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27/04/2022 | FRANCE | N°19/05226

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 27 avril 2022, 19/05226


MINUTE N° 226/22





























Copie exécutoire à



- Me Thierry CAHN



- Me Guillaume HARTER de la SELARL LEXAVOUE COLMAR





Le 27.04.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 27 Avril 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/05226 - N° Portalis

DBVW-V-B7D-HHVF



Décision déférée à la Cour : 08 Novembre 2019 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG



APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :



SA CAISSE D'EPARGNE GRAND EST EUROPE venant aux droits de la SA CAISSE D'EPAR...

MINUTE N° 226/22

Copie exécutoire à

- Me Thierry CAHN

- Me Guillaume HARTER de la SELARL LEXAVOUE COLMAR

Le 27.04.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 27 Avril 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/05226 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HHVF

Décision déférée à la Cour : 08 Novembre 2019 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG

APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :

SA CAISSE D'EPARGNE GRAND EST EUROPE venant aux droits de la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ALSACE

prise en la personne de son représentant légal

1 avenue du Rhin

67000 STRASBOURG

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

INTIME - APPELANT INCIDEMMENT :

Monsieur [O] [P]

4 rue Emile Mathis

67110 REICHSHOFFEN

Représenté par Me Guillaume HARTER de la SELARL LEXAVOUE COLMAR, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Vu le jugement du 8 novembre 2019 du tribunal de grande instance de Strasbourg, régulièrement frappé d'appel, le 3 décembre 2019, par voie électronique, par la société Caisse d'Epargne Grand Est Europe, venant aux droits de la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Alsace,

Vu la constitution d'intimée de M. [P] du 9 janvier 2020,

Vu les conclusions de société Caisse d'Epargne Grand Est Europe, venant aux droits de la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Alsace du 7 juillet 2020, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu les conclusions de M. [P] du 10 avril 2020, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 15 septembre 2021 renvoyant l'affaire à l'audience du 11 octobre 2021, à laquelle elle a été appelée,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, il convient de constater qu'il n'est pas contesté que la société Caisse d'Epargne Grand Est Europe vient aux droits de la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Alsace.

Il résulte des pièces et des conclusions des parties que M. [P] s'est engagé en qualité de caution personnelle et solidaire :

- d'une part, le 22 août 2014, pour garantir l'engagement souscrit par la société Oy Finances au titre d'un prêt du 23 juillet 2014 envers la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Alsace, et ce dans la limite de 260 000 euros et pour une durée de 132 mois, dans la limite de 50 % de l'encours,

- d'autre part, le 15 juillet 2015, pour garantir les engagements de la société Crépi Décor Maçonnerie envers la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Alsace, et ce dans la limite de 130 000 euros.

La société OY Finances dont il est le représentant légal, et la société Décor Crépi Maçonnerie, dont la société OY Finances est le représentant légal, ont été mises en liquidation judiciaire le 6 juin 2017, la société Crépi Décor après avoir d'abord été mise en redressement judiciaire, et la société Oy Finances après avoir d'abord été placée sous sauvegarde de justice.

Après avoir déclaré ses créances, la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Alsace a mis M. [P] en demeure d'exécuter ses engagements de caution par lettres des 14 et 20 juin 2017, puis l'a assigné en paiement.

Après avoir retenu le caractère disproportionné des engagements de caution souscrits par M. [P], le tribunal les a dit inopposables à ce dernier et a rejeté la demande de la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Alsace. Il a également rejeté la demande reconventionnelle de M. [P] en dommages-intérêts.

1. Sur la demande en paiement de la Caisse :

Selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution, qui l'invoque, de démontrer l'existence de la disproportion manifeste de son engagement, au moment de la conclusion de celui-ci.

Lorsqu'à l'occasion de la souscription de son engagement, la caution a déclaré au créancier des éléments sur sa situation personnelle, le créancier peut, en l'absence d'anomalie apparente, s'y fier et n'a pas à vérifier l'exactitude de ces déclarations.

Dans ce cas, la caution ne sera alors pas admise à établir, devant le juge, que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle avait déclarée à la banque.

En revanche, en présence d'anomalie apparente, ou lorsque la caution n'a déclaré aucun élément sur sa situation patrimoniale à la banque lors de son engagement, notamment parce que cette dernière ne lui a rien demandé, la caution est libre de démontrer, devant le juge, quelle était sa situation financière réelle lors de son engagement. Elle peut aussi opposer à la banque les éléments non déclarés dont celle-ci avait connaissance.

De son côté, la banque peut invoquer des éléments de la situation de la caution qu'elle n'aurait pas déclarés.

Dans le cas où la caution démontre, qu'au jour de son engagement, celui-ci était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, il appartient à la banque, qui souhaite s'en prévaloir, de démontrer qu'au moment où elle est appelée, son patrimoine lui permettre de faire face à son obligation.

Pour apprécier la réalisation de cette condition, il appartient au juge de se placer au jour où la caution est assignée en paiement.

En l'espèce, M. [P] invoque la disproportion manifeste de ses deux engagements de caution à ses biens et revenus.

La Caisse réplique que le patrimoine de l'intéressé dépassait cependant amplement le montant de son engagement, de sorte qu'il ne peut être disproportionné. Elle fait valoir que, de façon surprenante, la fiche patrimoniale souscrite le 15 juillet 2015 mentionne un patrimoine immobilier acquis en 2014 d'une valeur de 250 000 euros, que selon l'attestation notariée qu'elle produit, il a acquis ce bien pour 50 000 euros le 4 décembre 2014, que cette somme de 50 000 euros n'a pu transiter sur le compte ouvert dans les livres de la Caisse, puisqu'il n'a été ouvert qu'ultérieurement et que l'intéressé a versé 30 000 euros pour l'achat dudit bien immobilier. La Caisse ajoute qu'il est propriétaire de son entreprise qui représentait une valeur patrimoniale certaine.

S'agissant de l'engagement de caution souscrit le 22 août 2014 dans la limite de 260 000 euros :

M. [P] soutient qu'il n'avait que 24 ans et ne disposait d'aucun patrimoine, mais seulement son salaire mensuel brut de 1 384,75 euros.

La fiche de renseignements remplie le 18 août 2014 par M. [P] à la demande de la Caisse mentionne un revenu annuel de 18 952 euros et une charge au titre de l'IRPP de 1 038 euros. Ainsi, il en ressort qu'il avait déclaré percevoir un revenu mensuel net de 1 492,83 euros par mois.

Le niveau de ce revenu est d'ailleurs de l'ordre de celui mentionné sur les documents que M. [P] produit aux débats, puisque selon l'attestation fiscale qu'il produit aux débats, qu'il a établie en qualité de président de la société Crépi Décor Maçonnerie, ses revenus d'activité nets imposables pour 2014 s'élèvent à 16 947,27 euros, soit 1 412,27 euros par mois et selon ses bulletins de salaire de septembre et octobre 2014 émis par ladite société, il percevait un salaire brut de 1 820 euros par mois et un salaire net de 1 586,05 euros. Son revenu en novembre 2014 était quasi-identique.

La fiche de renseignement ne mentionnait aucun patrimoine.

S'agissant de l'immeuble invoqué par la Caisse, il ressort des conclusions de ladite Caisse que M. [P] ne l'avait pas encore acquis au jour de la souscription de son engagement en août 2014, de sorte qu'il ne peut être pris en considération pour apprécier si, au jour de son engagement de caution, celui-ci était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

S'agissant de la somme de 30 000 euros qu'il a versée lors de l'acquisition ultérieure de ce bien immobilier, M. [P] soutient qu'elle provient de son père, sans toutefois invoquer ou produire d'éléments à cet égard. Compte tenu de la proximité de la date de l'acquisition du bien immobilier, il convient de considérer, en l'absence d'éléments contraires, que M. [P] possédait déjà en août 2014 la somme de 30 000 euros qui a fait l'objet de l'apport personnel dans le cadre de cette acquisition.

S'agissant de la valeur de l'entreprise que la Caisse soutient qu'il possédait :

M. [P] indique, dans la partie relative à l'exposé des faits de ses conclusions qu'il a constitué une SAS OY Finances dont il était le président, laquelle a racheté les parts de son père dans la société Crépi Décor Maçonnerie par acte sous seing privé du 22 août 2014 pour le prix de 400 000 euros, et que pour financer cette acquisition, la Caisse a consenti un prêt d'un montant correspondant à la société OY Finances. Il résulte effectivement de l'acte de prêt, produit aux débats, que le prêt consenti à la société OY Finances pour ce montant était destiné à financer les 160 actions de la société Crépi Décor Maçonnerie et que la société OY Finances avait un capital de 16 000 euros.

Il en résulte que les parts sociales de la société Crépi Décor Maçonnerie n'appartenaient pas à M. [P] mais à la société OY Finances.

S'agissant des actions de la société OY Finances appartenant à M. [P], celui-ci n'en indique pas la valeur, pas plus d'ailleurs que la Caisse. Cependant, il résulte des conclusions de M. [P] que cette société était endettée d'un montant correspondant presque au patrimoine qu'elle possédait, de sorte que ses actions n'avaient pas ou que très peu de valeur.

Dès lors, le cautionnement souscrit par M. [P] dans la limite de 260 000 euros était manifestement disproportionné à ses biens et revenus au jour de son engagement.

S'agissant du cautionnement souscrit le 15 juillet 2015 dans la limite de 130 000 euros :

Selon la fiche de renseignement souscrite le 15 juillet 2015 par M. [P] à la demande de la Caisse, il possédait un salaire mensuel de 1 800 euros, possédait une maison individuelle acquise en 2014 pour 100 000 euros, qui a une valeur vénale de 250 000 euros, et est grevée d'une hypothèque de 100 000 euros, de sorte que sa valeur nette s'élève à 150 000 euros.

Cette fiche ajoutait que la caution était tenue à l'égard de la Caisse d'Epargne d'un prêt de 100 000 euros pour lequel le capital restant dû s'élevait au même montant.

Ainsi, au jour de son engagement le 15 juillet 2015, M. [P] avait comme revenu, le salaire précité, et comme biens, un patrimoine immobilier d'une valeur nette de 150 000 euros, auquel il convient d'ajouter les actions de la société Oy Finances.

S'agissant de son endettement, l'emprunt de 100 000 euros a été pris en compte pour apprécier la valeur de l'immeuble. Il était en outre, déjà engagé, en qualité de caution dans le cadre du précédent cautionnement, à hauteur de 260 000 euros, ce que la Caisse ne pouvait ignorer puisqu'elle en était le bénéficiaire.

S'agissant de la valorisation des actions de la société Oy Finances, au 15 juillet 2015, M. [P] ne propose aucune somme, pas plus d'ailleurs que la Caisse. Cependant, il convient d'observer qu'il produit un relevé de compte de cette société au 30 novembre 2016 mentionnant un solde créditeur au 31 octobre 2016 de 103 354,56 euros. Il résulte également de ses conclusions, que cette société avait acquis pour 400 000 euros des parts sociales en souscrivant un emprunt de ce montant en 2014. Il justifie qu'en 2016, la société OY Finances a procédé à un remboursement anticipé de ce prêt le 1er novembre 2016 à hauteur de 100 000 euros. Selon l'annexe produite par la banque, après ce remboursement, la société Oy Finances restait débitrice, le 1er novembre 2016, d'un capital restant dû de 186 185,81 euros.

Il en résulte qu'en juillet 2015, la société Oy Finances était endettée à plus de 180 000 euros, de sorte que la valorisation des actions de la société Oy Finances, qui possédait des actions valorisées à 400 000 euros, était nécessairement nettement inférieure à 220 000 euros.

Dès lors, compte tenu des revenus de M. [P], et de ses biens, constitués de sa maison et les actions précitées, tout en tenant compte de son engagement souscrit au titre du prêt et de son premier engagement de caution, ce nouvel engagement de caution souscrit le 15 juillet 2015 était manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. [P].

S'agissant de la situation de M. [P] le jour où la Caisse l'a appelé pour exécuter ses engagements :

Il appartient à la Caisse, qui l'invoque, de démontrer qu'au jour où elle l'a appelée, soit le 12 juillet 2017, son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation.

La Caisse soutient que le bien immobilier acquis en 2004 a été vendu 220 000 euros, de sorte qu'il était en mesure de faire face à son engagement. Elle ajoute avoir, le 8 juin 2017, obtenu du juge de l'exécution, une autorisation de procéder à la saisie conservatoire des fonds revenant à M. [P] après la vente de son bien immobilier.

M. [P] ne conteste pas ce prix de vente, mais répond qu'il suffit de faire l'addition des montants réclamés pour se rendre compte qu'il ne disposait pas d'un patrimoine au moins équivalent au montant du cautionnement.

Cependant, il s'agit de savoir si la Caisse démontre qu'au moment où elle l'a appelé, son patrimoine lui permettait de faire face aux sommes dont elle lui demandait paiement.

Il résulte de ce qui précède que l'immeuble vendu était grevé d'une hypothèque de 100 000 euros au titre du prêt souscrit par M. [P] pour son acquisition et il ressort de surcroît de la pièce 12 de la Caisse datée du 22 mai 2017 émise dans le cadre de la vente, que l'hypothèque, prise pour 120 000 euros, bénéficiait à la Caisse.

La Caisse ne démontre pas qu'avec le prix de vente de 220 000 euros, et alors que M. [P] était tenu au remboursement du prêt hypothécaire, il pouvait, en sus, faire face, en juillet 2017, au montant pour lequel il a été appelé à savoir la somme de 50 586,05 euros outre intérêts et celle de 184 173,34 euros, la Caisse l'ayant assigné pour obtenir paiement de ces sommes au titre des deux cautionnements.

Elle ne démontre pas non plus qu'avec ce prix de vente et compte tenu de la dette au titre du prêt, il pouvait faire face au montant auquel la Caisse a finalement réduit ses prétentions en cours de première instance, à savoir les sommes de 50 586,05 euros outre intérêts et 92 086,67 euros outre intérêts. D'ailleurs, il en est de même si l'on appréciait séparément chacune des sommes pour laquelle il a été appelé, outre intérêts, et ce compte tenu du prêt hypothécaire et de l'autre somme pour laquelle il a été appelé.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit les deux cautionnements inopposables à M. [P].

2. Sur la demande reconventionnelle :

2.1. Sur la demande en dommages-intérêts d'un montant de 235 000 euros :

- Sur le manquement au devoir de mise en garde :

M. [P] reproche d'abord à la Caisse de ne pas l'avoir mis en garde lors de ses engagements de caution 'contre le non-remboursement au regard de ses capacités de remboursement et du risque de surendettement'.

La Caisse réplique qu'elle n'était pas tenue à un devoir de mise en garde dès lors que les engagements n'étaient pas disproportionnés et que M. [P] est une caution avertie.

En tout état de cause, il vient d'être dit que les engagements de caution sont inopposables à M. [P], de sorte que, comme l'a relevé le premier juge, il ne démontre pas avoir subi un préjudice de perte de chance de ne pas contracter.

La demande de dommages-intérêts fondée sur le manquement au devoir de mise en garde sera donc rejetée.

- Sur le manquement de la Caisse tenant au remboursement anticipé de la somme de 100 000 euros :

M. [P] ajoute que la Caisse a libéré son père, M. [G] [P], de son engagement de caution deux mois avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Crépi Décor Maçonnerie, que cette libération est intervenue en contrepartie du versement de la somme de 100 000 euros, mais que cette somme provient de la société Oy Finances, ce qui n'était pas nécessaire et a mis la société Oy Finances en difficulté économique, précipitant son dépôt de bilan.

Il reproche alors à la Caisse d'avoir commis une double faute, lourde de conséquence pour lui, dans la mesure où elle s'est immiscée dans la gestion de la société OY Finances en demandant le remboursement du cautionnement de son père de 100 000 euros, et où elle est à l'origine de l'incapacité de la société OY Finances de faire face à ses engagements en la privant d'une somme de 100 000 euros et précipitant ainsi son dépôt de bilan.

La Caisse ne répond pas sur ce chef de demande.

Cependant, il appartient à M. [P] de démontrer l'existence d'une faute de la Caisse et du préjudice qu'il a subi en conséquence.

Il résulte des pièces produites que, selon avenant signé les 14 et 17 novembre 2016, il a été convenu entre la Caisse, M. [P] et la société Oy Finances que la garantie donnée par M. [G] [P], au titre du prêt de 400 000 euros souscrit par la société Oy Finances, est supprimée.

Ainsi, M. [P] a consenti, à la fois en sa propre qualité de caution et sa qualité de président de la société OY Finances, à la libération de l'engagement de caution de son père.

Il ne démontre pas l'existence d'une immixtion de la Caisse dans la gestion de la société OY Finances.

D'autre part, M. [P] justifie du versement par la société OY Finances d'une somme de 100 000 euros à la Caisse le 1er novembre 2016, ce qui a conduit au remboursement anticipé partiel du prêt qui lui avait été consenti.

Il ne produit aucun élément permettant de caractériser en quoi la privation de cette somme de 100 000 euros, qui a permis de réduire l'endettement de la société OY Finances, aurait conduit ladite société à ne pas pouvoir continuer à faire face à ses engagements et à précipiter son dépôt de bilan.

Dès lors, sa demande de dommages-intérêts sur ce second fondement sera rejetée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de 235 000 euros.

2.2. Sur la demande de dommages-intérêts de 20 000 euros fondée sur la saisie et les conséquences subies par M. [P] :

M. [P] présente, à hauteur d'appel, une demande, nouvelle, de dommages-intérêts de 20 000 euros.

Il expose avoir été contraint de vendre son seul bien, ayant perdu son travail suite à la mise en liquidation judiciaire des sociétés et n'ayant pas d'autre patrimoine pour répondre aux sollicitations de la Caisse.

Il soutient que, lors du remboursement du prêt, suite à la vente, il s'est trouvé 'en état de surendettement vis-à-vis de la Caisse d'Epargne', que celle-ci n'a pas hésité à saisir la totalité du prix de vente du logement et à se faire rembourser le solde de son prêt et à pratiquer une saisie conservatoire sur le solde du prix de vente, ce qui l'a placé en état de vulnérabilité extrême.

La Caisse oppose une fin de non-recevoir, fondée sur sa nouveauté et l'application de l'article 564 du code de procédure civile.

M. [P] ne réplique pas sur cette fin de non-recevoir.

Il convient cependant de rappeler qu'en application des articles 70 et 567 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel, à la condition de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l'espèce, cette condition de lien suffisant est réunie, dès lors que la demande reconventionnelle a trait aux conséquences de la saisie conservatoire pratiquée par la Caisse au titre de la créance qui fonde sa demande principale.

Elle est donc recevable.

En revanche, M. [P] ne justifie pas s'être trouvé dans la situation de vulnérabilité qu'il invoque, ne produisant aucun élément à cet égard. En outre, le seul fait d'avoir dû vendre la maison dans laquelle il habitait tout en remboursant le solde du prêt d'acquisition ne suffit pas à établir ce préjudice, pas plus que le fait que le solde du prix de vente ait fait l'objet d'une saisie conservatoire.

Sa demande de dommages-intérêts sera dès lors rejetée.

3. Sur les frais et dépens :

Succombant, la Caisse sera condamnée à supporter les dépens de première instance, le jugement étant confirmé de ce chef, et d'appel.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a statué sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

A hauteur d'appel, la demande de la Caisse formée de ce chef sera rejetée et elle sera condamnée à payer à M. [P] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 8 novembre 2019,

Y ajoutant,

Déclare recevable la demande de dommages-intérêts de 20 000 euros,

Rejette la demande de dommages-intérêts de 20 000 euros,

Condamne la Caisse d'Epargne Grand Est Europe aux dépens d'appel,

Rejette la demande de la Caisse d'Epargne Grand Est Europe au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Caisse d'Epargne Grand Est Europe à payer à M. [P] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 19/05226
Date de la décision : 27/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-27;19.05226 ?
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