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27/04/2022 | FRANCE | N°20/00295

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 27 avril 2022, 20/00295


MINUTE N° 230/22





























Copie exécutoire à



- Me Mathilde SEILLE



- Me Laurence FRICK





Le 27.04.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 27 Avril 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/00295 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HIUW



Décision déférée à la Cour : 05 Novembre 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE



APPELANTS - INTIMES INCIDEMMENT :



Madame [V] [G]

6 Espace des Iris

31790 SAINT-JORY



Monsieur [N] [D]

6 Espace des Iris

31790 SAINT-JORY



Représentés par M...

MINUTE N° 230/22

Copie exécutoire à

- Me Mathilde SEILLE

- Me Laurence FRICK

Le 27.04.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 27 Avril 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/00295 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HIUW

Décision déférée à la Cour : 05 Novembre 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE

APPELANTS - INTIMES INCIDEMMENT :

Madame [V] [G]

6 Espace des Iris

31790 SAINT-JORY

Monsieur [N] [D]

6 Espace des Iris

31790 SAINT-JORY

Représentés par Me Mathilde SEILLE, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me Katia DEBAY, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL HABSHEIM

prise en la personne de son représentant légal

79 rue du Général de Gaulle

68440 HABSHEIM

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me DE RAVEL, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Septembre 2021, en audience publique, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant offre de prêt émise le 26 novembre 2009, acceptée le 8 décembre 2009, M. [D] et Mme [G] (les emprunteurs) ont souscrit un prêt immobilier 'MODULIMMO CAPE' auprès de la Caisse de Crédit Mutuel Habsheim (la Caisse) de 222 000 CHF remboursable par mensualités libellées en CHF au taux de 1,700%, variable, en fonction de l'index LIBOR 3 MOIS J/J (281 YI).

Des avenants, le premier émis le 9 février 2011 et le second le 1er mars 2012, ont été souscrits.

Saisi par les emprunteurs, le tribunal de grande instance de Mulhouse a, par jugement du 5 novembre 2019 :

- rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action tendant à faire reconnaître le caractère abusif et réputé non écrit des clauses de l'offre de prêt du 26 novembre 2009 afférentes au risque de change et au remboursement du prêt ;

- dit que ladite action est recevable ;

- rejeté la demande visant à dire abusives et réputées non écrites les clauses afférentes au risque de change et au remboursement du prêt en devises de l'offre de prêt du 26 novembre 2009 ;

- rejeté en conséquence la demande de condamnation de la Caisse à établir un nouveau tableau d'amortissement conforme, afférent au prêt d'un montant de 222.000 CHF au même taux et sur la même durée de 300 mois, avec substitution de l'euro au franc suisse, prenant en compte le nouveau capital restant dû, déduction faite des échéances déjà versées réactualisées au cours du change au 26 novembre 2009, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- dit que l'action en responsabilité pour manquement de la Caisse à son devoir de mise en garde est irrecevable pour être prescrite ;

- rejeté en conséquence la demande de condamnation de la Caisse à verser aux emprunteurs la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manquement au devoir de mise en garde ;

- rejeté la demande de la Caisse tendant à ce qu'il soit dit et jugé qu'elle ne devra appliquer au taux d'intérêts du prêt litigieux les valeurs réelles de l'index LIBOR, que dans la mesure où la variation de la valeur de l'index ne conduit pas à un taux négatif ;

- rejeté la demande des emprunteurs tendant à la condamnation de la Caisse à leur payer la somme de 2 619,20 CHF résultant du défaut d'application de l'évolution réelle de l'indice LIBOR d'avril 2015 à avril 2017,

- condamné la Caisse à verser aux emprunteurs les intérêts indûment perçus depuis l'échéance d'avril 2015 (incluse), jusqu'au jour de la signification de la présente décision, en recalculant le taux d'intérêt du prêt litigieux en fonction de la valeur réelle de l'index LIBOR TROIS MOIS, sous déduction de la somme de 2.568,57 euros déjà versée en janvier 2017 ;

- condamné la Caisse à appliquer au prêt en cause un taux d'intérêt variable en fonction de la valeur réelle de l'index LIBOR TROIS MOIS, conformément aux dispositions de l'offre de prêt du 26 novembre 2009 et de ses avenants du 9 février 2011 et 1er mars 2012, à compter de la signification de la présente décision ;

- rejeté la demande de fixation d'une astreinte de 500 euros par jour de retard, formée par les emprunteurs ;

- condamné la Caisse à fournir aux emprunteurs, conformément aux articles 8.1 de l'offre de prêt du 26 novembre 2009 et 6.5 de l'offre/avenant du 9 février 2011, une lettre d'information en suite du recalcul du taux d'intérêt en fonction de la valeur réelle de l'index LIBOR TROIS MOIS ;

- rejeté la demande de condamnation de la Caisse à fournir, sous astreinte, de nouveaux tableaux d'amortissement ;

- condamné la Caisse à verser aux emprunteurs la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son manquement contractuel dans l'application de l'index LIBOR TROIS MOIS ;

- condamné la Caisse à verser aux emprunteurs la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté la demande formée par la Caisse au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Caisse aux dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens.

Le 9 janvier 2020, les emprunteurs ont interjeté appel de cette décision.

Le 3 février 2020, la Caisse s'est constituée intimée.

Par leurs dernières conclusions du 23 juin 2021, auxquelles a été joint un bordereau de communication des pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, les emprunteurs demandent à la cour de :

- déclarer l'appel principal recevable et bien fondé,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action tendant à faire reconnaître le caractère abusif et réputé non écrit des clauses de l'offre du prêt du 26 novembre 2009 afférentes au risque de change et au remboursement du prêt,

- déclaré que l'action était recevable,

- condamné la Caisse à leur verser les intérêts indûment perçus depuis l'échéance d'avril 2015 (incluse), jusqu'au jour de la signification de la présente décision, en recalculant le taux d'intérêt du prêt litigieux en fonction de la valeur réelle de l'index LIBOR TROIS MOIS, sous déduction de la somme de 2 568,57 euros déjà versée en janvier 2017 ;

- condamné la Caisse à appliquer au prêt en cause, un taux d'intérêt variable en fonction de la valeur réelle de l'index LIBOR TROIS MOIS, conformément aux dispositions de l'offre de prêt du 26 novembre 2009 et de ses avenants du 9 février 2011 et 1er mars 2012, à compter de la signification de la présente décision ; - condamné la Caisse à leur fournir, conformément aux articles 8.1 de l'offre de prêt du 26 novembre 2009 et 6.5 de l'offre/avenant du 9 février 2011, une lettre d'information en suite du recalcul du taux d'intérêt en fonction de la valeur réelle de l'index LIBOR TROIS MOIS ;

- condamné la Caisse à leur verser la somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son manquement contractuel dans l'application de l'index LIBOR TROIS MOIS ;

- condamné la Caisse à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la demande visant à déclarer abusives et réputées non écrites les clauses afférentes au risque de change et au remboursement du prêt en devises de l'offre de prêt du 26 novembre 2009 ;

- rejeté en conséquence la demande de condamnation de la Caisse à établir un nouveau tableau d'amortissement conforme, afférent au prêt d'un montant de 322 000 CHF au même taux et sur la même durée de 300 mois, avec substitution de l'euro au franc suisse, prenant en compte le nouveau capital restant dû, déduction faite des échéances déjà versées réactualisées au cours du change au 26 novembre 2009, sous astreinte de 300 € par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- dit que l'action en responsabilité pour manquement de la Caisse à son devoir de mise en garde est irrecevable pour être prescrite ;

- rejeté en conséquence la demande de condamnation de la Caisse à leur verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du manquement au devoir de mise en garde.

Statuant à nouveau,

- juger que les clauses afférentes au risque de change et au remboursement du prêt en devises de l'offre de prêt du 26 novembre 2009 sont abusives et réputées non écrite,

- condamner la Caisse à établir un nouveau tableau d'amortissement conforme, afférent au prêt d'un montant de 222.000 CHF au même taux et sur la même durée de 300 mois, avec substitution de l'Euro au Franc suisse, prenant au compte le nouveau capital restant dû, déduction faite des échéances déjà versées réactualisées au cours de change au 26 novembre 2009, sous astreinte de 300 Euros par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir,

- condamner la Caisse à leur rembourser le trop perçu au titre des clauses abusives,

- condamner la Caisse à leur verser la somme de 100.000 Euros à titre de dommages-intérêts au titre de son manquement au devoir de mise en garde,

- débouter la Caisse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la Caisse à leur payer la somme de 5.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la Caisse aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions du 29 juin 2021, auxquelles a été joint un bordereau de communication des pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la Caisse demande à la cour de :

1/ sur l'appel principal des emprunteurs :

A titre principal,

- juger les emprunteurs mal fondés en leurs demandes,

- confirmer le jugement déféré rendu le 5 novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Mulhouse en ce qu'il a :

- rejeté la demande visant à déclarer abusives et réputées non écrites les clauses afférentes au risque de change et au remboursement du prêt en devises de l'offre de prêt du 26 novembre 2009 ;

- rejeté en conséquence la demande de condamnation de la Caisse à établir un nouveau tableau d'amortissement conforme, afférent au prêt d'un montant de 222 000 CHF au même taux et sur la même durée de 300 mois, avec substitution de l'euro au franc suisse, prenant en compte le nouveau capital restant dû, déduction faite des échéances déjà versées réactualisées au cours de change du 26 novembre 2009, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- dit que l'action en responsabilité pour manquement de la Caisse à son devoir de mise en garde est irrecevable pour être prescrite ;

- rejeté en conséquence la demande de condamnation de la Caisse à verser aux emprunteurs la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manquement au devoir de mise en garde ;

- rejeté la demande des emprunteurs tendant à la condamnation de la Caisse à leur payer la somme de 2 619,20 CHF résultant du défaut d'application de l'évolution réelle de l'indice LIBOR d'avril 2015 à avril 2017 ;

- rejeté la demande de fixation d'une astreinte de 500 euros par jour de retard, formée par les emprunteurs ;

- rejeté la demande de condamnation de la Caisse à fournir, sous astreinte, de nouveaux tableaux d'amortissement ;

En conséquence,

- débouter les emprunteurs de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

' Sur les clauses abusives,

- juger que la clause 7.2 du contrat de prêt relative au risque de change et au remboursement du prêt en devises ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

- juger en tout état de cause, que l'action visant à faire valoir les effets restitutifs de la constatation du caractère abusif de la clause 7.2 relative au risque de change est prescrite ;

- juger en conséquence que la clause 7.2 relative au risque de change et au remboursement du prêt en devises n'est pas abusive ;

- débouter les emprunteurs de leurs demandes à ce titre.

' Sur le manquement au devoir de mise en garde et d'information,

- juger que la Caisse n'a pas manqué à ses obligations contractuelles à l'égard des emprunteurs ;

- juger que les emprunteurs ont été avertis des risques induits par le contrat litigieux ;

- juger en conséquence que la Caisse n'a commis aucune faute ;

- juger que les emprunteurs n'ont subi aucun préjudice ;

- débouter les emprunteurs de leurs demandes d'indemnisation au titre des préjudices subis ;

2/ sur l'appel incident formé par la Caisse :

- la recevoir dans son appel incident et le dire bien fondé,

- infirmer le jugement déféré rendu le 5 novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Mulhouse en ce qu'il :

- a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action tendant à reconnaître le caractère abusif et réputé non écrit des clauses de l'offre de prêt du 26 novembre 2009 afférentes au risque de change et au remboursement du prêt ;

- dit que ladite action est recevable ;

- a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit dit et jugé qu'elle ne devra appliquer aux taux d'intérêts du prêt litigieux les valeurs réelles de l'index LIBOR, que dans la mesure où la variation de la valeur de l'index ne conduit pas à un taux négatif ;

- l'a condamnée à verser aux emprunteurs les intérêts indûment perçus depuis l'échéance d'avril 2015 (incluse), jusqu'au jour de la signification de la présente décision, en recalculant le taux d'intérêt du prêt litigieux en fonction de la valeur réelle de l'index LIBOR TROIS MOIS, sous déduction de la somme de 2 568,57 euros déjà versée en janvier 2017 ;

- l'a condamnée à appliquer au prêt en cause, un taux d'intérêt variable en fonction de la valeur réelle de l'index LIBOR TROIS MOIS, conformément aux dispositions de l'offre de prêt du 26 novembre 2009 et de ses avenants du 9 février 2011 et 1er mars 2012, à compter de la signification de la présente décision ;

- l'a condamnée à fournir aux emprunteurs, conformément aux articles 8.1 de l'offre de prêt du 26 novembre 2009 et 6.5 de l'offre/avenant du 9 février 2011, une lettre d'information en suite du recalcul du taux d'intérêt en fonction de la valeur réelle de l'index LIBOR TROIS MOIS ;

- l'a condamnée à verser aux emprunteurs la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son manquement contractuel dans l'application de l'index LIBOR TROIS MOIS ;

- l'a condamnée à verser aux emprunteurs la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a rejeté sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- l'a condamnée aux dépens ;

Statuant à nouveau,

' Sur les clauses abusives,

- juger que l'action tendant à voir déclarée abusive la clause 7.2 relative au risque de change et au remboursement du prêt est prescrite et par voie de conséquence irrecevable ;

- déclarer l'action tendant à voir déclarée abusive la clause 7.2 relative au risque de change et au remboursement du prêt irrecevable

' Sur l'application du LIBOR

- constater que les emprunteurs ne formulent plus aucune demande de ce chef ;

Vu le tableau d'amortissement du prêt,

Vu l'article 12.3 du contrat intitulé AMORTISSEMENT DU PRÊT aux termes duquel 'le prêt s'amortira par échéances successives [...] Le nombre, les montants, les dates d'échéance des échéances de remboursement ainsi que leur décomposition en capital intérêts et cotisation d'assurance emprunteurs ressortent des conditions particulières et du tableau d'amortissement remis à l'emprunteur. Les intérêts qui y sont indiqués ont été calculés en fonction du taux précisé aux conditions particulières du contrat',

- juger qu'elle ne devra appliquer au taux d'intérêt du prêt les valeurs réelles de l'index Libor, que dans la mesure où la variation de la valeur de l'Index ne conduit pas à un taux négatif.

- juger qu'en décidant que la baisse de l'indice en deçà de zéro doit profiter sans restriction à l'emprunteur, le jugement peut la conduire à devoir appliquer un taux d'intérêt négatif.

- juger qu'admettre l'application d'un taux d'intérêt négatif même temporairement aboutit nécessairement à son imputation sur le capital et à la privation de la rémunération due au prêteur en contrepartie des crédits accordés.

- juger que le contrat de prêt est celui dont les obligations d'au moins une partie s'exécutent en plusieurs prestations échelonnées dans le temps et que la rémunération due au banquier en contrepartie du crédit accordé doit exister à chaque échéance.

- débouter les emprunteurs de leurs demandes ;

' Sur l'article 700 de première instance et les dépens

- débouter les emprunteurs de leur demande au titre de l'article 700 pour la procédure de première instance ;

- condamner les emprunteurs aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance ;

En tout état de cause,

- débouter les emprunteurs de l'intégralité de leurs fins et conclusions ;

- condamner les emprunteurs à lui verser la somme de 5.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamner les emprunteurs aux entiers frais et dépens de la procédure.

Le 25 août 2021, la clôture de la procédure a été ordonnée et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 13 septembre 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de renvoyer aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. Sur la demande tendant à déclarer abusives et réputées non écrites les clauses afférentes au risque de change et au remboursement du prêt en devises de l'offre de prêt du 26 novembre 2009, la demande d'établissement d'un nouveau tableau d'amortissement et la demande de remboursement due au titre de l'application des clauses abusives :

1.1. Sur la demande tendant à déclarer abusives et non écrites les clauses invoquées par les emprunteurs :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19) que 'L'article 6, paragraphe 1, et l'article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.'

Ainsi, contrairement à ce que soutient la Caisse, l'action des emprunteurs, qui tend à déclarer abusives et non écrites les clauses précitées, ne peut être soumise à un délai de prescription.

Il sera également observé que, contrairement à ce que soutient la Caisse, il résulte clairement des conclusions des emprunteurs qu'ils n'ont pas introduit une action en nullité, ceux-ci faisant d'ailleurs valoir que la banque invoque une décision de jurisprudence dont il ressortait que l'action des requérants était une action en nullité, alors qu'en l'espèce, leur demande vise à reconnaître le caractère 'réputé non écrit' de la clause et dès lors considéré comme n'ayant jamais été stipulée.

Il convient donc de confirmer le jugement ayant rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action tendant à faire reconnaître le caractère abusif et réputé non écrit des clauses de l'offre de prêt du 26 novembre 2009 afférentes au risque de change et au remboursement du prêt.

Sur le fond :

Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Il est constant qu'il y a lieu d'apprécier dans un premier temps si la clause litigieuse constitue l'objet principal du contrat, dans l'affirmative si elle est rédigée de façon claire et compréhensible et si, dans les hypothèses où la clause ne relevait pas de l'objet principal du contrat ou si elle n'était pas rédigée de façon claire et compréhensible, de rechercher l'existence ou non d'un déséquilibre significatif.

La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19) que :

'L'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses du contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur relèvent de cette disposition dans le cas où ces clauses fixent un élément essentiel caractérisant ledit contrat.

3) L'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat.

4) La directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à ce que la charge de la preuve du caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle, au sens de l'article 4, paragraphe 2, de cette directive, incombe au consommateur.

5) L'article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d'un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu'il soit plafonné, sur l'emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.'

En l'espèce, les emprunteurs invoquent le caractère abusif de la clause 7.2 de l'offre de prêt d'un montant de 222 000 CHF remboursable par mensualités exprimées en CHF.

Celle-ci, intitulée 'Dispositions propres aux crédits en devises' prévoit que :

'Le présent concours financier sera réalisé conformément à la réglementation des changes en vigueur au jour de la réalisation. Tous remboursements en capital, paiements des intérêts et des commissions et cotisations d'assurance auront lieu dans la devise empruntée.

Les échéances seront débitées sur tout compte en devises ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur.

La monnaie de paiement est l'euro, l'emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en euros les échéances au moment de leur prélèvement.

Les échéances seront débitées sur tout compte en devises (ou le cas échéant en euros) ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur.

Les frais de garantie seront payables en euros.

Si le compte en devises ne présente pas la provision suffisante au jour de l'échéance, le prêteur est en droit de convertir le montant de l'échéance impayée en euros, et de prélever ce montant sur tout compte en euros ouverts dans les livres du prêteur, au nom de l'emprunteur ou du co-emprunteur.

Le cours du change appliqué sera le cours du change tiré.

Le prêt pourra être remboursé par anticipation. Tout remboursement anticipé partiel devra correspondre au moins au 10e du capital emprunté sauf s'il s'agit du solde.

Tout remboursement partiel s'imputera d'abord sur les intérêts et les frais, ensuite sur le principal.

Il sera alors établi un nouvel échéancier prévoyant soit une réduction de la durée du prêt, soit une diminution du montant des échéances, selon le souhait de l'emprunteur.

Le prêt est réputé convertible en euros. L'emprunteur pourra demander au prêteur la conversion de prêt en euros sous préavis de 30 jours au minimum. La conversion ne pourra intervenir qu'à une date d'échéance.

Les caractéristiques du taux d'intérêt seront négociées entre les parties à ce moment-là, étant précisé qu'à défaut d'accord l'emprunteur devra à son choix poursuivre le prêt en devises ou le rembourser par anticipation.

L'emprunteur déclare dès à présent accepter toute modification de clauses du présent contrat qui pourraient découler des changements de réglementation des changes.

Il est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro, qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt.

L'emprunteur s'oblige à domicilier auprès du prêteur ses revenus, quelle que soit leur nature ou leur origine (salaires, pensions etc.) pendant toute la durée du présent prêt.'

Selon cette clause, le remboursement des échéances doit s'effectuer en francs suisses, les emprunteurs ayant cependant toujours la possibilité de payer les échéances en euros. Si le compte en devises ne présente pas la provision suffisante au jour de l'échéance, la banque peut prélever les échéances en euros, la clause précisant que le cours du change appliqué étant alors le cours du change tiré.

Il en résulte que le paiement des échéances peut s'effectuer, au choix de l'emprunteur, soit à hauteur du montant de la mensualité exprimée en CHF, soit à hauteur d'une somme en euros, indexée sur cette somme en CHF. En cas de défaut de paiement de l'échéance en CHF, la banque est en droit de prélever l'échéance correspondante en euros. Le prêt est également remboursable par anticipation et peut être converti en euros.

Cette clause 7.2 fixe un élément essentiel caractérisant ledit contrat puisqu'elle a trait aux modalités de remboursement du capital prêté en francs suisses et des intérêts dus à la banque par l'emprunteur, le montant des sommes dont le paiement est dû au prêteur - lorsqu'il s'effectue en euros - étant susceptible de varier en fonction de l'évolution du cours du franc suisse dans lequel sont libellés le capital emprunté et à rembourser, ainsi que les échéances de remboursement.

L'appréciation du caractère abusif ne peut dès lors porter sur de telles clauses, qui portent sur l'objet principal du contrat, sauf si elles ne sont pas rédigées de manière claire et compréhensible.

L'exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible oblige les établissements financiers à fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause.

S'agissant d'une clause relative au risque de change, elle doit être comprise à la fois sur les plans formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète en ce sens qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement avoir conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt est libellé mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives d'une telle clause sur ses obligations financières.

En l'espèce, la clause précitée est susceptible de faire peser un risque de change sur l'emprunteur lorsqu'il paie en euros la mensualité libellée en CHF ou lorsqu'il souhaite rembourser, en euro, le prêt par anticipation ou encore lorsqu'il demande la conversion du prêt en euros.

Il a été vu que la clause 7.2 précitée précise en son dernier aliéna qu'il 'est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro, qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt'.

Certes, les documents contractuels ne contenaient pas d'éléments de nature à simuler concrètement une variation du cours de change à la hausse ou à la baisse et les effets sur le montant d'une mensualité qui serait payée en euro, du capital qui serait remboursé par anticipation en euros ou du montant des sommes restant dues en cas de conversion du prêt en euros. Toutefois, aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait alors une telle simulation.

Contrairement à ce que soutiennent les emprunteurs, le tableau d'amortissement communiqué par la banque, et qu'ils produisent en pièce 2, ne mentionne pas le montant des échéances en euros, mais en francs suisses ainsi que le titre du document l'indique en caractères gras.

Alors que la Caisse soutient que leur expérience quotidienne du change leur permettait de comprendre que le capital pouvait augmenter ou baisser selon la parité de change, les emprunteurs répliquent qu'ils n'avaient pas conscience des risques liés au prêt par le simple fait que M. [D] avait des ressources en francs suisses et qu'ils habitaient en France, car Mme [G] avait des ressources en euros, ce qui leur permettait de régler leurs dépenses courantes en France sans avoir conscience des risques de change et qu'on voit difficilement comment avec des dépenses de la vie quotidienne, ils auraient pu avoir conscience de la possibilité que le capital à rembourser augmente dans une telle proportion et surtout sans limite.

Cependant, cette clause était suffisamment claire et compréhensible pour permettre aux emprunteurs - dont le caractère de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé sera retenu, en l'absence de toute preuve contraire - et alors même qu'ils habitaient en France tout en percevant des revenus, l'un en euro et l'autre en franc suisse, de comprendre la portée concrète du risque, lequel était clairement mentionné dans ladite clause dans un vocabulaire aisément compréhensible, lié à l'évolution du cours de change entre le CHF et l'euro qu'ils pourraient être amenés à supporter dans l'exécution du contrat de prêt dans le cas où ils seraient amenés à effectuer des paiements au titre de ce prêt en euros, ce qui pouvait être le cas dans l'hypothèse où M. [D] ne percevait plus de ressources en francs suisses. De surcroît, les emprunteurs admettent (p.26 de leurs conclusions) que compte tenu de la durée du prêt, il était peu probable que M. [D] conserve ces ressources en francs suisses sur la totalité de la durée du prêt.

Dès lors, le prêteur leur a fourni des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat. Ainsi, a été remplie l'exigence de transparence des clauses de ce contrat faisant peser, en cas de paiement en euros de la mensualité libellée en CHF, le risque de change sur l'emprunteur.

Dès lors, ces clauses sont claires et suffisamment compréhensibles. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'apprécier, si elles ont un caractère abusif en ce qu'elles portent sur le remboursement du prêt en francs suisses et sur le risque de change.

Sera ainsi rejetée la demande tendant à déclarer abusives et non écrites 'les clauses afférentes au risque de change et au remboursement du prêt en devises de l'offre de prêt du 26 novembre 2009', le jugement étant confirmé sur ce point.

En outre, les emprunteurs soutiennent, in fine, dans leurs conclusions (p.10), dans un paragraphe qui n'est pas celui relatif à l'appréciation du caractère clair et compréhensible de la clause, mais qui a trait à la notion de déséquilibre significatif, qu'il n'est pas indiqué précisément comment sera déterminé le cours du change lors du règlement des intérêts en CHF et du remboursement du prêt in fine en CHF, et qu'il est seulement indiqué qu'il s'agit du 'cours du change tiré', dont la définition n'est pas indiquée. Ils concluent que 'ces clauses cumulées' confèrent un pouvoir unilatéral au professionnel.

Cependant, d'une part, il convient d'observer qu'ils ne soutiennent pas cette argumentation au soutien de leur moyen selon lequel la clause 7.2. ne serait pas claire ou compréhensible.

D'autre part, les termes de la clause 7.2 indiquant que 'le cours du change appliqué sera le cours du change tiré' ne se rapportent qu'à la phrase les précédant dans la même clause, à savoir 'si le compte en devises ne présente pas la provision suffisante au jour de l'échéance, le prêteur est en droit de convertir le montant de l'échéance impayée en euros, et de prélever ce montant sur tout compte ouvert dans les livres du prêteur, au nom de l'emprunteur ou du co-emprunteur.'

Ainsi, comme le soutient la Caisse, ils ne s'appliquent pas lorsque les emprunteurs choisissent de convertir des euros de leur compte en euro pour alimenter leur compte en CHF.

Dès lors, les termes 'le cours du change appliqué sera le cours du change tiré' ne sont pas de nature à rendre non claire et non compréhensible l'intégralité de la clause 7.2, et les emprunteurs ne soutiennent d'ailleurs pas le contraire, et notamment pas les autres phrases de la clause qui prévoient que les remboursements auront lieu dans la devise empruntée, que les échéances seront débitées sur tout compte en devises ouvert au nom de l'un des emprunteurs dans les livres du prêteur ou encore que la monnaie de paiement est l'euro et que l'emprunteur a toujours la faculté de rembourser en euros les échéances au montant de leur prélèvement et que les échéances seront débitées sur tout compte en devises ou en euros ouvert au nom de l'un des emprunteurs dans les livres du prêteur.

Dans les autres cas, et notamment dans le cas où l'emprunteur choisit d'alimenter son compte en devises à partir de son compte en euros, ladite clause ne définit pas le cours du change qui sera appliqué. Cependant, cette absence de précision dans la clause ne la rend pas non claire et non compréhensible et ne confère aucun pouvoir unilatéral à la Caisse. Comme le soutient la Caisse, l'emprunteur a toujours la faculté d'alimenter son compte en devises et, le cas échéant, d'opter pour le cours de la devise qui lui est le plus favorable.

Par ailleurs, la clause qui mentionne que 'le cours du change appliqué sera le cours du change tiré', ne définit pas le taux de change appliqué dans un tel cas, mais indique seulement que sera appliqué le cours du change tiré applicable au moment de l'opération de prélèvement opérée par la banque sur le compte en euro, laquelle n'a lieu que le jour de l'échéance et dans le cas précis précité.

En outre, le fait que cette clause se réfère à cette notion de 'cours du change tiré' ne la rend pas potestative.

Au demeurant, elle ne confère pas de pouvoir unilatéral à la Caisse qui aurait pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment des emprunteurs.

En effet, il a été vu que ce n'est qu'en cas d'insuffisance de la provision sur le compte en devises pour payer l'échéance prévue, que cette clause permet à la Caisse de convertir, en euros, le montant de l'échéance impayée, le cours du change appliqué étant alors le cours du change tiré, de sorte qu'elle ne s'applique que lorsque les emprunteurs n'ont pas suffisamment alimenté leur compte en devises et qu'elle permet d'assurer le paiement de l'échéance avec les euros dont dispose le ou les emprunteurs sur un de leur compte quelconque ouvert dans les livres du prêteur, tout en leur évitant d'être défaillants dans le remboursement de leur prêt.

Même si cette clause permet à la Caisse, dans le cas précis précité, de choisir le moment de la journée de l'échéance pour effectuer, dans ces circonstances, la conversion et ledit prélèvement et, le cas échéant, de choisir le cours de change appliqué à tel moment de la journée plutôt qu'à un autre, elle n'a pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, dès lors que ce prélèvement a lieu le jour de l'échéance et qu'elle permet d'éviter aux emprunteurs de se trouver défaillants dans l'exécution de leurs obligations, étant observé que les emprunteurs peuvent également choisir le moment qui leur est le plus favorable pour alimenter le compte en devises et éviter ainsi l'application de cette clause.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à déclarer abusive la clause 7.2.

2. Sur l'action restitutoire fondée sur le caractère abusif des clauses précitées :

Il résulte de ce qui précède que cette action est sans objet s'agissant des clauses dont le caractère abusif n'a pas été retenu. Cette demande sera dès lors rejetée.

3. Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement de la Caisse à son devoir de mise en garde :

Sur la fin de non-recevoir :

Les emprunteurs demandent le paiement de dommages-intérêts réparant le préjudice causé par le manquement de la banque à son devoir de mise en garde quant au risque propre au prêt en devises lié à l'évolution du taux de change et au risque lié à la perte de revenus en francs suisses.

La Caisse conclut à la confirmation du jugement ayant déclaré cette demande prescrite.

Afin de déterminer si l'action en réparation du dommage est ou non prescrite, il s'agit de déterminer la date à laquelle le dommage, dont il est demandé réparation, s'est réalisé ou, le cas échéant, a été révélé à l'emprunteur.

En l'espèce, les emprunteurs soutiennent que ce n'est qu'à la suite de la perte de toutes ressources en francs suisses et à l'envolée du franc suisse par rapport à l'euro en 2015 qu'ils ont eu conscience des risques liés à la variation du taux de change et ont subi le préjudice.

Le premier risque invoqué, à savoir la perte de l'emploi en Suisse de M. [D], s'est produit en 2013 entraînant la nécessité de devoir payer, en euro, les mensualités libellées en francs suisses, et de supporter concrètement le risque lié à l'évolution du cours du change.

Avant cette date, et notamment lors de la souscription du prêt en 2009, ils ne subissaient aucun risque de change, comme l'indique d'ailleurs la banque (p. 20 de ses conclusions), puisqu'ils payaient les mensualités en CHF avec les ressources perçues en CHF.

Si, lors de la souscription du prêt, ils avaient connaissance et conscience des risques encourus, notamment eu égard au libellé de la clause précitée, ils n'avaient, pour autant, pas subi le dommage contre lequel ils soutiennent qu'ils auraient, lors de la conclusion du prêt, dû être mis en garde et dont ils demandent réparation dans le cadre de la présente action.

Si, comme le soutient la banque, le risque de variation défavorable du cours du change s'est produit entre 2009 et 2011, il résulte de ce qui précède qu'à cette date, les emprunteurs n'avaient pas eux-mêmes subi ce risque en remboursant leur prêt, en payant les mensualités directement en CHF, et n'avaient ainsi subi aucun dommage.

Le dommage invoqué par les emprunteurs s'est ainsi matérialisé au moment de la perte d'emploi de M. [D] pour lequel il était rémunéré en CHF, puisque de ce fait, ils n'étaient plus en mesure de payer les mensualités en CHF, et devaient, alors, supporter le risque de change.

Il en résulte que leur action en responsabilité, introduite moins de cinq ans après cette date, est recevable, le jugement étant infirmé en ce qu'il l'avait déclarée prescrite.

Sur le fond :

Les emprunteurs reprochent, d'une part, à la Caisse de ne pas leur avoir communiqué certaines informations : de ne pas leur avoir indiqué expressément le risque de change associé au prêt par la remise d'un document qui avertit clairement l'emprunteur sur le fait que le taux de change peut évoluer, à tout moment, la hausse ou à la baisse et avoir des conséquences financières importantes sur le coût total du prêt ; que l'offre de prêt ne mentionne pas la conséquence, anormale, consistant dans l'augmentation du capital emprunté en dépit du versement des mensualités censées permettre l'amortissement du capital ; qu'aucune simulation chiffrée ne leur a été remise afin de les informer sur les risques d'augmentation du capital à emprunter, alors qu'il appartenait à la banque d'informer les emprunteurs sur ce risque, notamment d'une augmentation du capital sans plafond.

Cependant, il résulte de ce qui précède que, compte tenu des termes clairs et précis de la clause 7.2, mais aussi de leur situation, ils étaient informés, lors de la souscription de l'offre de prêt, de l'existence du risque de change qu'ils seraient amenés à supporter en cas de paiement en euro.

Les emprunteurs ajoutent que, ni le contrat, ni aucun document n'a attiré leur attention sur le risque d'évolution défavorable du taux de change et des conséquences importantes sur le coût total du prêt, et que la banque n'a pas attiré leur attention sur le risque découlant d'une perte de ressources en francs suisses par M. [D].

Ils invoquent ainsi un manquement de la banque à un devoir de mise en garde quant au risque de change qu'ils seraient susceptibles de subir en cas de perte d'emploi en Suisse par l'emprunteur, étant précisé que le co-emprunteur percevait déjà des revenus en euros.

Ils soutiennent que le préjudice causé par la défaillance du prêteur à l'obligation de mise en garde consiste dans la perte de chance pour l'emprunteur de ne pas contracter et d'éviter ainsi cette situation d'endettement à la suite de la souscription du prêt litigieux, ayant subi un endettement considérable. Ils ajoutent que le préjudice a été véritablement subi en 2015 avec l'envolée du Franc suisse et que s'ils avaient eu une connaissance claire et précise des risques de change, ils auraient conclu leur prêt en euros et non en devises.

Comme le soutient la Caisse, lors de la souscription du prêt, M. [D] percevait des ressources en francs suisses qui devaient permettre le remboursement des mensualités en CHF, de sorte que le prêt ne créait, lors de sa souscription, aucun risque de change pour les emprunteurs.

En outre, comme le soutient la Caisse, le banquier dispensateur de crédit n'est tenu d'une obligation de mise en garde que s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt.

En l'espèce, les emprunteurs soutiennent que l'évolution du taux de change leur a été défavorable, ce qui a eu pour conséquence d'accroître les sommes dues au titre du prêt. Ils ajoutent que ce prêt a généré un endettement considérable. Cependant, ils n'invoquent aucune pièce au soutien de cette affirmation. Ainsi, ils ne démontrent pas que le prêt était excessif lors de son octroi, compte tenu des ressources en francs suisses alors perçues par M. [D], du salaire de Mme [G] et de leurs charges. D'ailleurs, comme le soutient la Caisse, ils ont remboursé le prêt pendant plusieurs années. De surcroît, ils ne démontrent pas non plus que le prêt est devenu excessif au regard de leurs capacités financières lors de la perte de l'emploi de M. [D] et de l'évolution défavorable du cours du change, alors pourtant qu'ils précisent que, compte tenu du licenciement de M. [D] et de son embauche dans une autre région française, ils ont été contraints de mettre en location leur bien immobilier et de trouver un emploi en France.

Leur demande de dommages-intérêts sera dès lors rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

4. Sur la demande d'application d'un taux d'intérêt variable en fonction de la valeur réelle de l'index Libor trois mois :

L'offre de prêt prévoit que le taux d'intérêts de 1,7 % est stipulé à taux variable, l'index retenu étant l'index Libor 3 MOIS J/J (281 YI), et que le taux ne pourra être supérieur à 3,7 %.

Les conditions générales prévoient que le taux d'intérêt du prêt est supérieur à la hausse comme à la baisse en fonction de l'évolution du LIBOR TROIS MOIS.

Elles indiquent notamment que 'trimestriellement, à chaque mois de révision, la variation de la valeur de l'index par rapport à la valeur de l'index arrêtée à la date d'ouverture du prêt, est répercutée à due concurrence sur le taux du prêt, le taux initial du prêt servant de base pour le calcul de la variation. Toutefois, les variations de l'index entraînant une modification du taux de prêt inférieure à 25 centièmes par rapport au taux en vigueur ne sont pas répercutées'.

Comme le soutiennent les emprunteurs, elles précisent que 'pendant les 20 premières années d'amortissement du prêt avec l'index défini ci-dessus, le taux d'intérêts du prêt ne pourra varier de plus de 2 % l'an à la hausse et de 1,7 % l'an à la baisse par rapport au taux initial du prêt indexé tel que défini ci-avant. Ainsi le taux d'intérêts du prêt, pendant les 20 premières années d'amortissement du prêt avec l'index défini ci-dessus, ne pourra pas être supérieur à 3,700 % l'an ni inférieur à 0,00 % l'an. (...)'.

Devant la cour, la Caisse précise avoir restitué aux emprunteurs le montant des intérêts trop versés, soit 2 568,57 euros et admet qu'il convient d'appliquer la valeur réelle du Libor, même si celui-ci devient négatif, pour déterminer le taux d'intérêt, sous réserve toutefois que le taux d'intérêt ne devienne pas, lui-même, négatif.

Elle demande d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit dit et jugé qu'elle ne devra appliquer aux taux d'intérêts du prêt les valeurs réelles de l'index Libor, que dans la mesure où la variation de la valeur de l'index ne conduit pas à un taux négatif.

Les emprunteurs admettent que pendant les 20 premières années d'amortissement, le taux d'intérêt est capé, ne pouvant varier de plus de 2 % à la hausse et de 1,7 % à la baisse et que dans cette limite, la banque doit répercuter la variation exacte de plus de 25 centièmes de l'indice LIBOR TROIS MOIS, même si ce dernier devient négatif. Ils ajoutent que le document de 'simulation de l'impact de la variation de taux en cas de taux variable' démontre que la possibilité de la variation du taux à la baisse pouvant aller jusqu'à un taux négatif est entrée dans la sphère contractuelle et implique que la banque l'a expressément prévue et acceptée, ce qui ne correspond pas au cas qui a conduit à l'arrêt du 25 mars 2020.

Il convient de constater que les parties s'accordent sur le principe d'application de la valeur réelle du Libor, même si celui-ci devient négatif, pour déterminer le taux d'intérêt et sur le fait que le contrat prévoit expressément que pendant les 20 premières années de remboursement le taux d'intérêt ne peut devenir négatif.

La question se pose de savoir si, au-delà des 20 premières années de remboursement, le contrat prévoit que le taux d'intérêt, du fait de la variation de l'indice, peut lui-même devenir négatif.

Conformément aux dispositions de l'article 1134 du code civil (devenu les articles 1103 et 1193), les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.

Selon l'article 1902 du code civil, l'emprunteur est tenu de rendre les choses prêtées, en même quantité et qualité, et au terme convenu.

L'article 1905 du code civil dispose qu'il est permis de stipuler des intérêts pour simple prêt soit d'argent, soit de denrées, ou autres choses mobilières et l'article 1907 du même code que l'intérêt est légal ou conventionnel, l'intérêt conventionnel pouvant excéder celui de la loi, toutes les fois que la loi ne le prohibe pas, le taux de l'intérêt conventionnel devant être fixé par écrit.

Il est constant que dans un contrat de prêt immobilier, dès lors que les parties n'ont pas entendu déroger aux règles du code civil, l'emprunteur devant restituer les fonds prêtés dans leur intégralité et les intérêts conventionnellement prévus étant versés à titre de rémunération de ces fonds, le prêteur ne peut être tenu, même temporairement, au paiement d'une quelconque rémunération à l'emprunteur de sorte que l'éventualité d'intérêts mensuellement négatifs ne peut être admise.

En l'espèce, les stipulations contractuelles de l'offre de prêt, telles qu'invoquées par les emprunteurs, ne prévoient pas que les parties ont entendu déroger aux règles du code civil et permis l'application d'un taux d'intérêt négatif au-delà de la période de 20 ans précitée.

Il en est de même du document de simulation invoqué, lequel n'évoque que deux exemples de hausse du taux d'intérêt et un exemple de baisse du taux de prêt de - 1,7 %, tout en précisant le montant des échéances alors dues. En effet, ce document ne fournit aucun exemple dans lequel le taux d'intérêt serait lui-même négatif.

Il convient dès lors d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la Caisse tendant à ce qu'il soit dit et jugé qu'elle ne devra appliquer au taux d'intérêts du prêt litigieux les valeurs réelles de l'index LIBOR, que dans la mesure où la variation de la valeur de l'index ne conduit pas à un taux négatif, et, statuant à nouveau, il sera dit que la Caisse ne devra appliquer la valeur réelle de l'index LIBOR et sa variation, telles que prévues au contrat de prêt, au taux d'intérêt du prêt litigieux, que dans la mesure où le taux d'intérêt ne devient pas lui-même, mensuellement négatif.

Pour le surplus, et dans cette limite, adoptant les motifs, pertinents, des premiers juges non contraires à ceux du présent arrêt, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la Caisse à verser aux emprunteurs les intérêts indûment perçus depuis l'échéance d'avril 2015 (incluse), jusqu'au jour de la signification de la présente décision, en recalculant le taux d'intérêt du prêt litigieux en fonction de la valeur réelle de l'index LIBOR TROIS MOIS, sous déduction de la somme de 2.568,57 euros déjàversée en janvier 2017 ;

- condamné la Caisse à appliquer au prêt en cause un taux d'intérêt variable en fonction de la valeur réelle de l'index LIBOR TROIS MOIS, conformément aux dispositions de l'offre de prêt du 26 novembre 2009 et de ses avenants du 9 février 2011 et 1er mars 2012, à compter de la signification de la présente décision ;

- condamné la Caisse à fournir aux emprunteurs, conformément aux articles 8.1 de l'offre de prêt du 26 novembre 2009 et 6.5 de l'offre/avenant du 9 février 2011, une lettre d'information en suite du recalcul du taux d'intérêt en fonction de la valeur réelle de l'index LIBOR TROIS MOIS ;

- condamné la Caisse à verser aux emprunteurs la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son manquement contractuel dans l'application de l'index LIBOR TROIS MOIS ;

Enfin, il sera constaté que les emprunteurs ne demandent pas l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la Caisse à leur payer la somme de 2 619,20 CHF résultant du défaut d'application de l'évolution réelle de l'indice LIBOR d'avril 2015 à avril 2017, ni en ce qu'il a rejeté la demande d'astreinte et de condamnation de la Caisse à fournir, sous astreinte, de nouveaux tableaux d'amortissement.

5. Sur les frais et dépens :

La Caisse ayant succombé en première instance, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à supporter les dépens d'appel et payer une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté sa demande de ce chef.

Succombant principalement en appel, les emprunteurs seront condamnés à supporter les dépens d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que les demandes seront rejetées.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse du 5 novembre 2019, sauf en ce qu'il ce qu'il a :

- dit que l'action en responsabilité pour manquement de la Caisse de Crédit Mutuel Habsheim au devoir de mise en garde est irrecevable pour être prescrite ;

- rejeté la demande de la Caisse de Crédit Mutuel Habsheim tendant à ce qu'il soit dit et jugé qu'elle ne devra appliquer au taux d'intérêts du prêt litigieux les valeurs réelles de l'index LIBOR, que dans la mesure où la variation de la valeur de l'index ne conduit pas à un taux négatif ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Déclare recevable l'action en responsabilité pour manquement de la Caisse de Crédit Mutuel Habsheim à son devoir de mise en garde,

Rejette la demande en paiement de la somme de 100'000 € à titre de dommages et intérêts au titre du manquement au devoir de mise en garde,

Dit que la Caisse de Crédit Mutuel Habsheim ne devra appliquer la valeur réelle de l'index LIBOR et sa variation, telles que prévues au contrat de prêt, au taux d'intérêt du prêt litigieux, que dans la mesure où le taux d'intérêt ne devient pas, lui-même, mensuellement négatif,

Y ajoutant :

Condamne M. [D] et Mme [G] à supporter les dépens d'appel,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/00295
Date de la décision : 27/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-27;20.00295 ?
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