payer 9 285,57 euros, et que ne pouvant tout payer, elle n'a pu acquérir de nouveaux locaux, le compromis souscrit étant devenu caduc. Elle ajoute avoir dû faire face à des impayés d'un client habituel. Elle rappelle que la quasi-totalité des impayés correspond à la période de Covid et invoque une circulaire du 17 avril 2020 indiquant que les difficultés des débiteurs peuvent être prises en compte par les délais de grâce de droit commun. Elle précise, en outre, avoir effectué un virement de 23 292,46 euros pour régler les sommes réclamées. D'autre part, elle fait valoir la mauvaise foi du bailleur qui a été désintéressé en cours de procédure, sans en informer le juge des référés, méconnaissant ainsi le principe de loyauté des débats, et qui lui a proposé un bail dérogatoire en écrivant que ce projet résulterait de la demande du preneur.
Sur le montant de l'indemnité d'occupation, elle soutient que le premier juge a violé l'article 5 du code de procédure civile. Elle ajoute que le bailleur n'est en droit de percevoir que 5 931,66 euros TTC au titre de l'indemnité d'occupation, compte tenu de la réduction de loyer dont elle bénéficie depuis son entrée dans les lieux et qui était déjà applicable au locataire précédent. Soutenant avoir payé cette somme de 1 000 euros, elle demande remboursement de la somme de 12 000 euros. Elle ajoute qu'à partir du moment où le bailleur ne produit pas d'élément permettant de connaître la cause de cette réduction et qu'il existe au minimum un doute, elle ne peut être supprimée en application de l'article 1190 du code civil et que le bailleur en a conscience car il a demandé paiement d'une indemnité d'occupation de 6 000 euros, et non de 7 131,66 euros. Elle conteste toute acceptation d'un loyer fixé à cette dernière somme à compter du 1er octobre 2020.
Par ses dernières conclusions du 18 mars 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, outre un bordereau de communication de pièces complémentaires, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, transmis par voie électronique le 11 août 2021, la société Tuileries Oscar Lesage demande à la cour de :
- déclarer la société Meyer Decor mal fondée en son appel et l'en débouter,
en conséquence,
- déclarer irrecevable en tout cas mal fondée, la société Meyer Decor en l'ensemble de ses fins et conclusions et l'en débouter,
- confirmer l'ordonnance de référé déférée,
- condamner la société Meyer Decor à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux frais et dépens.
En substance, et sur la demande de nullité du commandement, elle soutient qu'il répond aux dispositions légales, que le texte de l'article L.145-41 du code de commerce y est cité et la page 8 du bail comprenant la clause résolutoire du bail y est annexée.
Sur la demande de délais de paiement, elle soutient qu'elle est nouvelle, et est mal fondée, des délais ne pouvant être alloués sur une somme déjà payée. Elle ajoute que l'appelante ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, n'ayant pris aucune initiative procédurale à réception du commandement, puis de l'assignation en référé. Elle souligne lui avoir adressé deux précédentes mises en demeure et que la société Meyer Decor a demandé la mainlevée de la saisie conservatoire moyennant le paiement de 53 906,70 euros par chèque du 26 novembre 2020.
Elle conteste être de mauvaise foi, soutenant que la saisie conservatoire n'a pas d'effet libératoire et que l'avocat du preneur avait, par mail du 4 décembre 2020, informé le juge des paiements intervenus, de sorte que celui-ci a refusé en connaissance de cause de réouvrir les débats et a prononcé une condamnation en deniers ou quittances. Elle explique lui avoir proposé un bail dérogatoire pour éviter une expulsion et voir s'il était possible de restaurer la confiance entre les parties.
Sur le montant de l'indemnité d'occupation, elle indique avoir supprimé à compter du 1er octobre 2020 la 'remise forfaitaire intuitu personae' consentie antérieurement à titre de geste commercial, et que la société Meyer Decor a admis le rétablissement du loyer à la somme de 7 131,66 euros en paiement sans réserve la somme de 53 906,77 euros. Elle considère donc qu'en facturant une indemnité d'occupation à ce montant, elle n'a fait qu'exécuter l'ordonnance.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la nullité du commandement :
Il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer l'annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire.
Tout au plus, un moyen tiré de l'existence d'une contestation sérieuse sur la validité d'un commandement de payer visant la clause résolutoire constitue un moyen de nature à faire obstacle aux pouvoirs du juge des référés.
En l'espèce, et contrairement à ce que soutient le preneur, le commandement ne mentionne pas de délais contradictoires, mais impartit des délais différents ayant des conséquences différentes, en demandant d'une part, de payer immédiatement et sans délai la somme mentionnée au titre du principal et des frais, faute de quoi, le preneur, destinataire du commandement, pourra y être contraint par tous les moyens prévus par la loi, notamment par toute saisie conservatoire sur ses meubles et objets mobiliers, et précisant d'autre part, que faute de paiement des sommes précitées dans le délai d'un mois à compter de la date figurant en tête du présent acte, le requérant entendra se prévaloir de la clause résolutoire insérée au contrat de bail et qui prévoit qu'en cas de non-respect de cette clause et un mois après un commandement demeuré infructueux, le bail sera résilié de plein droit sur simple ordonnance de référé.
En outre, il n'est pas sérieusement contestable que les mentions critiquées du commandement sont rédigées de manière compréhensible et claire et informent précisément le preneur sur le risque de résiliation du contrat de bail qu'il encourait à défaut de paiement dans le délai d'un mois à compter de la date de l'acte, étant observé que si la mention du 'commandement de payer les sommes ci-dessous détaillées immédiatement et sans délai (...)' et la mention des termes 'saisie conservatoire' sont inscrites en lettres capitales et en caractère gras, il en est de même du délai d'un mois précité et de la mention de la clause résolutoire, qui figurent d'ailleurs également sur la première page de l'acte.
En outre, dès lors qu'est précisé, en caractères gras, le point de départ du délai d'un mois, qui d'ailleurs renvoie à la date précisée de manière visible en tête de l'acte, à savoir le 24 août 2020, la contestation relative au point de départ n'est pas non plus sérieuse.
Par ailleurs, le commandement indique rappeler les dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce.
Il reproduit les dispositions de ce texte, mais dans son ancienne rédaction en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016. Les différences entre ladite rédaction et la rédaction de ce texte en vigueur au jour de la délivrance du commandement sont limitées à la mention des articles 1244-1 à 1244-3 du code civil, figurant dans l'ancienne version, au lieu de l'article 1343-5 du code civil, mentionné dans la rédaction en vigueur.
Si la mention de ces textes est erronée, il convient d'observer que l'article 1343-5 qui aurait dû être mentionné contient des dispositions similaires à celles des textes précités. Pour le surplus, les dispositions reproduites sont celles de l'article L.145-41 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur et mentionnent clairement le droit du preneur de saisir le juge d'une demande de délais, de suspension de la réalisation et des effets des clauses de résiliation.
La contestation du preneur, qui soutient que cette erreur l'oriente vers une voie sans issue l'empêchant de solliciter utilement des délais de grâce, n'est dès lors pas sérieuse.
La contestation de la validité du commandement prise de cette erreur n'est donc pas sérieuse.
Sur la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire :
Selon l'article L.145-41 du code de commerce :
'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.'
Une telle demande reconventionnelle, nouvelle en appel, est recevable, dès lors qu'elle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant, ce qui est le cas en l'espèce de la demande de délai de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire.
Il résulte des pièces et conclusions des parties que les causes du commandement ont été payées le 26 novembre 2020.
Dès lors que le preneur demande la suspension des effets de la clause résolutoire, sa demande de délais de paiement a toujours un objet, puisqu'en application de l'article L.145-41 du code de commerce, la suspension n'est possible que dans l'hypothèse où des délais ont été accordés au preneur. Des délais de paiement peuvent ainsi être accordés rétroactivement.
En l'espèce, le commandement de payer visant la clause résolutoire, signifié le 24 août 2020, porte sur une somme totale de 44 451,74 euros, dont 44 163,53 euros au titre du principal. Y est annexé un décompte d'un montant total de 44 163,53 euros au titre de factures du 1er janvier 2020 au 1er août 2020, dont sont déduits deux paiements de 5 878,56 euros les 31 janvier 2020 et 26 février 2020, et un avoir du même montant du 1er mai 2020.
Après avoir payé la somme de 10 451,74 euros en octobre 2020, le preneur restait devoir la somme de 46 775,11 euros, qu'il a été condamné à payer à titre de provision par le premier juge.
Avec le loyer facturé le 2 novembre 2020, le décompte mentionnait un solde dû de 53 906,77 euros.
Une somme de 53 906,77 euros a été payée à l'huissier de justice le 26 novembre 2020, ainsi qu'il résulte de la pièce 12 du preneur, et ce suite à une mesure de saisie-conservatoire pratiquée le 24 novembre 2020 et dénoncée le 25 novembre 2020 au preneur. Selon la pièce 12 du bailleur, mainlevée de la saisie-conservatoire a été donnée le 26 novembre 2020 sous réserve du crédit du chèque de 53 906,77 euros.
Selon la pièce 9 du bailleur, cette somme de 53 906,77 euros correspondait au montant de 44 163,53 euros ayant fait l'objet du commandement de payer, outre une facture du 1er septembre 2020 de 5 931,66 euros et deux factures des 1er octobre et 2 novembre 2020 de 7 131,66 euros chaque fois, après déduction d'un paiement de 451,74 euros du 20 octobre 2020 et de 10 000 euros du 28 octobre 2020.
Ainsi, outre les loyers facturés en septembre, octobre et novembre 2020, les loyers et charges impayés faisant l'objet du commandement ont été payés au-delà du délai imparti d'un mois à compter de la délivrance dudit commandement.
Le preneur, qui invoque la mauvaise foi du bailleur, ne soutient pas qu'il a mis en oeuvre la clause résolutoire de mauvaise foi. Ses arguments quant à la mauvaise foi du bailleur sont, en outre, inopérants. D'ailleurs, il résulte de l'ordonnance que le premier juge avait été informé du courrier du 4 décembre 2020 de l'avocat du preneur, lequel figure au dossier de première instance, et le premier juge a prononcé la condamnation au paiement de la provision en deniers ou quittances. En outre, il résulte des conclusions du preneur que ce n'est qu'après le prononcé de l'ordonnance attaquée que le bailleur lui a proposé un bail dérogatoire.
En revanche, il convient de faire droit à sa demande de délais de paiement.
En effet, s'il avait, par le passé, déjà connu des retards de paiement, comme le soutient le bailleur qui produit des mises en demeure des 23 janvier 2019 et 10 décembre 2019, il n'est pas soutenu que ceux-ci aient longtemps perduré.
En outre, les loyers et charges, objet du commandement, étaient en partie dus au titre de la période pendant laquelle il n'est pas contesté que le preneur ait dû fermer son établissement pendant la période de confinement du 17 mars au 11 mai 2020 et à nouveau à partir du 4 avril 2021 pour une période plus limitée. Les mises en demeure de payer dont il a fait l'objet en avril et juin 2020, pour des sommes faisant ensuite l'objet du commandement, ont ainsi été délivrées pendant cette période de fermeture ou juste après. En outre, il justifie avoir éprouvé des difficultés financières à l'automne 2020, en produisant un commandement aux fins de saisie-vente le 10 novembre 2020 d'un montant de l'ordre de 9 000 euros, suite à une condamnation du 31 juillet 2020, et avoir dû faire face à des impayés d'un client et avoir déclaré en octobre 2020 une créance de l'ordre de 10 000 euros.
Compte tenu de cette situation et dès lors qu'il a payé, en novembre 2020, l'intégralité des loyers et charges objet du commandement du 24 août 2020 ainsi que les sommes facturées en septembre, octobre et novembre 2020, il convient de considérer qu'il est de bonne foi, et ce même si le paiement est intervenu à l'occasion de la mise en oeuvre d'une mesure de saisie conservatoire par le bailleur.
Eu égard à cette situation, des délais de paiement pouvaient lui être accordés rétroactivement, de manière à l'autoriser à payer les loyers et charges objet du commandement, en sus du loyer et des charges courant, au plus tard le 30 novembre 2020.
De surcroît, il sera relevé que le preneur soutient, sans que cela soit contesté et en produisant pour certains mois des quittances acquittées et pour d'autres des copies d'écran relatifs à des extraits de virement, avoir payé la somme de 7 131,66 euros par mois au bailleur au titre des échéances de janvier à juillet 2021, étant souligné qu'au mois de décembre 2020, le bailleur lui a accordé un soutien économique correspondant au montant du loyer dudit mois. Le preneur produit, en outre, des copies d'écran similaires pour ces montants du 28 août, 2 septembre et 1er octobre 2021, outre, le 9 avril 2021, pour un montant correspondant à la facture de charges du 2 avril 2021.
Il convient dès lors de confirmer la condamnation du preneur à payer au bailleur, en deniers ou quittances, la somme de 46 775,11 euros au titre du solde des loyers échus et non réglés au mois d'octobre 2020, outre intérêts au taux conventionnel de 12 % l'an à compter de chaque échéance, de faire droit à sa demande de délais de paiement comme il a été dit ci-dessus et de suspendre les effets de la clause résolutoire pendant le cours de ce délai.
Il sera constaté que le 26 novembre 2020, le preneur a apuré les loyers et charges objet du commandement, en sus des loyers et charges courants, de sorte que la clause résolutoire est réputée n'avoir jamais joué.
Les demandes du bailleur de constat de l'acquisition de la clause résolutoire visé par le commandement, d'expulsion et de provision à titre d'indemnité d'occupation seront ainsi rejetées.
Sur la demande de remboursement du preneur :
Il résulte des factures de loyers produites aux débats, que jusqu'en septembre 2020, le bailleur a déduit du montant du loyer une 'remise forfaitaire intuitu personae' de 1 000 euros, de sorte que le montant HT s'élevait à 5 878,56 euros TTC puis à 5 931,66 euros TTC après indexation intervenue en mai 2020. A compter d'octobre 2020, il n'a plus opéré ladite déduction, de sorte que le loyer facturé est de 5 943,05 euros HT soit 7 131,66 euros TTC.
Le preneur demande de fixer le montant du loyer mensuel à 5 931,66 euros et la condamnation du bailleur à lui rembourser la somme de 1 200 euros par mois payée du 1er octobre 2020 au 31 juillet 2021.
Il conteste tant la possibilité pour le bailleur de supprimer la remise qui lui était consentie qu'avoir accepté le rétablissement du loyer mensuel à 7 131,66 euros.
Le bailleur réplique avoir, à compter d'octobre 2020, supprimé la 'remise forfaitaire intuitu personae' consentie antérieurement au locataire à titre de geste commercial, et ce eu égard au comportement du preneur, de sorte que le loyer a, alors, été rétabli à 7 131,66 euros TTC, et que le preneur l'a implicitement mais nécessairement admis, en réglant sans réserve la somme de 53 906,77 euros le 26 novembre 2020.
Dès lors qu'il n'est pas contesté que le loyer fixé à 7 131,66 euros TTC résulte de l'application du contrat de bail et dès lors qu'en l'absence d'élément permettant d'admettre de manière non sérieusement contestable une réduction contractuelle du montant du loyer, et que les termes de 'remise forfaitaire et intuitu personae' renvoient à une remise opérée à la discrétion du bailleur, la demande de fixation du loyer à une somme inférieure ainsi que la demande de remboursement du locataire se heurtent à une contestation sérieuse et excèdent le pouvoir du juge des référés.
Sur les frais et dépens :
L'instance ayant été engagée en raison de l'absence de paiement par le locataire des causes du commandement de payer visant la clause résolutoire dans le délai d'un mois, il convient de le condamner à supporter les dépens de première instance, l'ordonnance étant confirmée de ce chef, et d'appel.
En revanche, l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que l'ordonnance sera infirmée de ce chef, et que les demandes seront rejetées.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Infirme l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Mulhouse, statuant en référé, du 8 décembre 2020, sauf en ce qu'elle a :
- rejeté la demande de réouverture des débats ;
- condamné la société Meyer Decors à payer à la société Tuileries Oscar Lesage :
- en deniers ou quittances, à titre de provision, la somme de 46 775,11 euros, au titre du solde des loyers échus et non réglés au mois d'octobre 2020, outre les intérêts de droit au taux conventionnel de 12 % l'an à compter de chaque échéance ;
- condamné la société Meyer Decors aux entiers dépens de cette instance, outre le coût du commandement de payer signifié le 24 août 2020, soit 288,21 euros ;
La confirme de ces chefs,
Et, statuant à nouveau et y ajoutant :
Constate que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire du bail liant les parties sont réunies,
Accorde rétroactivement à la société Meyer Decor des délais de paiement jusqu'au 30 novembre 2020 pour s'acquitter des causes du commandement, en sus du loyer courant et des charges,
Suspend les effets de la clause résolutoire pendant le cours de ce délai,
Constate qu'au 26 novembre 2020, la société Meyer Decor a apuré les causes du commandement de payer du 24 août 2020 et les sommes facturées par le bailleur en septembre, octobre et novembre 2020, de sorte que la clause résolutoire est réputée n'avoir jamais joué,
Rejette la demande de la société Tuileries Oscar Lesage tendant au constat de l'acquisition de la clause résolutoire visé par le commandement du 24 août 2020, la demande d'expulsion et la demande de provision à titre d'indemnité d'occupation,
Dit n'y avoir lieu à référé quant à la demande de fixation du loyer et à la demande de remboursement présentée par la société Meyer Decor,
Condamne la société Meyer Decor aux dépens d'appel,
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière :la Présidente :