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24/03/2016 | FRANCE | N°212

France | France, Cour d'appel de colmar, DeuxiÈme chambre civile - section a, 24 mars 2016, 212


BP
MINUTE No 212/ 2016

Copies exécutoires à

Maître CROVISIER
La SELARL ARTHUS
Maîtres CHEVALLIER-GASCHY, RICHARD-FRICK et HEICHELBECH

Le 24 mars 2016

Le Greffier RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRÊT DU 24 mars 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 15/ 05988

Décision déférée à la Cour : jugement du 26 juillet 2013 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de COLMAR
APPELANTS et appelés en garantie :
1- Monsieur Nicol

as X... ès qualités d'héritier de Monsieur Pierre X... décédé le 19/ 05/ 2015 à TURCKHEIM demeurant ...69360 TERNAY

2- Madame A...

BP
MINUTE No 212/ 2016

Copies exécutoires à

Maître CROVISIER
La SELARL ARTHUS
Maîtres CHEVALLIER-GASCHY, RICHARD-FRICK et HEICHELBECH

Le 24 mars 2016

Le Greffier RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRÊT DU 24 mars 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 15/ 05988

Décision déférée à la Cour : jugement du 26 juillet 2013 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de COLMAR
APPELANTS et appelés en garantie :
1- Monsieur Nicolas X... ès qualités d'héritier de Monsieur Pierre X... décédé le 19/ 05/ 2015 à TURCKHEIM demeurant ...69360 TERNAY

2- Madame Anne X... épouse Y...ès qualités d'héritière de Monsieur Pierre X... décédé le 19/ 05/ 2015 à TURCKHEIM demeurant ...59000 LILLE

3- Monsieur Guillaume X... ès qualités d'héritier de Monsieur Pierre X... décédé le 19/ 05/ 2015 à TURCKHEIM demeurant ...74350 CERNEX

4- Madame Geneviève Z...épouse X... ès qualités d'héritière de Monsieur Pierre X... décédé le 19/ 05/ 2015 à TURCKHEIM demeurant ...68230 TURCKHEIM

représentés par Maître CROVISIER, avocat à COLMAR plaidant : Maître JUNG, avocat à STRASBOURG

INTIMÉS :

- demanderesse :
1- Madame Janine A...demeurant ...68000 COLMAR

-intervenante volontaire :

2- Madame Léa B... demeurant ...68000 COLMAR

représentées par la SELARL ARTHUS, avocats à COLMAR

-défendeurs :

1- Le GROUPE HOSPITALIER PRIVE DU CENTRE ALSACE (GHCA)- CLINIQUE SAINTE THERESE pris en la personne de son représentant légal ayant son siège social 201 Avenue d'Alsace 68000 COLMAR

2- La SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCES MUTUELLES (SHAM) prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social 18 rue Edouard Rochet 69372 LYON CEDEX

représentées par Maîtres CHEVALLIER-GASCHY, RICHARD-FRICK et HEICHELBECH, avocats à COLMAR

3- La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (C. P. A. M.) prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social 19 Boulevard du Champ de Mars 68000 COLMAR

assignée à personne habilitée les 10 octobre 2013 et 29 décembre 2015 n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 04 février 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Bernard POLLET, Président Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller Monsieur Olivier DAESCHLER, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier ad hoc, lors des débats : Madame Valérie ALVARO
ARRÊT Réputé contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Valérie ALVARO, greffier ad hoc, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 18 juin 2003, Mme A... a consulté le docteur X..., gynécologue, pour une tuméfaction vulvo-vaginale.

Le docteur X... a préconisé une intervention chirurgicale, consistant en l'ablation de la glande de Bartholin, qu'il a pratiquée le 26 juin 2003 à la clinique Sainte Thérèse, dont il était salarié.
Lors de l'intervention, une plaie rectale sus-sphinctérienne a été provoquée, nécessitant l'intervention en urgence d'un autre chirurgien spécialiste de l'appareil digestif.
Mme A... a subi d'importantes complications, sous la forme d'une fistule recto-vaginale et d'une septicémie, nécessitant une nouvelle hospitalisation.
Désigné en qualité d'expert par ordonnance de référé du 10 novembre 2003, le docteur C..., de l'hôpital de Hautepierre à Strasbourg, a établi le 12 juillet 2004 un rapport concluant à une faute du docteur X....
Au vu de ce rapport, un arrêt de la présente cour d'appel du 3 février 2006, infirmant partiellement une ordonnance de référé du 18 octobre 2004, a condamné le Groupe hospitalier privé du centre Alsace (GHPCA), exploitant la clinique Sainte Thérèse, à payer à Mme A... une provision de 20 000 euros.
Par ordonnance de référé du 4 septembre 2006, un complément d'expertise a été ordonné et une nouvelle de provision de 5 000 euros a été accordée à Mme A....
Le docteur C...a établi le 25 mars 2008 un rapport complémentaire, concluant cette fois à l'absence de faute du docteur X....
Contestant ces dernières conclusions, Mme A... a fait assigner le docteur X... et le GHPCA devant le tribunal de grande instance de Colmar, afin que soit ordonnée une nouvelle expertise. Par jugement du 19 octobre 2010, le tribunal a commis en qualité d'expert le docteur D..., de l'hôpital Saint Antoine à Paris, lequel a établi son rapport le 28 juillet 2011.
Par jugement en date du 26 juillet 2013, le tribunal de grande instance de Colmar a
-condamné le docteur X... à payer à Mme A... la somme de 20 000 euros au titre du défaut d'information,- condamné in solidum le docteur X..., le GHPCA et son assureur, la Société hospitalière d'assurances mutuelles (la SHAM), à payer à Mme A... * la somme de 13 050 euros en indemnisation des préjudices patrimoniaux,

* la somme de 39 591 euros en indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux, * la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné in solidum le docteur X..., le GHPCA et la SHAM, à payer à Melle B..., fille de Mme A..., * la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice, * la somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné in solidum le docteur X..., le GHPCA et la SHAM aux dépens,- condamné le docteur X... à garantir le GHPCA et la SHAM à hauteur de la moitié des condamnations prononcées à leur encontre,- déclaré le jugement opposable à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Colmar,- ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal a retenu que le docteur X... avait commis des fautes,
- dans le cadre de son activité libérale, * en s'abstenant d'informer Mme A..., préalablement à l'intervention chirurgicale, des risques de celle-ci, * en décidant de procéder à une intervention chirurgicale non vitale dans l'urgence, sans attendre la diminution de l'inflammation qui aurait réduit les risques de complications opératoires,- dans le cadre de son activité salariée au sein de la clinique Sainte Thérèse, * en cherchant à obtenir une exérèse complète de la glande de Bartholin, alors qu'une exérèse partielle eût été suffisante et moins risquée, compte tenu du caractère hémorragique et inflammatoire des tissus, * en provoquant accidentellement une effraction de la paroi rectale lors du geste chirurgical.

Le tribunal en a déduit que le docteur X..., seul, devait indemniser la victime au titre du défaut d'information, et, s'agissant du préjudice corporel, que la victime était fondée à solliciter une condamnation in solidum du docteur X... et du GHPCA, la responsabilité devant être partagée, dans les rapports entre ces derniers, par moitié entre eux.
*
Le Docteur X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 28 août 2013.
Il est décédé le 19 mai 2015 et l'instance a été reprise par ses héritiers, M. Nicolas X..., Mme Anna X..., épouse Y..., M. Guillaume X... et Mme Geneviève Z..., veuve X....

Les consorts X... demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter Mme A... et Melle B... de toutes leurs demandes formées à leur encontre et de débouter le GHPCA et la SHAM de leur recours en garantie.

Ils soutiennent que le docteur X... n'a commis aucune faute, faisant valoir
-que la complication survenue était exceptionnelle, que, même informée de ce risque, Mme A... aurait accepté l'intervention chirurgicale et qu'elle n'a donc subi aucune perte de chance ni aucun préjudice du fait du défaut d'information préopératoire,- que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, ni la décision de procéder à une intervention chirurgicale, ni la technique suivie lors de celle-ci, n'étaient fautives, compte tenu de ce que la patiente ne présentait aucune inflammation, mais un simple kyste,- que la perforation de la paroi rectale survenue lors de l'intervention relève de l'aléa thérapeutique, ou tout au plus d'une maladresse engageant la seule responsabilité du GHPCA, en sa qualité d'employeur, mais non celle du médecin salarié.

*
Formant appel incident, Mme A... et Melle B... concluent
-à la condamnation solidaire des consorts X... et de la SHAM à payer à Mme A... la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant du défaut d'information,- à la condamnation in solidum des consorts X..., du GHPCA et de la SHAM à payer à Mme A... * la somme de 243 494, 27 euros au titre des préjudices patrimoniaux, * la somme de 95 436 euros au titre des préjudices extra-patrimoniaux, * la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en première instance, * la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en appel,- à la condamnation in solidum des consorts X..., du GHPCA et de la SHAM à payer à Melle B... * la somme de 7 000 euros au titre de son préjudice par ricochet, * la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme A... et Melle B... sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qui concerne les responsabilités, mais sa réformation en ce qui concerne l'évaluation de leurs préjudices.
*

Le GHPCA et la SHAM forment appel incident afin, à titre principal, d'être exonérés de toute condamnation, et, à titre subsidiaire, de faire juger que seule " une infime partie " de la responsabilité saurait leur être imputée, et que les indemnités fixées par le premier juge doivent être réduites.

Ils sollicitent la condamnation des consorts X... à leur payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon le GHPCA et la SHAM, les préjudices résultent, sinon exclusivement, du moins principalement, de fautes commises par le docteur X... dans le cadre de son activité libérale, n'engageant aucunement la responsabilité du GHPCA en qualité d'employeur, à savoir, d'une part le défaut d'information préopératoire, d'autre part la décision du docteur X... d'opérer hâtivement.
*
La CPAM de Colmar n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant lui ont été signifiées par actes d'huissier en date des 10 octobre 2013 et 29 décembre 2015 remis à personne habilitée. En application de l'article 474, alinéa premier, du code civil, le présent arrêt sera réputé contradictoire.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique
-le 19 novembre 2015 pour les consorts X...,- le 31 décembre 2015 pour Mme A... et Melle B...,- le 18 décembre 2015 pour le GHPCA et la SHAM.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 4 janvier 2016.

MOTIFS

Sur le défaut d'information

Le patient privé d'une information qui lui était due subit un préjudice pouvant consister, le cas échéant, en une perte de chance d'éviter le dommage qui est survenu, et, en toute hypothèse, lorsque le risque se réalise, en un défaut de préparation aux conséquences d'un tel risque, que le juge ne peut laisser sans réparation.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le docteur X... n'a pas informé Mme A... des risques inhérents à l'intervention chirurgicale qu'il a pratiquée.

Mme A... n'invoque pas la perte d'une chance, de sorte que le moyen, invoqué par les consorts X..., tiré de l'absence d'alternative thérapeutique, est inopérant.
S'agissant du préjudice d'impréparation, le premier juge en a fait une exacte appréciation en l'évaluant à 20 000 euros, étant observé, d'une part, que le risque de blesser le rectum lors de l'ablation de la glande de Bartholin est, selon l'expert D..., bien connu et non négligeable, raison pour laquelle il est préférable de ne pas intervenir sur des tissus inflammatoires et recommandé de ne pas retirer le fond de la coque du kyste lorsque celui-ci adhère au rectum, et que, d'autre part, les conséquences de la réalisation de ce risque sont graves, comme en témoignent en l'espèce les importantes complications dont a souffert Mme A....
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné le docteur X... à payer à Mme A... la somme de 20 000 euros au titre du défaut d'information, sauf à préciser que, par suite du décès du docteur X..., la condamnation s'applique à ses héritiers.
Le défaut d'information a été commis par le docteur X... dans le cadre de son activité libérale. Il n'engage donc pas la responsabilité du GHPCA, de sorte que la demande de Mme A... tendant à ce que la SHAM soit condamnée solidairement avec le docteur X... de ce chef doit être rejetée.
Par des motifs que la cour adopte, le tribunal a écarté tout manquement à l'obligation d'information post-opératoire.
Sur les fautes médicales
La décision d'opérer
Le premier expert, le docteur C..., a, dans un premier temps, sans avoir entendu le docteur X... absent aux opérations d'expertise, conclu que le geste chirurgical aurait dû être différé. Aux termes de son rapport complémentaire, après avoir recueilli les explications du docteur X..., il a changé d'avis en indiquant qu'il n'y avait pas de faute professionnelle dans le fait d'intervenir sur cette patiente.
Le second expert, le docteur D..., a répondu comme suit à la question de savoir si l'indication opératoire du docteur X... était correcte : " on peut admettre que le docteur X... était, à bon droit, convaincu que le kyste de la glande de Bartholin de Mme A... ne se résorberait pas spontanément et qu'il était préférable de l'ôter par la chirurgie. Il a maintenu, toujours à bon droit, son indication opératoire malgré la fissuration de la glande infectée et

turgescente, malgré la diminution de volume, malgré l'épisode inflammatoire encore en cours. L'intervention aurait pu être différée sans préjudice pour Mme A..., mais il n'est pas critiquable que le docteur X... ait souhaité, pour l'intérêt de Mme A... dit-il, intervenir malgré tout dans le délai ".

Les avis des deux experts sont donc concordants en ce qu'ils écartent toute faute du docteur X... dans la décision de pratiquer l'intervention chirurgicale.
Aucune faute ne peut être retenue à ce titre et, sur ce point, il convient de réformer le jugement déféré.
Le geste opératoire
Si l'expert C...a écarté toute faute technique au plan chirurgical, l'expert D...a quant à lui indiqué : " l'ablation de la glande de Bartholin, plutôt que la marsupialisation, pouvait se justifier. Cependant, compte tenu du caractère hémorragique et inflammatoire des tissus, donc du risque attendu de plaie rectale, il eût été nécessaire que le docteur X... ne cherche pas à obtenir une exérèse complète de la glande. La plaie rectale produite procède d'une faute, de ce qu'il est convenu d'appeler une maladresse opératoire, ce qui ne remet nullement en cause l'habileté ordinaire ni la compétence du docteur X.... Il eût été conforme aux pratiques de ne pas poursuivre la dissection de la glande et de laisser en place les tissus en regard du rectum, une précaution très simple et qui aurait été sans conséquence fâcheuse pour Mme A... ".
Les consorts X... contestent cette analyse en faisant valoir que, lors de l'intervention, le contexte n'était plus inflammatoire. Mais l'expert D...a répondu à cette objection en répliquant que, s'il ne s'agissait plus du traitement d'une bartholinite aigüe, mais de l'ablation d'un kyste de la glande de Bartholin, il est connu qu'une telle intervention peut être hémorragique et se compliquer de plaie rectale, ce qui n'a rien d'exceptionnel.
En considération de ces éléments, la cour estime que le docteur X... a bien commis une première faute en pratiquant sans nécessité une ablation totale de la glande, alors qu'une ablation partielle eût été suffisante et beaucoup moins risquée.
En toute hypothèse, la plaie rectale constitue une seconde faute.
En effet, est fautive l'atteinte, par un chirurgien, à un organe ou une partie du corps du patient que son intervention n'impliquait pas, en l'absence de preuve, qui lui incombe, d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable ou de la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relèverait de l'aléa thérapeutique.

En l'espèce, l'existence d'une anomalie anatomique n'est pas alléguée et le risque pouvait aisément être maîtrisé en laissant en place les tissus au regard du rectum, ainsi qu'il ressort des explications très claires sur ce point de l'expert D....

Le geste maladroit du chirurgien constitue donc en l'espèce une faute et ne relève pas d'un aléa thérapeutique.
L'intervention chirurgicale a été pratiquée par le docteur X... dans le cadre de son activité salariée. Les fautes commises à cette occasion n'engagent que la responsabilité du GHPCA, en qualité de commettant, et non celle du docteur X..., en qualité de préposé, et le GHPCA ne dispose d'aucun recours contre le docteur X.... Au demeurant, en cause d'appel, le GHPCA et son assureur ne forment pas de recours en garantie contre les consorts X....
Le jugement déféré doit donc être réformé en ce qu'il a condamné in solidum le docteur X..., le GHPCA et l'assureur de celui-ci à indemniser le préjudice corporel de Mme A..., seuls le GHPCA et son assureur étant tenus à réparation.
Sur le préjudice corporel de Mme A...
Les prétentions des parties au titre de chaque poste de préjudice peuvent être présentées selon le tableau suivant :
Sommes allouées par le tribunal Sommes réclamées par Mme A... Sommes proposées par le GHPCA et la SHAM

I-Préjudices patrimoniaux
A-Préjudices patrimoniaux temporaires
1) Frais divers 3 050 € 3 050 € à prendre en compte au titre des frais irrépétibles

2) Tierce personnenéant 720 € néant

3) Perte de gains professionnels actuellenéant307, 60 € néant B-Préjudices patrimoniaux permanents

Incidence professionnelle 10 000 € 239 109, 07 € néant

Total I13 050 € 243 494, 27 € néant II-Préjudices extra-patrimoniaux

A-Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1) Déficit fonctionnel temporaire 26 391 € 26 436 € 17 594 €

2) Souffrances endurées 12 000 € 15 000 € 6 000 €

B-Préjudices extra-patrimoniaux permanents
1) Déficit fonctionnel permanent11 200 € 16 000 € 8 000 €

2) Préjudice esthétique5 000 € 8 000 € 2 000 €

3) Préjudice sexuel10 000 € 30 000 € 3 000 €

Total II64 591 €, dont à déduire les provisions de 25 000 € 95 436 € 36 594 € Le préjudice de Mme A... doit être apprécié en considération des conclusions de l'expert judiciaire Milliez et de son sapiteur psychiatre, le docteur Michel G..., qui sont les suivantes :

- déficit physiologique total : pendant les périodes d'hospitalisation, soit au total 31 jours,- déficit physiologique partiel : 50 % du 1er juillet 2003 au 3 juin 2005 (681 jours, déduction faite des périodes d'ITT) 60 % du 4 juin 2005 au 19 juillet 2005 (46 jours, déduction faite d'un jour d'ITT) 30 % du 27 juillet 2005 au 27 août 2005 et du 28 août 2005 au 31 août 2008, soit 1 132 jours, 15 % du 1er septembre 2008 au 29 mars 2011, soit 940 jours,

- consolidation physique : le 3 mai 2006,- consolidation psychologique : le 29 mars 2011,- IPP psychologique : 8 %,- souffrances endurées : 4/ 7,- préjudice esthétique : 4/ 7 avant consolidation et 1, 5/ 7 après consolidation,- préjudice sexuel : existant.

Il convient de tenir compte de la créance de la CPAM de Colmar, laquelle, suivant état définitif en date du 31 janvier 2012, s'établit comme suit :
- frais médicaux, pharmaceutiques, de transport et d'hospitalisation : 43 070, 35 euros-indemnités journalières : 1 465, 20 euros total : 44 535, 55 euros

Préjudices patrimoniaux
Dépenses de santé actuelles
Ce poste comprend les frais de soins pris en charge par la CPAM de Colmar, d'un montant de 43 070, 35 euros. Rien n'est réclamé par la victime à ce titre.
Frais divers
La victime est fondée à solliciter à ce titre le remboursement des frais exposés pour se faire assister par un médecin conseil lors des expertises. Elle en justifie à hauteur de 3 050 euros, somme qui lui sera en conséquence allouée.
Tierce personne
Mme A... justifie avoir employé une aide ménagère pendant deux mois à compter du 27 juillet 2005, mais celle-ci a été rémunérée par le Conseil régional. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il rejeté la demande de la victime à ce titre.
Perte de gains professionnels actuelle
Lors de la première intervention chirurgicale en date du 26 mars 2003, Mme A... percevait des indemnités de chômage d'un montant de 13, 85 euros par jour. Du 29 juin 2003 au 16 décembre 2003, elle a perçu des indemnités journalières versées par la CPAM de Colmar, à hauteur de 1 465, 20 euros.
Rien ne permet de douter que Mme A... n'aurait pas continué à être indemnisée au titre de l'assurance chômage si elle n'avait pas été placée en arrêt de travail. Elle est donc fondée à réclamer la différence entre les indemnités journalières de la CPAM et les indemnités de chômage qu'elle aurait perçues, soit la somme de 307, 60 euros, le jugement déféré devant être réformé sur ce point.
Incidence professionnelle
A la date du 26 juin 2003, Mme A... était au chômage. Elle été reconnue travailleur handicapé par décision de la COTOREP du 18 décembre 2003 et a obtenu le bénéfice d'une allocation d'adulte handicapé. Elle n'a jamais pu exercer à nouveau un emploi, jusqu'à sa mise à la retraite en décembre 2012, sauf une brève tentative en tant que gardienne d'enfants.
Il ressort du rapport de l'expert psychiatre qu'elle a souffert d'un syndrome dépressif réactionnel important, justifiant un taux d'IPP de 8 %. Ces séquelles psychologiques ont rendu plus difficile sa réinsertion dans la vie active. Elle ont notamment conduit à l'échec de sa reconversion dans le domaine de la petite enfance.
L'incidence professionnelle ainsi caractérisée justifie l'allocation d'une indemnité de 15 000 euros, le jugement déféré devant être réformé en ce sens.
Préjudices extra-patrimoniaux
Déficit fonctionnel temporaire
Les périodes d'ITT et d'ITP ont été rappelées ci-dessus.
Le tribunal les a indemnisées sur une base de 900 euros par mois pour le déficit total.
Ce montant est excessif et il convient de retenir une base de 700 euros par mois pour le déficit à 100 %, soit :
- déficit fonctionnel temporaire total : 31 jours 723 €
- déficit fonctionnel temporaire partiel
50 % : 681 jours 7 945 € 60 % : 46 jours 644 € 30 % : 1 132 jours 7 924 € 15 % : 940 jours 3 290 €

Total : 20 526 €
Souffrances endurées
Qualifiées de moyennes par l'expert (4/ 7), elles justifient une indemnisation à hauteur de 10 000 euros.
Déficit fonctionnel permanent
L'expert ayant chiffré à 8 % le taux du déficit fonctionnel permanent, et la victime étant âgée de 59 ans à la date de sa consolidation, ce poste doit être fixé à 9 600 euros.
Préjudice esthétique
Ce poste comprend d'une part un préjudice temporaire du 14 mai au 20 juillet 2005 (deux mois) qualifié par l'expert de moyen, d'autre part un préjudice définitif pour cicatrice de colostomie, quantifié à 1, 5/ 7 par l'expert. En considération de ces éléments, ce poste de préjudice sera estimé à 3 000 euros et le jugement réformé en ce sens.
Préjudice sexuel
Le préjudice sexuel est caractérisé, selon l'expert judiciaire, par une absence quasi-complète de rapports sexuels depuis l'intervention du 26 juin 2003, les rapports étant impossibles jusqu'en juillet 2005 à cause de la fistule recto-vaginale et ayant par la suite été empêchés par la douleur et la crainte d'une récidive de la fistule.
Ce préjudice a été exactement évalué par le premier juge à 10 000 euros et il convient de confirmer sur ce point le jugement déféré.
Evaluations Sommes revenant à la victime Sommes revenant à la CPAM de Colmar I-Préjudices patrimoniaux

A-Préjudices patrimoniaux temporaires
1) Dépenses de santé actuelles43 070, 35 € néant 43 070, 35 €

2) Frais divers3 050 € 3 050 € néant 3) Tierce personnenéantnéantnéant 3) Perte de gains professionnels actuels1 772, 80 € 307, 60 € 1 465, 20 €

B-Préjudices patrimoniaux permanents
Incidence professionnelle 15 000 € 15 000 € néant

II-Préjudices extra-patrimoniaux

A-Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1) Déficit fonctionnel temporaire 20 526 € 20 526 € néant

2) Souffrances endurées 10 000 € 10 000 € néant

B-Préjudices extra-patrimoniaux permanents
1) Déficit fonctionnel permanent9 600 € 9 600 € néant

2) Préjudice esthétique permanent3 000 € 3 000 € néant

3) Préjudice sexuel10 000 € 10 000 € néant

TOTAL : 116 019, 15 € 71 483, 60 € 44 535, 55 €

Provisions à déduire-25 000 €

SOLDE : 46 483, 60 €

Sur le préjudice par ricochet de Melle B...

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a relevé que Melle B... avait subi, du fait des multiples hospitalisations de sa mère, alors qu'elle était adolescente, des perturbations répétées dans sa vie quotidienne, accompagnées d'inquiétudes sur la santé de sa mère et de privations d'activités familiales, le tout justifiant une indemnisation à hauteur de 3 000 euros. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Sur les frais et dépens
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions afférentes aux dépens et aux frais non compris dans les dépens.

Le GHPCA et la SHAM, qui succombent en plus grande part, seront condamnés aux dépens de d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Mme A... et Melle B... en cause d'appel, ces condamnations emportant rejet des demandes du GHPCA et de la SHAM formées en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne prescrit pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des consorts X....
PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, après débats en audience publique,

CONFIRME le jugement rendu le 26 juillet 2013 par le tribunal de grande instance de Colmar,
- en ce qu'il a condamné le docteur Pierre X... à payer à Mme Janine A... la somme de 20 000 € (vingt mille euros) au titre du défaut d'information ;- en ses dispositions afférentes aux dépens et aux frais non compris dans les dépens ;

sauf à préciser que, par suite du décès de docteur Pierre X..., la condamnation ci-dessus s'applique aux consorts X..., à proportion, pour chacun, de ses droits dans la succession ;
INFIRME, pour le surplus, le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
DÉCLARE le GHPCA responsable des conséquences dommageables, pour Mme Janine A..., de l'intervention chirurgicale pratiquée le 26 juin 2003 par le docteur Pierre X... ;
CONDAMNE le GHPCA et la SHAM, in solidum, à payer à Mme Janine A..., en deniers ou quittances,
- la somme de 3 050 € (trois mille cinquante euros) au titre des frais divers,- la somme de 307, 60 € (trois cent sept euros et soixante centimes) au titre de la perte de gains professionnels actuelle,- la somme de 15 000 € (quinze mille euros) au titre de l'incidence professionnelle,

- la somme de 20 526 € (vingt mille cinq cent vingt six euros) au titre du déficit fonctionnel temporaire,- la somme de 10 000 € (dix mille euros) au titre des souffrances endurées,- la somme de 9 600 € (neuf mille six cents euros) au titre du déficit fonctionnel permanent,- la somme de 3 000 € (trois mille euros) au titre du préjudice esthétique,- la somme de 10 000 € (dix mille euros) au titre du préjudice sexuel ;

DIT que des sommes ci-dessus devront être déduites les provisions précédemment allouées à hauteur de 25 000 € (vingt cinq mille euros) ;
CONDAMNE le GHPCA et la SHAM, in solidum, à payer à Melle Léa B... la somme de 3 000 € (trois mille euros) en réparation de son préjudice par ricochet ;
DIT que les sommes ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Ajoutant au jugement déféré,
CONDAMNE le GHPCA et la SHAM, in solidum, à payer, au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel, la somme de 2 000 € (deux mille euros) à Mme Janine A... et Melle Léa B..., ensemble ;
REJETTE les demandes des consorts X..., du GHPCA et de la SHAM formées en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE le GHPCA et la SHAM, in solidum, aux dépens d'appel ;
DÉCLARE le présent arrêt opposable à la CPAM de Colmar.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : DeuxiÈme chambre civile - section a
Numéro d'arrêt : 212
Date de la décision : 24/03/2016
Type d'affaire : Civile

Analyses

"Si le défaut d'information sur les risques inhérents à une intervention chirurgicale, pratiquée dans le cadre d'une activité libérale, engage la responsabilité personnelle du praticien, la faute résultant d'un geste opératoire maladroit exécuté dans le cadre d'une activité salariée, n'engage pas la responsabilité personnelle du praticien, en qualité de préposé, mais celle du centre hospitalier privé, en qualité de commettant, lequel ne dispose d'aucun recours contre le praticien"


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Colmar, 26 juillet 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2016-03-24;212 ?
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