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11/05/2022 | FRANCE | N°19/05117

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 11 mai 2022, 19/05117


MINUTE N° 255/22





























Copie exécutoire à



- Me Anne CROVISIER



- la ASSOCIATION MAÎTRES D'AMBRA ET BISCHOFF, ASSOCIATION D'AVOCATS



- Me Valérie SPIESER





Le 11.05.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 11 Mai 2022



Numéro d'inscription au ré

pertoire général : 1 A N° RG 19/05117 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HHPD



Décision déférée à la Cour : 15 Novembre 2019 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG



APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :



SA BRASSERIE DE TAHITI prise en la ...

MINUTE N° 255/22

Copie exécutoire à

- Me Anne CROVISIER

- la ASSOCIATION MAÎTRES D'AMBRA ET BISCHOFF, ASSOCIATION D'AVOCATS

- Me Valérie SPIESER

Le 11.05.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 11 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/05117 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HHPD

Décision déférée à la Cour : 15 Novembre 2019 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG

APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :

SA BRASSERIE DE TAHITI prise en la personne de son représentant légal

17 Place Notre Dame 98713 PAPEETE

Représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me KOSTADINOV, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :

SASU ECOGREEN ENERGY prise en la personne de son représentant légal

44 Avenue du Rhin 67100 STRASBOURG

Représentée par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA de l'ASSOCIATION MAÎTRES D'AMBRA ET BISCHOFF, ASSOCIATION D'AVOCATS, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me KOERING, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE - INTIMEE INCIDEMMENT :

SAS [U] prise en la personne de son représentant légal

185 Avenue des Grésillons 92237 GENEVILLIERS CEDEX

Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me DEBELLOY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2021, en audience publique, un rapport ayant été présenté, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

La société Brasserie de Tahiti est une entreprise industrielle spécialisée dans la production et la commercialisation de boissons en Polynésie Française.

La société Ecogreen Energy est une société spécialisée dans le conseil et la mise en oeuvre de solutions d'économie d'énergie pour les professionnels.

La société [U], venant aux droits de la société [V], est une société agréée pour l'achat et la revente de certificats d'économie d'énergie (CEE).

Le 30 décembre 2014, la société Brasserie de Tahiti et la société [U] ont signé une convention de recherche de financement de projets environnementaux et de performance énergétique.

Le 31 décembre 2014, la société Brasserie de Tahiti a souscrit avec la société Ecogreen Energy deux contrats de fourniture.

La société Ecogreen Energy acceptait d'assurer le préfinancement des aménagements à réaliser dans les locaux de la société Brasserie de Tahiti, puis de se rémunérer grâce à la revente par la société [U] des CEE ainsi générés.

Le 16 janvier 2015, les sociétés Ecogreen Energy et [U] ont souscrit une convention de partenariat.

Par jugement du 15 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Strasbourg a :

- dit et jugé que la société Brasserie de Tahiti n'est pas fondée contractuellement à prétendre à un complément de prime d'incitation, en conséquence, l'en a débouté,

- constaté que la société [U] a procédé aux ventes des CEE après avoir obtenu l'accord de la Brasserie de Tahiti,

- condamné la société Brasserie de Tahiti à payer à la société Ecogreen Energy les sommes de :

- 172 157 euros au titre du principal avec intérêts au taux majoré de 2 % à compter du 27 octobre 2016, date de la mise en demeure,

- 34 431,40 euros à titre d'indemnité de retard,

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Brasserie de Tahiti aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 25 novembre 2019, la société Brasserie de Tahiti en a interjeté appel.

Le 13 décembre 2019, la société [U] s'est constituée intimée.

Le 17 décembre 2019, la société Ecogreen Energy s'est constituée intimée.

Par ses dernières conclusions du 3 août 2020, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la société Brasserie de Tahiti demande à la cour de :

- la recevoir en son appel et l'en déclarer bien fondée,

en conséquence,

- infirmer le jugement rendu le 15 novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg (RG n°16/02523) en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

- rejeter toutes prétentions, fins et conclusions de ECOGREEN ENERGY et [U],

- constater qu'[U] s'est engagée contractuellement à verser à BRASSERIE DE TAHITI une prime d'incitation d'un montant de 2150 Euros / GWH Cumac certifié et vendu pour le projet EcoPatch et de 1950 Euros/ GWH Cumac certifié vendu pour le projet EcoTar,

- dire et juger que la convention de recherche de projets environnementaux conclue avec [V] aux droits de laquelle vient aujourd'hui [U] et les deux conventions conclues avec ECOGREEN ENERGY forment un ensemble indissociable, vendu à BRASSERIE DE TAHITI en considération du gain substantiel à percevoir au terme de l'opération,

- dire et juger que le gain espéré, dont le montant avait été contractuellement sécurisé pour BRASSERIE DE TAHITI, constituait dans son esprit un élément substantiel, déterminant de son consentement à l'opération commercialisée par ECOGREEN ENERGY,

- constater que les deux projets commercialisés par ECOGREEN ENERGY ont en définitive généré un volume global d'économie d'énergie de 749.306.572 Kwh Cumac, dont au moins 527,89 GWHC pour la solution EcoTar et 161,41 GWHC pour la solution EcoPatch,

- constater que BRASSERIE DE TAHITI a versé l'intégralité des sommes dues à ECOGREEN ENERGY,

- dire et juger que l'article 10.1 des conditions générales d'ECOGREEN ENERGY s'analyse en une clause pénale que cette dernière ne pouvait invoquer en même temps que le paiement du principal,

- constater que BRASSERIE DE TAHITI a déjà perçu d'[U] la somme de 864.846,35 € Euros HT,

En conséquence,

- condamner [U] solidairement avec ECOGREEN ENERGY à payer à BRASSERIE DE TAHITI la somme de 511.567,65 Euros HT, sauf à parfaire, à titre de complément de prime contractuelle d'incitation, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 juillet 2016,

- condamner ECOGREEN ENERGY à reverser à BRASSERIE DE TAHITI la somme de 34.431,40 € qu'elle a indûment perçue au titre de la clause pénale stipulée à l'article 10 de ses conditions générales,

- condamner [U] solidairement avec ECOGREEN ENERGY à payer à BRASSERIE DE TAHITI la somme de 15.000 Euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamner [U] et ECOGREEN ENERGY aux entiers dépens nés de l'appel principal et incident.

En substance, sur la prime d'incitation, elle soutient que la société [U] s'est engagée à lui reverser une prime d'incitation net de frais et commissionnements, d'un montant contractuellement sécurisé de 2,150 Euros / MWH Cumac (pour le projet EcoPatch) et de 1,950 Euros/ MWH Cumac (pour le projet EcoTar), indépendamment des fluctuations du marché et du volume global d'économies d'énergie certifié à son profit.

Elle fait valoir que, suite à la chute du cours des CEE, elle a donné son accord les 3 et 4 mars 2016 à Ecogreen Energy pour une revente immédiate au meilleur offrant de ses CEE, mais a refusé de renégocier les conditions contractuelles initiales et de renoncer à la prime d'incitation. Elle ajoute que la société [U] a alors vendu en deux blocs un total de 420 GWH au tarif de 1 300 euros/KWHC, l'a invitée à lui facturer, après déduction des frais d'enregistrement et de sa commission, une somme de 499 459,15 euros, qu'elle a reversée à Ecogreen Energy à hauteur de 477 653 euros. Elle souligne que son gain financier s'élevait à 21 806,15 euros, soit une somme très inférieure aux perspectives qui lui avaient été vendues.

Elle ajoute que la société [U] a, par la suite, vendu l'intégralité du solde de son stock CEE au prix de 1 200 et 1 220 euros/GWH, qu'elle était invitée à lui adresser deux factures pour lui permettre de percevoir sa prime calculée sur la base de modalités tarifaires qu'elle avait refusées de signer, ce qui a entraîné une importante perte au regard des estimations initiales.

Elle critique le jugement en soutenant que le créancier d'une obligation ne saurait être privé de son dû au motif que cette obligation n'aurait pas constitué la cause déterminante de son engagement, qu'elle a toujours manifesté son intérêt tant sur le plan technique que financier et que la convention conclue avec la société [U] ne laisse pas de doute sur le caractère très substantiel et déterminant des conditions financières. Elle en déduit avoir contracté en considération de l'engagement de financement de la société [U] matérialisé par le versement d'une prime d'incitation, laquelle était destinée à couvrir les travaux réalisés par Ecogreen Energy et à réaliser un profit financier au profit de la société Brasserie de Tahiti.

Sur les modalités de calcul de la prime, elle soutient que le montant final de la prime d'incitation n'était pas garanti, puisqu'il dépendait du volume de CEE qui étaient générés et vendus, que ce volume était cependant le seul aléa, dès lors que le prix unitaire de revente des CEE lui avait été garanti, lequel était stipulé à l'article 5 de la convention souscrite entre la société [U] et la société Brasserie de Tahiti et à l'article 4 de la convention souscrite entre la société [U] et la société Ecogreen Energy. Elle soutient ne pas avoir à supporter les conséquences d'une revente des CEE à un prix inférieur au montant unitaire garanti, dès lors qu'elle était contractuellement exclue du bénéfice d'une revente à un prix supérieur.

Elle conteste avoir renoncé au versement de la prime prévue à l'article 5 et avoir renoncé à s'en prévaloir. Elle indique avoir, par le mail du 4 mars 2016, donné son accord pour une revente immédiate, mais sans modifier la convention souscrite avec [U] et partant renoncer à la prime d'incitation contractuellement prévue.

Sur la pénalité de retard conventionnelle qu'elle a été condamnée à payer à la société Ecogreen Energy, elle soutient, d'une part, que l'article 10. 1 des conditions générales de cette dernière constitue une clause pénale, comme cet article l'indique et prévoit des dommages-intérêts conventionnels et forfaitaires. Elle soutient, d'autre part, que l'application de cette clause est inconciliable avec la demande en paiement du principal, de sorte que la société Ecogreen qui avait demandé paiement de la somme de 172 157 euros ne pouvait demander en sus l'application de la clause pénale. Elle ajoute que la clause ne fait pas référence à une indemnité due pour simple retard.

A titre subsidiaire, elle ajoute que l'indemnité fixée à 20 % de la somme due est particulièrement excessive, tant dans son principe qu'au regard des circonstances, le retard de paiement ne pouvant lui être imputé compte tenu de ses multiples tentatives pour trouver une solution amiable tripartite. Elle demande dès lors la modération de la clause pénale.

Enfin, elle invoque le manquement de la société [U] à ses obligations contractuelles qui a fait le choix de continuer à céder le stock de CEE en connaissance de sa position et de ses revendications, tout en appliquant unilatéralement ses nouvelles modalités tarifaires qu'elle avait expressément rejetées. Elle en déduit que la société [U] est débitrice du versement de l'intégralité de la prime d'incitation contractuellement convenue.

Elle ajoute que la société Ecogreen Energy est solidairement tenue avec [U] au paiement de cette prime d'incitation, puisque celle-ci l'a démarchée avant de lui vendre l'ensemble contractuel qui devait lui garantir une prime sécurisée d'un montant substantiel, sans lequel elle n'aurait jamais accepté de s'engager. Elle invoque en outre le caractère indissociable et interdépendant de l'ensemble contractuel, eu égard aux clauses des conditions générales, et en déduit que Ecogreen Energy ne peut sérieusement prétendre ne pas être elle-même liée par les prévisions d'[U] qu'elle a elle-même intégré dans ses propres conditions générales pour lui vendre une solution financière 'sur mesure'. Elle ajoute que selon la convention de partenariat d'apport d'affaires conclue entre Ecogreen Energy et [U], aucune vente de CEE ne pouvait intervenir sans l'accord exprès et préalable d'Ecogreen Energy. Elle fait encore valoir que ni Ecogreen Energy ni [U] n'avaient anticipé la situation d'un retournement de marché.

Dans ses dernières conclusions du 9 février 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la société [U] demande à la cour de :

- déclarer la Société BRASSERIE DE TAHITI mal fondée en son appel.

- le rejeter.

A titre principal :

- constater, dire et juger qu'un accord est intervenu entre les parties le 4 mars 2016,

- constater, dire et juger que la société [U] a respecté ses obligations contractuelles,

en conséquence,

- confirmer le jugement,

- débouter la société Brasserie de Tahiti de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- constater, dire et juger que des circonstances imprévisibles ont déséquilibré le contrat,

- constater, dire et juger que la société [U] n'a plus de contrepartie à ses obligations,

en conséquence,

- débouter la société Brasserie de Tahiti de ses demandes,

En tout état de cause :

- constater, dire et juger que la société Brasserie de Tahiti n'a subi aucun préjudice,

- débouter la société Brasserie de Tahiti de l'ensemble de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire :

- constater, dire et juger qu'Ecogreen Energy est tenue, au même titre qu'[U] de l'obligation de développement du projet d'efficacité énergétique de la société Brasserie de Tahiti et de vente des CEE générés,

- constater, dire et juger qu'une éventuelle créance due par Ecogreen Energy et [U] serait née d'une opération commerciale commune,

- constater, dire et juger qu'aucune faute n'a été commise par [U],

- constater, dire et juger que l'ensemble des parties étaient informées de l'aléa présent dans l'opération de revente des CEE,

en conséquence :

- constater, dire et juger qu'Ecogreen Energy est solidairement tenue à toute condamnation qui serait prononcée à l'encontre d'[U],

- débouter Ecogreen Energy de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre d'[U], y compris de son appel incident,

En tout état de cause :

- condamner la société Brasserie de Tahiti à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

En substance, elle soutient que la prime d'incitation financière n'avait qu'un caractère incitatif et que la société Brasserie de Tahiti a principalement conclu le contrat pour la réalisation de travaux d'efficacité énergétique et non en raison de cette prime, dont le montant total n'avait pas été fixé dans le contrat.

Sur le montant de la prime, elle soutient que son montant, qui avait pour variable d'ajustement le volume de Cumac effectivement vendus, n'était pas décorellé des cours de marché. Elle ajoute qu'en raison de la chute inattendue des cours, les parties ont modifié les conditions financières de la prime incitative. Elle soutient que par courriel du 4 mars 2016, la société Brasserie de Tahiti a donné son accord à la vente immédiate des CEE, au cours existant le 4 mars 2016, et accepté, tout comme [U], de recevoir une rémunération très inférieure à celle initialement prévue. Elle ajoute que la société Brasserie de Tahiti avait consenti à la révision des conditions contractuelles initiales en ce qu'elle a distinctement admis que 'les conditions économiques du contrat avaient effectivement changé'. Elle fait aussi valoir qu'elle n'a pas refusé de signer l'avenant, mais a considéré que dans ces conditions 'cet accord ne me semble pas nécessiter un avenant'.

Elle ajoute avoir effectué les transactions les 8 et 16 mars 2016, que la société Brasserie de Tahiti a transmis sa facture le 8 avril, sans remarque sur le montant de la prime, ni reproche, puis a effectué deux autres transactions les 7 et 26 juillet 2016, avant la réception de la mise en demeure le 28 juillet 2016.

Elle conteste avoir commis un manquement à ses obligations et que le montant unitaire était garanti et fait valoir l'accord donné pour une vente des CEE sans délai et au mieux disant, l'absence de critique sur le montant dégagé après les deux transactions et le fait que le 8 avril 2016, la société Brasserie Tahiti a adressé une facture correspondant au montant de la prime dégagée par la vente selon les nouvelles modalités et non celles prévues par l'article 5 du contrat initial. Elle se réfère aux motifs du jugement ayant retenu que celle-ci avait manifesté sans équivoque sa volonté de renoncer au montant de la prime d'incitation à un taux qu'elle aurait pu considérer comme sécurisé, dans ces courriels des 3 et 4 mars 2016.

Elle fait valoir la mauvaise foi de la société Brasserie de Tahiti.

A titre subsidiaire, elle soutient que les circonstances imprévisibles, vidant de toute contrepartie son engagement, obligent à la révision du contrat, faisant valoir que la chute du cours des CEE ne pouvait être anticipée par aucun des acteurs du marché, qu'elle ne s'est pas engagée à assumer le risque des changements de circonstances économiques qui n'avaient pas été envisagés et que l'application de la prime telle que prévue au contrat avant l'accord des parties du 4 mars 2016 la conduirait à travailler à perte, alors que la société Brasserie de Tahiti a dégagé un bénéfice substantiel.

Elle ajoute que la société Brasserie de Tahiti a dégagé un bénéfice de cette opération et ne justifie d'aucun préjudice.

A titre infiniment subsidiaire, elle soutient l'existence d'une solidarité avec la société Ecogreen Energy, la solidarité étant la règle en matière commerciale et fait valoir qu'eu égard au caractère tripartite du contrat, leurs obligations contractuelles étaient interdépendantes et relevaient de la même opération commerciale, Ecogreen Energy devant réaliser des travaux dans les locaux de la société Brasserie de Tahiti, permettant de réaliser des économies d'énergie qu'[U] devait ensuite valoriser via l'obtention de CEE.

Elle conteste l'appel en garantie de la société Ecogreen, soutenant que cette dernière l'a contactée, est à l'origine de la mise en place de cette relation tripartite et avait un rôle fondamental dans cette opération mais aussi qu'[U] n'a commis aucune faute.

Elle fait valoir qu'elle s'est acquittée de son obligation de vente et a assuré, par sa connaissance du marché, un taux n'entraînant aucune perte ou préjudice pour ses cocontractants, soulignant l'intérêt de la revente rapide qu'elle a initiée.

Elle souligne le rôle fondamental de la société Ecogreen Energy dans le projet jusqu'à la vente immédiate des CEE.

Elle ajoute qu'Ecogreen, comme la société Brasserie de Tahiti, connaissaient parfaitement l'aléa inhérent à la revente des CEE et l'impossibilité de conclure un contrat de vente à terme, dès lors que les acheteurs montraient au moment de la prospection un désintérêt pour ce type de contrat et qu'il ne pouvait y avoir de vente à terme avant le commencement des travaux et le dépôt du dossier. Elle fait aussi valoir qu'Ecogreen savait que les CEE ont un cours variable suivant l'offre et la demande et que tant Ecogreen que Brasserie de Tahiti savaient qu'une dévalorisation des CEE était envisageable, Ecogreen le prévoyant d'ailleurs dans sa convention avec cette dernière. Enfin, elle soutient qu'Ecogreen invoque un retournement du marché imprévisible, de sorte qu'il n'y aucune raison pour que la société [U] soit substituée à Ecogreen et tenue de la garantir.

Dans ses dernières conclusions du 25 février 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont transmis par voie électronique le 26 février 2021, la société Ecogreen Energy demande à la cour de :

Sur l'appel principal :

- déclarer la société BRASSERIE DE TAHITI irrecevable, en tout cas, mal fondée en son appel,

En conséquence,

- le rejeter,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Dit et jugé que la société BRASSERIE DE TAHITI n'est pas fondée contractuellement à prétendre à un complément de prime d'incitation, en conséquence l'en déboute.

- Constaté que la société [U] a procédé aux ventes de CEE après avoir obtenu l'accord de la BRASSERIE DE TAHITI.

- Condamné la société BRASSERIE DE TAHITI à payer à la société ECOGREEN ENERGY :

- la somme de 172.157 euros au titre du principal avec intérêts au taux majoré de 2 % à compter du 27 octobre 2016, date de la mise en demeure,

- la somme de 34.431,40 € à titre de pénalité de retard.

- Condamné la société BRASSERIE DE TAHITI à verser à la société ECOGREEN ENERGY et à la société [U] chacune une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.

- Condamné la société BRASSERIE DE TAHITI aux dépens.

- débouter la société BRASSERIE DE TAHITI de ses demandes d'infirmation de ces chefs.

Sur l'appel incident :

- déclarer la société ECOGREEN ENERGY bien fondée en son appel incident,

En conséquence,

- réformer la décision entreprise,

Et statuant à nouveau,

- constater, dire et juger que la société [U], anciennement [V] CG, est une société professionnelle agréée spécialisée dans l'achat et la vente de certificats d'économie d'énergie.

- constater, dire et juger que la société [U], anciennement [V] CG, était seule débitrice de l'obligation d'acheter les certificats d'économie d'énergie générés par la société BRASSERIE DE TAHITI aux prix convenus au contrat signé entre elles deux.

- constater, dire et juger qu'en sa qualité de professionnelle de la négociation revente de certificats d'économie d'énergie, la société [U], anciennement [V] CG, aurait dû, soit prévoir les conséquences d'une baisse des cours des CEE, soit sécuriser les prix d'achat des certificats d'économie d'énergie prévus au contrat signé avec la société BRASSERIE DE TAHITI.

- constater, dire et juger qu'en n'agissant pas ainsi, la société [U], anciennement [V] CG, seule débitrice de l'obligation de revente des certificats d'économie d'énergie et professionnelle de la revente desdits certificats, a pu commettre une faute qui causera un préjudice économique à la société ECOGREEN ENERGY dans l'hypothèse où celle ci serait judiciairement condamnée à verser une quelconque somme à la société BRASSERIE DE TAHITI.

En conséquence :

- condamner la société [U], anciennement [V] CG, à garantir et indemniser la société ECOGREEN ENERGY de toute somme qu'elle pourrait être condamnée à verser à la société BRASSERIE DE TAHITI en principal, frais, dépens et intérêts.

En tout état de cause ;

- condamner in solidum les sociétés BRASSERIE DE TAHITI et [U] à verser à la société ECOGREEN ENERGY une somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.

- les condamner in solidum aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel,

En substance, elle soutient qu'elle était exclusivement tenue d'obligations de faire consistant dans la réalisation de prestations qu'elle a exécutées, livrant les études et solutions d'économie d'énergie dans les délais.

Elle fait valoir que la société Brasserie de Tahiti critique l'exécution, par la société [U], de son obligation de donner, au motif que le prix de revente des CEE était inférieur à celui prétendument promis, tandis que la société Ecogreen Energy était tiers au contrat et n'était pas débitrice d'une obligation de donner.

Elle soutient que le mobile déterminant du consentement de la société Brasserie de Tahiti à la conclusion des conventions €coTar et €coPatch consistait dans la réalisation d'économies d'énergies pour un investissement quasi-nul, la perception d'un bonus étant subsidiaire.

Elle invoque à cet égard les écrits précontractuels et les écrits contractuels. Elle ajoute que l'aléa né de la volatilité des cours était entré dans le champ contractuel.

Elle ajoute que le montant final de la prime d'incitation n'était pas conventionnellement garanti, les contrats n'indiquant aucun chiffrage de la prime, dont le montant était aléatoire car dépendant des volumes finaux de CEE vendus par [U]. Elle conteste ainsi avoir été tenue de payer une somme finale brute garantie de 1 376 414 euros au titre de la prime d'incitation.

Elle fait aussi valoir que dans les conventions précitées, la société Brasserie de Tahiti s'est engagée à lui régler le coût des solutions si le prix final de revente des CEE par [U] devait être nul compte tenu de leur dévalorisation, de sorte que cette disposition envisageait la perte de toute valeur des CEE, ce qui retire tout fondement à la revendication formée par l'appelante à son égard.

Elle soutient que les courriels des 3 et 4 mars confirment celui du 24 février, à savoir l'accord exprès de la société Brasserie de Tahiti à la cession des CEE au meilleur prix du marché, de sorte qu'il en résulte que le montant de la prime d'incitation n'était pas contractuellement sécurisé et que l'appelante a accepté la cession à un prix inférieur à celui initialement prévu.

Enfin, elle soutient avoir exécuté ses obligations et ne pas être tenue au paiement de la prime.

Elle conteste toute obligation solidaire à paiement avec la société [U], soutenant qu'elles ne sont pas codébitrices d'une même obligation et qu'elle-même n'a aucune obligation de paiement du prix de vente des CEE.

Elle soutient avoir exécuté ses obligations, conteste toute immixtion fautive, faisant valoir que sans sa diligence, la cession des CEE serait intervenue à des conditions tarifaires plus défavorables encore.

Sur la pénalité conventionnelle prévue par l'article 10.1 des conventions €coTar et €coPatch, elle conteste sa qualification de clause pénale, étant exclusivement stipulée aux fins de compensation d'un surcoût lié à des frais de recouvrement. A titre subsidiaire, elle soutient que la pénalité de retard s'applique en sus du principal. Elle conteste toute modération faisant état de la mauvaise foi de la société Brasserie de Tahiti, d'une solution amiable tripartite, du refus abusif de cette société de payer pendant trois ans et demi et des économies d'énergie réalisées par celle-ci.

A titre subsidiaire, elle appelle en garantie la société [U], soutenant que celle-ci est seule responsable de l'absence de versement des prix unitaires prévus à la convention la liant à l'appelante, eu égard à sa compétence en la matière et à son obligation conventionnelle souscrite. Elle soutient qu'ayant omis conventionnellement soit d'anticiper l'hypothèse d'une chute des cours, soit de sécuriser les montants annoncés, la société [U] a commis une faute. Elle ajoute que celle-ci a failli dans l'exécution de son contrat avec l'appelante et a causé, à la société Ecogreen Energy un préjudice économique direct et certain dans le cas où elle devait être solidairement condamnée.

Elle conteste être codébitrice solidaire du paiement de la prime d'incitation dont le montant a été fixé à l'article 5 de la convention conclue entre les sociétés Brasserie de Tahiti et [V], et son absence d'obligation de payer, n'ayant qu'une obligation de faire. Elle ajoute que si les contrats forment une opération tripartite, leur objet respectif était distinct comme le contenu des obligations souscrites par chaque partie.

Elle soutient que le manquement professionnel de la société [U] est à l'origine exclusive de la prétention judiciaire de la société Brasserie de Tahiti, dès lors qu'elle aurait dû neutraliser l'aléa lié à la volatilité des CEE en concluant des contrats à terme portant sur les CEE à émettre, afin de minimiser les risques de pertes liées aux fluctuations de cours des CEE. Elle ajoute que les commandes étant passées le 30 décembre 2014, elle aurait pu sécuriser tout ou partie du prix des CEE dès les premiers jours de janvier 2015, où le cours des CEE était élevé ce qui lui aurait permis d'assurer la revente des CEE émis par la demanderesse au prix conventionnel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2019, et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 25 octobre 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le montant de la prime incitative :

Comme en conviennent les parties, le montant final de la prime n'était pas garanti.

La société Brasserie de Tahiti soutient cependant qu'elle était calculée en fonction d'un prix unitaire garanti.

La convention souscrite entre la société [V] Consulting Group et la société Brasserie de Tahiti prévoit en son article 5 les modalités de calcul de la prime que versera la société [V] CG à la société Brasserie de Tahiti et que le montant de cette prime correspondra 'pour le projet n°1 : 2 150 euros/GWh cumac certifié et vendu par [V] CG à un Acquéreur ; pour le projet n°2 : 1 950 euros/GWh cumac certifié et vendu par [V] CG à un Acquéreur'.

Il en résulte que le calcul de la prime devant revenir à la société Brasserie de Tahiti était fixé en fonction d'un prix unitaire du Gwh cumac défini par le contrat, et ce peu important le prix de revente effectif.

Une telle conclusion est de surcroît corroborée par l'article 4 de la convention conclue entre la société [V] Consulting Group et la société Ecogreen Energy qui prévoit que : 'si [V] CG n'obtient pas, pour le projet 1 et/ou pour le projet 2, d'offre de rachat à un prix supérieur ou égal à 2 900 euros HT/GWh cumac dans les 12 mois suivants la signature de la convention CEE, dans ce cas, [V] CG et EGE accepteront de diminuer de manière proportionnelle leurs commissions respectives et ce, jusqu'à ce que [V] CG trouve une offre de prix au moins égale à 2 150 HT du Gwh cumac pour le projet 1 et 1 950 euros HT du Gwh cumac pour le projet 2 à laquelle EGE devra adhérer. Dans ce cas extrême, [V] CG et EGE acceptent de ne pas percevoir de commission sur le/les projets.'

La société [U] invoque une modification des obligations contractuelles des parties.

Il est constant que le cours des CEE a fortement baissé.

Par courriel du 24 février 2016, la société Brasserie de Tahiti écrivait à la société Ecogreen Energy que l'évolution du cours était surprenante, que cependant, 'nous ne comprenons pas vraiment en quoi le cours des CEE aurait un impact sur notre projet puisqu'en ce qui nous concerne, [V] CG s'est engagée à acquérir nos CEE à hauteur de 2 150 euros pour le projet 1 et 1 950 euros pour le projet 2.' Elle faisait ensuite état du prix constaté au mois de janvier, comprendre 'qu'à ce prix là, [V] CG ne réalise plus la marge escomptée initialement sur notre projet.' Elle ajoutait : ' peut-être qu'un juste milieu pourrait être trouvé pour compenser le manque à gagner des uns et des autres suite à la baisse des cours ' Connaissez-vous d'autres organismes (...) susceptibles d'être intéressés par l'acquisition de nos CEE ''.

Par courriel du 3 mars 2016, la société Ecogreen Energy faisait part à la société [U] des discussions menées avec BDT, c'est-à-dire la société Brasserie de Tahiti, et évoquait la perte pour cette société qui résulte d'une situation prévisionnelle de revente au 3 mars 2016, ainsi que de l'accord obtenu avec cette dernière.

Par courriel du 4 mars 2016, la société Brasserie de Tahiti écrivait : 'je vous confirme par la présente notre accord pour la vente des CEE sans délai au mieux offrant. Toutefois, cet accord ne me semble pas nécessiter un avenant au contrat initial, la seule modification contractuelle réelle concernant les frais que [U]/[V] a accepté de baisser à 8 %. Certes, les conditions économiques du contrat ont effectivement changé, mais il s'agit d'un état de fait et cela ne résulte pas d'une négociation contractuelle'.

Comme le soutient la société Brasserie de Tahiti, cet accord pour une revente immédiate au meilleur offrant était réitéré. En effet, par son courriel du 3 mars 2016 qu'elle produit, elle avait, après avoir évoqué la situation du marché et après avoir indiqué qu'elle s'était engagée de bonne foi sur la base d'une rémunération contractuellement sécurisée, écrit:

'aussi, compte tenu de ces mauvaises nouvelles et surtout de la baisse constante du cours auxquelles la Brasserie de Tahiti est à présent soumise, nous nous voyons contraints de vous

donner notre accord en vue de la cession des CEE de la Brasserie de Tahiti au meilleurs cours possible. Nous retenons qu'[U] a accepté de réduire les frais de génération de CEE de 13,50 à 8 %. Dès que [U] aura cédé le volume des CEE, vous voudrez bien nous transmettre le document de cession des certificats.'

La société Brasserie de Tahiti soutient que la convention conclue avec la société [U] n'a pu être modifiée par un email qu'elle a adressé à la société Ecogreen Energy. Cependant, comme le soutient la société [U], la société Ecogreen Energy avait été mandatée, selon contrat produit en pièce 3 par la société [U], par la société [U] pour la mettre en relation avec la société Brasserie de Tahiti et signer le contrat. D'ailleurs, la société Brasserie de Tahiti précise avoir souscrit un ensemble contractuel tripartite avec les deux autres sociétés. Elle précise aussi (p.5 de ses conclusions) qu'Ecogreen Energy lui avait transmis à cette occasion et pour le compte de son partenaire, un projet d'avenant. En outre, et en tout état de cause, peu important qu'elle écrivait à la société Ecogreen Energy, il résulte de ses courriels qu'elle exprimait clairement son accord à la vente des CEE au meilleur cours possible/au mieux offrant.

Contrairement à ce que soutient la société Brasserie de Tahiti (p.5 de ses conclusions), elle n'a pas, dans ses mails des 3 et 4 mars 2016, donné la précision expresse qu'elle n'entendait pas renoncer aux conditions contractuelles initiales ni renoncer à sa 'rémunération contractuelle'.

Sur cette formulation de vente au mieux offrant, la société Brasserie de Tahiti soutient que l'article 4 de la convention conclue avec [U] prévoit que 'l'entreprise signataire donne expressément mandat par la présente à [V] CG pour effectuer (...) ainsi que pour procéder à la vente au mieux offrant des CEE obtenus à tout acquéreur et ce dans l'intérêt commun des parties', et que cette formulation n'a jamais constitué une contradiction avec le versement de la prime d'incitation prévue à l'article 5, ni une renonciation de sa part à s'en prévaloir.

Elle ajoute que dans son esprit, cet accord de revente au mieux offrant, d'ailleurs prévue par l'article 4 de la convention entre [U] et Brasserie de Tahiti, devait seulement permettre à [U] et Ecogreen de minimiser leur perte et qu'en tout état de cause, ces dernières devaient s'acquitter envers elle de la prime selon les modalités de calcul auxquelles elle n'avait pas renoncé.

La société Brasserie de Tahiti fait aussi valoir qu'elle refusait de signer l'avenant proposé et qu'elle avait précisé que la seule modification contractuelle concernait les frais qu'[U]/[V] a accepté de baisser à 8 % et qu'elle refusait de retourner l'avenant intégrant expressément la renonciation proposée à sa prime d'incitation sécurisée

Cependant, si la société Brasserie de Tahiti évoquait dans le courriel précité du 3 mars 2016 avoir souscrit un contrat lui garantissant une rémunération contractuellement sécurisée, et que d'ailleurs, ledit contrat calculait la prime due à la société Brasserie de Tahiti sur la base d'un taux unitaire tout en prévoyant que cette société donne mandat à [V] CG de vendre au mieux offrant, il résulte des courriels précités que la société Brasserie de Tahiti admettait que la situation avait changé, qu'elle était 'à présent soumise' à la baisse constante du cours, qu'elle acceptait la cession des CEE au meilleur cours possible, et le lendemain, elle réitérait cet accord de vente au mieux offrant.

En outre, elle n'indiquait pas refuser de retourner l'avenant au motif qu'elle refusait de renoncer aux modalités de calcul de sa prime, mais parce que son accord pour la vente sans délai au mieux offrant ne semblait pas nécessiter un avenant. Le fait qu'elle évoquait que 'la seule modification contractuelle réelle concernant les frais que [U]/[V] a accepté de baisser à 8 %' est inopérante pour considérer qu'elle n'avait pas accepté de modifier le montant unitaire à prendre en compte pour calculer sa prime. D'ailleurs, et de surcroît, elle ne conteste pas que, comme l'indique la société [U], le prix de revente des CEE devait en partie être reversé à Brasserie de Tahiti, et à couvrir le coût des installations mises en place par Ecogreen et les services d'[U], la société Brasserie de Tahiti indiquant elle-même dans ses conclusions que [U] lui reversait la prime net de frais et de commissionnements.

En outre, si la société Brasserie de Tahiti considérait pouvoir encore bénéficier d'une prime calculée sur le prix unitaire prévu par le contrat, on ne comprend pas pourquoi, elle aurait donné son accord à une vente de ses CEE au mieux offrant.

Enfin, en tout état de cause, et même à supposer que ces courriels ne suffisaient pas à retenir le caractère non équivoque d'un tel accord de la société Brasserie de Tahiti quant au calcul de sa prime sur la base du prix réel obtenu lors de la cession au meilleur cours possible, et non plus sur la base du prix contractuel, un tel accord non équivoque, modifiant le contrat, résulte clairement du fait qu'elle ait émis en avril une facture de prime d'incitation au prix du marché 2016,

En effet, il résulte de l'échange de courriels invoqué par la société [U] en sa pièce 9 que la société Brasserie de Tahiti a accepté de calculer sa prime selon le prix de vente réalisé et non pas selon le prix unitaire prévu par le contrat.

Ainsi, par courriel du 4 avril 2016, la société [U] écrivait à la société Brasserie de Tahiti avoir procédé à une première vente de CEE et lui adresser les éléments lui permettant de lui adresser sa facture. Il mentionnait ainsi un montant, précisant qu'il était calculé sur le produit de la cession 120 GWh x 1 300 €/GWh dont sont déduits les frais d'enregistrement, et appliquant une TVA de 20 %.

Le 8 avril 2016, la société Brasserie de Tahiti lui répondait qu'elle lui adressait en pièce jointe la facture, en indiquant avoir corrigé le taux de TVA à 16 % pour être en conformité avec les taux applicables en Polynésie française.

Ainsi, elle avait acceptait de calculer la prime sur un prix unitaire du Gwh de 1 300 euros, ce qui était inférieur à celui prévu par le contrat.

Il en résulte qu'elle a clairement et sans équivoque donné son accord à la modification de ces dispositions contractuelles quant au calcul de sa prime pour la cession demandée en mars.

S'agissant de la seconde cession, elle a, par courriel du 5 mai 2016, adressé sa facture correspondante. Dès lors que cette cession est intervenue peu de temps après la première vente intervenue dans les conditions précitées, et alors que la société Brasserie de Tahiti ne soutient ni ne démontre que les conditions économiques avaient changé ou encore qu'elle avait expressément indiquer revenir sur son accord précité à la modification contractuelle, il convient de considérer qu'elle acceptait encore de modifier les conditions de fixation de sa prime pour ladite cession et qu'elle n'est pas fondée à revendiquer l'application du taux initialement fixé dans le contrat pour le calcul de sa prime.

Cependant, eu égard aux termes utilisés dans les courriels et à son refus de signer l'avenant, et au fait que seules deux factures ont été émises sans contestation, ni réserve, il doit être considéré que n'est établi un accord non équivoque à ladite modification que pour ces deux premières cessions.

S'agissant de ces deux premières cessions, les demandes de la société Brasserie de Tahiti seront donc rejetées.

Eu égard à cet accord portant sur ladite modification contractuelle donné dans les circonstances précitées, il importe peu que le prix unitaire prévu par le contrat initial eût constitué pour la société Brasserie de Tahiti un élément déterminant de son consentement à l'opération.

Il sera précisé, pour répondre au grief invoquant un manquement contractuel, qu'il résulte de ce qui précède que la société [U] n'a pas manqué à ses obligations contractuelles lesquelles avaient été modifiées pour ces deux cessions.

En outre, alors qu'au soutien de sa demande en paiement par la société [U] de l'intégralité de la prime d'incitation contractuellement convenue, la société Brasserie de Tahiti soutient qu'il appartenait à [U] de se prémunir contre le risque de retournement éventuel du marché, par exemple en concluant dès l'origine des ventes à terme, la cour relève que la société Brasserie de Tahiti ne démontre pas qu'une telle conclusion de ventes à terme était possible, ce que conteste la société [U].

S'agissant des deux autres cessions, la situation est différente.

En effet, par lettre de son avocat du 26 juillet 2016, la société Brasserie de Tahiti va clairement énoncer son refus de renoncer au bénéfice des primes d'incitation contractuellement convenue et demander l'application de l'article 5 du contrat.

Ce courrier a été reçu le 28 juillet 2016 par lettre recommandée par la société [U] et le 26 juillet 2016 par télécopie par la société Ecogreen Energy.

Selon la pièce 19 produite par la société Brasserie de Tahiti, par mail du 19 août 2016, la société [U] écrit à la société Brasserie de Tahiti avoir procédé à une nouvelle vente de CEE 100 Gwh vendus à 1 220 € Gwh et lui transmettre les éléments lui permettant de lui adresser sa facture, elle précisait que la vente du solde des CEE (230 Gwh a été réalisée fin juillet) ; puis par mail du 24 août 2016, elle indiquait que 'le solde de votre dossier soit 229,3 Gwh a été vendu à 1 200 €/Gwh' et lui transmettre les éléments lui permettant de leur adresser 'votre ultime facture'.

Aucun élément ne démontre que la réalisation des troisième et quatrième cession ait eu lieu avant la réception de ce courrier, notamment par la société [U].

Dès lors, la société [U] ne démontre pas que lors des 3ème et 4ème cessions, l'accord donné dans les circonstances précitées par la société Brasserie de Tahiti était toujours d'actualité. Au contraire, la société Brasserie de Tahiti lui avait fait connaître son refus par sa lettre précitée.

En l'absence de preuve d'accord de la société Brasserie de Tahiti pour modifier, lors de cessions, le prix unitaire sur lequel était calculée sa prime selon le contrat initial, la société [U] est tenue de respecter le contrat initialement convenu.

Elle n'est pas fondée à invoquer l'existence de circonstances imprévisibles vidant de toute substance son engagement qui oblige à la révision du contrat. En effet, elle ne démontre pas que le risque de dévalorisation du CEE, sous le prix unitaire convenu pour calculer la prime due à la société Brasserie de Tahiti, ne lui était pas connu. Le fait que dans une telle situation, elle aurait travaillé à perte, ne suffit pas à considérer qu'elle ignorait un tel risque.

En outre, le fait que la société Brasserie de Tahiti ait tiré un bénéfice de l'opération ne permet pas d'exclure son droit à la prime contractuellement prévu.

Pour calculer le montant de la prime contractuellement due au titre des 3ème et 4ème cessions, et en l'absence d'éléments permettant de démontrer que les 3ème et 4ème cessions relevaient du projet 1 qui était le plus rémunérateur, il convient de retenir le prix prévu pour le projet 2, ce d'autant que, selon les conclusions de la société Brasserie de Tahiti (p.30), le volume de CEE €coTar au prix de 1,95 euros MWHC est un volume nettement plus important que celui des CEE €coPatch.

Ainsi, la société [U] était tenue de lui verser au titre de ces deux dernières cessions :

- 100 Gwh  x 1 950 = 195 000 euros

- 229,3 Gwh x 1 950 = 447 135 euros

soit un total de 642 135 euros HT.

Dans ses conclusions (p.9), la société [U] indique qu'à l'issue des transactions de mars et juillet, l'ensemble des CEE avaient été vendus, générant des primes à hauteur de 864 846,35 euros.

La société Brasserie de Tahiti indique avoir reçu cette somme (499 459,15 euros d'une part et 365 387,20 euros en suite du jugement entrepris). Selon sa pièce 25, la société Brasserie de Tahiti a émis le 19 novembre 2019 à l'ordre d'[U] une facture de 112 240 euros HT (130 198 euros TTC) pour la vente de 100 GwH et une facture de 253 147,20 euros HT (293 651,2 euros TTC) pour la vente de 229,3 GWH. Ces deux factures précisent qu'elles ont été émises pour tirer les conséquences du jugement du 15 novembre 2019 exécutoire.

Ainsi, il en résulte que cette somme versée correspond à la prime calculée sur le prix de vente réel.

Ainsi, la société [U] doit encore payer à la société Brasserie de Tahiti la différence :

- pour les 100 GWH : 73 000 euros (Prime calculée sur le prix contractuel : 195 000 euros - Prime calculée sur le prix réel : 100 x 1220 = 122 000 euros)

- pour les 229,3 GWH : 171 975 euros (Prime calculée sur le prix contractuel : 447 135 euros - Prime calculée sur le prix réel : 229,3 x 1200 = 275 160 euros).

Elle sera ainsi condamnée à lui payer la somme de 244 975 euros HT, à titre de complément de prime contractuelle d'incitation, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2016, date à laquelle il est certain que les deux dernières ventes avaient été réalisées, rendant ainsi exigibles la prime dont le paiement avait été demandé par lettre de mise en demeure du 26 juillet 2016.

Sur l'obligation solidaire de la société Ecogreen Energy :

La société Brasserie de Tahiti ne démontre pas que la société Ecogreen Energy soit tenue au paiement du solde de cette prime. Quand bien même la société Ecogreen Energy l'avait démarchée, que le contrat prévoyant la prime s'insérait dans un ensemble contractuel tripartite indissociable et que les contrats étaient interdépendants, il n'en résulte pas que la société Ecogreen Energy est tenue au paiement de la prime contractuellement due par la société [U].

Elle n'est pas non plus fondée à lui reprocher de ne pas avoir anticipé le retournement du marché, dès lors que les contrats signés entre la société Brasserie de Tahiti et Ecogreen Energy prévoient que dans le cas où les fiches techniques n'étaient plus valables 'ou sont dévalorisées, la société Brasserie de Tahiti ne sera redevable envers EGE que du montant réellement reçu de la vente des CEE générés par les solutions dans la limite du coût des solutions, diminués des frais divers engagés par Brasserie de Tahiti (...)'. En tout état de cause, la société Brasserie de Tahiti ne démontre pas de faute commise par la société Ecogreen Energy lui ayant causé un préjudice, la société Brasserie de Tahiti ayant accepté la modification contractuelle pour les deux premières cessions et obtenant, ainsi qu'il a été vu, la condamnation de la société [U] à lui payer la prime contractuellement due selon le contrat initial pour les deux autres cessions.

La demande dirigée contre la société Ecogreen Energy sera donc rejetée.

Sur l'appel en garantie de la société Ecogreen Energy contre la société [U] :

Cet appel en garantie n'a dès lors pas d'objet.

Sur la demande reconventionnelle fondée sur la pénalité contractuelle :

A titre liminaire, il sera observé, s'agissant de la condamnation de la société Brasserie de Tahiti à payer à la société Ecogreen Energy la somme de 172 157 euros au titre du principal outre intérêts, que, si la société Brasserie de Tahiti demande l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, elle ne présente aucun moyen au soutien de l'infirmation de ce chef de dispositif et ne demande pas de rejeter la demande présentée par la société Ecogreen Energy de confirmer spécifiquement ce chef de jugement. En tout état de cause, la société Ecogreen Energy ayant réalisé les prestations, elle a droit à sa rémunération, dont il n'est pas contesté qu'elle s'élève à cette somme.

Il convient donc de confirmer ce chef de dispositif, dont l'exécution s'effectuera, au besoin, en deniers ou quittances.

S'agissant de la condamnation de la société Brasserie de Tahiti à payer à la société Ecogreen Energy la somme de 34 431,40 euros à titre de pénalité de retard conventionnelle :

La société Brasserie de Tahiti conclut à l'infirmation du jugement et à la condamnation de la société Ecogreen Energy à lui reverser cette somme indûment perçue au titre de la clause pénale stipulée à l'article 10 de ses conditions générales.

La société Ecogreen Energy soutient que cette somme est fondée dès lors que la société Brasserie de Tahiti a retenu le paiement du solde dû depuis plus de 3 ans.

Cette somme correspond à 20 % de la somme de 172 157 euros, dont la société Ecogreen Energy demandait paiement à la société Brasserie de Tahiti suivant lettre de mise en demeure du 27 octobre 2016 et que cette dernière a été condamnée à lui payer par le jugement.

La société Ecogreen Energy discute la qualification de clause pénale. Elle soutient que cette clause exclusivement stipulée aux fins de compensation d'un surcoût lié à des frais de recouvrement ne revêt pas le caractère d'une clause pénale.

La clause 10.1 est insérée dans un article 10 des conditions générales de la société Ecogreen Energy, intitulée 'clauses pénales'.

Dès lors que cette clause met à la charge du client dont la carence rend nécessaire un recouvrement contentieux ou judiciaire une indemnité de 20 % de la somme due, en sus des frais et émoluments légalement à sa charge, à titre de 'dommages-intérêts conventionnels et forfaitaires, au besoin à titre de clause pénale', cette clause est stipulée à la fois comme un moyen de contraindre l'emprunteur à l'exécution spontanée et comme l'évaluation forfaitaire du futur préjudice subi par le prêteur du fait de l'obligation d'engager un contentieux ou une procédure. Dès lors, il s'agit bien d'une clause pénale.

La société Brasserie de Tahiti soutient que sous l'empire de l'ancien code civil, il ne pouvait être demandé en même temps le principal et la peine (ancien article 1229 alinéa 2 du code civil) et que l'exception prévue : 'à moins qu'elle ne soit stipulée pour le simple retard' ne trouve pas application en l'espèce.

Cependant, la pénalité précitée n'a pas le même objet que le paiement des sommes dues à titre principal par la société Brasserie de Tahiti en contrepartie de l'exécution de la prestation de la société Ecogreen Energy.

La société Brasserie de Tahiti ajoute que cette indemnité est particulièrement excessive tant dans son principe qu'au regard des circonstances, le retard de paiement pouvant difficilement lui être imputé au regard des multiples mains tendues pour une solution amiable tripartite.

Elle demande à la cour d'user de son pouvoir de modération.

La société Ecogreen Energy réplique que le paiement de la somme qui lui était dû au titre du solde du coût d'installation des solutions dès septembre 2016 n'aurait pas empêché, dans un second temps, d'agir en paiement de la prime d'incitation qu'elle estime lui être due et qu'elle l'a prise en otage afin qu'elle fasse pression sur la société [U], faisant ainsi preuve de mauvaise foi. Elle ajoute que la solution tripartite a été trouvée lorsque l'appelante a cédé ses CEE à un prix unitaire lui permettant de couvrir le coût de la solution installée et préfinancée par elle, et de réaliser un profit de 172 157 euros, qu'elle a abusivement refusé de la payer pendant 3 ans et demi et que la solution installée lui permet de réaliser des économies d'énergie.

Vu les circonstances précitées permettant d'expliquer les difficultés d'établissement des factures liées aux primes d'incitation, qui ont un lien avec le montant dû à la société Ecogreen Energy par la société Brasserie de Tahiti, et qui ne sont pas imputables à cette dernière, et de surcroît eu égard à la participation active de la société Ecogreen Energy dans le déroulement de l'exécution du contrat comme il résulte des échanges de courriels précités, le montant de 20 % prévu contractuellement est manifestement excessif.

Il convient de le réduire à 5 %.

Ainsi, le jugement sera infirmé et la société Brasserie de Tahiti sera condamnée à payer à la société Ecogreen Energy la somme de 8 607,85 euros.

Sur les frais et dépens :

La société Brasserie de Tahiti obtenant partiellement gain de cause en appel, il convient d'infirmer le jugement ayant statué sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, de condamner in solidum les sociétés [U] et Ecogreen Energy à supporter les dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter leurs demandes à ce titre.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 15 novembre 2019, sauf en ce qu'il a condamné la société Brasserie de Tahiti à payer à la société Ecogreen Energy la somme de 172 157 euros au titre du principal avec intérêts majorés de 2 % à compter du 27 octobre 2016,

Le confirme de ce chef,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société [U] à payer à la société Brasserie de Tahiti la somme de 244 975 euros HT, à titre de complément de prime contractuelle d'incitation, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2016,

Rejette la demande de la société Brasserie de Tahiti dirigée contre la société Ecogreen Energy,

Condamne la société Brasserie de Tahiti à payer à la société Ecogreen Energy la somme de 8 607,85 euros à titre d'indemnité,

Condamne la société [U] et la société Ecogreen Energy à supporter in solidum les dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société [U] et la société Ecogreen Energy à payer in solidum à la société Brasserie de Tahiti la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes de la société [U] et de la société Ecogreen Energy au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 19/05117
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;19.05117 ?
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