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28/04/2022 | FRANCE | N°19/01970

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 sb, 28 avril 2022, 19/01970


CF/VD









MINUTE N° 22/374



















NOTIFICATION :







Copie aux parties







Clause exécutoire aux :



- avocats

- parties non représentées

















Le







Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB



ARRET DU

28 Avril 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 19/01970 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HCF3



Décision déférée à la Cour : 07 Mars 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE





APPELANTE :



Madame [B] [C] veuve [Y]

43 Boulevard Voltaire

Appartement 502

35000 RENNES



Repr...

CF/VD

MINUTE N° 22/374

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 28 Avril 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 19/01970 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HCF3

Décision déférée à la Cour : 07 Mars 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE

APPELANTE :

Madame [B] [C] veuve [Y]

43 Boulevard Voltaire

Appartement 502

35000 RENNES

Représentée par Me Nadine MELIN, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Cédric DE ROMANET, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN

19 Boulevard du Champ de Mars

BP 40454

68022 COLMAR CEDEX

Dispensée de comparution

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Janvier 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,

Mme ARNOUX, Conseiller

Mme HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame WALLAERT, Greffier

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,

- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCEDURE

M. [J] [Y] est décédé le 13 mars 2017 des suites d'un suicide par pendaison au domicile familial.

Le 4 juillet 2017, Mme [B] [C] veuve [Y] complétait une déclaration d'accident du travail concernant le suicide de son époux M. [J] [Y], employé en qualité d'agent de maîtrise par la société GEFCO.

La société GEFCO n'a pas établi de déclaration d'accident du travail car M. [Y] n'était plus sous sa subordination juridique au moment des faits.

Après enquête administrative, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) notifiait le 4 octobre 2017 à Mme [Y] son refus de prendre en charge l'accident au titre du risque professionnel au motif que l'origine professionnelle des faits n'avait pu être établie.

Contestant cette décision, Mme [Y] a saisi la commission de recours amiable qui a confirmé le refus le 7 février 2018, lequel a été notifié le 13 février 2018, puis elle a saisi de sa contestation le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Haut-Rhin le 9 mars 2018.

Par jugement du 7 mars 2019, le tribunal de grande instance de Mulhouse, remplaçant le TASS, a :

- dit que le suicide commis le 13 mars 2017 par M. [J] [Y] n'est pas un accident du travail,

- confirmé la décision de la commission de recours amiable du 13 février 2018 (en réalité du 7 février 2018 et notifiée le 13 février 2018) rejetant la qualification d'accident du travail,

- débouté Mme [B] [Y] du surplus de ses demandes,

- condamné Mme [B] [Y] aux dépens,

- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire.

Vu l'appel interjeté par Mme [B] [Y] à l'encontre du jugement par lettre recommandée expédiée le 1er avril 2019 ;

Vu les conclusions visées le 27 décembre 2019, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles Mme [B] [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement rendu, de dire que le suicide de M. [J] [Y] constitue un accident du travail au sens de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale et de condamner la caisse primaire d'assurance maladie à lui verser la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions visées le 14 septembre 2020, aux termes desquelles la CPAM du Haut-Rhin, dispensée de comparaître à l'audience, demande à la cour de confirmer le jugement attaqué et de débouter Mme [Y] de ses prétentions ;

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS

Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.

Selon l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Il est de principe que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à une date certaine par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, constatée médicalement, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

La survenance de l'accident au temps et au lieu de travail a pour effet de le présumer imputable au travail, cette présomption simple ne pouvant être renversée que par la preuve d'une cause totalement étrangère au travail.

Cette présomption d'imputabilité de l'accident au travail n'est toutefois applicable que lorsque l'accident est survenu au lieu et au temps du travail.

Ainsi, un suicide qui se produit au moment où la victime ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail s'il est établi qu'il est survenu par le fait ou à l'occasion du travail.

Le suicide de M. [J] [Y] étant survenu le 13 mars 2017 à son domicile, celui-ci n'étant plus alors sous la subordination de son employeur GEFCO, il revient à Mme [B] [Y] dans ses rapports avec la caisse de démontrer, autrement que par ses propres affirmations, le caractère professionnel de l'accident.

En l'espèce Mme [B] [Y] fait valoir que l'acte suicidaire de son époux trouve sa cause dans la souffrance générée par ses conditions de travail et en veut pour preuve les témoignages de proches parents et amis déjà soumis aux premiers juges. Elle explique que son époux « est resté agent de maîtrise tout au long de sa carrière chez GEFCO, soit pendant 17 années », et était en souffrance à défaut de parvenir à progresser tant en termes de poste / d'obtention du statut de cadre, qu'en termes de revenus, ce nonobstant ses efforts et la réussite au diplôme de master.

S'il ressort des différents témoignages produits que M. [J] [Y] s'est ouvert de sa souffrance à ses proches, était déterminé selon le manuscrit qu'il a laissé aux siens à « (...) obtenir une augmentation nette et un statut cadre. ('.) rechercher en parallèle un nouveau travail permettant une augmentation significative » et a postulé dans d'autres sociétés mais sans succès, qu'il était suivi par une psychologue Mme [T] depuis plusieurs années et avait fait appel depuis le printemps 2016 à un coach pour l'aider à reprendre confiance en lui, il résulte de l'enquête administrative diligentée par la caisse qu'il ne laissait transparaître rien de tel dans son environnement professionnel.

M. [I] [E], son collègue de bureau, « au niveau professionnel, (') le sentait tout à fait bien » ; il n'a, pour sa part, absolument rien remarqué, n'a à aucun moment, décelé ou ressenti un signal de détresse.

M. [S] [O] responsable des ressources humaines région Est de la société GEFCO a indiqué qu'il n'a « rien vu arriver », qu'il ne comprend pas comment M. [Y] a pu arriver à une telle extrémité, précisant que celui-ci était très apprécié, « ne montrait absolument rien », que la seule fois où M. [Y] l'a effectivement sollicité pour passer au statut cadre datait de 2015 mais que depuis il n'avait jamais plus évoqué le sujet, ajoutant encore que si M. [Y] était compétent dans le domaine dans lequel il officiait, il n'avait pas la fibre managériale, que « ce n'était pas un leader, le management lui posait problème, et de ce fait le statut de cadre n'était pas envisagé pour lui », que le diplôme passé de sa propre initiative et obtenu n'obligeait en rien la société à le faire évoluer.

D'après son dossier médical, s'il a été relevé lors de la visite médicale du 11 février 2008 que M. [Y] a connu un épisode de stress en juin 2007, il a été noté lors de l'entretien infirmier du 3 février 2016 qu'en tant que « responsable informatique région Est », il était « OK au travail », que ce qui était le plus difficile c'étaient « les déplacements », que les relations dans le cadre du travail étaient « OK ».

D'après l'entretien annuel d'évaluation selon compte rendu signé le 3 mars 2016, M. [Y] a certes exprimé le souhait d'accéder au poste PRO2-2 de chef de projets/études opérationnelles, mais a aussi « bien compris la nécessité d'efforts en communication et en travail d'équipes + efforts à faire sur l'organisation personnelle par planification des événements. Ainsi que de contrer la dispersion ».

Surtout le bilan de compétences auquel il s'est soumis (et le test du 26 février 2016 « Dispositions naturelles pour une profession ») atteste de la tendance naturelle à la rigueur qui était celle de M. [Y], et de la nécessité de se convaincre qu'il ne serait « jamais assez débridé pour accomplir une performance valable dans une action où la personnalité compte plus que la technicité » sauf à être confronté à un sentiment d'insatisfaction.

Enfin le courrier du 27 juillet 2015 adressé au salarié concernant la restructuration de la société GEFCO est antérieur de près de deux ans par rapport aux faits déclarés et M. [Y] a pu conserver son poste au sein de la société de sorte que, au moment des faits, l'incertitude du licenciement évoquée par ses proches était écartée et ne saurait expliquer le passage à l'acte.

Etant rappelé qu'un accident du travail requiert un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci, il ne ressort de ce qui précède aucun élément permettant de relier le suicide de M. [Y] à un événement d'ordre professionnel, survenu soudainement, et établi par Mme [B] [Y].

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le suicide de M. [J] [Y] le 13 mars 2017 n'est pas un accident du travail et en ses autres dispositions, ce après rectification de la date de la décision de la commission de recours amiable qui est du 7 février 2018.

Partie perdante, Mme [B] [Y] sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DECLARE l'appel interjeté recevable ;

RECTIFIE le jugement rendu en ce que la date de la décision de la commission de recours amiable rejetant la qualification d'accident du travail est du 7 février 2018 et non du 13 février 2018 ;

CONFIRME le jugement ainsi rectifié en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE Mme [B] [Y] aux dépens d'appel ;

DEBOUTE Mme [B] [Y] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 sb
Numéro d'arrêt : 19/01970
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;19.01970 ?
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