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MINUTE No 643/2016
Copies exécutoires à
Maître SENGELEN-CHIODETTI
Maître HARNIST
Le 03 novembre 2016
Le GreffierRÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE COLMARDEUXIÈME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRÊT DU 03 novembre 2016
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 15/01603
Décision déférée à la Cour : jugement du 30 janvier 2015 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de MULHOUSE
APPELANTE et défenderesse :
La DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES - DIRECTION SPECIALISEE DE CONTROLE FISCAL ESTprise en la personne de son représentant légalayant son siège social Division 5 - Affaires Juridiques 35 avenue des Vosges67000 STRASBOURG
représentée par Maître SENGELEN-CHIODETTI, avocat à COLMAR
INTIMÉE et demanderesse :
La Société CG CAR-GARANTIE VERSICHERUNG-AKTIENGESELLSCHAFT prise en la personne de son représentant légalagissant par sa succursale en FRANCEayant son siège social 3 rue Paul Henri Spaak68390 SAUSHEIM
représentée par Maître HARNIST, avocat à COLMARplaidant : Maître STEIN, avocat à STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 22 septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :Monsieur Bernard POLLET, PrésidentMadame Isabelle DIEPENBROEK, ConseillerMonsieur Emmanuel ROBIN, Conseillerqui en ont délibéré.
Greffier ad hoc, lors des débats : Madame Valérie ALVARO
ARRÊT Contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Valérie ALVARO, greffier ad hoc, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Car Garantie Versicherung propose aux vendeurs professionnels de véhicules automobiles une assurance des risques de mise en jeu de la garantie commerciale étendue qu'ils offrent à leurs clients.
À l'issue d'une vérification de comptabilité pour les années 2009 et 2010, et soutenant que ces contrats sont soumis à la taxe spéciale sur les contrats d'assurance au taux de 18 %, et non de 9 %, l'administration fiscale a notifié le 30 juillet 2012 à la société Car Garantie Versicherung une proposition de rectification comprenant un rappel de taxe de 202 028 euros au titre de l'année 2009 et de 275 220 euros pour l'année 2010. Le 23 novembre 2012, elle a émis à son encontre un avis de recouvrement de la somme totale de 521 306 euros, en ce compris les intérêts de retard.
Suivant jugement en date du 30 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Mulhouse a dit que la décision de la direction générale des finances publiques ayant rejeté la réclamation de la société Car Garantie Versicherung n'était pas fondée, a dit que les contrats d'assurance conclus par la société Car Garantie Versicherung avec des revendeurs de véhicules automobiles pour les garantir contre le risque de la mise en jeu de la garantie commerciale étendue accordée à leurs clients relèvent de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance selon le tarif de 9 % fixé par l'article 1001 6o du code général des impôts, a dit que les droits et pénalités réclamés par l'administration fiscale au titre des années 2009 et 2010 ne sont pas dus, et a accordé la restitution à la société Car Garantie Versicherung de la somme de 521 306 euros outre intérêts.
Le 26 mars 2015, la Direction générale des finances publiques a interjeté appel de cette décision.
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Par conclusions du 27 janvier 2016, la direction générale des finances publiques fait valoir que le taux de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance est fixé à 18 % lorsqu'il s'agit d'une assurance contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur et à 9 % pour les autres assurances. En l'espèce, les premiers juges auraient jugé à tort que les contrats d'assurance proposés par société Car Garantie Versicherung portent sur un risque de perte financière pour le vendeur ayant accordé une extension de garantie et non sur un risque lié aux véhicules terrestres à moteur vendus eux-mêmes.
En réalité, et quel que soit le schéma de relations contractuelles mis en place, on aurait affaire à un ensemble contractuel unique dans lequel l'acheteur, bénéficiaire de la garantie complémentaire proposée par le vendeur, s'engage à signaler le dommage au siège de l'assureur avant le début des réparations, puis à envoyer la facture détaillée des travaux effectués, dans un délai d'un mois à compter de l'émission de cette facture. Ainsi, l'action directe de l'acquéreur contre l'assureur serait la règle, l'acquéreur supporterait le coût de l'assurance, par un paiement obligatoire en contrepartie de l'accord de garantie, et il importerait peu que le prix payé au vendeur soit soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6 % ; l'assurance litigieuse, dite assurance panne mécanique, serait en réalité une assurance de choses portant sur les dommages causés aux véhicules eux-mêmes. La nature des risques couverts serait toujours afférente à un véhicule terrestre à moteur.
La Direction générale des finances publiques demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire que les droits d'un montant de 521 306 euros sont dus, et de condamner la société Car Garantie Versicherung au paiement d'une indemnité de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
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Par conclusions du 24 mars 2016, la société Car Garantie Versicherung sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la direction générale des finances publiques à lui payer une indemnité de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Car Garantie Versicherung expose qu'il existe un contrat cadre entre le constructeur et elle-même, un contrat d'assurance entre elle-même et le revendeur et un contrat de garantie entre le revendeur et l'acquéreur de véhicule. Le vendeur d'automobile serait l'assuré et le risque celui de la mise en jeu de la garantie accordée à l'acquéreur. La dénomination d'assurance de chose, catégorie incluant toutes les assurances autres que celles de la personne, serait indifférente. Selon que l'acquéreur choisirait une garantie consentie par son vendeur ou préférerait opter pour un contrat d'assurance, le mécanisme applicable différerait, tant sur le plan économique que juridique. En particulier, lorsque l'assuré est le vendeur d'un véhicule tenu d'effectuer certaines prestations en cas de panne, le risque ne serait pas de ceux visés par l'article 1001 5o du code général des impôts. L'administration fiscale nierait l'existence d'une garantie contractuelle consentie par le vendeur en qualifiant l'opération d'assurance de groupe, alors même que l'existence d'une action directe de l'acquéreur contre l'assureur ne permet pas de démontrer un lien contractuel entre eux, au contraire, mais seulement la connexité de deux liens distincts.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 8 juin 2016.
MOTIFS
Sur le fond
Attendu que, selon l'article 1001 5obis du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur, le tarif de la taxe spéciale sur les contrats d'assurances est fixé à 18 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur, alors que, conformément au 6o dudit article, ce tarif est fixé à 9 % pour les contrats d'assurance autres que ceux énumérés aux numéros précédents ;
Attendu en l'espèce qu'aux termes de l'article 1 des conditions générales de l'assurance garantie des véhicules à moteur proposée par la société Car Garantie Versicherung, « l'assurance porte sur la garantie donnée à l'acheteur lors de la vente d'un véhicule par l'assuré » ;
Attendu que, selon l'article 2 de ces mêmes conditions générales, « l'indemnisation par l'assureur intervient quand et dans la mesure où le souscripteur de l'assurance en sa qualité de vendeur/garant doit fournir une prestation en vertu de la garantie accordée », qu'« une telle demande est accordée quand une pièce sous garantie perd ses fonctions au cours du temps de garantie et qu'une réparation devient nécessaire », et que « le refus d'une indemnité de garantie non fondée est aussi assuré » ;
Attendu que l'article 3 exclut notamment de la garantie, « sans considération des causes qui sont à leur origine », les dommages résultants d'un événement extérieur au véhicule, tels que les accidents, les actes délibérés ou malveillants, les intempéries, les faits de guerre ou les émeutes, l'incendie ou l'explosion ; qu'il exclut également l'indemnisation des dommages collatéraux directs ou indirects, tels que les frais de dépannage, d'hébergement, de transport, de véhicule de remplacement, et également la privation d'usage ;
Attendu que ces dispositions sont expressément reprises dans les conditions de garantie Comfortech remises par le vendeur à l'acquéreur lors de la souscription du contrat de garantie ;
Attendu que l'assurance litigieuse n'avait donc pas d'autre objet que l'exécution de réparations rendues nécessaires par un vice interne du véhicule vendu, dans les limites de la garantie contractuelle consentie par le vendeur ;
Attendu en outre que si, conformément à l'article 6 3. de ces conditions de garantie, « l'acheteur/preneur de garantie est autorisé, directement en son nom, à faire valoir tous les droits tenus de la garantie assurée envers la [société Car Garantie Versicherung] », et « s'engage à réclamer ses prétentions toujours d'abord auprès de [celle-ci] », toutefois, selon le 4. de ce même article, cette société « indemnise si, et dans la mesure où l'assuré, en qualité de vendeur/donneur de garantie, est tenu de fournir une prestation en raison de la garantie délivrée » ;
Attendu qu'il en résulte que l'acquéreur du véhicule conserve toujours son droit d'agir contre son vendeur au titre de la garantie contractuelle, même s'il doit en priorité s'adresser à l'assureur de celui-ci ; qu'en particulier, en cas de sinistre il conserve la possibilité de faire effectuer les travaux de réparation chez le vendeur du véhicule, à charge pour ce vendeur de contacter lui-même l'assureur ; que cette faculté est expressément rappelée à l'acquéreur dans la notice qui lui est remise, et qui lui conseille au demeurant de faire effectuer les réparations par la personne qui lui a délivré sa garantie, laquelle règle alors toutes les formalités et fait valoir ses droits auprès de son assureur ;
Attendu que l'assurance litigieuse, qui ne se substitue pas à la garantie consentie par le vendeur du véhicule mais a pour seule fin d'en assurer l'exécution, n'a donc pas pour objet de garantir l'acquéreur contre un risque relatif au véhicule lui-même, mais, d'une part, à l'égard de l'acquéreur, de garantir l'exécution de l'obligation contractée par le vendeur, notamment lorsque le véhicule nécessitant des réparations se trouve en un lieu éloigné, et, d'autre part, à l'égard du vendeur, de garantir celui-ci contre les risques financiers liés à l'exécution de l'obligation contractée à l'égard de l'acquéreur ;
Attendu que ni l'existence d'une action directe de l'acquéreur du véhicule contre l'assureur, ni la circonstance que l'acquéreur supporte le coût de l'assurance souscrite par son vendeur, n'ont pour effet de modifier la nature du risque garanti ;
Attendu qu'il ne s'agit donc pas d'une assurance contre un risque relatif aux véhicules terrestres à moteur, et qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris ;
Sur les dépens et autres frais de procédure
Attendu que la direction générale des finances publiques, qui succombe, a été condamnée à bon droit aux dépens de première instance et sera condamnée aux dépens d'appel ;
Attendu que, selon l'article 700 1o de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ;
Attendu que les circonstances de l'espèce justifient de dire n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais exclus des dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement déféré ;
DIT n'y avoir lieu à indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la direction générale des finances publiques aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE