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20/04/2022 | FRANCE | N°20/01140

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 20 avril 2022, 20/01140


MINUTE N° 205/22

























Copie exécutoire à



- Me Valérie SPIESER



- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI





Le 20.04.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 20 Avril 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/01140 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKC4


>Décision déférée à la Cour : 18 Octobre 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE



APPELANTS :



Madame [L] [Z] épouse [C]

96 avenue Roger Audoux 34410 SERIGNAN



Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide...

MINUTE N° 205/22

Copie exécutoire à

- Me Valérie SPIESER

- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

Le 20.04.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 20 Avril 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/01140 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKC4

Décision déférée à la Cour : 18 Octobre 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE

APPELANTS :

Madame [L] [Z] épouse [C]

96 avenue Roger Audoux 34410 SERIGNAN

Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020001525 du 26/05/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

Monsieur [F] [Z]

Résidence les Peaux Rouges - 7 rue des Vaisseaux - Bât A 34300 CAP D'AGDE

Représenté par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020001526 du 26/05/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

INTIMEE :

S.A. SACV BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE prise en la personne de son représentant légal

3 rue François de Curel 57021 METZ

Représentée par Me Thierry CAHN de la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'assignation délivrée le 16 mai 2019 par laquelle la SACV Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, ci-après également dénommée 'la Banque Populaire' ou 'la banque' a fait citer Mme [L] [C], née [Z], ci-après également 'Mme [C]', et M. [F] [Z] devant le tribunal de grande instance de Mulhouse,

Vu le jugement réputé contradictoire rendu le 18 octobre 2019, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal de grande instance de Mulhouse a :

- condamné M. [F] [Z] à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 21 116,63 euros avec intérêts légaux dans la limite de 23 337,50 euros avec intérêt à compter du 16 mai 2019,

- condamné Mme [L] [C] née [Z] à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 21 116,63 euros avec intérêts légaux dans la limite de 23 337,50 euros avec intérêts légaux à compter du 16 mai 2019,

- ordonné pour les deux créances la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- condamné les défendeurs, in solidum, aux dépens, ainsi qu'à verser à la banque un montant de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu la déclaration d'appel formée par Mme [L] [C], née [Z] et M. [F] [Z] contre ce jugement, et déposée le 13 mars 2020,

Vu la constitution d'intimée de la SACV Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne en date du 31 mars 2020,

Vu les dernières conclusions en date du 10 février 2021, auquel est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, le tout transmis par voie électronique le 11 février 2021, et par lesquelles Mme [L] [C], née [Z] et M. [F] [Z] demandent à la cour de :

'DECLARER les concluants recevables et fondés en leur appel.

Y FAISANT DROIT

INFIRMER le jugement entrepris et statuant à nouveau.

En conséquence,

DEBOUTER la Banque Populaire de l'intégralité de ses fins et conclusions.

ENJOINDRE à la Banque Populaire de verser aux débats les sommes payées au titre des garanties annexes notamment la garantie BPI FRANCE et au titre du nantissement du fonds de commerce.

RESERVER à la concluante le droit de conclure après production de ces justificatifs.

En tout état de cause,

DIRE que les engagements de caution des concluants étaient manifestement disproportionnés.

En conséquence,

DIRE que les concluants sont libérés de tout engagement et toute obligation au titre des engagements de caution revendiqués.

A titre subsidiaire,

CONSTATER que la Banque Populaire a engagé sa responsabilité à l'égard des concluants en ne les mettant pas en garde et en violation de son obligation de conseil et d'information.

En conséquence,

CONDAMNER la Banque Populaire à payer aux concluants des dommages et intérêts d'un montant équivalent à ceux-ci objet de la condamnation par la décision entreprise et ORDONNER la compensation des créances réciproques.

A titre encore plus subsidiaire,

OCTROYER aux concluants les plus larges délais de paiement.

CONDAMNER la Banque Populaire aux entiers dépens des deux instances ainsi qu'à payer la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du CPC.'

et ce, en invoquant, notamment :

- l'absence d'indication quant à la mise en 'uvre des garanties souscrites parallèlement à leur engagement de caution et quant aux montants versés à ce titre,

- une disproportion manifeste, tant lors de la signature de l'acte qu'ultérieurement, entre l'engagement et leurs revenus mensuels

- à titre plus subsidiaire, l'absence de respect par la banque de son obligation d'information, de conseil et de mise en garde en présence de cautions inexpérimentées, qui ne se seraient pas engagées compte tenu de leur situation financière si elles avaient disposé d'informations complémentaires, et d'une activité nouvelle,

- à titre infiniment subsidiaire, les plus larges délais de paiement au regard de leur situation financière respective.

Vu les dernières conclusions en date du 28 juin 2021, auquel est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SACV Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne demande à la cour de :

'REJETER l'appel

CONFIRMER la décision entreprise en toutes dispositions

CONDAMNER in solidum Monsieur [F] [Z] et Madame [L] [C] née [Z] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'au versement d'un montant de 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.'

et ce, en invoquant, notamment, l'absence de disproportion manifeste au sens de la jurisprudence compte tenu du montant raisonnable d'engagement par chacune des deux cautions.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 1er septembre 2021,

Vu les débats à l'audience du 22 septembre 2021,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur l'absence d'information alléguée par Mme [C] et M. [Z] relative à la mise en 'uvre du nantissement et de la garantie BPI France :

Les appelants, qui entendent indiquer que la Banque Populaire a, parallèlement aux engagements de caution qu'ils ont souscrits, sollicité des garanties supplémentaires dont un nantissement du fonds de commerce et une garantie BPI France, font valoir qu'aucune information ne leur a été fournie concernant la mise en 'uvre effective de ces garanties et des montants versés à ce titre. Ils concluent, en conséquence, au rejet de la demande de la banque, ou à tout le moins à ce qu'injonction lui soit faite de fournir les justificatifs relatifs à la mise en 'uvre de ces garanties, sous réserve de conclure ultérieurement plus amplement sur ce point, ajoutant qu'à défaut de mise en 'uvre de ces garanties, la responsabilité de la banque était nécessairement engagée.

Pour sa part, la banque rappelle que la débitrice principale a été placée en liquidation judiciaire et qu'elle a déclaré sa créance à la procédure, et entend préciser qu'il est prévu que BPI France n'intervienne qu'en dernier recours après épuisement du recouvrement à l'encontre des cautions au seul profit de la Banque et ce dans la limite de 46 675 euros soit 50 % de l'encours de crédit.

Sur ce, la cour rappelle que la SARL Casa Di [Z], dont M. [Z] et Mme [C] étaient les responsables légaux, a souscrit, en date du 22 novembre 2017, un contrat de crédit destiné au financement de travaux d'aménagement, ainsi que des frais de constitution et de formation de la société, immatriculée en date du 4 août 2017. Le prêt, d'un montant de 93 350 euros, remboursable en 84 mensualités, est garanti :

- par les engagements de caution personnelle et solidaire respectifs de M. [Z] et Mme [C], chacun dans la limite de 23 337,50 euros, correspondant à 25 % de l'encours de crédit,

- par le nantissement du fonds de commerce en rang 1 à hauteur de 93 350 euros, l'acte de prêt précisant qu'il porte sur un fonds de commerce de restauration en cours de création situé 13 rue de Bâle à Dannemarie sur une surface de 62,94 m², exploité par la SARL Casa Di [Z],

- par un prêt équipement Convention BPI France : 93 350 euros sur 84 mois garanti à hauteur de 93 350 euros sur une durée de 84 mois.

Ceci rappelé, il convient, tout d'abord, d'indiquer que si la banque dispose, effectivement, d'un nantissement sur le fonds de commerce, celui-ci est exploité par la société cautionnée, qui s'est trouvée placée en liquidation judiciaire, la banque justifiant de sa déclaration de créance dans le cadre de cette procédure, de nature à lui permettre, le cas échéant, la mise en 'uvre de cette garantie sans faire obstacle à l'obtention d'un titre exécutoire envers les cautions, lesquelles, au demeurant, ne démontre pas, comme cela leur appartient, que la banque aurait commis une faute dans la mise en 'uvre de sa garantie, de nature à leur préjudicier.

Par ailleurs, si la banque ne produit pas la convention la liant à BPI France, elle verse aux débats le courrier de l'organisme rappelant que la garantie est acquise sous réserve du respect des termes de la convention signée avec la Banque Populaire, au titre de laquelle l'intimée affirme, sans être démentie, le caractère subsidiaire de l'intervention de cette garantie.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de débouter la banque de sa demande à ce titre, pas davantage qu'à faire droit aux demandes des appelants en injonction et en réserve de leur droit de conclure.

Sur le caractère manifestement disproportionné des engagements de caution de Mme [C] et M. [Z] :

Aux termes de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

En l'espèce, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, chacune des cautions a été engagée à hauteur de 23 337,50 euros.

Or, à la date de leur engagement de caution, il ressort de la fiche patrimoniale renseignée par Mme [C] en date du 16 août 2017, que celle-ci, mariée à M. [R] [C] sous le régime de la communauté, et dont le conjoint était en recherche d'emploi, exerçait la fonction de gérante non salariée de la SARL cautionnée, aucune charge ni aucun patrimoine ne figurant dans la fiche. Est joint à la fiche l'avis d'imposition au titre des revenus de 2016 établi au nom de Mme [C] seule et indiquant un revenu imposable annuel de 13 141 euros.

Quant à M. [Z], il indiquait dans sa fiche de renseignements, également en date du 16 août 2017, être célibataire et logé par ses parents, exercer la fonction de co-gérant et la profession de cuisinier pour le compte de la société cautionnée, la fiche ne faisant état d'aucun patrimoine, ni, par ailleurs, d'aucune charge, l'avis d'imposition joint à la fiche mentionnant un revenu net imposable annuel pour 2016 de 15 357 euros.

Au vu de ces éléments, il apparaît suffisamment établi, s'agissant aussi bien de Mme [C] que de M. [Z], qu'au jour de sa conclusion, leur engagement respectif était manifestement disproportionné à leurs biens et revenus.

Quant à la situation des cautions au moment où elles ont été appelées, soit 16 mai 2019, date de l'assignation délivrée à l'encontre des consorts [C]-[Z], il ressort des 'rapports d'enquête' produits par la banque, et datés du 2 décembre 2019 que Mme [C] percevait 1 100 euros mensuels de Pôle emploi, avec un reliquat d'environ 190 jours de droit à l'ARE, outre 130 mensuels d'allocation familiale, 230 euros mensuels d'allocation de soutien familial, ainsi que 60 euros mensuels de prime d'activité, outre également 290 euros mensuels d'allocation logement, avec deux enfants à charge. Mme [C] produit, pour sa part, son avis d'imposition sur les revenus 2018, mentionnant un revenu annuel de 6 507 euros.

Et s'agissant de M. [Z], célibataire et sans enfant à charge, il est mentionné 1 240 euros d'ARE et 90 euros de prime d'activité par mois. Il est à noter que M. [Z] produit son avis d'imposition sur les revenus de 2018, qui fait mention de revenus annuels de 12 909 euros, étant rappelé qu'il exerçait au sein de la SARL qui a été placée en liquidation judiciaire le 31 mars 2019.

Il résulte de ce qui précède que la banque ne démontre pas, qu'au jour où elle a appelé les cautions, leur patrimoine respectif leur permettait de faire face, chacun, à leur obligation.

En conséquence, la banque ne peut se prévaloir de l'engagement de caution tant de Mme [C] que de M. [Z], et sa demande en paiement sera rejetée, en infirmation du jugement entrepris.

Le surplus des demandes, formées à titre subsidiaire, notamment la demande de délais de paiement, se trouvent, de ce fait, sans objet.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La banque succombant pour l'essentiel sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, ainsi que de ceux de la première instance, en infirmation du jugement déféré.

L'équité commande en outre de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de l'une ou l'autre des parties, le jugement entrepris devant être infirmé en ce qu'il a mis à la charge des consorts [C]-[Z] une indemnité de 800 euros à ce titre.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Mulhouse,

Et statuant à nouveau :

Déclare le cautionnement souscrit par M. [F] [Z] en faveur de la SACV Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne en garantie du prêt consenti le 22 novembre 2017 à la SARL Casa Di [Z], inopposable à la caution,

Déclare le cautionnement souscrit par Mme [L] [C], née [Z] en faveur de la SACV Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne en garantie du prêt consenti le 22 novembre 2017 à la SARL Casa Di [Z], inopposable à la caution,

Déboute la SACV Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne de ses demandes en paiement à l'encontre de M. [F] [Z] et Mme [L] [C], née [Z],

Condamne la SACV Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions régissant l'aide juridictionnelle,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de la SACV Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne que de M. [F] [Z] et de Mme [L] [C], née [Z].

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/01140
Date de la décision : 20/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-20;20.01140 ?
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