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22/09/2016 | FRANCE | N°14/05025

France | France, Cour d'appel de Colmar, 22 septembre 2016, 14/05025


BP MINUTE No 523/ 2016

Copies exécutoires à

Maîtres ROSENBLIEH,
WELSCHINGER & WIESEL

Maître HARNIST

Maîtres CHEVALLIER-GASCHY,
RICHARD-FRICK
& HEICHELBECH

Maîtres WETZEL & FRICK

Le 22 septembre 2016

Le Greffier
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRÊT DU 22 septembre 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 14/ 05025

Décision déférée à la Cour : jugement du 22 septembre 2014 du TRIBU

NAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANT et intervenant :

Le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS
pri...

BP MINUTE No 523/ 2016

Copies exécutoires à

Maîtres ROSENBLIEH,
WELSCHINGER & WIESEL

Maître HARNIST

Maîtres CHEVALLIER-GASCHY,
RICHARD-FRICK
& HEICHELBECH

Maîtres WETZEL & FRICK

Le 22 septembre 2016

Le Greffier
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRÊT DU 22 septembre 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 14/ 05025

Décision déférée à la Cour : jugement du 22 septembre 2014 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANT et intervenant :

Le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS
pris en la personne de son représentant légal
ayant son siège social 64 rue Defrance
94682 VINCENNES CEDEX

représenté par Maîtres ROSENBLIEH, WELSCHINGER & WIESEL, avocats à COLMAR

INTIMÉS :

- demanderesse :

1- La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU
BAS-RHIN
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social 16 rue de Lausanne
67000 STRASBOURG

représentée par Maître HARNIST, avocat à COLMAR

-défenderesse :

2- La S. A. GAZ DE STRASBOURG
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social 14 Place des Halles
67000 STRASBOURG

représentée par Maîtres CHEVALLIER-GASCHY, RICHARD-FRICK & HEICHELBECH, avocats à COLMAR
plaidant : Maître BACH, avocat à STRASBOURG

-intervenantes :

3- La S. A. ALLIANZ ASSURANCES
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social 2-4 avenue du Général de Gaulle
94220 CHARENTON LE PONT

représentée par Maîtres WETZEL & FRICK, avocats à COLMAR
plaidant : Maître KOWALIK, avocat à STRASBOURG

4- La S. A. AXA FRANCE IARD
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social 313 Terrasses de l'Arche
92727 NANTERRE CEDEX

représentée par Maîtres CHEVALLIER-GASCHY, RICHARD-FRICK & HEICHELBECH, avocats à COLMAR
plaidant : Maître BACH, avocat à STRASBOURG

INTIMÉS PAR PROVOCATION et appelés en déclaration de jugement commun :

1- Monsieur Jean X...

2- Madame Marie-Claire Y... épouse X...

demeurant ensemble ...

67800 HOENHEIM

assignés par dépôt à l'étude le 16 mars 2015
n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 juin 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bernard POLLET, Président, et Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bernard POLLET, Président
Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller
Madame Pascale BLIND, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier ad hoc, lors des débats : Madame Valérie ALVARO

ARRÊT Par défaut
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Valérie ALVARO, greffier ad hoc, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 26 janvier 1998, les époux X... et leurs deux enfants ont été blessés par une explosion de gaz survenue à leur domicile.

Une information pénale ayant été ouverte, M. Z..., expert désigné par le juge d'instruction, a imputé l'explosion à la conjonction de deux circonstances :

- d'une part, en 1995, lors de l'installation par la société Beckermann d'une cuisine équipée au domicile des époux X..., un tuyau alimentant une ancienne gazinière avait été coupé et laissé en l'état sans bouchon,
- d'autre part, peu avant l'explosion, à l'occasion d'une intervention de maintenance au domicile des époux X..., un employé de la société Gaz de Strasbourg avait ouvert un robinet de gaz au sous-sol qui alimentait le tuyau non bouché de l'ancienne gazinière, provoquant ainsi une fuite de gaz.

Poursuivis pénalement pour blessures involontaires, MM. A...et B..., employés de la société Beckermann et M. C..., salarié de la société Gaz de Strasbourg, qui étaient intervenus au domicile des époux X..., ont été relaxés, les premiers par jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg du 5 janvier 2000, le troisième, après avoir été condamné en première instance, par arrêt infirmatif de la cour d'appel de Colmar du 5 septembre 2001.

Parallèlement à l'instance pénale, les consorts X... ont engagé des procédures, d'une part devant le juge des référés civil, au contradictoire des sociétés Beckermann et Gaz de Strasbourg et de leurs assureurs respectifs, d'autre part devant la commission d'indemnisation des victimes (CIVI).

Par ordonnance du 25 août 1998, le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg a ordonné une expertise médicale de chacun des époux X... et condamné la société Gaz de Strasbourg à leur verser des provisions. Cette ordonnance a été infirmée, en ce qu'elle avait accordé aux époux X... des provisions, et confirmée pour le surplus, par arrêt de la présente du cour du 27 janvier 2006.

Par décisions des 2 février 2004 et 16 mai 2005, la CIVI du tribunal de grande instance de Strasbourg a alloué aux époux X... et à leurs enfants les indemnités suivantes :

- pour l'enfant Stéphanie X... : 33 240, 00 €
- pour l'enfant Julien X... : 33 915, 00 €
- pour M. Jean X... : 93 839, 14 €
- pour Mme Marie-Claire X... : 526 748, 34 €,
outre une rente semestrielle de 4 015, 02 euros à compter du 1er janvier 2015,

et ce, déduction faite des provisions suivantes, versées

-à M. Jean X... par le Fonds de garantie à hauteur de 20 244, 90 euros et par la compagnie Axa à hauteur de 12 958, 17 euros,
- à Mme Marie-Claire X... par le Fonds de garantie à hauteur de 47 867, 35 euros et par la compagnie Axa à hauteur de 30 489, 80 euros.

La MAAF, assureur des époux X..., ayant versé des indemnités à ceux-ci, a engagé une action subrogatoire contre la société Gaz de Strasbourg, son assureur, la société Axa, et la compagnie Allianz, venant aux droits et obligations de la société AGF, assureur de la société Beckermann.

Cette action a été accueillie par jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 18 mai 2009 et arrêt confirmatif de la présente cour du 8 juin 2012, qui ont condamné in solidum la société Gaz de Strasbourg, la société Axa et la société Allianz à payer à la MAAF la somme de 48 098, 75 euros.

*

Par actes d'huissier en date des 15 et 29 octobre 2004, la CPAM du Bas-Rhin a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Strasbourg la société Gaz de Strasbourg, en présence des époux X... appelés déclaration de jugement commun, pour obtenir le remboursement des prestations versées aux victimes.

Sont intervenus volontairement à cette instance

-la société Axa, le 24 novembre 2004,
- le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et autres infractions, le 11 janvier 2005.

La société Allianz a été appelée en intervention forcée par la société Axa le 28 mai 2010.

La CPAM du Bas-Rhin a dirigé ses demandes contre la société Axa et contre la société Allianz par conclusions du 9 mars 2012.

Le Fonds de garantie a formé des demandes contre la société Gaz de Strasbourg et contre la société Axa par conclusions du 9 mai 2005 et contre la société Allianz par conclusions du 7 mai 2012.

Par jugement en date du 22 septembre 2014, le tribunal de grande instance de Strasbourg a, notamment,

- déclaré le Fonds de garantie irrecevable en ses demandes,
- rejeté les exceptions d'irrecevabilité et de prescription des demandes à l'encontre de la société Allianz,

- dit que les sociétés Gaz de Strasbourg et Beckermann ont engagé leurs responsabilités contractuelles dans le dommage subi le 26 janvier 1998 par la famille X...,
- déclaré la société Gaz de Strasbourg, la société Axa et la société Allianz responsables solidairement de l'entier préjudice subi par la famille X... du fait de l'accident du 26 janvier 1998,
- condamné solidairement la société Gaz de Strasbourg, la société Axa et la société Allianz à payer à la CPAM du Bas-Rhin
* la somme principale de 378 204, 41 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,
* la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* la somme de 997 euros sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,
- condamné la société Gaz de Strasbourg, la société Axa et la société Allianz aux entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu

-que, du fait des décisions de relaxe intervenue au pénal, le Fonds de garantie ne pouvait, en l'absence d'infraction, exercer l'action subrogatoire prévue par l'article 706-11 du code de procédure pénale,
- s'agissant de la recevabilité de l'action dirigée contre la société Allianz,
* que celle-ci avait été valablement été appelée en cause par la société Axa, qui avait intérêt à l'attraire à la procédure,
* que la société Allianz avait bien la qualité d'assureur de la société Beckermann,
* que l'action en responsabilité contractuelle de la CPAM du Bas-Rhin contre la société Allianz n'était pas prescrite, le délai de prescription, d'une durée de trente ans avant la loi du 17 juin 2008, sans pouvoir excéder de cinq ans à compter de la date d'entrée en vigueur de cette loi, ayant commencé à courir le 17 octobre 2001, date de consolidation de l'état des victimes, et n'étant pas expiré lorsque la CPAM a formé ses demandes contre la société Allianz, par conclusions du 12 mars 2012,
- que les employés de la société Beckermann et celui de la société Gaz de Strasbourg avaient commis chacun des fautes, engageant la responsabilité de leur employeur respectif, les premiers en coupant un tuyau d'alimentation en gaz sans le munir d'un bouchon d'arrêt, et le second en ouvrant sans précaution un robinet de gaz dont il ignorait quelle installation il alimentait.

*

Le Fonds de garantie a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 16 octobre 2014.

Il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce que ce jugement a déclaré irrecevable son action subrogatoire et de condamner solidairement la société Gaz de Strasbourg, la société Axa et la société Allianz

-à lui payer la somme de 785 626, 03 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de son intervention volontaire à l'instance, en date du 7 janvier 2005,
- à lui rembourser les arrérages de rente qu'il aura versés, jusqu'à la décision à intervenir, à Mme Marie-Claire X...,
- à régler, à compter de la décision à intervenir, la rente revenant à Mme X...,
- aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, le Fonds de garantie fait valoir

-que son recours subrogatoire, fondé sur l'article 706-11 du code de procédure pénale, est recevable, nonobstant l'absence d'infraction pénale, n'étant soumis à aucune condition autre que l'existence d'une décision de la CIVI allouant des indemnités aux victimes, quel que soit le mérite de cette décision, et pouvant être exercé contre toute personne tenue à réparation envers les victimes, et non pas seulement contre le ou les auteurs d'une infraction,
- que, conformément à la motivation du jugement déféré, son action n'est pas prescrite, étant au surplus observé que le délai de prescription été interrompu par la procédure de référé,
- que les relaxes prononcées par les juridictions répressives à l'égard des salariés des sociétés Beckermann et Gaz de Strasbourg n'empêchent pas de retenir leur responsabilité contractuelle à raison des fautes commises par leurs salariés, conformément aux dispositions de l'article 4-1 du code de procédure pénale, issues de la loi du 10 juillet 2000, ayant mis fin au principe d'identité des fautes pénale et civile,
- qu'il justifie des sommes versées aux victimes à hauteur de 785 626, 03 euros.

*

La société Gaz de Strasbourg et la société Axa concluent à la confirmation, en toutes ses dispositions, du jugement déféré, et à la condamnation du Fonds de garantie et de la société Allianz, chacun, à leur payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant de la recevabilité du recours du Fonds de garantie, la société Gaz de Strasbourg et son assureur s'approprient les motifs du jugement entrepris, ajoutant qu'à raison de l'autorité de chose jugée au pénal, le Fonds de garantie ne peut invoquer l'existence de fautes civiles à l'égard des personnes qui ont été relaxées par les juridictions pénales, que les décisions de la CIVI allouant des indemnités aux victimes n'étaient pas fondées et que c'est à ses risques et périls que le Fonds de garantie a payé ces indemnités.

La société Gaz de Strasbourg et son assureur ne contestent plus, en cause d'appel, le recours de la CPAM du Bas-Rhin à leur encontre.

*

La société Allianz assurances conclut au rejet de l'appel du Fonds de garantie, sauf à reprendre à son encontre les moyens qu'elle avait fait valoir et première instance et que le premier juge a écartés, à savoir

-l'irrecevabilité, faute d'intérêt à agir, de l'appel en intervention forcée formé contre elle par la société Axa,
- la prescription de l'action du Fonds de garantie, la société Allianz faisant valoir sur ce point,
* que le délai de prescription, avant la loi du 17 juin 2008, n'était pas de trente ans, mais, s'agissant d'une action en responsabilité fondée sur un contrat conclu entre un commerçant et un non-commerçant, de dix ans, conformément à l'article 189 bis, devenu article L. 110-4, du code de commerce,
* que la prescription n'a pas été interrompue par la procédure de référé, dès lors que les demandes de provisions formées en référé ont été rejetées par l'arrêt du 27 janvier 2006,
* que, même en prenant comme point de départ du délai de prescription la date de consolidation des victimes, soit le 5 septembre 2001 pour les époux X... et le 17 octobre 2001 pour leurs enfants, la prescription était acquise lorsque le Fonds de garantie a formé sa demande contre la société Allianz, en date du 7 mai 2012,
- le défaut d'intérêt à agir du Fonds de garantie, celui-ci ne justifiant pas du paiement préalable des sommes au titre desquelles il prétend être subrogé dans les droits des victimes,
- l'absence de preuve qu'elle soit l'assureur de la société Beckermann.

Subsidiairement, la société Allianz sollicite la confirmation du jugement attaqué, en ce qu'il a déclaré irrecevable, faute d'existence d'une infraction pénale, l'action récursoire du Fonds de garantie.

Plus subsidiairement, elle conclut au rejet de cette action comme non fondée, en l'absence de preuve d'une faute commise par les salariés de la société Beckermann. Elle soutient sur ce point que la preuve n'est pas rapportée que le tuyau d'alimentation de la gazinière ait été coupé par ces salariés, l'expertise ordonnée par le juge d'instruction n'ayant pas été effectuée contradictoirement et l'expert ayant posé comme pétition de principe que le tuyau avait été coupé lors de l'installation de la cuisine, sans examiner les autres hypothèses possibles, notamment celle d'une intervention des époux X... ou de leurs " amis bricoleurs " postérieurement à la pose de la cuisine et avant le sinistre, survenu trois ans plus tard.

Enfin, à l'égard du Fonds de garantie, la société Allianz fait valoir qu'il ne peut agir qu'au titre des postes de préjudice non soumis aux recours des tiers payeurs et qu'il ne peut réclamer les intérêts de retard qu'à compter du 7 mai 2012.

Formant appel incident à l'égard de la CPAM du Bas-Rhin, la société Allianz conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au mal fondé, des demandes de la caisse.

S'agissant de la recevabilité de l'action de la CPAM, la société Allianz invoque la prescription, pour les mêmes motifs qu'à l'égard du Fonds de garantie, en précisant que la caisse a formé ses demandes à son encontre par conclusions du 5 avril 2013, et non du 12 mars 2012, ces dernières ne lui ayant pas été notifiées.

Sur le fond, la société Allianz fait valoir à l'encontre de la CPAM du Bas-Rhin les mêmes moyens qu'à l'encontre du Fonds de garantie, tenant à l'absence de faute prouvée des salariés de la société Beckermann.

La société Allianz réclame une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au Fonds de garantie, à la CPAM du Bas-Rhin et à la société Axa.

*

La CPAM du Bas-Rhin sollicite la confirmation du jugement frappé d'appel ainsi que la condamnation de la société Gaz de Strasbourg, solidairement avec la société Axa, et de la société Allianz, à lui payer

-la somme de 1 037 euros par application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,
- la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que l'argumentaire de la société Allianz a été rejeté par l'arrêt du 8 juin 2012 rendu dans le cadre du recours subrogatoire de la MAAF et que la société Axa, pour sa part, ne le soutient plus.

La caisse ajoute que son action, qui pouvait être exercée jusqu'au 19 juin 2013, n'est pas prescrite, que des éléments suffisants sont produits pour démontrer que la société Beckermann était bien assurée auprès de la société Allianz, laquelle s'abstient de produire la police d'assurance dont le numéro lui a été communiqué, et, enfin, que la faute des salariés de la société Beckermann est établie, dès lors qu'à supposer qu'ils n'aient pas eux même coupé le tuyau de gaz lors de l'installation de la cuisine, ils l'avaient nécessairement vu et l'ont laissé sans bouchon, personne d'autre n'ayant pu intervenir, après la pose de la cuisine, sur ce tuyau, découvert après le sinistre après arrachage d'un panneau derrière lequel il était dissimulé.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique

-le 29 avril 2015 pour le Fonds de garantie,
- le 9 novembre 2015 pour la société Gaz de Strasbourg et la société Axa,
- le 25 novembre 2015 pour la société Allianz,
- le 18 mai 2015 pour la CPAM du Bas-Rhin.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 30 mars 2016.

Les époux X... n'ont pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions de la société Allianz leur ont été signifiées par acte d'huissier en date du 16 mars 2015, déposé en l'étude de l'huissier instrumentaire. Compte tenu de ce mode de signification et par application de l'article 474, alinéa deux, du code de procédure civile, le présent arrêt sera rendu par défaut.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes

La société Allianz a été appelée en cause par la société Axa, selon acte d'huissier du 28 mai 2010, avant que la CPAM du Bas-Rhin et que le Fonds de garantie ne forment des demandes contre elle. Elle conteste la recevabilité de cet appel en cause, pour défaut d'intérêt de la société Axa à agir à son encontre.

Toutefois, dès lors qu'étaient susceptibles d'être retenues, comme étant à l'origine du sinistre, des fautes imputables, d'une part aux salariés de la société Gaz de Strasbourg, d'autre part à ceux de la société Beckermann, la société Axa, recherchée en qualité d'assureur de la société Gaz de Strasbourg, avait un intérêt à appeler en cause la société Allianz, désignée comme assureur de la société Beckermann, co-responsable potentiel du sinistre, afin que soit partagée entre les deux assureurs la charge de l'indemnisation des victimes.

La société Allianz n'est donc pas fondée à contester la recevabilité de l'acte par lequel elle a été appelée en cause.

Recevabilité de l'action du Fonds de garantie au regard de l'absence d'infraction

L'article 706-11 du code de procédure pénale dispose que le Fonds de garantie est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge des dites personnes.

Le fonds de garantie est tenu d'exécuter les décisions de la commission d'indemnisation des victimes, qui s'imposent à lui, quels qu'en soient les mérites. Il ne saurait être prétendu qu'en versant à une victime l'indemnité allouée à celle-ci par la commission, il aurait agi " à ses risques et périls ".

Il s'ensuit qu'il est en droit d'exercer le recours subrogatoire prévu par l'article 706-11 précité du code de procédure pénale, dès lors qu'il a exécuté une décision de la commission allouant une indemnité à la victime, quand bien même cette décision serait-elle critiquable pour avoir retenu l'existence d'une infraction, en contradiction avec des décisions antérieures des juridictions pénales.

Par ailleurs, le recours du Fonds de garantie peut être exercé non seulement contre les personnes responsables du dommage causé par l'infraction, mais également contre celles tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle.

Le Fonds, subrogé dans les droits de la victime, peut donc agir contre des personnes tenues à réparation envers la victime, non pas sur le fondement d'une infraction pénale, mais en vertu des règles de la responsabilité civile, contractuelle ou extra-contractuelle.

Ainsi, le Fonds de garantie est recevable, en l'espèce, à exercer son recours contre les sociétés Beckermann et Gaz de Strasbourg, dont la responsabilité contractuelle est susceptible d'être engagée à raison de fautes civiles commises par leurs salariés, à l'origine des dommages subis par les victimes.

Recevabilité de l'action du Fonds de garantie au regard de la prescription

En vertu des articles 2244 et 2247 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, applicable en la cause, une citation en justice, même en référé, signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompt la prescription, l'interruption étant toutefois regardée comme non avenue si la demande est rejetée.

En l'espèce, l'ordonnance de référé du 25 août 1998 a été rendue sur assignations délivrées par les époux X... à, notamment, la société Rhin et Moselle, aux droits et obligations de laquelle vient la société Allianz. Si cette ordonnance a rejeté la demande de provision des époux X... à l'encontre de la société Allianz, elle a accueilli leur demande d'expertise médicale. Par conséquent, l'interruption de la prescription résultant de l'assignation en référé n'est pas non avenue.

Il s'ensuit qu'un nouveau délai de prescription a commencé à courir à compter de l'arrêt du 27 janvier 2006, qui a confirmé l'ordonnance de référé du 25 août 1998 en ce qu'elle avait ordonné une expertise, au contradictoire de la société Allianz. Il importe peu à cet égard que l'arrêt du 27 janvier 2006 ait été ou non signifié à la société Allianz.

A supposer que le délai de prescription ait été de dix ans et non de trente ans, comme le prétend la société Allianz, il aurait couru jusqu'au 27 janvier 2016.

Entre-temps est intervenue la loi du 17 juin 2008 qui a raccourci à cinq ans le délai de prescription des actions en responsabilité contractuelle (article 2224 nouveau du code civil), sans que ce nouveau délai, courant à compter de l'entrée en vigueur de la dite loi, c'est-à-dire le 18 juin 2008, puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il s'ensuit que le Fonds de garantie, subrogé dans les droits des victimes, et la CPAM du Bas-Rhin pouvaient agir jusqu'au 18 juin 2013 contre la société Allianz.

La demande du Fonds de garantie contre la société Allianz ayant été formée par conclusions notifiées le 7 mai 2012 et celle de la CPAM du Bas-Rhin par conclusions notifiées le 5 avril 2013 (à supposer que les précédentes conclusions de la Caisse, en date du 9 mars 2012, n'aient pas été notifiées à la société Allianz, comme celle-ci le prétend), ces demandes ne sont en toutes hypothèses pas prescrites.

Recevabilité au regard de la qualité d'assureur de la société Allianz

Le liquidateur judiciaire de la société Beckermann a fait savoir que celle-ci était assurée auprès de la société Rhin et Moselle en vertu d'une police no B47X1778.

La société Allianz, qui vient aux droits et obligations de la société Rhin et Moselle, ne prétend pas que ce numéro ne correspondrait à aucune police d'assurance existante, ou à une police concernant un autre assuré. Elle s'abstient de produire cette police dont les coordonnées précises lui ont été indiquées.

Comme la cour l'a jugé dans son arrêt du 8 juin 2012 opposable à la société Allianz qui était partie à l'instance, ces éléments sont suffisants pour conclure que la société Allianz a la qualité d'assureur de la responsabilité professionnelle de la société Beckermann.

Sur le bien fondé des demandes

Sur la responsabilité des sociétés Gaz de Strasbourg et Beckermann

Aux termes de l'article 4-1 du code de procédure pénale, l'absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement de l'article 1383 du code civil si l'existence de la faute civile prévue par cet article est établie.

Il en résulte que l'absence de faute pénale ne fait pas non plus obstacle à l'exercice d'une action en responsabilité contractuelle, l'existence d'un manquement à des obligations contractuelle étant indépendante de celle d'une faute pénale.

La CPAM du Bas-Rhin et le Fonds de garantie peuvent donc rechercher la responsabilité contractuelle des société Gaz de Strasbourg et Beckermann, en démontrant que les salariés de ces sociétés ont commis des fautes dans l'exécution de leurs obligations contractuelles à l'égard des époux X....

En cause d'appel, la société Gaz de Strasbourg ne conteste plus la faute de son salarié.

Quant à la société Allianz, elle n'est pas fondée à contester la faute des salariés de la société Beckermann.

En effet, M. Z..., expert désigné par le juge d'instruction, a constaté que, dans la cuisine des époux X..., un tuyau d'alimentation en gaz, auparavant raccordé à une gazinière, avait été coupé à environ 10 cm du sol sans être bouché, ce qui avait provoqué la fuite de gaz à l'origine de l'explosion, lorsque l'employé de la société Gaz de Strasbourg avait par inadvertance ouvert le robinet de gaz alimentant ce tuyau.

Ayant par ailleurs constaté que la coupure, dont l'empreinte était nette, avait été réalisée avec un coupe-tube, outil professionnel très coupant, et relevé qu'en raison de la longueur et de l'emplacement du tuyau de gaz, il eût été impossible, pour les employés de la société Beckermann, d'installer la cuisine électrique en place au jour du sinistre sans couper le tuyau de gaz devenu inutile, l'expert en a déduit, au terme d'un raisonnement parfaitement motivé que la cour fait sien, que le tuyau avait été coupé par les salariés de la société Beckermann, et qu'en tous cas ils n'avaient pas pu installer la nouvelle cuisine sans constater la présence de ce tuyau et devaient, dès lors, prendre toutes précautions afin d'éviter qu'il ne soit à l'origine d'une fuite de gaz.

La société Allianz ne produit pas d'élément de preuve de nature à combattre cette appréciation. Elle ne justifie pas, notamment, que les époux X... ou un tiers aurait pu intervenir sur le tuyau litigieux postérieurement à la pose de la cuisine par les salariés de la société Beckermann, alors que le tuyau était dissimulé derrière des éléments de cette cuisine, posés trois ans avant la date du sinistre.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu les responsabilités des sociétés Gaz de Strasbourg et Beckermann.

Sur le montant des sommes réclamées

Les sommes réclamées par la CPAM du Bas-Rhin ne sont pas contestées en leur montant. Il sera donc fait droit aux demandes de la Caisse et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

S'agissant des demandes du Fonds de garantie, il convient d'observer que le recours du Fonds est fondé sur les dispositions de l'article 706-11 du code de procédure pénale, qui instituent un cas de subrogation légale. Il s'ensuit que les dispositions de l'article 1250 du code civil afférentes à la subrogation conventionnelle ne sont pas applicables en l'espèce et sont invoquées à tort par la société Allianz.

En revanche, toute subrogation, même légale, suppose un paiement.

Or, le Fonds de garantie ne produit que deux quittances signées par les époux X..., d'un montant respectif de 12 958, 17 euros et 30 489, 80 euros. La somme réclamée par le Fonds, d'un montant de 785 626, 03 euros ne fait l'objet d'aucun autre justificatif de paiement.

Il convient dès lors, avant dire droit sur la demande du Fonds de garantie, de l'inviter à justifier de l'intégralité des sommes dont il s'est acquitté.

Sur les frais et dépens

La somme due à la CPAM du Bas-Rhin en vertu de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale sera fixée à 1 037 euros selon le taux applicable à la date du présent arrêt, le jugement déféré devant être réformé en ce sens.

Il convient en outre de condamner la société Gaz de Strasbourg, la société Axa et la société Allianz aux dépens d'appel exposés par la CPAM du Bas-Rhin, ainsi qu'à lui payer une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Il y a lieu de surseoir à statuer sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, dans les rapports entre le Fonds de garantie et les intimées, jusqu'à la décision qui mettre fin à l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par défaut, après débats en audience publique,

CONFIRME le jugement rendu le 22 septembre 2014 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, sauf en ce qu'il a

-déclaré le Fonds de garantie irrecevable en ses demandes,
- condamné solidairement la société Gaz de Strasbourg, la société Axa et la société Allianz à payer à la CPAM du Bas-Rhin la somme de 997 euros sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Statuant à nouveau de ces seuls chefs,

DÉCLARE l'action récursoire du Fonds de garantie recevable au regard de l'absence d'infraction, de la prescription et de la qualité de la société Allianz en tant qu'assureur de la société Beckermann ;

Avant dire droit sur le montant de la demande du Fonds de garantie,

INVITE le Fonds de garantie à justifier de l'intégralité des sommes qu'il a payées au titre de l'indemnisation des consorts X... ;

CONDAMNE la société Gaz de Strasbourg, la société Axa France IARD et la société Allianz assurances, in solidum, à payer à la CPAM du Bas-Rhin la somme de 1 037 € (mille trente sept euros) au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Ajoutant au jugement déféré,

CONDAMNE la société Gaz de Strasbourg, la société Axa France IARD et la société Allianz assurances, in solidum, aux dépens d'appel exposés par la CPAM du Bas-Rhin, ainsi qu'à lui payer la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel ;

Dans les rapports entre, d'une part le Fonds de garantie, d'autre part la société Gaz de Strasbourg, la société Axa et la société Allianz, SURSOIT à statuer jusqu'à la décision qui mettra fin à l'instance sur les dépens d'appel et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Numéro d'arrêt : 14/05025
Date de la décision : 22/09/2016

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-22;14.05025 ?
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