BJ/NB
MINUTE No 19/448
NOTIFICATION :
Pôle emploi Alsace ( )
Clause exécutoire aux :
- avocats
- délégués syndicaux
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 28 Mars 2019
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A No RG 17/00096
No Portalis DBVW-V-B7B-GLJF
Décision déférée à la Cour : 15 Décembre 2016 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SCHILTIGHEIM
APPELANTE :
Madame N... C...
[...]
Représentée par Me Anne CROVISIER, avocat au barreau de COLMAR, substituée par Me Valérie REYNAUD, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE :
SARL SECURITAS ACCUEIL
prise en la personne de son représentant légal et en son établissement Espace Européen de l'Entreprise, [...]
No Siret : B 7 02 011 172
[...]
Représentée par Me André SCHNEIDER, avocat au barreau de STRASBOURG, substitué par Me Sylvie-Laure KATZ, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Février 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. JOBERT, Président de Chambre
M. LAURAIN, Conseiller
M. EL IDRISSI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Monsieur RODRIGUEZ
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par M. JOBERT, Président de Chambre,
- signé par M. JOBERT, Président de Chambre et Monsieur RODRIGUEZ, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par contrat en date du 8 janvier 2002, Madame N... C... a été embauchée par la SARL Sega, aux droits de laquelle vient la SARL Securitas France, en qualité de chef hôtesse.
Le 24 avril 2014, elle a été désignée en qualité de déléguée syndical.
Par acte introductif d'instance en date du 16 octobre 2015, elle a fait citer l'employeur devant le conseil de prud'hommes de Schiltigheim en vue d'obtenir le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts, sa condamnation à lui payer les indemnités de rupture, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour violation du statut protecteur, pour discrimination syndicale, pour manquement à l'obligation de sécurité, pour exécution déloyale du contrat de travail, des heures supplémentaires, un rappel au titre du maintien du salaire et l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Par jugement du 15 décembre 2016, le conseil de prud'hommes de Schiltigheim a débouté la salariée de tous ses chefs de demande.
Par déclaration du 6 janvier 2017, Madame N... C... a interjeté appel de ce jugement.
En cours de procédure d'appel, selon avis médical du 6 mars 2017, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste de travail mais l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de licenciement.
Aux termes d'écritures récapitulatives remises le 21 septembre 2017 au greffe de la cour, l'appelante conclut à l'infirmation du jugement entrepris.
Elle demande à la cour de dire et juger que l'accord d'aménagement du temps de travail du 30 novembre 1999 lui est inopposable, de condamner l'employeur à lui payer les sommes de 5224,38 € à titre d'heures supplémentaires et 522,43 € au titre des congés payés afférents, de condamner l'employeur à justifier sous astreinte définitive des éléments variables de paie, à titre subsidiaire, de condamner l'employeur à lui payer la somme de 10 000 € au titre de la rémunération variable.
L'appelante demande en outre à la cour d'annuler la mise à pied disciplinaire qui lui a été notifiée le 21 janvier 2015 et de condamner l'employeur à lui payer la somme de 1761 € à titre de dommages et intérêts.
D'autre part, elle sollicite de la cour la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes de 10 568 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et 50 000 € pour exécution déloyale du contrat de travail.
Par ailleurs, elle demande à la cour de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, de condamner l'employeur à lui payer les sommes de 42 272,16 € à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur, 3522,68 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 352,26 € au titre des congés payés afférents, 5284,02 € au titre de l'indemnité de licenciement et 63 408 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec réserve de ses droits pour l'avenir en raison de la procédure d'inaptitude engagée.
Pour finir, elle sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 7500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de son recours, elle fait valoir en substance que :
- l'employeur a entravé l'exercice de ses mandats, commettant une discrimination syndicale,
- il s'est en outre livré à des agissements de harcèlement moral à son encontre,
- il a manqué à son obligation de sécurité à son égard,
- elle a droit au paiement d'heures supplémentaires, étant précisé que l'accord d'annualisation du temps de travail du 30 novembre 1999 est illégal en ce que l'activité de l'entreprise n'est pas saisonnière, de plus, l'employeur n'a jamais fourni de programme indicatif de répartition du temps de travail sur l'année, cet accord lui est inopposable,
- il y a eu travail dissimulé de la part de l'employeur,
- elle a droit au maintien de son salaire pendant ses arrêts maladie,
- la mise à pied disciplinaire qui lui a été infligée le 21 janvier 2015 est diffamatoire et contestée,
- les manquements de l'employeur à ses obligations justifient la résiliation du contrat de travail à ses torts.
Selon des écritures récapitulatives remises le 19 décembre 2017 au greffe de la cour, la SARL SECURITAS ACCUEIL conclut à la confirmation du jugement entrepris ;
Elle sollicite en outre la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 7500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, elle expose en substance que :
- la demande en paiement d'un rappel de salaire antérieure au 20 juin 2009, est prescrite,
- l'accord d'annualisation du temps de travail est légal, l'obligation de déterminer un programme indicatif de travail a été supprimée par la loi du 8 août 2016,
- la salariée n'a pas accompli d'heures supplémentaires,
- elle a exécuté ses obligations quant au maintien du salaire pendant la maladie de la salariée et elle a repris le paiement du salaire un mois après la déclaration d'inaptitude de la salariée,
- la sanction disciplinaire du 21 janvier 2015 était justifiée, la salariée lui ayant fait croire qu'elle se rendrait le 7 novembre 2014 à Paris pour son mandat mais en réalité, elle ne s'est pas rendue à Paris ce jour-là,
- elle conteste et la discrimination syndicale et tout harcèlement moral à l'encontre de la salariée,
- la salariée n'apporte pas la preuve de manquements graves de sa part rendant impossible la poursuite du contrat de travail.
MOTIFS
1- sur la demande en paiement d'heures supplémentaires et de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
Attendu que la salariée soutient que l'accord d'aménagement du temps de travail conclu le 30 novembre 1999 au sein de l'entreprise lui serait inopposable au motif qu'avant l'année 2000, l'annualisation du temps de travail aurait été subordonnée à l'existence d'une activité saisonnière, d'une part, et qu'il ne prévoyait pas un programme indicatif sur l'année de la répartition de la durée du travail, d'autre part ;
Attendu toutefois qu'avant l'année 2000, l'article L.212-2-1 du code de travail ne subordonnait pas la mise en place d'une annualisation du temps de travail à l'existence d'une activité par nature saisonnière ;
Attendu qu'il prévoyait seulement que cette nature saisonnière devait être prise en compte dans les accords d'annualisation du temps de travail ;
Attendu en revanche que pour être valable, un tel accord devait comporter notamment un programme indicatif de la répartition de la durée du travail ;
Attendu en l'espèce que l'accord susvisé disposait que : "dans le cadre de ce mode d'organisation du travail, la réduction du temps de travail peut être répartie de façon égale ou non sur les jours de la semaine en fonction des contraintes liées au client" et ajoutait que : "il est expressément convenu que l'horaire de travail pourra varier sur tout ou partie de la période" mais sans prévoir de modalités de programmation de la répartition de la durée du travail ;
Attendu que la circonstance que l'exigence d'un programme indicatif de la répartition du temps de travail ait pu être écartée par la loi du 8 août 2016 est sans emport, l'accord du 30 novembre 1999 devant être conforme aux dispositions légales en vigueur lors de sa conclusion ;
Attendu qu'il s'ensuit que l'employeur ne peut opposer cet accord d'annualisation du temps de travail à la salariée qui est en droit de réclamer le paiement d'heures supplémentaires selon le droit commun, c'est à dire sur une base hebdomadaire, toute heure accomplie au-delà de 35 heures par semaine étant une heure supplémentaire, étant précisé que l'irrégularité affectant l'accord susvisé ne suffit pas à établir, à elle seule, l'accomplissement d'heures supplémentaires ;
Attendu que s'il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant les siens ;
Attendu que la salariée produit un décompte d'heures supplémentaires couvrant la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2013 faisant ressortir 604 heures supplémentaires ;
Attendu que ce décompte fait ressortir le nombre d'heures de travail accomplies chaque semaine, ce qui est suffisamment précis pour que l'employeur puisse y répondre en fournissant les siens de sorte que la salariée étaye sa demande en paiement d'heures supplémentaires ;
Attendu que dès lors que la salariée étaye sa demande en paiement d'heures supplémentaires, l'employeur doit fournir à la cour les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par ce dernier, tels des fiches de pointage, des relevés d'heures, etc, étant précisé que l'article L.3171-1 du code du travail lui impose d'afficher les horaires de travail, que l'article L.3171-2 prévoit que lorsque les salariés ne travaillent pas selon le même horaire collectif, il est tenu d'établir les documents nécessaires au décompte de la durée du travail et qu'enfin, dans tous les cas, il doit pouvoir produire les justificatifs énoncés aux articles D.3171-1 à D.3171-17 du code du travail ;
Attendu que l'employeur n'a fourni aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée si bien que le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires ;
Attendu que, statuant à nouveau sur ce point, il convient tout d'abord de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par l'employeur ;
Attendu que sous l'empire de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008, l'action en paiement des salaires et accessoires au salaires se prescrivait par cinq ans à compter du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, c'est à dire en l'espèce, à la date d'exigibilité des salaires ;
Attendu que la loi no 2013-504 du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 17 juin 2013, a réduit ce délai de prescription à trois ans ;
Attendu ainsi qu'en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 21-V de cette loi, pour les heures supplémentaires nées antérieurement au 17 juin 2013, un nouveau délai de prescription de trois ans a couru à compter de cette date sans qu'il puisse excéder la durée de l'ancienne prescription, soit cinq ans ;
Attendu que l'action en prescription des heures supplémentaires des mois de janvier à juin 2009 est née à compter du terme de chaque mois qui les rendait exigible ;
Attendu que le 17 juin 2013, un nouveau délai de prescription de trois ans s'est substitué à la prescription quinquennale sans pouvoir excéder la durée de cette dernière, c'est-à-dire de janvier à juin 2014, selon les dates d'exigibilité des heures supplémentaires ;
Attendu que le cours de la prescription a été interrompu par la saisine du conseil de prud'hommes de Schiltigheim par la salariée le 14 juin 2014 ;
Attendu en conséquence que la demande en paiement d'heures supplémentaires pour la période du 1er janvier 2009 au 13 juin 2009 est irrecevable pour prescription ;
Attendu qu'elle est recevable pour la période du 14 juin 2009 au 31 décembre 2013 ;
Attendu que l'employeur doit être condamné à payer la salariée les sommes de 4826,52 € brut à titre d'heures supplémentaires et 482,65 € au titre des congés payés afférents majorées des intérêts au taux légal à compter du jour du présent arrêt ;
Attendu que la salariée n'apporte pas la preuve de son allégation selon laquelle l'employeur aurait sciemment dissimulé l'accomplissement d'heures supplémentaires de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
2- sur le maintien du salaire pendant les arrêts maladie de la salariée
Attendu que la salariée sollicite à titre principal que l'employeur soit condamné à lui délivrer "les éléments variables de paie et montants justifiant des montants aléatoires versés depuis le mois de novembre 2014 au titre du maintien du salaire" ;
Attendu toutefois qu'elle ne démontre pas que l'employeur soit le seul détenteur des éléments lui permettant de déterminer et le principe et le quantum des sommes qui lui seraient dues au titre du maintien du salaire pendant ses arrêts maladie de sorte que cette demande doit être rejetée ;
Attendu que la demande formée à titre subsidiaire en paiement de la somme de 10 000 € n'est justifiée ni en son principe ni en son quantum ;
Attendu en conséquence que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande ;
3- sur la sanction disciplinaire du 21 janvier 2015
Attendu qu'il est constant que la salariée s'est vue infliger une mise à pied de deux jours le 21 janvier 2015 pour manquement à ses obligations contractuelles ;
Attendu que selon l'employeur, cette dernière ne se serait pas présentée à une réunion à laquelle elle devait assister en qualité de déléguée syndicale devant se tenir le 7 novembre 2014 ;
Attendu qu'en vertu de l'article L.1333-1 du code du travail, "en cas de litige, le conseil de prud'hommes [ou la cour] apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier la sanction" et à cette fin, l'employeur doit lui fournir "les éléments retenus pour prendre la sanction" ;
Attendu que l'alinéa 2 de cet article précise que : "au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes [ou la cour] forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié" ;
Attendu qu'il est constant que la salariée n'a pas assisté à cette réunion, alors que dans une lettre adressée à l'employeur elle fait état du déroulement de cette réunion en omettant de lui dire qu'elle n'y a pas assisté alors qu'il l'interrogeait à ce sujet ;
Attendu de plus que dans une lettre qu'elle lui a adressée le 14 janvier 2015, elle explique que le 7 novembre 2014, elle aurait raté le train Strasbourg-Paris de 11 H 42 en raison d'un bouchon sur le trajet, qu'elle serait parvenue à prendre celui de 14 H 16, qu'elle serait arrivée à Paris à environ 16 H 50, qu'étant en retard, elle se serait "laissé envahir par le stress"et qu'elle aurait rebroussé chemin pour rentrer ;
Attendu toutefois que les pièces versées aux débats par l'employeur remettent en cause cette version des faits :
Attendu ainsi que la salariée n'a pas manqué le train de 11 H 42 pour prendre celui de 14 H 16 en solution de rechange mais avait demandé à changer sa réservation le 5 novembre 2014, ce qu'elle avait obtenu le lendemain ;
Attendu que la prise du train de 14 H 16 n'était donc pas une solution improvisée dans l'urgence mais un choix opéré deux jours avant le voyage ;
Attendu que les péripéties de son voyage relatées par la salariée dans sa lettre du 14 janvier 2015 sont indiscutablement remises en cause par ces éléments ;
Attendu par ailleurs que le 7 novembre 2014 en soirée, elle n'est pas rentrée mais a pris un train pour Nîmes ;
Attendu que la cour ne peut que relever que le 29 octobre 2014, Madame C... avait informé l'employeur qu'elle devait assister à une réunion de NAO le 7 novembre 2016, qu'elle ne s'y est pas rendue et lui a fourni des explications inexactes au sujet de son absence lorsque celui-ci l'a interpellée sur son absence, ce qui était un comportement fautif ;
Attendu que la sanction était justifiée et proportionnée à la gravité du manquement constaté si bien que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en annulation de la mise à pied du 21 janvier 2015 ;
4- sur les manquements de l'employeur à ses obligations
A/ sur la discrimination syndicale
Attendu qu'aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, "aucune personne (...) ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de (...) rémunération, (...), classification, promotion professionnelle (...), en raison (...) de ...ses activités syndicales ou mutualistes...";
Attendu que l'article L.1134-1 dispose qu'en cas de survenance d'un litige au sujet d'une discrimination invoquée par un salarié, celui-ci doit seulement présenter "des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte...", l'employeur devant, au vu de ces éléments, "prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination..." ;
Attendu en l'espèce que la salariée allègue que l'employeur aurait refusé sans justification de procéder à sa démodulation dans le cadre de sa politique de démodulation progressive des salariés, que l'employeur lui a demandé d'anticiper sur ses heures de délégation, l'aurait discréditée en diffusant auprès du personnel ses heures de délégation mensuelle et en lui reprochant de désorganiser le service par ses heures de délégation ;
Attendu qu'elle présente une lettre qu'elle a adressée le 2 juillet 2013 à l'employeur dans lequel elle demande à bénéficier de la démodulation, la lettre en réponse du 8 août 2013 dans laquelle il lui est expliqué qu'elle bénéficierait de la démodulation "à une date ultérieure, dans l'intérêt de notre exploitation", un courriel du 19 mars 2013 émanant de son supérieur hiérarchique lui demandant de "l'anticipation" dans la prise de ses heures de délégation, un courriel du 20 septembre 2012 déplorant un non respect des délais de convocation à une réunion du comité d'entreprise, un courriel du 20 octobre 2012 émanant du délégué syndical et secrétaire général du syndicat F.O. de l'entreprise se plaignant du comportement d'une salariée à l'égard d'hôtesses employées par l'entreprise ;
Attendu que la salariée ne présente aucun élément ayant trait à la publicité de ses heures de délégation dans l'entreprise et à la stigmatisation de son activité syndicale dans l'entreprise ;
Attendu que parmi les éléments qu'elle produits, ceux ayant trait à la démodulation du temps de travail à l'anticipation de la prise des heures de délégation et au non respect des délais de convocation à une réunion du comité d'entreprise font présumer une discrimination indirecte à raison de son activité syndicale ;
Attendu que le comportement d'une salariée à l'égard d'hôtesses n'est pas un indice de discrimination syndicale dans la mesure où le délégué syndical F.O. n'allègue pas que ces hôtesses qui auraient été maltraitées, étaient syndiquées ;
Attendu qu'il incombe donc à l'employeur de renverser la présomption de discrimination qui pèse sur lui ;
Attendu à cet égard qu'il n'est pas contesté que les partenaires sociaux au sein de l'entreprise avaient décidé de procéder à une démodulation progressive des salariés afin d'éviter une désorganisation de l'entreprise et qu'au jour de la demande de la salariée, 18 autres de ses collègues étaient dans une situation identique à la sienne au sein de l'établissement de Strasbourg ;
Attendu, d'autre part, que l'employeur a demandé à la salariée de prévenir à l'avance de ses heures de délégation, non pour l'empêcher de les prendre mais pour pouvoir planifier ses remplacements et faciliter la tache des salariées chargées de la suppléer ;
Attendu enfin que l'employeur a expliqué dans une lettre circonstanciée adressée le 27 mars 2014 à l'inspecteur du travail, qui l'avait interrogé à ce sujet, qu'il avait respecté ses obligations en matière de convocation des délégués du personnel aux réunions mensuelles, lettre qui a satisfait son interlocuteur ;
Attendu ainsi que l'employeur justifie que ses agissements répondaient à des raisons objectives étrangères à toute discrimination directe ou indirecte ;
Attendu que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour discrimination ;
B/ sur le harcèlement moral
Attendu qu'aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Attendu qu'en vertu de l'article 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage, ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ;
Attendu qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu qu'il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu en l'espèce que la salariée allègue une rétrogradation de fait, le fait qu'elle aurait été omise des destinataires du planning par Madame S..., qu'elle aurait été la victime de manoeuvres d'intimidation et d'accusations totalement déplacées et qu'enfin, une sanction disciplinaire injustifiée lui aurait été infligée ;
- sur la rétrogradation de fait :
Attendu que la salariée produit deux organigrammes qui font ressortir dans l'un qu'elle était chef hôtesse dépendant directement du directeur d'agence tandis que dans le second, son supérieur hiérarchique n'est plus le directeur d'agence mais la coordinatrice de site ;
Attendu cependant que force est de constater que dans les deux organigrammes, elle conserve ses fonctions de chef hôtesse et le seul changement de supérieur hiérarchique est insuffisant pour établir une rétrogradation ;
- sur le fait qu'elle aurait été quasi systématiquement omise des destinataires du planning par Madame S... :
Attendu qu'il résulte des échanges de courriels entre Madame S... et la salariée et il est reconnu par l'employeur que cette dernière n'a pas été personnellement informée de ses plannings à 5 reprises en 2 ans de sorte qu' il n'est pas établi que Madame S... ait "quasi systématiquement" omis d'informer la salariée de ses plannings, seuls quelques incidents ponctuels étant prouvés;
- sur les manoeuvres d'intimidation et d'accusations infondées dont elle aurait été la victime:
Attendu que les échanges de courriels et de lettres entre l'employeur et la salariée ne mettent pas en évidence de tels agissements de l'employeur mais l'exercice normal de son pouvoir de direction qui l'autorisait à contrôler ses activités professionnelles, de lui demander de rendre compte et de lui rappeler certaines règles concernant notamment l'information de l'employeur sur ses absences pour maladie ;
- sur la sanction disciplinaire du 21 janvier 2015 :
Attendu que cette sanction disciplinaire était justifiée comme il l'a été jugé ci-dessus ;
Attendu qu'au vu de ce qui précède, force est de constater que la salariée n'établit pas des faits qui, pris ensemble, auraient fait présumer un harcèlement moral à son encontre ;
Attendu en conséquence que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
C/ sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité
Attendu que par application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ;
Attendu qu'elle verse aux débats un examen médical par le médecin du travail en date du 28 novembre 2012 qui l'a déclaré inapte temporairement à son emploi en constatant "une dépression réactionnelle à une situation conflictuelle au travail" ;
Attendu que l'existence d'une situation de danger pour la santé mentale de la salariée au travail est établie par cet examen médical, ce qui fait présumer un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
Attendu que l'employeur ne renverse pas cette présomption en apportant la preuve d'avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail ;
Attendu en conséquence que le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;
Attendu que, statuant à nouveau sur ce point, l'employeur doit être condamné à payer à la salariée la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts majorée des intérêts au taux légal à compter du jour du présent arrêt ;
D/ sur l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur
Attendu qu'outre le non respect du maintien du salaire, la discrimination salariale, le harcèlement moral, ce qui a été écarté, la salariée argue le refus de reconnaître le caractère inopposable de l'accord de réduction du temps de travail et le refus d'appliquer la démodulation du temps de travail ;
Attendu que l'application d'un accord d'annualisation du temps de travail illégal, le défaut de retour immédiat au droit commun en matière de décompte des heures de travail et le défaut de paiement d'heures supplémentaires révèlent un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles ;
Attendu toutefois que la salariée n'apporte pas la preuve du préjudice qu'elle aurait subi de ce fait ;
Attendu qu'il convient de remarquer à cet égard qu'il ressort des pièces versées aux débats qu'elle avait milité contre la démodulation du temps de travail ;
Attendu en outre que la condamnation de l'employeur au paiement de dommages et intérêts compensatoires en sus des intérêts moratoires attachés à la condamnation au paiement d'heures supplémentaires, supposerait la preuve cumulative de sa mauvaise foi et d'un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts de retard, ce qui n'est pas établi ;
Attendu dès lors que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande ;
5- sur la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail
Attendu qu'au vu de ce qui précède, sont établis les manquement suivants aux obligations de l'employeur : application d'un accord d'annualisation du temps de travail illégal avec une sortie progressive qui ne l'était pas plus, le défaut de paiement d'heures supplémentaires et un manquement à l'obligation de sécurité ;
Attendu cependant que la salariée n'apporte pas la preuve que ces manquements rendaient impossible la poursuite du contrat de travail ;
Attendu en effet que le contrat de travail s'est poursuivi sans incident pendant deux années après la révélation de ces manquements ;
Attendu dès lors que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il débouté la salariée de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et des demandes qui en sont la conséquence ;
6- sur les demandes accessoires
Attendu que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit qu'elles garderaient à leur charge les dépens exposés en première instance ;
Attendu qu'à hauteur d'appel, il est équitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles y ont exposés si bien qu'elles doivent être déboutées de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que chacune d'entre elles gardera à sa charge les dépens exposés en appel ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Madame N... C... de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Statuant à nouveau dans cette limite,
- DECLARE irrecevable la demande en paiement d'heures supplémentaires pour la période du 1er janvier 2009 au 13 juin 2009,
- CONDAMNE la SARL Securitas France à payer à Madame N... C... les sommes de 4826,52 € (quatre mille huit cent vingt-six euros et cinquante-deux centimes) brut à titre d'heures supplémentaires et 482,65 € (quatre cent quatre-vingt-deux euros et soixante-cinq centimes) brut au titre des congés payés afférents majorées des intérêts au taux légal à compter du jour du présent arrêt,
- CONDAMNE la SARL Securitas France à payer à Madame N... C... la somme de 3000 € (trois mille euros) à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité majorée des intérêts au taux légal à compter du jour du présent arrêt.
Y ajoutant,
- DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile formées à hauteur d'appel.
- DIT qu'elles garderont à leur charge les dépens exposés en appel.
Le Greffier, Le Président,