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10/03/2016 | FRANCE | N°167

France | France, Cour d'appel de colmar, DeuxiÈme chambre civile - section a, 10 mars 2016, 167


MINUTE No 167/ 2016

Copies exécutoires à

Maître HARTER
Maître SEILLE

Le 10 mars 2016

Le Greffier RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRÊT DU 10 mars 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 14/ 02147

Décision déférée à la Cour : jugement du 13 mars 2014 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de COLMAR

APPELANTE et défenderesse :

La COMMUNE DE HORBOURG-WIHR prise en la personne de son représentant légal ayant son sièg

e social 44 Grand'Rue 68180 HORBOURG-WIHR

représentée par Maître HARTER, avocat à COLMAR plaidant : Maître RAJAT, avocat à STRASBO...

MINUTE No 167/ 2016

Copies exécutoires à

Maître HARTER
Maître SEILLE

Le 10 mars 2016

Le Greffier RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRÊT DU 10 mars 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 14/ 02147

Décision déférée à la Cour : jugement du 13 mars 2014 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de COLMAR

APPELANTE et défenderesse :

La COMMUNE DE HORBOURG-WIHR prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social 44 Grand'Rue 68180 HORBOURG-WIHR

représentée par Maître HARTER, avocat à COLMAR plaidant : Maître RAJAT, avocat à STRASBOURG

INTIMÉE et demanderesse :

La SCI CARET IMMO prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social 5 rue des Gardes Vignes 68100 MULHOUSE

représentée par Maître SEILLE, avocat à COLMAR plaidant : Maître MEYER, avocat à STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 21 janvier 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Bernard POLLET, Président Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller Monsieur Olivier DAESCHLER, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier ad hoc, lors des débats : Madame Valérie ALVARO

ARRÊT Contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Valérie ALVARO, greffier ad hoc, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Courant 2009, les consorts X..., propriétaires d'un ensemble immobilier situé 20, Grand Rue à Horbourg-Wihr, comportant une maison de maître et d'anciens bâtiments industriels, ont conclu avec la SCI Caret immo un acte sous seing privé en vue de lui vendre cet ensemble, moyennant un prix de 410 000 euros.
Par délibération du conseil municipal en date du 2 novembre 2009, la commune de Horbourg-Wihr a décidé d'exercer son droit de préemption, dans le but d'assainir la friche industrielle située en pleine zone d'habitation et d'édifier des logements, en particulier des logements sociaux. Elle a en conséquence acquis le bien immobilier par acte authentique du 1er février 2010.
Le 10 janvier 2011, le conseil municipal a décidé de lancer une consultation en vue de revendre l'immeuble et adopté à cet effet un cahier des charges prévoyant notamment que les bâtiments transformés ou reconstruits seraient affectés soit à des locaux professionnels destinés en priorité à des professions libérales ou médicales, soit à des locaux d'habitation, avec un quota de 25 % de logement sociaux conventionnés.
Par acte notarié en date du 29 juin 2012, la commune de Horbourg-Wihr a revendu l'ensemble immobilier à la société Agence immobilière Concorde, pour un prix de 440 000 euros.
Par courrier de son avocat en date du 12 septembre 2012, la SCI Caret immo a sollicité de la commune de Horbourg-Wihr l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 170 000 euros, aux motifs que la destination de l'immeuble avait été modifiée et que la commune n'avait pas respecté les obligations lui incombant en vertu de l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme.
La commune ayant rejeté cette réclamation, la SCI Caret immo l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Colmar, lequel, par jugement en date du 13 mars 2014, a condamné la commune de Horbourg-Wihr à payer à la demanderesse la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a retenu qu'aucun logement social n'avait été réalisé par l'acquéreur du bien immobilier, que la commune devait répondre des agissements de l'acquéreur, qu'elle n'avait rien fait pour que celui-ci respecte ses engagements, et qu'elle avait ainsi engagé sa responsabilité, à l'égard de la SCI Caret immo, acquéreur évincé, dont le préjudice pouvait être fixé à 200 000 euros.
*

La commune de Horbourg-Wihr a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 24 avril 2014.

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de rejeter les prétentions de la SCI Caret immo et de la condamner au paiement d'une somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La commune fait valoir que, selon l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme, elle n'aurait été tenue de proposer à la SCI Caret immo l'acquisition de l'immeuble que si celui-ci avait été revendu dans un but autre que ceux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 210-1 du même code, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, la revente étant intervenue pour réaliser une opération immobilière conforme aux motifs d'intérêt général invoqués lors de l'exercice du droit de préemption.
Elle conteste par ailleurs pouvoir être tenue pour responsable d'un éventuel non-respect de ses engagements par l'acquéreur et fait valoir au surplus que celui-ci a bien rempli ses obligations, notamment en réalisant 25 % de logements sociaux.
Enfin, la commune de Horbourg-Wihr conteste le préjudice invoqué par la SCI Caret immo et souligne que le premier juge n'a pas motivé son estimation de ce préjudice à 200 000 euros.
*
La SCI Caret immo conclut à la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qui concerne l'estimation de son préjudice. Formant appel incident sur ce point, elle sollicite une somme de 310 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCI Caret immo prétend que la commune n'avait aucun projet précis d'aménagement de l'espace urbain susceptible de justifier l'exercice de son droit de préemption puis la revente de l'immeuble à l'agence immobilière Concorde et qu'elle devait dès lors, en vertu de l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme, lui adresser une offre prioritaire de vente. Elle ajoute que l'opération finalement réalisée ne correspond à aucun des objectifs prévus par le code de l'urbanisme. Du tout elle déduit que la commune a engagé sa responsabilité à son égard et qu'elle doit l'indemniser à hauteur du profit qu'elle aurait réalisé si elle n'avait pas été évincée, soit, selon elle, 310 000 euros.
*
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises à la cour par voie électronique
-le 20 octobre 2014pour la commune de Horbourg-Wihr,- le 10 novembre 2015 pour la SCI Caret immo.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance en date du 9 décembre 2015.
MOTIFS

La SCI Caret immo fonde son action en responsabilité contre la commune d'Horbourg-Wihr sur les dispositions des articles L. 213-11 et L. 213-12 du code de l'urbanisme.

Ce dernier texte, en son alinéa deux, prévoit que la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien ayant fait l'objet de la préemption dispose d'une action en dommages et intérêts contre le titulaire du droit de préemption, en cas de non-respect des obligations définies au sixième alinéa de l'article L. 211-11.
L'article L. 211-11, alinéa six, dispose que le titulaire du droit de préemption doit proposer l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien, dans le cas où les anciens propriétaires, auxquels l'acquisition doit être en priorité proposée, ont renoncé à acquérir.
L'obligation, pour le titulaire du droit de préemption, de proposer l'acquisition aux anciens propriétaires et, subsidiairement, à l'acquéreur évincé, n'existe que dans le cas prévu à l'article L. 211-11, alinéa deux, c'est-à-dire si le bien a été acquis depuis moins de cinq ans et s'il est aliéné pour d'autres objets que ceux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 210-1.
L'article L. 210-1, alinéa premier, renvoie à l'article L. 300-1, qui énumère les objectifs auxquels doivent tendre les actions ou opérations d'aménagement susceptibles de justifier l'exercice du droit de préemption, parmi lesquels : mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, lutter contre l'insalubrité de l'habitat indigne ou dangereux, permettre le renouvellement urbain, sauvegarder ou mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti.
Il s'ensuit que l'action de la SCI Caret immo ne pourrait prospérer que si la commune de Horbourg-Wihr avait revendu l'immeuble dans le cadre d'une opération ne répondant pas à l'un de ces objectifs.
Or, l'acte de vente du 29 juin 2012 impose expressément à l'acquéreur les obligations prévues par le cahier des charges adopté le 10 janvier 2011 par le conseil municipal, destinées à permettre la réhabilitation de l'ancien site industriel, notamment l'obligation de conserver la maison de maître et celle de transformer ou reconstruire les autres bâtiments, afin de réaliser soit des locaux à l'usage de professions libérales ou médicales, soit des locaux d'habitation, dont 25 % de logements sociaux conventionnés.
Dès lors, contrairement à ce que soutient l'intimée, la revente de l'immeuble avait bien pour objet une opération d'aménagement conforme aux dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, de sorte que la commune de Horbourg-Wihr n'avait aucune obligation de lui proposer la vente.
Il sera ajouté que cette opération d'aménagement avait motivé l'acquisition, par la commune, d'autres biens immobiliers voisins de ceux des consorts X..., que la préemption de cette dernière propriété s'inscrivait ainsi dans un projet d'ensemble visant à réhabiliter un ancien site industriel situé en zone d'habitation, que ce projet, contrairement à ce qui allégué par la SCI Caret immo, était suffisamment précis, comme le montre le cahier des charges adopté par le conseil municipal, qu'il était en outre l'occasion, pour la commune, de se conformer à ses obligations en matière de logements sociaux, dans l'exécution desquelles elle n'était pas à jour, que la commune était parfaitement en droit de se substituer un opérateur privé pour réaliser ce projet et qu'elle est allée au-delà de ses obligations en mettant en concurrence plusieurs acquéreurs potentiels, dont la SCI Caret immo, à qui le cahier des charges a été adressé et qui n'a, au vu de celui-ci, formulé aucune offre.
Enfin, contrairement à ce qu'a énoncé le premier juge, la commune n'est pas responsable, sur le fondement de l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme, de l'éventuel non-respect, par l'acquéreur, des engagements pris par celui-ci afin de réaliser l'objectif d'intérêt général ayant motivé l'exercice du droit de préemption. Au surplus, il n'est aucunement démontré en l'espèce que, comme le soutient l'intimée, l'immeuble aurait fait l'objet d'un changement d'affectation. Au contraire, en l'état des informations figurant au dossier, il apparaît que huit logements ont été réalisés dans un bâtiment réhabilité, dont deux, soit 25 %, ont fait l'objet d'une demande de subvention auprès du Conseil général pour bénéficier d'un " loyer social ".
Le jugement déféré doit donc être infirmé et les prétentions de la SCI Caret immo être rejetées.
L'intimée, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la commune de Horbourg-Wihr, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la demande de la SCI Caret immo tendant à être indemnisée de ses propres frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique,

INFIRME le jugement rendu le 13 mars 2014 par le tribunal de grande instance de Colmar ;

Statuant à nouveau,

REJETTE les demandes de la SCI Caret immo ;
CONDAMNE la SCI Caret immo à payer à la commune de Horbourg-Wihr la somme de 3 000 € (trois mille euros) au titre des frais non compris dans les dépens exposés par cette dernière tant en première instance qu'en cause d'appel ;
CONDAMNE la SCI Caret immo aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : DeuxiÈme chambre civile - section a
Numéro d'arrêt : 167
Date de la décision : 10/03/2016
Type d'affaire : Civile

Analyses

"En application de l'article L.213-11 du code de l'urbanisme, la personne publique qui envisage de revendre un immeuble acquis depuis moins de cinq ans dans le cadre de l'exercice de son droit de préemption, n'a pas l'obligation de proposer la vente de l'immeuble au précédent propriétaire, et en cas de renonciation de celui-ci, à l'acquéreur évincé, lorsque les motifs de la revente de l'immeuble, autres que ceux mentionnés dans la décision de préemption, relèvent de ceux mentionnés au premier alinéa de l'article L.210-1 du même code" "Tel est le cas lorsque l'acte de vente impose à l'acquéreur de transformer ou reconstruire les bâtiments et de les affecter soit à des locaux professionnels destinés en priorité à des professions libérales ou médicales, soit à des locaux d'habitation, avec un quota de 25 % de logements sociaux conventionnés, la revente ayant pour objectif de réaliser une opération d'aménagement conforme aux dispositions de l'article L.300-1 du code de l'urbanisme auquel renvoie l'article L.210-1 précité"


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Colmar, 13 mars 2014


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2016-03-10;167 ?
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