MINUTE N° 245/22
Copie exécutoire à
- Me Joëlle LITOU-WOLFF
- Me Céline RICHARD
Le 11.05.2022
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 11 Mai 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/03643 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HFEL
Décision déférée à la Cour : 21 Juin 2019 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG
APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :
SAS GRENKE LOCATION
prise en la personne de son représentant légal
11 rue de Lisbonne
67300 SCHILTIGHEIM
Représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour
INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :
SARL G.R.S. exerçant sous l'enseigne 'HOTEL LE PRADO'
prise en la personne de son représentant légal
26, Rue du Prado 31100 TOULOUSE
Représentée par Me Céline RICHARD, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me FERAY-LAURENT, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME - INTIME INCIDEMMENT :
Maître [C] [O] mandataire liquidateur de la société WIFIPTV
6 quai de Lorraine 11100 NARBONNE
non représenté, assigné par voie d'huissier à domicile le 03.12.2019
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- rendu par défaut
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu les assignations délivrées, respectivement en date du 26 octobre 2017 et du 30 octobre 2017, par lesquelles la SARL GRS a fait assigner la SAS Grenke Location, ainsi que la SARL WIFIPTV en liquidation judiciaire, représentée par son mandataire liquidateur, Me [C] [O], devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg, sollicitant, notamment, le prononcé de la nullité du contrat de location ou subsidiairement sa résiliation judiciaire,
Vu le jugement rendu le 21 juin 2019, par lequel le tribunal de grande instance de Strasbourg a :
- annulé le contrat de location conclu entre la société Grenke Location et la société GRS daté du 5 février [sic] 2016,
- condamné la société Grenke Location à payer, à titre de restitution, à la société GRS la somme de 16 692 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- débouté la société Grenke Location de sa demande reconventionnelle formée contre la société GRS,
- condamné la société Grenke Location aux entiers dépens de l'instance,
- condamné la société Grenke Location à payer à la société GRS la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclaré le jugement commun à la société WIFIPTV en liquidation judiciaire, représentée par son mandataire liquidateur Me [C] [O],
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,
- débouté les parties de leurs plus amples prétentions.
Vu la déclaration d'appel formée par la SAS Grenke Location contre ce jugement, et déposée le 8 août 2019,
Vu la constitution d'intimée de la SARL GRS en date du 3 septembre 2019,
Vu l'assignation en date du 17 février 2020, de Me [C] [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL WIFIPTV, par la SARL GRS, la signification à personne s'avérant impossible en raison d'un refus du destinataire de recevoir l'acte, au motif que l'affaire aurait été clôturée le 14 février 2018,
Vu l'arrêt avant dire droit rendu le 27 janvier 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties, sous réserve de leurs dernières écritures, et par lequel la cour de céans a ordonné la réouverture des débats, invitant, notamment, les parties et en particulier la société GRS :
- à présenter ses observations quant à la recevabilité de ses demandes dirigées contre la société WIFIPTV, et au bien fondé des demandes formées contre la société Grenke Location en conséquence de la demande de résiliation du contrat conclu avec la société WIFIPTV en l'absence de mise en cause de cette dernière ou de l'une des personnes habilitées à la représenter,
- à justifier de la situation juridique de la société WIFIPTV ;
- le cas échéant, à mettre en cause un mandataire ad hoc, dont elle aurait préalablement obtenu la nomination, pour représenter la société WIFIPTV.
Vu l'assignation en intervention forcée délivrée par la SARL GRS le 26 mars 2021 à Me [C] [O], ès qualités de mandataire ad hoc de la société WIFIPTV, comme désigné selon ordonnance rendue le 26 février 2021 par le président du tribunal de commerce de Narbonne,
Vu les dernières conclusions en date du 19 août 2021, auquel est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS Grenke Location demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- annulé le contrat de location conclu par la concluante avec GRS daté du 5 février 2016 ;
- condamné la concluante à payer à titre de restitution à GRS la somme de 16 692 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- débouté la concluante de sa demande reconventionnelle formée contre GRS ;
- condamné la concluante aux entiers dépens de l'instance, ainsi qu'à payer à GRS la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déclaré le jugement commun à la SARL WIFIPTV en liquidation judiciaire, représentée par son mandataire liquidateur Me [C] [O],
- débouté la SAS Grenke Location de ses plus amples prétentions,
et statuant à nouveau, de :
- dire et juger que le contrat de location longue durée est bon et valable,
- débouter GRS de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions ou toutes conclusions contraires.
Subsidiairement, en cas de prononcé de la nullité ou de la résiliation du contrat de location en raison des manquements de la société GRS, au visa de l'article 1382, désormais 1240, du code civil :
- condamner GRS à lui payer la somme de 32 828,28 euros correspondant au prix du matériel décaissé, ainsi que la somme de 8 121,72 euros correspondant à la perte de marge escomptée au titre du contrat de location, ainsi encore qu'à lui restituer, à ses frais, l'ensemble du matériel objet du contrat, à savoir le matériel WIFI, 23 récepteurs satellites et 23 téléviseurs LED, et ce sous astreinte comminatoire de 500 euros par jour de retard après la signification de l'arrêt à intervenir,
Sur l'appel incident subsidiaire de la société GRS :
- le dire mal fondé,
- le rejeter,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour venait à prononcer la résiliation du contrat de location :
- condamner GRS à lui payer au titre du contrat de location tous les loyers échus et non payés et les loyers à échoir jusqu'au terme de la période initiale de location majorée de 10 %, à savoir la somme de 19 305 euros, ainsi qu'à lui restituer, à ses frais, l'ensemble du matériel objet du contrat, à savoir le matériel WIFI 23 récepteurs satellites et 23 téléviseurs LED, et ce sous astreinte comminatoire de 500 euros par jour de retard après la signification de l'arrêt,
- débouter GRS de toutes conclusions contraires et de l'ensemble de ses prétentions,
En tout état de cause,
- condamner GRS à lui payer une indemnité de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens, s'agissant de la procédure de première instance et la somme de 3 500 euros au titre de la procédure d'appel outre les frais et dépens d'appel,
- dire l'arrêt à intervenir commun et opposable à Me [C] [O], ès qualités de mandataire ad hoc de la société WIFIPTV ;
et ce, en invoquant, notamment :
- l'objet et les limites de son intervention, uniquement au niveau du financement, avec l'obligation principale de louer le matériel qu'elle met à disposition du locataire,
- la validité du contrat de location, les conditions du contrat ayant été dûment ratifiées par le gérant de la société GRS, et la livraison reçue conforme, la société GRS disposant, en outre, de tous les droits cédés par la société Grenke contre le fournisseur, contre lequel il lui appartenait d'agir,
- l'absence d'interdépendance entre les contrats de location et de fourniture et services, à défaut de preuve de l'existence d'un contrat de maintenance et d'un manquement de WIFIPTV ou de son contenu, et le cas échéant, l'existence de deux obligations de nature différente sans contrepartie mutuelle, cette divisibilité étant démontrée par le recours de GRS aux services d'une société LSA Multimédias,
- l'absence de déséquilibre significatif qui serait fondé sur l'article L. 442-6 du code de commerce, inapplicable à une relation contractuelle,
- à titre subsidiaire, l'absence de préjudice de la société GRS, et, en cas de nullité du contrat, l'existence d'une faute de celle-ci née de la légèreté avec laquelle elle aurait accepté la livraison, alors qu'elle connaissait parfaitement l'objet du contrat et l'étendue de ses obligations, appelant indemnisation du prix décaissé par la concluante entre les mains du fournisseur,
- subsidiairement également, la restitution du matériel propriété de la concluante,
- plus subsidiairement, en cas de résiliation du contrat, le paiement de l'indemnité de résiliation l'indemnisant de l'acquisition du matériel, conformément aux dispositions du contrat, sans que son caractère excessif, dont l'appréciation doit être objective, ne soit prouvé, cette indemnisation correspondant très exactement au préjudice de la concluante, outre la restitution du matériel.
Vu les dernières conclusions en date du 20 mai 2021, auquel est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SARL GRS demande à la cour de :
A titre liminaire :
- déclarer recevable et bien-fondé l'appel en cause de Maître [C] [O] ès qualité de mandataire ad hoc de la S.A.R.L. WIFIPTV immatriculée au R.C.S. de Narbonne sous le n° 502 465 073, et radiée du R.C.S. de Narbonne le 21 février 2018 ;
En conséquence,
- déclarer recevables les demandes dirigées contre la société WIFIPTV ;
- déclarer la société GRS bien fondée à former des demandes contre la société Grenke en conséquence de la demande de résiliation du contrat conclu avec la société WIFIPTV, compte tenu de l'intervention d'un mandataire ad hoc habilité à la représenter ;
à titre principal :
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
* déclaré le jugement commun à la SARL WIFIPTV en liquidation judiciaire représentée par son mandataire liquidateur Me [C] [O] ;
* prononcé la nullité du contrat de location conclu avec la société Grenke le 5 décembre 2016 ;
* condamné Grenke à lui restituer les sommes indûment perçues depuis la conclusion du contrat, fixées à la somme de 37 905,60 euros TTC (arrêtée au 1er septembre 2020, à parfaire selon la date de l'arrêt à intervenir), assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- débouter Grenke de l'ensemble de ses demandes indemnitaires à son encontre ;
A titre subsidiaire, de :
- constater l'interdépendance du contrat de location conclu avec Grenke et du contrat de prestation de services conclu avec la société WIFIPTV, ainsi que l'inexécution par la société WIFIPTV de ses prestations ;
En conséquence,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de location,
- condamner Grenke à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
- débouter Grenke de l'ensemble de ses demandes indemnitaires formulées à son encontre ;
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de prestation de services conclu entre la société GRS et la société WIFIPTV ;
- fixer à la somme de 8 240,21 euros le montant de la créance de la société GRS à inscrire au passif de la SARL WIFIPTV au titre des dommages-intérêts dus à la concluante en réparation des préjudices subis.
En tout état de cause, :
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné Grenke à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;
- condamner Grenke à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- fixer à la somme de 4 500 euros le montant de sa créance au titre de l'article 700 du code de procédure civile à inscrire au passif de la société WIFIPTV ;
- condamner Grenke aux entiers dépens de première instance et d'appel,
et ce, en invoquant, notamment :
- l'appel en la cause d'un mandataire ad hoc désigné pour représenter la société WIFIPTV,
- la nullité du contrat de location pour défaut d'objet, en l'absence de contrepartie réelle à son obligation de paiement de la part de la société Grenke qui s'est déchargée, dès la formation du contrat, de toute responsabilité en cas de défaillance du fournisseur,
- la restitution, en conséquence, de l'intégralité des loyers versés, arrêtée au 1er septembre 2020,
- le mal fondé des demandes subsidiaires en indemnisation de Grenke, la concluante n'ayant fait preuve d'aucune légèreté, la nullité ne lui étant pas imputable, mais résultant d'une construction contractuelle ne proposant aucune réelle contrepartie au paiement des loyers,
- subsidiairement, sur la demande de résiliation, l'interdépendance des contrats, constitutifs d'un ensemble contractuel indissociable, incluant une prestation de service stipulée et techniquement nécessaire, et l'inexécution grave et manifeste de ses prestations par WIFIPTV, motivant la résiliation judiciaire du contrat de location,
- un préjudice, consécutif à la résiliation, résultant du déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties, fondé sur l'article L. 442-6 du code de commerce,
- l'inscription au passif de la société WIFIPTV des sommes tendant à la réparation du préjudice subi par la concluante, lequel découlerait précisément de l'inexécution de ses prestations par le fournisseur, préjudice de nature matérielle et immatérielle, qu'elle détaille,
- l'absence de justification de la demande indemnitaire de Grenke en cas de résiliation judiciaire du contrat, notamment au titre de l'indemnité de résiliation anticipée, manifestement excessive et en conséquence, nulle ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 24 septembre 2021,
Vu les débats à l'audience du 13 octobre 2021,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
La cour observe, au préalable, qu'à la suite de l'arrêt avant dire droit rendu en date du 27 janvier 2021, et aux termes duquel il était demandé aux parties, et en particulier à la société GRS de présenter ses observations quant à la recevabilité de ses demandes dirigées contre la société WIFIPTV, et au bien fondé des demandes formées contre la société Grenke Location en conséquence de la demande de résiliation du contrat conclu avec la société WIFIPTV en l'absence de mise en cause de cette dernière ou de l'une des personnes habilitées à la représenter, ainsi qu'à justifier de la situation de la société WIFIPTV, et le cas échéant, à mettre en cause un mandataire ad hoc, dont elle aurait préalablement obtenu la nomination, pour représenter la société WIFIPTV. Me [O] a été désigné, selon ordonnance rendue le 26 février 2021 par le président du tribunal de commerce de Narbonne, comme mandataire ad hoc de la société WIFIPTV, dont la liquidation judiciaire a été clôturée le 14 février 2018 pour insuffisance d'actif. Me [O] ès qualités n'a pas constitué avocat à la suite de l'assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée par la SARL GRS le 26 mars 2021.
Dès lors, et en l'absence de contestation de Grenke sur ce point, l'appel en la cause de Me [O], ès qualités, et, partant, les demandes dirigées contre la société WIFIPTV, doivent être jugés recevables.
Sur les demandes de la société GRS concernant le contrat de location financière conclu avec la société Grenke Location et le contrat la liant à la société WIFIPTV :
Il convient de rappeler que le premier juge a prononcé l'annulation du contrat de location financière conclu entre les parties, pour contrepartie illusoire, sur le fondement de l'article 1169 du code civil, dans sa version applicable en la cause, considérant que le bailleur, qui était tenu d'une obligation de délivrance dont il ne pouvait s'exonérer, s'en était déchargé en cédant au locataire les droits et actions qu'il détiendrait contre le fournisseur, tout en percevant du locataire des loyers, alors même que ce dernier n'aurait pas reçu les biens meubles objet du contrat.
La partie appelante entend contester cette solution, faisant, notamment, valoir que son intervention se limitait au financement du matériel loué, lequel aurait été livré sans réserve à la locataire, qui aurait ainsi reçu contrepartie au paiement des loyers, et aurait ensuite réglé plusieurs loyers sans contestation ni réserve, l'obligation essentielle de délivrance pesant sur la concluante ayant ainsi été respectée, à charge pour la locataire, en application de l'article 3 des conditions générales, d'agir contre le fournisseur du matériel en cas de dysfonctionnement ou de manquement à ses obligations, ce qui n'impliquait, au moment de la formation du contrat, aucun déséquilibre susceptible de justifier son annulation, le dysfonctionnement dénoncé relevant de l'exécution du contrat.
Elle conteste, par ailleurs, dans le cadre de ce qui relèverait d'un appel incident adverse, toute interdépendance entre le contrat de location et un contrat de fourniture et de services dont elle conteste l'existence, et qui serait, en tout état de cause divisible de l'autre contrat.
Pour sa part, la partie intimée invoque, pour solliciter la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de location conclu avec la société Grenke Location le 5 décembre 2016, l'absence de cause du contrat de location, à défaut de contrepartie réelle, la société Grenke Location ne lui ayant pas procuré la jouissance effective du matériel loué, non précisément listé dans le contrat et ayant présenté de nombreux défauts, en contrepartie des loyers, tout en se déchargeant des obligations découlant habituellement de la qualité de bailleur, notamment en cas de défaillance de la société ICT, devenue WIFIPTV, dans la fourniture du matériel et des services, vidant ainsi le contrat de location de sa substance.
Subsidiairement, elle invoque l'interdépendance des contrats de location et le contrat de fourniture de matériel et de services résultant de l'acceptation du devis proposé par la société WIFIPTV pour la fourniture de matériels et de services (télévision et internet) destinés à équiper les 23 chambres et les parties communes de l'hôtel., nécessairement incluse dans la prestation globale du fournisseur, la clause d'indépendance devant être réputée non écrite, et l'inexécution par la société WIFIPTV de ses prestations, devant justifier la résiliation judiciaire du contrat conclu avec la société Grenke Location.
Sur ce, la cour relève qu'en l'espèce, la société GRS, représentée par son gérant, a signé en date du 5 décembre 2016, avec la société Grenke Location, un contrat de location de longue durée, lequel mentionne comme fournisseur la société ICT International Concept Technologie, devenue par la suite WIFIPTV, et désignant comme matériel 'WiFI-Réception satellite-TV' et la quantité '1', moyennant le versement de 21 loyers trimestriels de 2 340 euros TTC, la case permettant d'informer Grenke de la conclusion d'un contrat de maintenance ou d'entretien étant cochée, avec indication d'une redevance de 72 euros TTC au titre de ce service, à encaisser par Grenke pour le compte du fournisseur. Le 19 décembre 2016, la société GRS, représentée par son gérant, a signé, avec apposition d'un tampon à l'enseigne de l'hôtel Le Prado, établissement exploité par la société GRS, une 'confirmation de livraison' portant sur le même objet, attestant de la réception, en bon état de fonctionnement, du produit désigné, correspondant aux descriptions figurant au contrat de location, ainsi que d'une livraison intégrale.
Pour sa part, la société Grenke Location verse aux débats une facture de la société ICT en date du 26 décembre 2016 portant sur une installation 'Satellite-TV- WiFi' incluant une prestation de livraison, paramétrage et installation, divers matériels WiFI, ainsi que 23 téléviseurs 40 pouces LED et accessoires.
Dès lors, il apparaît que, si la société Grenke Location était liée contractuellement à la société GRS, ce contrat s'inscrivait dans le cadre d'une opération dans laquelle la société Grenke faisait l'acquisition auprès de la société ICT d'un matériel ensuite livré par cette dernière à la société GRS, livraison assortie d'une prestation de maintenance également à la charge de cette société moyennant une redevance que Grenke avait le mandat d'encaisser, de sorte qu'il ne saurait être reproché à la SAS Grenke Location, alors que la livraison du matériel était confiée, contractuellement, à la société ICT, un manquement à une obligation de délivrance de nature à fonder une éventuelle nullité du contrat de location, lequel n'avait pas pour effet de priver la société GRS de contrepartie à la location du matériel, celle-ci étant assurée dans le cadre de contrats interdépendants, puisque conclus de manière concomitante ou rapprochée dans le temps, et visant à la mise en 'uvre d'une même opération, dans le cadre de laquelle les obligations des parties et, le cas échéant, leurs recours figuraient, s'agissant du contrat de location financière, dans les conditions générales dont la société GRS conteste avoir eu communication, mais dont elle a reconnu, en signant le contrat, dont les termes renvoient aux pages 5 à 9 de la liasse contractuelle dont il lui revenait de vérifier la présence, avoir pris connaissance.
Dans ces conditions, s'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le contrat conclu par la SAS Grenke Location avec la société GRS, il convient d'examiner la demande subsidiaire de résiliation judiciaire de ce contrat et du contrat de prestation de services conclu avec la société WIFIPTV, telle que soumise par la société GRS, qui ne sollicite pas, par ailleurs, la caducité du contrat de location financière en conséquence de l'anéantissement du contrat de prestation de services, étant précisé qu'au sens des dispositions des articles 1226 et suivants du code civil dans leur version applicable à la cause, cette demande s'analyse, en réalité, comme une demande de résolution des contrats.
À cet égard, il convient de rappeler que, comme il a été indiqué ci-dessus, la société GRS a entendu confirmer la livraison du matériel en parfait état de fonctionnement dès le 19 décembre 2016.
Cela étant, la société GRS devait, par la suite, notamment dans un courriel du 4 avril 2017 signaler à la société WIFIPTV plusieurs anomalies ou dysfonctionnements, à savoir des difficultés liées à la portabilité, en particulier l'absence de résiliation de l'abonnement auprès de Canal+, mais également l'absence d'intégration de la PLV, comprendre la 'publicité sur le lieu de vente' au matériel télévisuel ou encore des difficultés liées à la lenteur du débit Wi-Fi ou encore des problèmes de connectivité des téléviseurs, étant précisé que la société WIFIPTV devait déjà intervenir le 2 mars 2017, notamment pour mettre en place un nouveau serveur Wi-Fi et mettre en marche une 'chaîne hôtel' et ce avant que la société WIFIPTV ne soit placée en liquidation judiciaire par jugement du 16 mai 2017, ce qui devait amener la société GRS à solliciter une société LSA Multimédia qui constatait une absence de cohérence de l'installation au devis, notamment un commutateur réseau assurant un débit Wi-Fi insuffisant, un câblage désordonné et dont les spécificités ne répondraient pas aux normes requises ou encore l'absence de fourniture de la chaîne TV de l'hôtel, ces dysfonctionnements ayant pu également être constatés par des employés ou clients de l'hôtel.
Dès lors, au regard de la nature et de la persistance des dysfonctionnements constatés, sous réserve de la question des abonnements qui ne relève pas de la maintenance, prestation dont la société WIFIPTV avait contractuellement la charge, jusqu'à sa défaillance en cours d'exécution du contrat, la société GRS est ainsi fondée à invoquer le défaut d'exécution du contrat de prestation par la société WIFIPTV, dont la gravité suffit à justifier le prononcé de sa résolution, mais à compter du 4 avril 2017, date à compter de laquelle, au regard de ce qui précède, il doit être considéré que la carence du prestataire a atteint un niveau de gravité justifiant la résolution.
Cette absence d'exécution ayant eu pour conséquence de priver d'effectivité les prestations faisant l'objet du contrat de location, dont la société GRS a, dès lors, été privée du bénéfice, la résolution du contrat liant la société GRS à la société Grenke Location doit également être prononcée, sans que la société bailleresse n'apparaisse fondée à solliciter le paiement d'une quelconque somme au titre dudit contrat de la part de la société GRS, de sorte qu'elle sera déboutée de ses demandes à ce titre.
Pour sa part, la société GRS apparaît fondée à mettre en compte la somme de 32 761 euros TTC arrêtée au 1er septembre 2020, et justifiée selon le décompte établi par M. [I], expert comptable, en date du 6 octobre 2020, en tenant compte de la déduction des montants valablement encaissés, avant la prise d'effet de la résolution, par Grenke pour son compte ou celui de la société WIFIPTV, ce qui explique les écarts constatés dans le décompte par rapport à la facturation, antérieurement au prononcé de la résolution, de sorte que la société Grenke Location sera, en conséquence, condamnée à payer cette somme.
Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société Grenke Location contre la société GRS :
La société Grenke Location reproche à la société GRS une légèreté blâmable en ce qu'elle a reçu sans observation le matériel dont elle a ensuite dénoncé le mauvais fonctionnement. Cela étant, dès lors qu'est en cause non le fonctionnement du matériel à la livraison, mais la garantie de son bon fonctionnement sur la durée du contrat, impliquant une carence de la société WIFIPTV dans l'exécution de sa prestation de maintenance, la société Grenke Location ne justifie d'aucun manquement commis, à ce titre, par la société GRS, ce qui implique le rejet de sa demande indemnitaire à l'encontre de cette dernière, en confirmation du jugement entrepris.
Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société GRS à l'encontre de la société Grenke Location en raison d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties :
La société GRS entend invoquer l'application des dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019.
Cela étant, la cour, qui rappelle qu'elle ne dispose pas du pouvoir juridictionnel pour faire application de cette disposition, relève, en tout état de cause, que son application n'est pas en cause en l'espèce, dans le cadre d'une relation contractuelle et non d'un partenariat commercial.
La société GRS sera donc déboutée de sa demande à ce titre.
Sur la demande indemnitaire formée par la société GRS à l'encontre de la société WIFIPTV :
La société GRS entend voir fixer à la somme de 8 240,21 euros le montant de la créance de la société GRS à inscrire au passif de la SARL WIFIPTV au titre des dommages-intérêts dus à la concluante en réparation des préjudices subis du fait du manquement de cette dernière à ses obligations contractuelles, invoquant à ce titre un préjudice tiré de la nécessité de remettre en état le matériel, outre un préjudice d'image.
À supposer sa demande recevable, dans la mesure où elle ne justifie pas avoir déclaré sa créance entre les mains du liquidateur de la société WIFIPTV, la procédure collective étant aujourd'hui clôturée et ne lui permettant pas de recouvrer son droit de poursuite individuelle, la cour estime, en tout état de cause, que la société GRS ne justifie pas suffisamment des préjudices qu'elle invoque, dès lors que d'une part, s'agissant du préjudice matériel, elle sollicite la remise en état d'un matériel faisant l'objet d'un contrat dont elle a poursuivi et obtenu l'anéantissement, ce qui impliquait, en toute hypothèse, la remise en état de son installation, et d'autre part si l'installation a été affectée de dysfonctionnements indéniables et récurrents, elle n'en justifie pas, pour autant, que l'incidence de ces dysfonctionnements aurait été telle qu'elle aurait eu une incidence suffisante sur son activité.
En conséquence, elle sera déboutée de sa demande indemnitaire contre la société WIFIPTV.
Sur la demande de restitution sous astreinte du matériel :
Si, la résolution du contrat de location financière remettant les parties en l'état antérieur à la conclusion de ce contrat, la société Grenke Location apparaît fondée à solliciter la restitution du matériel litigieux, l'issue du litige ne justifie pas que cette restitution se fasse aux frais de la société GRS, ni qu'elle soit assortie d'une astreinte, de sorte que la société GRS devra uniquement mettre le matériel litigieux à disposition de la société Grenke Location.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La SAS Grenke Location succombant pour l'essentiel sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.
L'équité commande en outre de mettre à la charge de la SAS Grenke Location une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 500 euros au profit de la SARL GRS, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Infirme le jugement rendu le 21 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il a :
- annulé le contrat de location conclu entre la société Grenke Location et la société GRS daté du 5 février (comprendre : décembre) 2016,
- condamné la société Grenke Location à payer, à titre de restitution, à la société GRS la somme de 16 692 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs de demande infirmés et y ajoutant,
Déboute la SARL GRS de sa demande d'annulation du contrat de location de longue durée conclu en date du 5 décembre 2016 entre elle et la SAS Grenke Location,
Prononce, à compter du 4 avril 2017, la résolution du contrat de maintenance conclu entre la SARL GRS et la société ICT, devenue WIFIPTV, représentée par Me [C] [O], ès qualités de mandataire ad hoc,
Prononce, à compter du 4 avril 2017, la résolution du contrat de location de longue durée conclu en date du 5 décembre 2016 entre la SARL GRS et la SAS Grenke Location,
Condamne la SAS Grenke Location à payer à la SARL GRS la somme de 32 761 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Déboute la SARL GRS de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre la SAS Grenke Location,
Déboute la SARL GRS de sa demande en dommages-intérêts dirigée contre la société WIFIPTV, représentée par Me [C] [O], ès qualités de mandataire ad hoc,
Dit que la SARL GRS devra tenir à disposition de la SAS Grenke Location le matériel objet du contrat de location de longue durée, à savoir le matériel Wi-Fi, les 23 récepteurs satellites et les 23 téléviseurs LED conformément à la liste figurant dans la facture versée aux débats par la société Grenke Location,
Déboute la SAS Grenke Location de sa demande de restitution du matériel sous astreinte aux frais de la SARL GRS,
Condamne la SAS Grenke Location aux dépens de l'appel,
Condamne la SAS Grenke Location à payer à la SARL GRS la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS Grenke Location.
La Greffière :la Présidente :