MINUTE N° 309/22
Copie exécutoire à
- Me Guillaume HARTER
- Me Anne CROVISIER
Le 08.06.2022
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 08 Juin 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/00470 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HI6K
Décision déférée à la Cour : 13 Décembre 2019 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG
APPELANTE :
SA BANQUE NEUFLIZE OBC
prise en la personne de son représentant légal
3 avenue Hoche
75008 PARIS
Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me CHEY, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
Société BRASSERIES KRONENBOURG
prise en la personne de son représentant légal
Boulevard de l'Europe
67210 OBERNAI
Représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2021, en audience publique, un rapport ayant été présenté, devant la Cour composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- Contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 13 décembre 2019,
Vu la déclaration d'appel effectuée par la société Banque Neuflize OBC le 21 janvier 2020 par voie électronique,
Vu la constitution d'intimée de la société Brasseries de Kronenbourg du 11 février 2020,
Vu les conclusions de la société Banque Neuflize OBC du 7 septembre 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,
Vu les conclusions de la société Kronenbourg du 26 août 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 15 septembre 2021,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION :
1. Sur la demande principale :
Il résulte des pièces et des conclusions des parties, que la société Global Com a cédé, dans le cadre de la loi Dailly, et en garantie, à la société Banque Neuflize OBC des créances détenues sur la société Kronenbourg selon bordereaux, dont ceux des 12 et 23 décembre 2014 portant sur sept factures pour un total de 24 272,99 euros.
Ces cessions Dailly ont été notifiées à la société Kronenbourg par lettre recommandée avec accusé de réception des 23 décembre 2014 pour la somme de 15 166,20 euros et 2 janvier 2015 pour les autres factures.
La société Crédit Coopératif, soutenant que la société Global Com lui avait cédé des créances dues par la société Kronenbourg et notifiées à cette dernière sans en être payée, a assigné la société Kronenbourg en paiement.
Le jugement attaqué, mais non critiqué de ce chef, a condamné la société Brasseries Kronenbourg à payer à la société Crédit Coopératif la somme de 101 403,66 euros à ce titre.
Comme l'admet la société Banque Neuflize OBC, la société Kronenbourg a versé, par virements, sur le compte n° (...) 03 ouvert dans les livres de cette banque et ce, aux dates suivantes, comme il résulte des relevés de compte bancaire produit en pièce 24 par la société Banque Neuflize OBC, les pièces produites par la société Kronenbourg étant relatives à la date d'émission et non de réception des virements :
- 31 décembre 2014 : les sommes de 42 000 euros et 19 983,20 euros,
- le 2 février 2015 : les sommes de 43 870,86 euros et 10 272 euros.
Faisant valoir que son système de comptabilité centralisé ne lui permet pas de régler deux 'créanciers daillysés' d'un même client, la société Kronenbourg soutient avoir réglé l'intégralité des factures litigieuses à la Banque Neuflize OBC, à charge pour elle de rétrocéder à la société Crédit Coopératif la somme qui lui restait due sur les factures affacturées à son profit.
Elle ajoute avoir réglé à la Banque Neuflize OBC les factures daillysées à son profit, ainsi qu'à tort, celles daillysées au profit de la société Coopératif.
Elle l'a alors assignée en intervention forcée et le jugement attaqué a condamné la société Banque Neuflize OBC à la garantir de la condamnation prononcée au profit de la société Crédit Coopératif à hauteur de 91 763,07 euros.
La société Banque Neuflize OBC interjette appel en soutenant principalement que la société Kronenbourg a procédé à un règlement sur le sous-compte n° (...) 03 appartenant à la société Global Com auprès de la Banque Neuflize OBC, et qu'elle détient les sommes pour le compte de tiers, sans être elle-même propriétaire des fonds de ses clients.
La société Kronenbourg demande la confirmation du jugement, en invoquant les dispositions de l'article 1302 du code civil et précisant demander le remboursement de sommes versées à tort à la société Banque Neuflize OBC.
La cour constate, d'abord, que la société Kronenbourg, qui soutient avoir versé à la société Banque Neuflize OBC l'intégralité des factures litigieuses, à charge pour elle de rétrocéder à la société Crédit Coopératif les sommes qui lui restaient dues sur les factures affacturées à son profit, ne démontre pas en quoi la société Banque Neuflize avait 'la charge' de rétrocéder des paiements à la société Crédit Coopératif. Les pièces produites au soutien de son affirmation, y compris le fax qu'elle a adressé à la société Global Com, le mail de cette dernière à son égard ou la lettre de mise en demeure produite en pièce 8 sont insuffisamment probants à cet égard.
Ensuite, il résulte des pièces produites que la société Global était titulaire du compte n°(...) 03, ouvert dans les livres de la Banque Neuflize OBC, sur lequel la société Kronenbourg a effectué les virements litigieux.
En effet, selon la pièce n°19 produite par la société Banque Neuflize OBC, celle-ci a consenti à la société Global Com une ouverture de crédit par découvert sur 'un sous compte de votre compte courant ouvert dans nos livres', et que 'ce sous-compte portera le numéro (...) 03'.
Cette analyse est, de surcroît, corroborée par les termes de la convention de compte produite en pièce 11 par ladite banque et dont il résulte, d'une part, que le compte courant et le sous-compte ouvert au nom de la société Global Com constituent, sauf convention particulière dont l'existence n'est pas invoquée, les éléments du compte courant unique, même s'ils fonctionnent selon des conditions, des dénominations ou des numéros différents, et, d'autre part, que le client doit donner son autorisation à toute opération de paiement.
Cette analyse n'est pas contredite par les pièces 10 à 16 produites par la société Kronenbourg, consistant en des confirmations d'exécution de virements émis par la Banque BNP Paribas. Outre des documents relatifs à des virements en faveur de Global Com/Crédit coopératif qui n'intéressent pas le présent litige, quatre concernent les quatre virements litigieux, indiquant qu'ils sont en faveur de 'Global Com/Neuflize OBC' chez la banque : Neuflize OBC, avec un numéro de compte IBAN correspondant, selon la pièce 24 de la banque Neuflize OBC, au compte n° (...) 03. Il en est de même de la pièce n°17 produite par la société Kronenbourg indiquant 'banque destinataire paient Global Com /Neuflize OBC'.
Aucune des pièces produites par la société Kronenbourg n'établit que le compte n° (...) 03 est un compte dont la Banque Neuflize était elle-même titulaire. Il n'est pas non plus démontré que les sommes versées sur ledit compte étaient encaissées par la banque pour son propre compte.
Les virements effectués par la société Kronenbourg sur ledit compte ont ainsi été reçus par la Banque Neuflize OBC pour le compte de la société Global Com.
La société Kronenbourg n'est pas fondée à demander, à la société Banque Neuflize OBC, le remboursement des sommes qu'elle aurait versées par erreur sur le compte dont la société Global Com était titulaire.
D'ailleurs, la société Kronenbourg n'invoque ni ne démontre pas que la société Global Com aurait demandé à la société Banque Neuflize d'effectuer un virement à partir de son compte vers un compte ouvert au nom du Crédit Coopératif ou de la société Kronenbourg. Si dans le mail, produit en pièce 9 par la société Kronenbourg, la société Global Com indiquait au Crédit coopératif avoir demandé à OBC de lui restituer des sommes, aucun élément ne corrobore une telle affirmation, de sorte qu'un tel mail est insuffisamment probant à cet égard.
En outre, la société Neuflize OBC n'était pas fondée à débiter le compte dont son client était titulaire sans l'ordre, voire l'autorisation, de ce dernier.
Outre le fait que la société Neuflize OBC justifie ne pas avoir perçu à titre personnel lesdites sommes, elle justifie ne pas les avoir conservées à titre personnel au-delà de la somme de 24 272,99 euros qui lui avait été cédée.
Ainsi, les sommes versées sur le compte n° (...) 03 dont la société Global Com était titulaire ont été :
- virées sur le compte courant n° (...) 01 ouvert au nom de la société Global Com dans les livres de la Banque Neuflize, les 2 et 5 janvier 2015 à hauteur de 42 000 euros et de 19 983,20 euros (pièces 24 et 25 de la société Neuflize OBC),
- virées au profit du liquidateur de la société Global Com, le 20 septembre 2017, à hauteur de 29 779,87 euros, (soit 43 780,86 + 10 272 - 24 272,99 euros, correspondant ainsi aux sommes versées par la société Kronenbourg sur le compte n°(...) 03 après la mise en liquidation judiciaire le 28 janvier 2015 de ladite société, et déduction faite de la somme de 24 272,99 euros correspondant au montant des créances cédées à titre de garantie à la société Banque Neuflize OBC), comme il résulte de la pièce n°8 de la société Neuflize OBC et comme l'avait accepté le liquidateur selon sa pièce n°9.
Elle n'a pas commis de faute en reversant ces sommes au liquidateur de la société Global Com, dès lors qu'il s'agissait de sommes figurant sur le compte dont celle-ci était titulaire et que la société Global Com ou son liquidateur ne lui ont pas demandé de reverser les fonds à la société Kronenbourg ou à la société Crédit coopératif.
Dès lors, la société Kronenbourg ne justifie pas être fondée à demander à la société Banque Neuflize OBC la restitution des sommes dont elle a, par erreur, effectué le virement sur le compte dont la société Global Com était titulaire dans les livres de cette banque.
Le jugement sera infirmé et la demande de la société Kronenbourg sera rejetée.
2. Sur la demande reconventionnelle :
La société Banque Neuflize OBC ne démontre pas en quoi la procédure introduite à son égard par la société Kronenbourg serait abusive. Sa demande de dommages-intérêts sera rejetée. Les premiers juges n'ayant indiqué rejeter cette demande que dans les motifs du jugement et non dans son dispositif, la cour ajoutera au jugement et rejettera cette demande.
3. Sur les frais et dépens :
La société Kronenbourg succombant, elle sera condamnée à supporter les dépens de première instance, le jugement étant infirmé en ce qu'il a condamné la société Neuflize OBC solidairement avec la société Brasseries Kronenbourg aux dépens, et d'appel. Le jugement sera également infirmé en ce qu'il a condamné la société Banque Neuflize OBC au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Kronenbourg sera condamnée à payer à la société Banque Neuflize OBC la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa demande sera rejetée.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Statuant dans la limite de l'appel :
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 13 décembre 2019 en ce qu'il :
- condamne la société Banque Neuflize OBC à garantir la société Brasseries Kronenbourg de sa condamnation à payer au Crédit Coopératif la somme de 101 403,66 euros, dans la limite de 91 763,07 euros,
- condamne la société Banque Neuflize OBC à verser à la société Brasseries Kronenbourg la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société Banque Neuflize OBC, solidairement avec la société Brasseries Kronenbourg, aux dépens,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 13 décembre 2019 en ce qu'il condamne la société Kronenbourg aux dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Rejette la demande de la société Kronenbourg à l'égard de la société Banque Neuflize OBC,
Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de la société Banque Neuflize formée contre la société Kronenbourg,
Condamne la société Kronenbourg à supporter les dépens d'appel,
Condamne la société Kronenbourg à payer à la société Banque Neuflize OBC la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la société Kronenbourg au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière :la Présidente :