La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/05/2022 | FRANCE | N°20/00679

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 18 mai 2022, 20/00679


MINUTE N° 272/22

























Copie exécutoire à



- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA



- Me Laurence FRICK





Le 18.05.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 18 Mai 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/00679 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJJ5


r>Décision déférée à la Cour : 20 Décembre 2019 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG



APPELANT :



Monsieur [H] [Y]

6 Rue de Saint-Quentin

67000 STRASBOURG



Représenté par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat...

MINUTE N° 272/22

Copie exécutoire à

- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA

- Me Laurence FRICK

Le 18.05.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 18 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/00679 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJJ5

Décision déférée à la Cour : 20 Décembre 2019 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur [H] [Y]

6 Rue de Saint-Quentin

67000 STRASBOURG

Représenté par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la Cour

INTIMEE :

SA BANQUE CIC EST

prise en la personne de son représentant légal

31 rue Jean Wenger Valentin

67000 STRASBOURG

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Octobre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon acte en date du 24 juillet 2013, la BANQUE CIC EST a fait assigner M. [Y] poursuivi en sa qualité de caution solidaire de la SARL SOS.COM demandant au Tribunal de grande instance de STRASBOURG avec exécution provisoire, sa condamnation à lui payer diverses sommes avec intérêts, en exécution de son engagement de caution.

Par jugement du 20 décembre 2019, le Tribunal de grande instance de STRASBOURG a, pour l'essentiel, condamné M. [Y] à payer à la BANQUE CIC EST, au titre des concours financiers accordés à la société SOS.COM dont il s'était porté caution solidaire, avec exécution provisoire, les sommes de :

- 12 000 euros au titre du solde débiteur de compte-courant cautionné avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2012,

- 26 887,08 euros au titre du prêt cautionné avec intérêts et cotisations d'assurance groupe au taux de 9,70 % l'an à compter du 13 juillet 2008,

- 26 419,80 euros au titre du prêt consenti le 26 mars 2009 pour un montant total de 60 000 euros avec intérêts et cotisations d'assurance groupe au taux de 10 % l'an à compter du 12 juillet 2013,,

- 2 000 euros en application de l'article 700 du CPC outre les dépens.

Par déclaration faite au greffe le 06 février 2020, M. [Y] a interjeté appel de cette décision.

Par déclaration faite au greffe le 24 février 2020, la SA BANQUE CIC EST s'est constituée intimée.

Par acte d'huissier du 27 mai 2020, M. [Y] a fait assigner la BANQUE CIC EST aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 20 décembre 2019 et voir condamner la défenderesse au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du CPC outre les dépens.

Par une ordonnance du 17 août 2020, le juge des référés de la Cour d'appel de COLMAR a débouté M. [Y] de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du CPC, a condamné M. [Y] aux dépens.

Par ses dernières conclusions du 11 septembre 2020, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, M. [Y] demande à la Cour d'infirmer le jugement rendu le 20 décembre 2019, statuant à nouveau, de dire et juger que la BANQUE a engagé sa responsabilité en exigeant de M. [Y] des cautionnements disproportionnés, de dire et juger en conséquence que la BANQUE est déchue de son droit de poursuite des engagements de caution de M. [Y] ainsi que des intérêts, de dire et juger que M. [Y] est une caution profane, de dire et juger que la BANQUE a engagé sa responsabilité en ne respectant pas son devoir de conseil et de mise en garde et qu'elle s'est comportée avec une légèreté blâmable à l'égard de M. [Y], de condamner la BANQUE au paiement de la somme de 69 000 euros en réparation du préjudice de perte de chance de ne pas contracter les engagements de caution contestés, statuant à nouveau, de dire et juger que la BANQUE CIC EST a manqué à son obligation d'information annuelle de la caution, de dire et juger en conséquence que la BANQUE CIC EST est déchue de ses droits aux intérêts conventionnels, de dire et juger que

les engagements de caution de M. [Y] ne sauraient excéder les montants de 20 439,31 euros et 19 980,03 euros, d'accorder à M. [Y] au titre de l'article 1244-1 du Code civil les plus larges délais de paiement des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, en tout état de cause, de condamner la BANQUE au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du CPC pour la première instance, de condamner la BANQUE au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC pour la procédure d'appel, de condamner la BANQUE au paiement des entiers frais et dépens des deux instances.

Par ses dernières conclusions du 16 décembre 2020, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la BANQUE demande à la Cour de déclarer l'appel de M. [Y] mal fondé, de le débouter de l'intégralité de ses fins et conclusions, de confirmer le jugement du 20 décembre 2019, de condamner M. [Y] aux dépens d'appel, de condamner M. [Y] à payer à la BANQUE un montant de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

La Cour se référera aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 septembre 2021.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 20 Octobre 2021.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la disproportion manifeste invoquée par Monsieur [Y] :

Les juges de première instance ont considéré que Monsieur [H] [Y] n'avait pas apporté la preuve de la disproportion de ses engagements de caution aux motifs que, selon la fiche patrimoniale du 26 mars 2009 qu'il a lui-même établie à l'attention de la BANQUE CIC EST, il aurait bénéficié de :

- 2.200 euros mensuels minimum de revenus professionnels en tant que concédant de marques, modèle et droits d'auteur,

- la moitié de la nue-propriété de deux immeubles valant respectivement 800.000 euros et un million d'euros dont l'usufruit a fait l'objet d'une réserve par sa mère,

- un droit d'usage et d'habitation à titre gratuit de sorte qu'il ne payait pas de loyer,

- une pension mensuelle d'invalidité de première catégorie de 620 euros versée par la caisse primaire d'assurance maladie,

- une rente trimestrielle de 2.600 euros versée par AXA.

De même, les juges ont également pris en considération les éléments indiqués par Monsieur [Y] dans la fiche patrimoniale du 4 août 2008, réactualisée le 29 juin 2010, selon laquelle il aurait bénéficié de :

- un contrat de licence correspondant à 5 % H.T. du chiffre d'affaires de la société SOS. COM, plafonné à 100.000 euros par an

- la moitié de la nue-propriété de deux immeubles valant respectivement 800.000 euros et 1 million d'euros dont l'usufruit a fait l'objet d'une réserve par sa mère

- un droit d'usage et d'habitation à titre gratuit de sorte qu'il ne payait pas de loyer

- une pension mensuelle d'invalidité de première catégorie de 600 euros versée par la caisse primaire d'assurance maladie

- une rente trimestrielle de 2.800 euros versée par AXA.

M. [Y] soutient que ses engagements de caution étaient disproportionnés et affirme, que la BANQUE a engagé sa responsabilité en exigeant de l'appelant des engagements de caution qui étaient manifestement disproportionnés au regard de sa situation financière et patrimoniale, que la BANQUE est déchue de son droit de poursuite des sommes dues, que l'ancien article L.341-4 du Code de la consommation a vocation à s'appliquer dans la mesure où les engagements de caution étaient disproportionnés, qu'en l'espace de quelques mois la banque a exigé un engagement de caution à hauteur d'une somme totale de 69 600 euros, que les revenus, les biens et le patrimoine de M. [Y] ne lui permettaient pas de faire face à ces engagements en cas d'appel de la caution, que la BANQUE ne rapporte pas la preuve que les biens et revenus de M. [Y] lui permettaient de faire face à ses engagements.

Sur la disproportion des engagements, M. [Y] fait valoir que la disproportion doit aussi s'apprécier au jour de l'appel de la caution où sa situation financière s'était largement détériorée, que M. [Y] n'était pas solvable à l'époque de l'engagement et ne l'est pas non plus aujourd'hui, que l'hypothèque inscrite en 2011 aurait dû être prise en compte dans l'appréciation de la disproportion des engagements de caution, que les fiches patrimoniales transmises par M. [Y] contenaient des anomalies apparentes qui auraient dû conduire la BANQUE à réaliser des investigations plus poussées, que les engagements de caution des prêts souscrits en 2008 et 2009 ne figurent pas dans les fiches alors que la BANQUE ne pouvait pas les ignorer puisqu'ils ont été souscrits avec elle, que par son comportement la BANQUE a sciemment compromis la solvabilité financière future du concluant en le condamnant à une situation de faillite personnelle en cas d'appel de la caution, que conformément à l'article L.314-4 du Code de la consommation la BANQUE devra être déchue de son droit de poursuite.

Au soutien de ses prétentions, la BANQUE affirme, que c'est à juste titre que le Tribunal de grande instance de STRASBOURG a condamné M. [Y] au paiement des montants dus au titre de ses engagements de caution en application des articles 2288 et suivants du Code civil, que les prêts ont été accordés à la société SOS.COM et non à M. [Y], que la BANQUE n'avait pas à vérifier la situation personnelle de M. [Y] pour décider ou non de l'octroi d'un prêt à la société SOS.COM, que M. [Y] qui a la charge de la preuve ne démontre pas que la situation de la société SOS.COM n'aurait pas permis l'octroi des prêts consentis, que la responsabilité de la BANQUE ne peut pas être recherchée pour l'octroi des prêts, que M. [Y] ne peut pas contester les conditions dans lesquelles l'engagement de caution a été obtenu, qu'il résulte de la fiche patrimoniale de M. [Y] qu'il possède un important patrimoine, que les revenus et le patrimoine de M. [Y] y compris avec les corrections qu'il entend y apporter à la marge, sont parfaitement proportionnées aux engagements de caution.

Aux termes de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Dans ses dernières écritures, Monsieur [Y] demande à la Cour, statuant à nouveau, de dire et juger que la Banque a engagé sa responsabilité en exigeant de Monsieur [Y] des cautionnements disproportionnés et de dire et juger que la banque est déchue de son droit de poursuite des engagements de caution de Monsieur [Y] ainsi que des intérêts.

Cependant, dans ses dernières conclusions, Monsieur [Y] fonde sa demande en disproportion sur les dispositions précitées du code de la consommation et il appartient dès lors à la Cour de vérifier si la banque peut se prévaloir des engagements de caution de Monsieur [Y].

Il convient tout d'abord de rappeler que les engagements de caution ont été donnés par la partie appelante à des périodes différentes et que la situation de la caution doit être examinée à la date de chaque engagement, examen spécifique à chaque engagement auquel à procéder le premier juge.

La banque CIC EST a versé aux débats, la fiche patrimoniale établie le 26 Mars 2009 et la fiche patrimoniale renseignée le 04 Août 2008 et réactualisée le 29 Juin 2010.

Si sur les deux fiches patrimoniales, il est indiqué la valeur de biens immobiliers, à hauteur de 800 K€ pour un immeuble et de 1000 K€ pour le second, il est précisé aussi que ces biens ont fait l'objet d'une donation, que la mère de Monsieur [Y] est usufruitière de ces biens et que le frère de Monsieur [Y] est nu-propriétaire à hauteur de 50 %.

Ainsi, le fait de mentionner 50 % de nue-propriété comme étant les droits de M. [Y] sur l'immeuble à la suite d'une donation, tout en précisant par ailleurs les droits de la mère et du frère de Monsieur [Y] sur les mêmes immeubles, et d'un autre côté, de chiffrer une valeur vénale, ne permet pas de déterminer si cette valeur se rapporte à la valeur de l'immeuble ou à la valeur vénale estimée, et que M. [Y] aurait déclarée comme telle, de son droit immobilier. A supposer même qu'il s'agisse de la valeur de l'immeuble, la valeur vénale du droit immobilier de Monsieur [Y], eu égard à sa nature et aux droits de sa mère et de son frère, ne peut se déduire simplement des autres mentions de la fiche, de sorte que ces mentions constituent des anomalies apparentes. La banque n'était dès lors pas en droit de se fier à la valeur précitée.

Dès lors Monsieur [Y] peut invoquer les clauses de non-aliéner prévues dans les actes de donation-partage.

Dans ces conditions, ces biens ne sont pas immédiatement disponibles à la vente d'autant plus que dans les actes de donation-partage des 27 Mai 1994 et 22 Septembre 2007, il est prévu une clause d'interdiction formelle de vendre, d'aliéner ou de donner en gage les biens immobiliers objets de la donation-partage, sans l'accord de la donatrice.

L'accord éventuel que pourrait donner la donatrice à la vente des biens, présente un caractère trop aléatoire pour admettre que la valeur des biens immobiliers puisse être mise en compte par la banque pour apprécier la consistance du patrimoine disponible de Monsieur [Y] pour répondre de ses engagements de caution.

En conséquence, la valeur de ces biens immobiliers ne peut pas être prise en considération pour apprécier la capacité de Monsieur [Y] à respecter ses engagements de caution, et seuls ses revenus et charges doivent être pris en considération pour apprécier si ses engagements sont disproportionnés.

S'agissant des charges, il convient de relever que dans les fiches patrimoniales établies postérieurement au premier cautionnement consenti, les cautionnements successifs n'ont pas, à tort, été mentionnés, mais ils étaient nécessairement connus par la Banque, qui en bénéficiait et eu égard à la courte période qui s'est écoulée entre les actes de cautionnement.

Monsieur [Y] invoque au titre des charges un emprunt contracté auprès du crédit mutuel en 2011, par la SCI CONCORDIA dont il est co-associé qui prévoyait des mensualités de 2 200 €.

Ce prêt ne peut pas être pris en compte, dans un premier temps, pour apprécier le patrimoine de Monsieur [Y] s'agissant des actes de cautionnement consentis de 2008 à 2010.

Dans ces conditions, les fiches patrimoniales, établies antérieurement à l'année 2011, ne sont pas entachées d'erreur, sur ce point, en ne prenant pas en compte des remboursements d'un prêt contracté postérieurement à leur établissement.

S'agissant de ses revenus, il convient de relever que ses ressources sont constituées par :

- un contrat de licence correspondant à 5 % H.T. du chiffre d'affaires de la société SOS.COM, plafonné à 100.000 euros par an,

- une pension mensuelle d'invalidité de première catégorie de 600 euros versée par la caisse primaire d'assurance maladie,

- une rente trimestrielle de 2.800 euros versée par AXA.

Monsieur [Y] s'est porté caution d'un prêt de 60 000 € consenti par la banque à la société SOS.COM dont il était alors gérant, par acte du 20 Août 2008, dans la limite de 28 800 €.

Les feuilles d'impôts sur le revenu produites en annexe 4 par Monsieur [Y] démontrent que les ressources du foyer s'élevaient, pour l'année 2008 à la somme de 19 402 €, soit un revenu mensuel de 1616,83 €.

Il convient de constater que le montant de l'engagement de caution excède le montant annuel des revenus de Monsieur [Y] et démontre l'impossibilité pour la caution de faire face avec ses revenus à cet engagement de caution qui paraît dans ces conditions, manifestement disproportionné.

Monsieur [Y] s'est porté caution d'un prêt de 120 000 € consenti par la banque à la société SOS COM dont il était alors gérant, par acte du 26 Mars 2009, dans la limite de 28 800 €.

L'avis d'imposition sur les revenus de l'année 2009 produit en annexe 5 par Monsieur [Y] démontre que les ressources du foyer s'élevaient, pour l'année 2009 à la somme de 27 460 €.

Il convient de constater que le montant de l'engagement de caution excède le montant annuel des revenus de Monsieur [Y] et démontre l'impossibilité pour la caution de faire face avec ses revenus à cet engagement de caution qui paraît dans ces conditions, manifestement disproportionné, d'autant plus que quelques mois auparavant un engagement de caution à hauteur de 28 800 € avait déjà été consenti pour un prêt consenti par la banque CIC EST intimée.

Monsieur [Y] s'est porté caution à hauteur de 12 000 € pour garantir les engagements pris par cette société par acte du 29 Juin 2010.

Monsieur [Y] n'a pas produit de documents fiscaux justifiant des revenus perçus au cours de l'année 2010.

Cependant, il est possible de considérer qu'eu égard aux revenus fixes perçus par Monsieur [Y], ses ressources peuvent être fixées à une somme maximale de 1500 € par mois, soit à une somme annuelle de 18 500 €.

La situation de Monsieur [Y] doit être appréciée globalement et si ce seul engagement n'apparaît pas manifestement disproportionné aux revenus annuels de Monsieur [Y], les engagements antérieurs le rendent manifestement disproportionné.

En conséquence, les actes de cautionnement de Monsieur [Y] en raison de leur caractère disproportionné seront déclarés inopposables à la BANQUE CIC EST qui ne peut pas en poursuivre le règlement.

La BANQUE CIC EST ne démontre pas que Monsieur [Y] est revenu à meilleure fortune et que la disproportion avait disparu au moment où le règlement des engagements de caution était sollicité, dès lors qu'il n'est pas rapporté la preuve que l'interdiction d'aliéner les biens immobiliers avait disparu, et que les revenus de la partie appelante tirés de son contrat de licence ont disparu en raison de la mise en liquidation judiciaire, en 2011 de sa société.

Sur les demandes subsidiaires :

A titre subsidiaire, sur le manquement au devoir de conseil et de mise en garde de la BANQUE, M. [Y] soutient que la qualité de caution avertie ou non s'apprécie in concreto, que la qualité de dirigeant ou d'associé ne saurait suffire pour apprécier le caractère averti ou non de la caution, que la notion de 'diplômé en droit' ne signifie rien concrètement, que M. [Y] n'a aucune expérience commerciale ni connaissance informatique, que M. [Y] est une caution profane, que la BANQUE est tenue d'une obligation de conseil et de mise en garde à son égard, que la BANQUE aurait dû attirer l'attention de M. [Y] sur les risques de l'endettement nés de l'octroi des prêts à la société SOS.COM et établir un parallèle avec les propres facultés contributives de M. [Y] en cas de remboursement, que la BANQUE n'a sollicité aucune information fiable de la société sur la viabilité du projet, que M. [Y] a subi un préjudice de perte de chance de ne pas souscrire ces trois engagements de caution évalué à la somme de 69 600 euros.

Sur le devoir de mise en garde, la BANQUE soutient que M. [Y], dirigeant de société et titulaire d'un diplôme en droit, ne peut pas être considéré comme une caution profane, que M. [Y] n'établit par ailleurs pas quel aurait dû être, si elle avait été applicable, le contenu de l'obligation de mise en garde, qu'il appartient à M. [Y] qui a la charge de la preuve d'établir la perte de chance ce qu'il ne fait pas, que l'article L.313-22 du Code Monétaire et Financier ne met pas à la charge de la BANQUE la preuve de la réception des lettres d'information par la caution, que la demande reconventionnelle de M. [Y] fondée sur le devoir de mise en garde ou les conditions d'octroi des concours sur le fondement de l'article L.650-1 du Code de commerce est mal fondée.

La Cour ayant admis les prétentions de Monsieur [Y] sur le caractère disproportionné de ses engagements, ne statuera pas sur ses demandes subsidiaires, devenues sans objet.

La décision entreprise sera infirmée en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Succombant, la Banque CIC EST sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur [Y] tant en première instance, qu'à hauteur de Cour.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 20 décembre 2019 par le Tribunal de grande instance de STRASBOURG en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute la Banque CIC EST de l'intégralité de ses demandes en raison du caractère disproportionné des cautions consenties par Monsieur [Y],

Condamne la Banque CIC EST aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Rejette sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Banque CIC-EST à verser à Monsieur [Y] la somme de 1000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et

la même somme pour la procédure d'appel.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/00679
Date de la décision : 18/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-18;20.00679 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award