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04/05/2022 | FRANCE | N°21/00044

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 04 mai 2022, 21/00044


MINUTE N° 234/22





























Copie exécutoire à



- Me Thierry CAHN



- Me Valérie SPIESER





Le 04.05.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 04 Mai 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00044 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HOUA


>Décision déférée à la Cour : 04 Novembre 2020 par le Juge des référés commerciaux du Tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTE :



S.A.S. ISRI

prise en la personne de son représentant légal

1, rue Willenbach 67250 MERKWILLER-PECHELBRONN



Représentée par M...

MINUTE N° 234/22

Copie exécutoire à

- Me Thierry CAHN

- Me Valérie SPIESER

Le 04.05.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 04 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00044 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HOUA

Décision déférée à la Cour : 04 Novembre 2020 par le Juge des référés commerciaux du Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

S.A.S. ISRI

prise en la personne de son représentant légal

1, rue Willenbach 67250 MERKWILLER-PECHELBRONN

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

INTIMEES :

S.A.S. SOCIETE EUROPÉENNE DE PROMOTION, EPSA ET BUY PRO

prise en la personne de son représentant légal

65 rue d' Anjou 75008 PARIS

S.A.S. 7PARTNERS

prise en la personne de son représentant légal

62 rue de Bonnel 69003 LYON 03

Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Vu l'ordonnance du juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg du 4 novembre 2020, régulièrement frappé d'appel, le 26 novembre 2020, par voie électronique, par la société ISRI,

Vu l'acte d'huissier de justice signifiant le 30 décembre 2020 à la société Européenne de promotion la copie de la déclaration d'appel et des conclusions d'appel établies dans l'intérêt de la société ISRI,

Vu l'acte d'huissier de justice signifiant le 4 janvier 2021 à la société 7Parteners la déclaration d'appel et les conclusions d'appel du 23 décembre 2020,

Vu la constitution d'intimée d'une part, de la société Européenne de promotion, EPSA et Buy Pro, et, d'autre part, de la société 7Partners du 11 janvier 2021,

Vu les conclusions du 25 janvier 2021 de la société 7Partners et de la société Européenne de promotion, EPSA et Buy Pro, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu les conclusions du 25 février 2021 de la société ISRI, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu l'ordonnance du 7 mai 2021 fixant l'affaire à l'audience de plaidoirie du 11 octobre 2021,

Vu l'avis de fixation de l'affaire émise par le greffier le 7 mai 2021,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il résulte des pièces et des conclusions des parties, que la société ISRI a conclu le 14 juin 2017 des contrats de prestations de service avec les sociétés intimées.

Ainsi, elle a souscrit, d'une part, avec la société EPSA un contrat lui confiant une 'mission d'analyse de certaines de ses dépenses d'énergie dans le but de réaliser des économies.'

La rémunération de la société EPSA pour la réalisation de l'étude était prévue par l'article 3.1, et fixée à 25 % des gains réalisés et ou récupération sur une période de deux ans calculés selon une formule mathématique précisée.

Il prévoyait également, en ses articles 2.5 et 3.4, l'application des clauses de rémunération lorsqu'en cas de rejet des recommandations par le client, celui-ci ne respectait pas son engagement à ne pas les mettre en oeuvre dans un délai de deux ans, ou en cas d'acceptation des recommandations par le client mais en cas de carence du client dans leur application.

La société EPSA a déposé un rapport, produit en pièce n°11.

Elle a émis trois factures les 31 octobre 2017, 31 janvier et 30 juin 2019.

La société ISRI a souscrit, d'autre part, avec la société 7Partners, une convention d'optimisation de la fiscalité de l'énergie (outre une convention d'optimisation de la fiscalité locale qui ne fait pas l'objet du présent litige).

La rémunération de la société 7Partners pour chaque recommandation acceptée par la société ISRI était prévue par l'article 5 du contrat comme représentant 25 % des économies régularisées et des économies appliquées pendant une période de 24 mois à partir de la mise en place des recommandations.

Il prévoyait également, en son article 4.3, qu'en cas de choix du client de ne pas appliquer les recommandations, le client ne pourra les mettre en application pendant trois ans et devra communiquer sur demande des documents validant la non-application, faute de quoi, les recommandations seront considérées comme appliquées et pourront donner lieu à rémunération.

1. Sur la mesure d'instruction fondée sur l'article 145 du code de procédure civile :

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Il en résulte que toute personne disposant d'un motif légitime peut obtenir du juge des référés qu'il ordonne une mesure d'instruction pour rechercher et établir contradictoirement la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un procès éventuel, sauf lorsque celui qui s'oppose à la mesure démontre que l'action au fond qui motive la demande est manifestement vouée à l'échec.

En l'espèce, la société EPSA soutient que la société ISRI n'a pas mis en oeuvre en temps voulu les préconisations, mais les a mis en oeuvre unilatéralement sans l'en informer, de sorte que sa rémunération est due.

La société 7Partners soutient que la société ISRI a reconnu, par courriel du 9 octobre 2019, avoir mis en oeuvre ses recommandations, de sorte que sa rémunération est également due.

Soutenant ne pas disposer des éléments permettant de déterminer le montant des économies réalisées par la société ISRI grâce aux dites recommandations, et sur lesquelles est calculée leur rémunération, ces deux sociétés considèrent démontrer un motif légitime avant tout procès à voir établir la preuve des économies réalisées, et ainsi à obtenir les factures et éléments que le premier juge a ordonné à la société ISRI de leur communiquer sous astreinte.

La société ISRI conteste l'existence d'un motif légitime de ces sociétés autorisant la production forcée de ces documents, au regard de ses contestations sur la validité des contrats et sur le droit à obtenir une quelconque rémunération. Elle ajoute que le motif légitime est contredit par la nécessité de statuer sur la validité même du contrat.

Elle invoque ainsi la nullité des conventions portant sur la fiscalité, dans la mesure où les conseils en matière de législation fiscale relèvent du monopole de la consultation juridique réservée aux avocats, de sorte que la convention est nulle en application de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971, et où la société 7Partners ne justifie pas de l'application de l'article 60 de la loi du 31 décembre 1971 puisque, contrairement à ce qu'elle soutient, elle ne justifie pas d'une 'qualification reconnue par l'Etat ou attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agréé'. Elle ajoute que le débat sur la validité de la convention constitue une contestation sérieuse faisant obstacle à la compétence du juge des référés.

Elle invoque, en outre, la nullité des conventions pour défaut d'objet en application de l'article 1169 du code civil, soutenant que vendre une prestation moyennant une rémunération égale à 25 % des économies réalisées, alors que les prétendus conseils sont donnés à titre gratuit dans des brochures commerciales du fournisseur d'énergie, relève d'une prestation illusoire et dérisoire. Elle ajoute que ce moyen constitue une deuxième contestation sérieuse faisant obstacle à la compétence du juge des référés.

Enfin, elle invoque le préjudice qu'elle a subi et la responsabilité de ces deux sociétés, ce qui constitue également une contestation sérieuse.

La cour relève qu'il résulte des contrats, une rémunération ou clause pénale au bénéfice des sociétés prestataires calculée sur la base des économies réalisées par la société appelante. Les sociétés intimées prétendent y avoir droit mais être dans l'impossibilité d'effectuer le calcul avant de connaître les éléments nécessaires qui sont en possession de la société appelante, qui conteste cependant la validité et la bonne exécution des contrats.

Le sort des contestations de la société ISRI portant sur la validité des contrats suppose en particulier d'apprécier la qualification du contrat de la société 7Partners ainsi que la valeur et la portée d'éléments de preuve afin, le cas échéant, de savoir si le contrat de la société 7Partners entre dans le champ d'application de l'article 54 de la loi précitée et, le cas échéant, dispose de la qualification ou de l'agrément prévu par l'article 60 de ladite loi, ou encore d'apprécier si les deux contrats objet du litige opposant les parties ont un objet ou, au contraire, prévoient une prestation illusoire et dérisoire.

L'appréciation de ces moyens de nullité ressortira de l'appréciation de la juridiction qui sera le cas échéant saisie d'une demande de nullité.

A ce stade, ces moyens ne permettent cependant pas de considérer que ces contrats sont manifestement nuls ou qu'il sera nécessairement fait droit à l'action en nullité.

En outre, l'appréciation du préjudice allégué par la société ISRI et de la responsabilité encourue par les deux sociétés intimées n'est pas non plus manifestement acquise et supposera l'examen des différentes pièces produites.

Dès lors, les sociétés intimées ne démontrent pas que l'action au fond qui motive la demande est manifestement vouée à l'échec.

Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés intimées ont un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, et d'obtenir la production par la société ISRI des justificatifs nécessaires à la détermination du montant des économies réalisées, tels que les a listés le premier juge.

L'ordonnance sera ainsi confirmée en ce qu'elle a enjoint à la société ISRI France de communiquer les éléments mentionnés dans son dispositif, et ce sous astreinte.

2. Sur la demande de provision :

Il résulte du second alinéa de l'article 873 du code de procédure civile, qu'une provision peut être accordée dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

La demande de provision est formée par la société EPSA.

La société EPSA soutient que l'obligation au paiement de la société ISRI n'est pas sérieusement contestable puisqu'elle s'est reconnue débitrice de la facture d'acompte du 31 octobre 2017 par son courriel produit en pièce 14, et a reconnu avoir renégocié son contrat avec son fournisseur d'énergie ce qui lui avait été recommandé par EPSA et avoir sollicité son fournisseur d'énergie pour mettre en oeuvre les économies préconisées par EPSA à la suite de l'émission de la facture de janvier 2019.

Il peut être observé que dans son courriel produit en pièce 14, la société ISRI annonçait un paiement dans la semaine. Dans ses conclusions, elle explique avoir initialement envisagé le paiement de la facture de l'acompte, en 2018, mais que le constat de l'absence de réelles prestations de la part des sociétés intimées et du fait que les informations étaient en réalité dans le domaine public l'a conduite à refuser de donner suite.

La société ISRI oppose les contestations précitées qu'elle qualifie de sérieuses.

S'agissant de son moyen de nullité 'des conventions portant sur la fiscalité', il résulte de ses conclusions qu'il ne concerne pas le contrat conclu avec la société EPSA. En effet, dans ses conclusions, elle énonce clairement que 'deux des trois conventions en cause portent sur des économies liées à la fiscalité', après avoir rappelé la convention souscrite avec la société EPSA portant sur les dépenses d'énergie et les deux conventions souscrites avec la société 7Partners portant sur une mission d'optimisation de la fiscalité. En outre, s'agissant de ce moyen de nullité, elle évoque uniquement la situation de la société 7Partners. Ce moyen de nullité ne constitue donc pas une contestation sérieuse de la créance de la société EPSA.

En revanche, il résulte des motifs précités que les contestations émises par la société ISRI à l'encontre de la créance invoquée par la société EPSA, si elles ne sont pas suffisantes pour démontrer que l'action en paiement qui serait introduite au fond est manifestement vouée à l'échec, supposent toutefois un examen au fond du litige, s'agissant notamment de l'appréciation du moyen de nullité du contrat pour défaut d'objet et du moyen portant sur la responsabilité invoquée à l'encontre de la société EPSA.

Cette appréciation suppose en effet l'examen au fond des différentes pièces produites par les parties, afin d'apprécier notamment l'existence d'un objet au contrat ou de son caractère illusoire ou dérisoire ainsi que, le cas échéant, la manière dont a été exécuté le contrat par chacune des parties. Une telle appréciation excède le pouvoir du juge des référés.

Il en résulte que la créance invoquée est sérieusement contestable et qu'il n'y a pas lieu à référé. L'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle a prononcé une condamnation au paiement d'une provision.

3. Sur les frais et dépens :

La société ISRI succombant partiellement en son appel, il convient de confirmer le jugement ayant statué sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens.

Elle sera condamnée à supporter les dépens d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, de sorte que les demandes de ce chef seront rejetées.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme l'ordonnance du juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg du 4 novembre 2020, mais seulement en ce qu'elle a condamné la société ISRI France à payer à la société EPSA une provision de 12 240 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

La confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau du chef infirmé :

Dit n'y avoir lieu à référé quant à la demande de provision,

Y ajoutant :

Condamne la société ISRI à supporter les dépens d'appel,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/00044
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;21.00044 ?
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