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01/06/2022 | FRANCE | N°20/00734

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 01 juin 2022, 20/00734


MINUTE N° 298/22

























Copie exécutoire à



- Me Valérie SPIESER



- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI





Le 01.06.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 01 Juin 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/00734 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJNL



Décision déférée à la Cour : 09 Janvier 2020 par la troisième chambre civile du Tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTS - INTIMES INCIDEMMENT :



Monsieur [W] [F]

44 rue des Vosges 67110 NEHWILLER



Madame [G] [R] épouse [F]

44 rue des Vosges 6...

MINUTE N° 298/22

Copie exécutoire à

- Me Valérie SPIESER

- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

Le 01.06.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 01 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/00734 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJNL

Décision déférée à la Cour : 09 Janvier 2020 par la troisième chambre civile du Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTS - INTIMES INCIDEMMENT :

Monsieur [W] [F]

44 rue des Vosges 67110 NEHWILLER

Madame [G] [R] épouse [F]

44 rue des Vosges 67110 NEHWILLER

Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour

INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :

SA BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE

prise en la personne de son représentant légal

3 rue François de Curel 57021 METZ CEDEX

Représentée par Me Thierry CAHN de la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'assignation délivrée le 31 octobre 2014 par laquelle la Banque Populaire d'Alsace, aux droits de laquelle vient la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, ci-après également dénommée 'la Banque Populaire' ou 'la banque', a fait citer M. [W] [F] et Mme [G] [R], épouse [F], ci-après également 'les époux [F]' ou 'les consorts [F]', devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre commerciale,

Vu la jonction de cette procédure avec celle introduite par la banque contre la SCP Jenner et Flesch, ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL NSE Conseil, ci-après également 'la société', en redressement judiciaire,

Vu le jugement du 25 janvier 2016 prononçant la liquidation judiciaire de la société,

Vu l'ordonnance du 27 mai 2016 par laquelle le juge de la mise en état de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg a ordonné une disjonction de la procédure et renvoyé la demande dirigée contre M. [W] [F] et Mme [G] [R], épouse [F] devant la chambre civile du même tribunal, devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Strasbourg,

Vu le jugement rendu le 9 janvier 2020, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- condamné solidairement M. [W] [F] et Mme [G] [R], épouse [F] à payer à la banque au titre du prêt n° 07026307 d'un montant initial de 150 000 euros octroyé le 9 mars 2012, la somme principale de 35 978,92 euros, et une indemnité forfaitaire contractuelle de 3 258,25 euros, augmentées des intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné solidairement M. [W] [F] et Mme [G] [R], épouse [F] à payer à la banque au titre du prêt n° 07028440 d'un montant initial de 200 000 euros octroyé le 12 juillet 2013, la somme principale de 76 350,72 euros, et une indemnité forfaitaire contractuelle de 6 420,16 euros, augmentées des intérêts au taux légal à compter du jugement,

- ordonné la capitalisation des intérêts par année entière,

- débouté les consorts [F] de leur demande de restitution des sommes versées à la banque issues du prix de vente de leur maison d'habitation pour un montant total de 161 974,81 euros,

- condamné solidairement les consorts [F] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties de l'ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions.

Vu la déclaration d'appel formée par M. [W] [F] et Mme [G] [R], épouse [F] contre ce jugement, et déposée le 12 février 2020,

Vu la constitution d'intimée de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne en date du 20 février 2020,

Vu les dernières conclusions en date du 8 février 2021, auquel est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [W] [F] et Mme [G] [R], épouse [F] demandent à la cour de :

'DECLARER les époux [F] recevables et bien fondés en leur appel ;

Y FAISANT droit ;

EN CONSEQUENCE,

INFIRMER le jugement rendu le 9 janvier 2020 par la Chambre civile du Tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il a :

- CONDAMNE solidairement Monsieur [W] [F] et Madame [G] [F] à payer à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE au titre du prêt n° 07026307 d'un montant initial de 150 000 € octroyé le 09 mars 2012, la somme principale de 35 978,92 € et une indemnité forfaitaire contractuelle de 3258,25 €, augmentées des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- CONDAMNE solidairement Monsieur [W] [F] et Madame [G] [F] à payer à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE au titre du prêt n° 07028440 d'un montant initial de 200 000 € octroyé le 12 juillet 2013, la somme principale de 76 350,72 € et une indemnité forfaitaire contractuelle de 6420,16 €, augmentées des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- ORDONNE la capitalisation des intérêts par année entière ;

- DEBOUTE Monsieur [W] [F] et Madame [G] [F] de leur demande de restitution des sommes versées à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE issues du prix de vente de leur maison d'habitation pour un montant total de 161 974,81 €

- CONDAMNE solidairement Monsieur [W] [F] et Madame [G] [F] aux entiers dépens ;

- DEBOUTE les parties de l'ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions

ET STATUANT A NOUVEAU SUR LES CHEFS INFIRMES :

DEBOUTER la Banque Populaire de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

DECHOIR la Banque Populaire de son droit de poursuivre les cautions pour les engagements pris le 9 mars 2012 et 1e 8 juillet 2013 en ce qu'ils étaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus, a défaut, pour absence d'exigibilité de la créance ;

ORDONNER la restitution des sommes versées a la Banque Populaire au titre des engagements du 9 mars 2012 et du 8 juillet 2013 issues de la vente de la maison d'habitation à hauteur de 148 481,88 € ;

CONFIRMER le Jugement pour le surplus ;

A titre subsidiaire, en cas de confirmation du Jugement du chef de la condamnation des cautions :

DEDUIRE des montants auxquels seraient condamnés les époux [F] la somme de 148 481,88 € d'ores et déjà versée au titre des engagements du 9 mars 2012 et du 8 juillet 2013 ;

CONFIRMER le Jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance des intérêts et pénalités de retard faute d'avoir respecté son obligation annuelle d'information des cautions ;

CONFIRMER le cours des intérêts au taux légal à compter de la décision du 9 janvier 2020 ;

ORDONNER la restitution du surplus ;

En tout état de cause

DEBOUTER la Banque Populaire de ses demandes, fins et prétentions formées par voie d'appel incident ;

CONDAMNER la Banque Populaire à verser à Monsieur et Madame [F] la somme de 100 000 € a titre de dommages et intérêts au titre de sa responsabilité encourue pour défaut du respect de mise en garde et son immixtion dans la gestion des sociétés débitrices ;

CONDAMNER la Banque Populaire à verser à Monsieur et Madame [F] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la Banque Populaire aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

et ce, en invoquant, notamment :

- la disproportion manifeste de leurs engagements de caution, au regard de leurs biens et revenus réels, en l'absence d'efficacité des fiches patrimoniales pour apprécier leur situation, et subsidiairement au regard de ces fiches, dont l'analyse par le premier juge est contestée,

- la restitution des sommes versées et issues de la vente de leur maison d'habitation,

- à titre subsidiaire, l'absence d'exigibilité de la créance à leur égard, la déchéance du terme suivant l'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur principal ne leur étant pas opposable,

- la responsabilité de la banque pour crédit abusif et manquement à son devoir de mise en garde tant envers le débiteur principal que les cautions profanes,

- l'absence de preuve de l'information annuelle ;

Vu les dernières conclusions en date du 2 décembre 2020, auquel est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne demande à la cour de :

'REJETER l'appel principal formé par Monsieur et Madame [F] ;

REJETER l'intégralité des demandes, fins et conclusions de Monsieur et Madame [F] ;

RECEVOIR l'appel incident formé par la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE et le dire bien fondé ;

INFIRMER le jugement en ce qu'il a considéré que la Banque n'avait pas rempli son devoir d'information annuelle des cautions ;

Y faisant droit :

CONSTATER que la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE a respecté son devoir d'information annuelle des cautions, de sorte que la déchéance du droit aux intérêts n'est pas encourue,

En conséquence :

DIRE que le montant principal pour le prêt n°07026307 n'est pas de 35.978,92 € mais de 40.749,33 € ;

DIRE que le montant principal pour le prêt n°07028440 n'est pas de 76.350,72 € mais de 80.272,47 € ;

DIRE que les intérêts légaux pour la somme de 40.749,33 € sont dus à compter du 14 septembre 2015 ;

CONFIRMER le jugement pour le surplus ;

En tout état de cause :

CONDAMNER solidairement Monsieur et Madame [H] (sic) aux paiement des entiers frais et dépens de la procédure ainsi qu'à la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 CPC.'

et ce, en invoquant, notamment :

- le caractère proportionné des engagements de caution,

- l'absence de manquement au devoir de mise en garde,

- l'exigibilité de sa créance, compte tenu de la défaillance du débiteur principal,

- l'absence de fondement de la demande de restitution de sommes versées,

- l'accomplissement du devoir annuel d'information des cautions,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 septembre 2021,

Vu les débats à l'audience du 13 octobre 2021,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Au préalable, la cour rappelle, à l'instar du premier juge, que :

- aux termes de l'article 954 du code de procédure civile alinéa 3, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion,

- ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à 'dire et juger' ou 'constater', en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n'y répondra qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs.

Sur la demande principale en paiement de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à l'encontre des époux [F] :

Sur la disproportion manifeste de l'engagement de caution des époux [F] :

Aux termes de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

En application de ce texte et de l'article 1315, devenu 1353 du code civil, il appartient à la caution de justifier qu'au jour de sa conclusion, son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus. Si tel est le cas, il appartient alors au créancier de démontrer qu'au jour où il a appelé la caution, son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation.

Sur ce, la cour rappelle que les époux [F] invoquent la disproportion manifeste des engagements de caution qu'ils ont été appelés successivement à souscrire :

- par acte sous seing privé du 9 mars 2012, dans la limite de 75 000 euros, en garantie du prêt d'équipement n° 07026307, d'un montant de 150 000 euros remboursable en 60 mensualités de 2 787,22 euros, consenti le même jour par la banque à la SARL NSE Conseil,

- par acte sous seing privé en date du 8 juillet 2013, dans la limite de 100 000 euros, en garantie du prêt n° 07028440, d'un montant de 200 000 euros remboursable en 60 mensualités de 3 638,35 euros, consenti le 12 juillet 2013 par la banque à la SARL NSE Light and Solutions.

Les époux [F] contestent, tout d'abord, l'efficacité des fiches de renseignements pour justifier de leur situation patrimoniale, invoquant des échanges, et notamment des réunions avec la banque, qui auraient mis celle-ci à même de connaître la réalité de leur situation, et notamment des concours consentis par ailleurs par la banque CIC Est, et qui avaient une incidence sur leur endettement. Ils reprochent, dans ce contexte, à la banque de s'être abstenue de vérifier si leurs fiches patrimoniales ne recelaient pas des anomalies apparentes, notamment au regard du fait qu'en dépit de revenus importants, ils avaient dû souscrire des prêts à la consommation, outre que des cautionnements mentionnés dans des fiches antérieurs ne figureraient pas dans la fiche du 24 octobre 2012.

Ils entendent ainsi relever, au jour de leur premier engagement en cause, la multiplicité des engagements antérieurs, qu'ils entendent détailler, tout en contestant les encours, postérieurs, retenus par la banque, à un montant global de 624 400 euros auprès de la Banque Populaire, auxquels s'ajouteraient des engagements auprès de la Banque CIC Est, portant le total à 774 400 euros, outre l'engagement de caution litigieux de 75 000 euros, voire 873 888,29 euros, alors qu'ils revendiquent des revenus compris entre 95 635 euros en 2012 et 135 453 euros en 2011, ajoutant que leur patrimoine immobilier était grevé par des prêts et des hypothèques dont il devait être tenu compte, comme ne l'aurait pas fait le premier juge.

Et concernant le second engagement en litige, ils invoquent, au surplus, un engagement de caution de 300 000 euros au bénéfice de la banque CIC Est, soit un endettement total de 1 149 400 euros majoré de l'engagement litigieux de 100 000 euros.

Pour sa part, la Banque Populaire entend fonder sa contestation du caractère disproportionné des engagements adverses sur les renseignements patrimoniaux qui lui auraient été fournis par les époux [F] lors de la souscription des engagements de caution, tel qu'il en ressort des fiches patrimoniales signées par les appelants, respectivement en date des 7 décembre 2011 et 24 octobre 2012, de l'avis d'imposition 2011 sur les revenus de l'année 2010 et du listage des dettes et avoirs des appelants dans ses livres du 6 janvier 2012, et dont il s'évince qu'ils disposeraient de 400 000 euros d'actif, 295 456 euros de revenus annuels hors revenus fonciers importants et d'un passif de 175 888,29 euros, soit un patrimoine net de 519 567,71 euros, affirmant, pour le surplus, que les cautionnements souscrits auprès de la SCI Eco JA ne causeraient aucune disproportion compte tenu de la valeur des parts sociales de celle-ci dont ils disposent. Elle entend, ainsi, 'corriger substantiellement' l'évaluation faite par les appelants de leurs engagements, soit qu'ils aient déjà été pris en compte dans la fiche de renseignements, soit qu'ils ne lui soient pas opposables, réfutant les affirmations adverses quant à sa connaissance de ceux-ci, ainsi que toute obligation de vérification des éléments déclarés en l'absence d'incohérence ou d'anomalie. Elle ajoute que, même en prenant en compte, l'engagement de 300 000 euros souscrit auprès du CIC, le second engagement n'en serait pas pour autant manifestement disproportionné.

Sur ce, la cour rappelle qu'il résulte des textes précités que la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d'anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier.

À cet égard, la cour relève que les cautions ont remis à la banque deux fiches de renseignements en date des 7 décembre 2011 et 24 octobre 2012, outre qu'elle disposait de l'avis d'imposition 2011 sur les revenus 2010 et d'un document qui apparaît comme un état des comptes et des prêts des intéressés auprès de l'établissement en date du 6 janvier 2012, documents qu'en tout cas elle produit. Pour le surplus, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, aucun élément, y compris, d'ailleurs, l'attestation de l'expert comptable produite à hauteur de cour et mentionnant la connaissance de l'existence d''autres engagements' sans en mentionner les titulaires ni la date à laquelle la Banque Populaires les aurait connus, ne permet de révéler que la Banque Populaire aurait été informée autrement que par les cautions elles-mêmes de l'état de leur endettement auprès d'autres établissements, et en particulier du CIC Est, dès lors que si des échanges ont bien eu lieu, au sujet de la situation financière de la société NSE Conseils, dont la plupart n'impliquaient cependant pas la Banque Populaire, il n'en ressort pas qu'aurait été évoqué l'endettement personnel des consorts [F], dont il n'appartenait pas à la banque de s'enquérir au-delà d'éventuelles anomalies ou incohérences contenues dans les fiches déclaratives, lesquelles n'apparaissent pas caractérisées en l'espèce, la seule mention de la souscription de prêts à la consommation par les intéressés, nonobstant leurs revenus n'apparaissant, ainsi, pas suffisante en elle-même pour démontrer l'existence d'une situation anormale de nature à justifier des interrogations ou des investigations de la banque.

Concernant, tout d'abord, l'engagement de caution en date du 9 mars 2012, c'est donc à bon droit que le premier juge a entendu se référer aux informations certifiées exactes, données par les cautions dans leur fiche patrimoniale détaillée du 7 décembre 2011, laquelle peut, de surcroît, être étayée par le surplus des documents à disposition de la banque, sans omettre, au regard des informations dont disposait la banque, la prise en compte de l'hypothèque seule mentionnée par les cautions dans la fiche au titre de l'emprunt immobilier souscrit à hauteur de 120 000 euros par les intéressés.

Sur ce point, c'est donc par des motifs pertinents que la cour adopte, que le juge de première instance a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en retenant l'absence de disproportion manifeste de l'engagement de caution souscrit le 9 mars 2012 par les consorts [F].

Et s'agissant de l'engagement de caution souscrit à hauteur de 100 000 euros le 12 juillet 2013, les époux [F], qui souscrivent un engagement plafonné à 100 000 euros, venant s'ajouter à l'engagement précité souscrit dans la limite de 75 000 euros, déclarent la perception de revenus à hauteur de 114 000 euros au total et la souscription de prêts auprès de la Banque Populaire pour un total de 210 000 euros, avec un encours de 121 333 euros, leur patrimoine immobilier incluant leur résidence principale d'une valeur estimée par les intéressés à 400 000 euros, et faisant l'objet d'une inscription hypothécaire pour 55 000 euros, outre des locaux professionnels détenus par une SCI Eco JA, dont la valeur est estimée à 600 000 euros, grevée d'une inscription hypothécaire à hauteur de 400 000 euros.

Dans ces conditions, que ce soit en tenant compte des inscriptions hypothécaires grevant les biens immobiliers ou même en l'absence de prise en considération du patrimoine de la SCI Eco JA, dont la cour n'est pas en mesure de déterminer combien de parts détenaient respectivement les époux [F], ces derniers ne démontrent, en tout état de cause, pas qu'au jour de sa conclusion, leur engagement était manifestement disproportionné à leurs biens et revenus.

Au vu de ce qui précède, les cautions ne sauraient donc être déchargées de leurs engagements en application des dispositions précitées, le jugement entrepris devant, par conséquent, être confirmé à ce titre.

Sur l'exigibilité de la créance :

Les appelants, qui contestent la réception de courriers de la banque les informant d'impayés puis de la défaillance de l'emprunteur principal, outre que ces courriers ne vaudraient pas mise en demeure, ajoutent que la liquidation judiciaire de l'emprunteur principal serait sans incidence sur l'exigibilité de la créance envers la caution en l'absence de déchéance du terme, précédée d'une mise en demeure, et en concluent que la déchéance du terme intervenue à l'égard du débiteur principal ne leur serait pas opposable.

Quant à l'intimée, tout en rappelant que la caution ne peut être poursuivie que si le débiteur est défaillant, elle entend également faire référence aux termes des actes de cautionnement selon lesquels 'La caution ne saurait subordonner l'exécution de son engagement de caution à une mise en demeure préalable de l'emprunteur par la banque, l'exigibilité des créances de cette dernière à l'égard de l'emprunteur entraînant de plein droit l'exigibilité de sa dette de caution, et les écritures de la banque étant à cet égard opposables'', et rappeler tant la lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure à la SARL NSE Conseils que les courriers successifs adressés aux époux [F] réclamant la régularisation d'échéances impayées, ajoutant qu'à la suite de la liquidation judiciaire du débiteur principal, la déchéance du terme encourue par celui-ci l'était, dès lors, de facto, par les cautions, régulièrement informées de cette défaillance.

Ceci rappelé, la cour relève que, si le bordereau de pièces récapitulatif mentionne la production d'une 'lettre d'information défaillance débiteur principal', le dossier de pièces tel qu'il a été remis à la cour sous la forme de cotes de plaidoiries ne lui permet de s'assurer qu'il est justifié de l'information ni même de la mise en demeure des cautions à ce titre.

Pour autant, par application tant de l'article L. 643-1 du code de commerce que de l'article 2 de chacun des actes de cautionnement, l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société NSE Conseils, par jugement du 25 janvier 2016, a eu pour effet, comme l'a justement rappelé le premier juge, de rendre exigible les créances non échues et a entraîné de plein droit la déchéance du terme des deux prêts litigieux, étant rappelé que la banque avait déclaré sa créance dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'exigibilité de la créance de la banque à l'égard de M. et Mme [F].

Sur la prise en compte de la restitution des sommes versées à l'issue de la vente de la maison d'habitation des époux [F] :

Le premier juge a retenu, sur ce point, qu'aucun des documents produits ne permettait d'établir que les sommes versées à la Banque Populaire à la suite de la vente de la maison d'habitation des époux [F] l'auraient été au titre des engagements de caution litigieux, de sorte qu'il n'y aurait eu lieu à restitution des sommes aux intéressés.

Les époux [F], qui affirment que la banque ne s'était à aucun moment opposée à leur demande, entendent faire état d'une transaction intervenue avec la Banque Populaire, sous réserve de l'issue du présent litige, aux termes de laquelle ils devaient procéder au versement de la somme de 148 481 88 euros et de 15 264,66 euros au profit de la banque, contre mainlevée des inscriptions hypothécaires prises à charge de leurs biens immobiliers et désistement dans le cadre de la procédure d'exécution forcée diligentée parallèlement, se référant à un courriel et à un courrier du notaire.

Pour sa part, la Banque Populaire soutient que cette demande en restitution n'est pas fondée, l'accord évoqué ne concernant en rien la présente procédure, en vue de laquelle il ne serait pas démontré, par les appelants, que les mails produits auraient été échangés.

Elle indique, ainsi, que la somme qu'elle a perçue correspond au solde du prix de vente de la maison des époux [F], sur laquelle elle bénéficiait d'une hypothèque conventionnelle affectée à une convention de compte courant notariée en date du 25 juin 2013, et qu'elle disposait en effet d'une créance à l'encontre des appelants au titre d'un solde de compte courant, sans que les engagements de cautionnement n'aient, quant à eux, été assortis d'une telle hypothèque.

Cela étant, il résulte des éléments versés aux débats que la vente de la maison d'habitation des époux [F] a permis le versement, au profit de la Banque Populaire, des sommes de 148 481,88 euros et 13 492,93 euros en septembre 2013, et si le courriel du notaire en date du 4 août 2017 indique que le paiement de la somme de 148 481,88 euros devait intervenir en contrepartie de la mainlevée de l'hypothèque et devait mettre fin à la procédure d'exécution forcée, 'ce paiement concernant les cautionnements personnels des époux [F]', outre qu'il est fait référence au remboursement de la somme de 15 264,66 euros au titre de 'la créance de la Banque Populaire concernant le prêt n° 08063007', le courrier du conseil de la banque devant, pour sa part, indiquer que le paiement intervenait 'sous réserve de la décision judiciaire à intervenir' portant sur la contestation des époux [F] 'de leurs différents cautionnements'. Pour autant, s'il ressort de ces échanges que le règlement à la banque, par les intéressés, de sommes issues de la vente de leur résidence principale s'inscrit dans le cadre du règlement global de leur situation, incluant, notamment, mais non uniquement, l'apurement des dettes en cause dans la présente espèce, et donc soumises à l'issue de la procédure en cours, il n'en résulte pas que les sommes précises dont il est question devaient être affectées au règlement des créances revendiquées en l'espèce, le prêt n° 08063007 mentionné dans le courriel du notaire étant ainsi étranger à la présente cause, comme déjà mentionné dans l'état d'endettement du 6 janvier 2012, tandis que, en l'absence de tout autre élément, l'hypothèque évoquée apparaît bien concerner la convention de compte courant de la société NSE Light & Solutions, dont M. [F] s'est, par ailleurs, porté caution.

C'est donc à bon droit que le premier juge a pu écarter, dans les conditions rappelées ci-dessus, la demande en restitution ou en déduction faite à ce titre par les époux [F], ce qui emporte confirmation de la décision entreprise sur ce point.

Sur les demandes reconventionnelles des époux [F] envers la banque :

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement au devoir de mise en garde :

Les appelants invoquent, tout d'abord, un défaut de mise en garde de la débitrice principale, à savoir la société NSE Conseil, point non relevé par le premier juge, observant que la société était tenue par de multiples concours antérieurs, non encore remboursés, dont la Banque Populaire aurait été informée, notamment dans le cadre de tables rondes avec le CIC, reprochant, de surcroît, et en substance, à l'établissement un soutien abusif, raison pour laquelle il aurait multiplié les garanties bancaires.

Or, les appelants ne démontrent pas qu'en l'espèce, les emprunts auraient été inadaptés aux capacités financières de la société NSE Conseil, ce qui ne saurait se déduire du seul fait que celle-ci a ensuite connu en 2014 des situations d'impayés, avant de faire l'objet de l'ouverture d'une procédure collective, les éléments versés aux débats, dont certains sont postérieurs à l'octroi des prêts litigieux ou d'autres ne concernent pas la Banque Populaire, s'agissant des échanges impliquant le seul CIC, en particulier s'agissant d'une demande de virement de couverture entre sociétés, ne permettant que d'établir que la Banque Populaire, au même titre que d'autres établissements, a été informée de besoins de financement liés à l'évolution des sociétés et à une volonté de développement de leurs activités, avec le soutien de la BPI, dans un contexte, certes affiché par M. [F] de transparence quant à l'endettement de ses sociétés, mais sans qu'il n'en ressorte que la Banque Populaire ait été à même d'appréhender que ces capacités étaient obérées.

Par ailleurs, les époux [F] reprochent également à la banque d'avoir manqué à son devoir de mise en garde envers les cautions, dont la qualité de caution avertie ne pouvait se déduire de leur seule fonction de gérant, alors même que l'établissement aurait multiplié les garanties à leur égard.

La banque, pour sa part, expose qu'elle était exonérée de toute mise en garde, d'une part, en l'absence de disproportion des engagements, d'autre part au regard du caractère averti des cautions, qui étaient rompues aux affaires, comme gérant de multiples sociétés depuis plusieurs années, tout en étant cautions intéressées aux opérations garanties.

Sur ce, la cour rappelle que la banque n'a pas d'obligation de mise en garde vis à vis d'une caution avertie sauf si celle-ci démontre que la banque aurait eu des informations qu'elle-même aurait ignorées sur son patrimoine, ses revenus et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, le caractère averti de la caution ne se déduisant pas de la seule qualité de dirigeant, mais requérant que la caution soit rompue au monde des affaires, qu'elle ait une compétence en matière financière de sorte qu'elle dispose des informations nécessaires pour mesurer la portée de son engagement.

Dans les circonstances de l'espèce, outre qu'il n'est pas démontré, au regard, en particulier, de l'analyse des éléments soumis aux débats quant à la situation de revenus et de patrimoine des intéressés, telle qu'elle a pu être faite ci-avant, que les concours consentis auraient été inadaptés aux capacités financières des cautions, la banque démontre, de manière suffisante, que ces dernières étaient averties, dans la mesure où il n'est pas contesté, que les intéressés assumaient depuis dix ans, la co-gestion de plusieurs sociétés, de nature tant civile que commerciale, étant observé que les appelants invoquent, par ailleurs, la souscription d'engagements, notamment de caution, antérieurs.

Et, dans ces conditions, les cautions ne justifient pas, ni même n'allèguent, que la banque avait sur leurs revenus, leur patrimoine et leurs facultés de remboursement raisonnablement en l'état du succès escompté de l'opération financée, des informations qu'elles auraient ignorées. En conséquence, la banque n'était pas tenue à un devoir de mise en garde à leur égard, le jugement entrepris devant, dès lors, être confirmé en ce qu'il a écarté la responsabilité de la banque et débouté les consorts [F] de leurs prétentions de ce chef.

Sur la demande en déchéance du droit aux intérêts pour défaut d'information annuelle de la caution et le décompte des sommes dues :

La banque rappelle qu'elle n'a qu'à prouver l'envoi des lettres d'information annuelle à la caution, ajoutant que les cautions, pourtant chevronnées, n'auraient pas attiré son attention sur une absence d'information, de sorte qu'il ne serait pas permis de douter de l'information annuelle, outre qu'une éventuelle réduction des intérêts ne pourrait concerner que les intérêts à échoir.

Elle entend, enfin, contester l'exactitude de l'application, par le premier juge, du cours des intérêts et partant l'exactitude des montants mis en compte s'agissant de la réduction des sommes principales.

Les époux [F] entendent, pour leur part, renvoyer au jugement déféré ayant déchu la Banque Populaire de tous les intérêts conventionnels relatifs aux prêts cautionnés, ceci faute d'avoir pu rapporter la preuve du respect de l'obligation d'information annuelle.

La cour constate que la banque verse aux débats les courriers d'information annuelle des cautions. Il y a cependant lieu de relever qu'il n'est justifié pour aucune période de l'envoi de ces courriers à l'attention des cautions, la banque ne pouvant invoquer une prétendue passivité de ces derniers pour se soustraire à son obligation probatoire à ce titre, de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a retenu qu'il y avait lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de l'établissement, impliquant que les paiements de la débitrice principale soient imputés sur le capital.

En conséquence, dans la mesure où la banque, comme cela apparaît dans le dispositif de ses écritures, ne conteste le décompte effectué par le premier juge qu'en conséquence d'une absence alléguée de déchéance du droit aux intérêts, il n'y a pas lieu à faire droit à sa demande à ce titre, le premier juge ayant, au demeurant, sur ce point, par des motifs pertinents que la cour adopte, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les époux [F] succombant pour l'essentiel seront tenus solidairement des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande en outre de mettre à la charge des appelants une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de l'intimée, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Strasbourg,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [W] [F] et Mme [G] [R], épouse [F] aux dépens de l'appel,

Condamne in solidum M. [W] [F] et Mme [G] [R], épouse [F] à payer à la SA Banque CIC Est la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [W] [F] et Mme [G] [R], épouse [F].

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/00734
Date de la décision : 01/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-01;20.00734 ?
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