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11/05/2022 | FRANCE | N°20/02794

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 11 mai 2022, 20/02794


MINUTE N° 254/22

























Copie exécutoire à



- Me Katja MAKOWSKI



- Me Joseph WETZEL





Le 11.05.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 11 Mai 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/02794 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HM22



Décision défé

rée à la Cour : 09 Septembre 2020 par la juridiction des loyers commerciaux du Tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :



S.C.I. MHO

prise en la personne de son représentant légal

16 rue de l'Abbé Hanauer

67100 STRASBOURG-...

MINUTE N° 254/22

Copie exécutoire à

- Me Katja MAKOWSKI

- Me Joseph WETZEL

Le 11.05.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 11 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/02794 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HM22

Décision déférée à la Cour : 09 Septembre 2020 par la juridiction des loyers commerciaux du Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :

S.C.I. MHO

prise en la personne de son représentant légal

16 rue de l'Abbé Hanauer

67100 STRASBOURG-MEINAU

Représentée par Me Katja MAKOWSKI, avocat à la Cour

INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :

S.A.R.L. LES TILLEULS

exploitant sous l'enseigne HOTEL DE L'ORANGERIE

prise en la personne de son représentant légal

58 Allée de la Robertsau

67000 STRASBOURG

Représentée par Me Joseph WETZEL, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller, et Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon contrat de bail commercial du 15 juillet 1997, la SARL Hôtel de l'Orangerie a donné à bail commercial à la SARL MH Orangerie l'immeuble sis 58 Allée de la Robertsau à STRASBOURG.

Un avenant au bail commercial a été signé le 27 août 2002 entre la société Hôtel de l'Orangerie et la SARL Les Tilleuls, sous condition suspensive de la réalisation définitive de la vente du fonds de commerce Hôtel de l'Orangerie au profit de la SARL Les Tilleuls.

Par acte de vente du 28 novembre 2002, la SARL MH Orangerie a cédé à la SARL les Tilleuls ce fonds de commerce exploité dans les locaux précités.

L'avenant du 28 novembre 2002 a constaté que la condition suspensive était levée.

Selon procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2003, la SARL MH Orangerie a été absorbée par la SARL Hôtel de l'Orangerie avec effet rétroactif au 1er juillet 2002, et la dénomination de la SARL Hôtel de l'Orangerie est devenue SARL MHO.

En 2009 la SARL MHO a changé de forme sociale pour devenir la SCI MHO.

Ainsi, la SCI MHO vient aux droits du bailleur initial, et la SARL Les Tilleurs vient aux droits du preneur initial.

Après que le bail commercial ait été renouvelé du 1er juillet 2006 au 30 juin 2015, la SARL Les Tilleuls a demandé, par acte d'huissier de justice du 5 juin 2015, le renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2015 moyennant la fixation d'un nouveau loyer annuel hors taxes et hors charges de 54 000 euros.

Par acte d'huissier de justice délivré le 29 juin 2015, la SCI MHO a fait signifier son accord exprès de la demande de renouvellement de bail commercial pour une nouvelle durée de 9 années à compter du 1 er juillet 2015 pour se terminer le 30 juin 2024, moyennant un loyer hors taxes de 10 955,96 euros par mois, et son refus exprès de la proposition de fixation de loyer à la baisse.

Après un mémoire préalable à l'assignation en fixation de loyer du 13 octobre 2015, la SARL LES TILLEULS a, par acte d'huissier de justice délivré le 22 décembre 2015, assigné la SCI MHO afin qu'il soit dit et jugé que le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative à compter du 1 er juillet 2015, de le fixer à compter du 1er juillet 2015 à une somme de 54 000 € HT et hors charges par an et d'ordonner une expertise.

Par jugement du 11 mai 2016, la Juridiction des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Strasbourg a dit que le loyer doit être fixé à la valeur locative et a ordonné une expertise afin d'évaluer la valeur locative des locaux à la date du 1er juillet 2015 conformément à la valeur à la méthode hôtelière.

Le rapport d'expertise du 27 décembre 2019 a été reçu au tribunal de grande instance de Strasbourg le 24 janvier 2020.

Par mémoire du 11 février 2020, la SARL Les TILLEULS a demandé que le loyer soit fixé à la somme annuelle, hors taxes et hors charges, de 54 000 euros à compter du 1er juillet 2015 et de 50 000 euros à compter du 10 février 2020.

Par jugement du 9 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- fixé le loyer renouvelé du 1er juillet 2015 au 9 février 2020 à 54 000 euros par an hors taxes et hors charges,

- fixé le loyer renouvelé à compter du 10 février 2020 à 52 836,76 euros par an hors taxes et hors charges,

- condamné la SCI MHO aux entiers dépens et à payer à la SARL Les Tilleuls la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 30 septembre 2020, la SCI MHO a interjeté appel de cette décision.

Le 12 octobre 2020, la SARL Les Tilleuls s'est constituée intimée.

Par ses dernières conclusions du 1er mars 2021, auxquelles était joint un bordereau de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la SCI MHO demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement n° RG 15/06791 du Tribunal Judiciaire de Strasbourg, Juridiction des Loyers Commerciaux du 9 septembre 2020 en ce qu'il a fixé le loyer renouvelé du 1er juillet 2015 au 9 février 2020 à 54 000 € par an, hors taxes et hors charges ; en ce qu'il a fixé le loyer renouvelé à compter du 10 février 2020 à 52 836,76 € par an, hors taxes et hors charges ; en ce qu'il a condamné la SCI MHO aux entiers dépens et à payer à la SARL LES TILLEULS la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC

- statuer à nouveau :

A titre principal,

- dire et juger que le loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2015 est fixé comme suit :

- 10 955,96 € HT et hors charges par mois

- 131 471,52 € HT et hors charges par an

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que le loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2015 est fixé comme suit :

- 7 585,83 € HT et hors charges par mois

- 91 029,92 € HT et hors charges par an

En tout état de cause

- déclarer l'appel incident de la SARL LES TILLEULS mal fondé

- débouter la SARL LES TILLEULS de son appel incident

- débouter la SARL LES TILLEULS de l'intégralité de ses moyens et demandes

- condamner la SARL LES TILLEULS aux entiers frais et dépens, y compris les frais d'expertise

- condamner la SARL LES TILLEULS à payer à la SCI MHO la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 CPC.

En substance, elle admet que la valeur locative annuelle se calcule en multipliant la recette théorique annuelle hors taxes par le taux d'occupation et par le taux sur recette.

Sur le taux de recette théorique global hors taxes, elle soutient que la moyenne hors taxe du prix des chambres n'est pas de 94,90 euros, mais de 103,27 euros, ce qui conduit à une recette théorique globale annuelle hors taxes de 942 338,75 euros, étant précisé que l'expert a retenu un prix de chambre moyen hors taxes de 99 euros et une recette théorique maximale de 904 196,25 euros.

Sur le taux d'occupation, elle conteste les affirmations de la SARL Les Tilleuls selon lesquelles l'hôtel est situé dans un emplacement isolé du centre-ville historique avec un taux d'occupation de 49,69 %. Elle soutient que l'hôtel est bien situé et demande de retenir un taux d'occupation de 95 %, à titre subsidiaire de 69 %. Elle conteste le chiffre de 50 % retenu par l'expert et le tribunal, soutenant que le taux d'occupation moyen global pour l'année 2015 dans l'Eurométropole était de 65,22 %, avec 86,63 % en décembre et que pour les hôtels trois étoiles, il était de 65,32 %. Elle fait également valoir d'autres statistiques pour des périodes postérieures et qu'il n'y a pas eu de recul de la fréquentation touristique en Alsace après les attentats de 2015. Elle soutient que le taux d'occupation moyen est de 69 %, et qu'en raison de la situation particulière de l'hôtel face aux institutions européennes et la pharmacopée européenne permet d'atteindre un taux d'occupation de 95 %.

Sur le taux sur recettes, elle reprend le taux de 14 % retenu par l'expert.

Sur les abattements, elle conteste l'application d'un abattement sur un tel calcul, soutient avoir versé à la SARL Les Tilleuls la somme de 63 557,65 euros afin de réaliser les travaux prescrits par l'expert judiciaire M. [W] dans son rapport du 15 février 2017 et que les travaux ont été engagés à sa charge. Elle ajoute que ces clauses ont été acceptées par la SARL Les Tilleuls lors de la vente du fonds de commerce. S'agissant de la refacturation de la taxe foncière, elle conteste que la SARL Les Tilleuls l'ait payée en intégralité et souligne que depuis avril 2020, elle n'a plus réglé les loyers, les charges, ni la refacturation de la taxe foncière. Elle ajoute que la situation doit être prise en compte au jour de la demande, soit le 1er juillet 2015, et non ultérieurement.

Par ses dernières conclusions du 3 février 20021, auxquelles était joint un bordereau de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le 4 février 2021, la SARL Les Tilleuls demande à la cour :

- dire et juger l'appel de la société MHO irrecevable et mal fondé ;

- en débouter la société MHO ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2015 pour la période du 1 er juillet 2015 au 9 février 2020 à 54 000 € par an, hors taxes et hors charges.

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le loyer renouvelé à compter du 10 février 2020 à 52 836,76 € par an hors taxes et hors charges.

Statuant à nouveau :

- fixer le loyer du bail renouvelé à un montant annuel de 50.000 € HT/HC à compter du 10 février 2020.

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI MHO aux entiers frais et dépens et à payer à la SARL LES TILLEULS la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

- condamner la SCI MHO à payer à la SARL LES TILLEULS la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

- condamner la SCI MHO aux entiers frais et dépens ;

- débouter la SCI MHO de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions.

En substance, elle demande que le calcul de la valeur locative soit effectué en appliquant la méthode hôtelière qui consiste à fixer la valeur locative par référence à la recette théorique globale hors taxes à laquelle sont appliqués des abattements, le taux d'occupation et le taux sur recettes ou taux de rendement.

Sur la recette théorique, elle approuve le premier juge d'avoir pris en compte les prix pratiqués au 1er juillet 2015, et non pas ceux retenus par l'expert tels qu'affichés sur son site internet en octobre 2015, soit postérieurement au renouvellement. Elle soutient qu'il s'élevait en moyenne à 91,91 euros HT, soit une recette théorique annuelle de 838 678,75 euros.

Sur le taux d'occupation, elle demande l'application d'un taux de 47 %, subsidiairement 50 %. Elle conteste les éléments produits par la partie adverse au motif qu'ils se réfèrent à une période postérieure, à un taux moyen constaté sur le plan statistique en général qui n'est pas significatif et que le taux de 95 % ne correspond même pas à des hôtels situés dans l'hypercentre. Elle indique que le taux de 60 % s'explique par le fait que les hôtels à Strasbourg sont presque tous concentrés dans l'hypercentre ce qui n'est pas le cas de l'Hôtel de l'Orangerie, qui est dans un secteur excentré. Elle fait valoir que la proximité des institutions européennes ne constitue pas un atout particulier, étant situé dans un secteur résidentiel, à l'écart de l'hypercentre historique et touristique et de ses animations. Elle conteste la valeur probante des autres éléments invoqués.

Elle conteste le jugement ayant retenu un taux de 50 % en revalorisant le taux de 46 % jugé anormalement bas en raison des attentats, en faisant valoir que les attentats de Paris en novembre 2015 sont survenus postérieurement au renouvellement.

Sur le taux sur recettes, elle invoque un taux de 13 %.

Sur les abattements, elle invoque, en application de l'article L.145-33 et R. 145-8 du code de commerce, les clauses exorbitantes du droit commun contenues dans le bail, concernant, d'une part, la taxe foncière que le preneur doit prendre en charge à hauteur de la moitié, et, d'autre part, la charge des travaux de mise en conformité concernant la sécurité et l'accessibilité handicapés qui sont à la charge du preneur. Elle en déduit que ces clauses justifient un abattement d'au moins 10 % de la valeur locative.

Elle y ajoute les dégâts des eaux intervenus chaque année, imputables aux canalisations vétustes, pour lesquelles le bailleur a réalisé les travaux légalement à sa charge, contraint par une décision de justice. Elle invoque de nouveaux désordres récents dus à des infiltrations en provenance des terrasses et de la toiture et soutient que les travaux réalisés par le bailleur ne peuvent conduire à une majoration de la valeur locative. Elle ajoute avoir pris à sa charge le remplacement du système de production d'eau chaude, à charge du bailleur.

Par ordonnance du 26 mars 2021, la clôture de la procédure a été ordonnée et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 27 septembre 2021.

L'affaire a été appelée à l'audience du 27 septembre 2021 et il a été demandé aux parties d'apporter, par note en délibéré, des précisions sur les parties au contrat de bail.

La SCI MHO a transmis une note en délibéré du 27 septembre 2021 et un bordereau de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour.

La SARL Les Tilleuls a transmis une note en délibéré du 14 octobre 2021, à laquelle était jointe une pièce, transmises par voie électronique le même jour.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION :

L'objet du litige porte sur la fixation du loyer renouvelé à compter du 1er juillet 2015.

Les parties s'accordent sur la méthode de calcul de la valeur locative des locaux, consistant à multiplier la recette théorique annuelle hors taxes par le taux d'occupation et le taux sur recette. Le cas échéant, il convient d'appliquer un abattement, ce que demande en l'espèce le preneur et conteste le bailleur.

S'agissant du taux de recette théorique global hors taxes :

Il convient d'approuver les motifs des premiers juges ayant retenu qu'il convient de tenir compte des tarifs pratiqués au 1er juillet 2015 et non de ceux pratiqués postérieurement.

Le bailleur soutient que le prix des chambres est supérieur à celui retenu par le tribunal et soutient que les tarifs des chambres produits à la présente procédure ne sont pas identiques à ceux effectués réellement par le preneur et figurant sur son site internet. Cependant, le bailleur ne produit qu'une pièce 5 consistant en une page internet indiquant les tarifs, qui porte la date du 29 octobre 2015, soit largement postérieurement au renouvellement.

Le preneur produit en pièce 8 et 21 des tarifs qu'il indique être ceux de 2014, ceux du 1er janvier au 31 Juillet 2015, puis des tarifs plus élevés du 1er août au 31 décembre 2015, ces derniers étant des prix fixes par type de chambre, alors que la page internet précitée mentionne pour chaque type de chambre une fourchette, dont seule la fourchette basse correspond au tarif produit en pièce 21 par le preneur.

L'expert indique que les seuls prix qu'il a pu vérifier, comparer et affiner par rapport aux prix affichés sur le site internet de l'hôtel sont les prix fixés à partir du 1er août 2015.

En l'état des éléments produits par les parties, il convient de retenir que le prix moyen pratiqué au 1er juillet 2015 est le même que celui pratiqué le 1er août 2015 qu'a pu calculer l'expert, soit de 99,09 euros par chambre, soit pour 25 chambres, une recette moyenne annuelle de 904 196,25 euros.

S'agissant du taux d'occupation :

Il convient également de tenir compte du taux d'occupation existant au 1er juillet 2015.

Le bailleur soutient que le taux d'occupation moyen pour l'année 2014 à Strasbourg était de 67,40 % toutes catégories confondues. Il soutient qu'eu égard à la situation particulière de l'hôtel face aux institutions européennes et la pharmacopée européenne permet d'atteindre un taux d'occupation de 95 %, ou subsidiairement de 69 %.

Les pièces qu'il produit qui sont afférentes à une période postérieure au 1er juillet 2015 sont inopérantes, telles les pièces 45, 17, 10, 40, 41, 42.

Le bailleur produit, en pièce 16, un document de la CCI Strasbourg et Bas-Rhin indiquant un taux d'occupation sur l'Eurométropole en 2014 de 66,22 % et de 65,22 % en 2015. S'agissant des hôtels 3 étoiles, catégorie de l'hôtel exploité par le preneur dans les lieux loués, ce document indique un taux d'occupation de 65,85 % en 2014 et de 65,32 % en 2015, étant précisé que le taux d'occupation du 3ème et 4ème trimestre 2015, période postérieure au renouvellement dont il ne peut être tenu compte, a augmenté par rapport au taux d'occupation des 3ème et 4ème trimestre 2014.

En revanche, l'article de presse qu'il produit en pièce 9 fait état d'excellents chiffres de fréquentation de l'hôtellerie pour Strasbourg, de ce qu'en décembre 2014, Strasbourg a enregistré un taux d'occupation moyen de 89 % dans les 3 catégories, dont 89,8 % en haut de gamme et 86,9 % en milieu de gamme, et que ces chiffres sont en hausse par rapport à 2013, qui avait pourtant déjà constitué un record. Les chiffres sont également excellents sur l'année 2014 dans son ensemble, puisque Strasbourg est passée en première position après Paris pour le taux d'occupation de l'hôtellerie dans la catégorie 'haut de gamme' avec 66,3 %, et est dans le quatuor de tête dans la catégorie 'milieu de gamme' avec 67,4 %.

Ces éléments sont relatifs à la situation générale de l'hôtellerie à Strasbourg.

L'expert a également analysé précisément l'évolution générale des taux d'occupation à Strasbourg dans son rapport, et conclu que la fréquentation des touristes est stable à Strasbourg ou en très légère augmentation, mais que l'offre en nombre de chambres augmente et de ce fait le taux d'occupation baisse et que les voyageurs recherchent et choisissent de plus en plus des modes d'hébergement alternatifs à l'hôtel.

Il résulte des pièces produites par le bailleur et afférentes à la période antérieure au renouvellement qu'un taux d'occupation de 95 % ou même de 69 % comme il l'invoque n'est pas fondé. De surcroît, l'expert retenait également qu'un taux de 95 % lui paraissait excessif et irréaliste en se référant à son étude effectuée dans son rapport.

Ces éléments, qui constituent des moyennes, ne sont pas non plus suffisants pour contredire les éléments produits par le preneur sur son taux d'occupation réel.

Le preneur soutient que son taux d'occupation s'élève entre juillet 2014 et juin 2015 à 46,89 %, en produisant la liste des récapitulatifs des taxes de séjour sur la période correspondante en ses pièces 23 et 24.

L'expert a calculé le taux d'occupation de l'hôtel exploité par le preneur. Sur la base des tableaux d'occupation mensuelle de l'année 2015 transmis par le preneur à la mairie, il retient un taux d'occupation de 46 %. Il constate une diminution du taux d'occupation par rapport à celui de 2014. Il énonce que 'la fréquentation des touristes en 2015 n'a pour ainsi dire pas progressé, notamment aux mois de novembre et décembre, compte tenu des événements dramatiques que nous avons connus en France cette année là, en conséquence, nous estimons devoir apporter un correctif au taux d'occupation.' Il retient alors un taux d'occupation de 50 %.

Dans son dire, l'expert précise avoir corrigé à 50 % le taux d'occupation réel de 46 % de l'année 2015 suite aux événements survenus en fin d'année, qui a impacté la fréquentation touristique de la ville, en tenant compte de la progression des taux d'occupation des deux années précédentes : années 2013 : 47,32 % et 49,69 % en 2014. Or, il ne pouvait être tenu compte des attentats survenus après le 1er juillet 2015.

Compte tenu du taux d'occupation réel de juillet 2014 à juin 2015, il convient de fixer le taux d'occupation à 47 % comme le demande le preneur.

Sur le taux sur recettes :

L'expert précise que le taux de rendement des hôtels 3 étoiles est de 13 à 14 %.

Il préconise un taux de 14 % en relevant que l'hôtel n'est pas implanté dans l'hypercentre ville, mais que compte tenu de sa situation, il bénéficie de la clientèle régulière des institutions européennes.

Il n'est pas contesté par les parties que l'hôtel se situe à proximité des institutions européennes et se situe dans un secteur résidentiel à l'écart de l'hypercentre historique et touristique.

Eu égard au taux de rendement moyen des hôtels de cette catégorie, il convient de retenir le taux le plus élevé de la fourchette, soit de 14 %, dès lors qu'il est proche des institutions européennes et que le preneur ne produit aucun élément de nature à démontrer son affirmation selon laquelle la proximité des institutions européennes n'est pas un atout dans la mesure où les parlementaires et fonctionnaires européens privilégient les hôtels du centre historique.

Sur les abattements :

Selon l'article R. 145-8 du code de commerce, les obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages, constituent un facteur de diminution de la valeur locative.

Tel est en particulier le cas de la taxe foncière.

En l'espèce, il résulte de l'avenant du 27 août 2002 que le preneur supporte par moitié l'impôt foncier, hors taxe d'enlèvement d'ordures ménagères qu'il supporte intégralement. Il convient donc de tenir compte du fait que le preneur soit tenu de payer la moitié de la taxe foncière, et ce peu important que, comme le soutient le bailleur, il ne paye pas celle-ci en son intégralité.

D'autre part, le preneur soutient que la clause mettant la charge des travaux de mise aux normes concernant la sécurité et l'accessibilité handicapés, alors qu'ils sont en principe à la charge du bailleur, lui transfère une charge anormale justifiant un abattement sur la valeur locative, et qu'il est inopérant qu'il ait accepté lesdites clauses.

Le bailleur réplique que ces clauses ont été acceptées par la société Les Tilleuls lors de la vente du fonds de commerce.

Cependant, il convient de tenir compte de ces clauses exorbitantes du droit commun.

De troisième part, le preneur ajoute que l'hôtel a subi de nombreux dégâts essentiellement imputables à des dégâts des eaux, et que le bailleur n'a réalisé les travaux légalement à sa charge que sur décision de justice.

Le bailleur indique avoir pris en charge le coût des travaux suite à des procédures judiciaires en 2017, et avoir versé la somme de 63 557,65 euros.

Selon l'ordonnance de référé du 23 mai 2017, le preneur avait été autorisé à faire réaliser les travaux prescrits par un expert pour remédier aux fuites, tandis que le bailleur avait été condamné à payer une provision de 59 756,20 euros, outre intérêts, les frais d'expertise, les dépens et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Selon cette ordonnance, il s'agissait de fuites sur la distribution d'eau, que sept fuites ont été constatées en 2015 et trois fuites en 2016. Le bailleur justifie avoir payé, suite à cette condamnation, la somme de 63 557,65 euros en septembre 2017. Il résulte de l'expertise de Mme [I] que les travaux de réparation ont été réalisés en 2018.

Il convient donc de tenir compte du fait que le preneur subissait des perturbations liées à ces canalisations vétustes lors du renouvellement du bail.

Le preneur ajoute avoir subi récemment de nouvelles infiltrations en provenance de la terrasse et de la toiture, constatées en 2020. Cependant, celles -ci sont survenues pendant l'exécution du bail renouvelé et ne peuvent être prises en compte dans le présent litige.

Le preneur, qui fait valoir que le bailleur ne réalisait pas d'entretien ni de réparation avant sa condamnation, n'évoque aucune perturbation en résultant pendant la période de référence à prendre en compte pour fixer la valeur du loyer renouvelé.

Il ajoute avoir pris à sa charge le remplacement du système de production d'eau chaude à hauteur de 40 000 euros, alors que cela incombait au bailleur, mais n'invoque aucune pièce au soutien de son affirmation, de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier la date d'un tel remplacement et qu'il n'y a donc pas lieu d'en tenir compte.

Enfin, le fait que le bailleur ait pris en charge des travaux de ravalement et de remplacement de canalisations vétustes ne peut être pris en compte, s'agissant de l'exécution de ses obligations légales de bailleur.

Compte tenu de la charge de la moitié de la taxe foncière, de la clause de mise aux normes de sécurité et d'accessibilité, des canalisations vétustes et des perturbations qu'elles engendraient et qui existaient lors du renouvellement du bail, il convient de retenir un abattement qu'il convient de fixer à 10 %.

Sur la valeur locative : il en résulte que la valeur locative annuelle peut, en fonction de ces éléments, être évaluée à la somme de : recette théorique x taux d'occupation x taux de rendement = 904 196,25 x 47 % x 14 %, ce qui compte tenu de l'abattement, correspond à une somme de 53 546,50 euros (hors taxes et hors charges).

Il sera observé que le locataire avait d'abord demandé la fixation du loyer renouvelé à 54 000 euros, puis à compter du 10 février 2020 un loyer inférieur à cette somme.

Il convient dès lors de :

- confirmer, comme le demande le preneur, le jugement en ce qu'il a fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2015 au 9 février 2020 à 54 000 euros par an, hors taxes et hors charges

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le loyer, à compter du 10 février 2020, à 52 836,76 euros par an, hors taxes et hors charges, et statuant à nouveau, de fixer le loyer du bail renouvelé au montant annuel de 53 546,50 euros hors taxes et hors charges.

Sur les frais et dépens :

Le preneur obtenant la fixation du loyer du bail renouvelé à un montant très proche de celui dont il avait initialement demandé la fixation, et à un montant très éloigné de celui revendiqué par le bailleur, il convient de confirmer le jugement ayant statué sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Le bailleur, qui succombe principalement en son appel, sera condamné à supporter les dépens d'appel, à payer au preneur la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa demande de ce chef sera rejetée.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 9 septembre 2020, sauf en ce qu'il a fixé le loyer renouvelé à compter du 10 février 2020 à 52 836,76 euros par an hors taxes et hors charges,

L'infirme de ce seul chef,

Statuant à nouveau de ce chef :

Fixe le loyer du bail renouvelé à compter du 10 février 2020 au montant annuel de 53 546,50 euros hors taxes et hors charges,

Y ajoutant :

Condamne la SCI MHO à supporter les dépens d'appel,

Condamne la SCI MHO à payer à la SARL Les Tilleuls la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la SCI MHO au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/02794
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;20.02794 ?
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