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18/12/2015 | FRANCE | N°14/01752

France | France, Cour d'appel de Colmar, 18 décembre 2015, 14/01752


COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRÊT DU 18 décembre 2015



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 14/01752

Décision déférée à la Cour : jugement du 04 février 2014 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de MULHOUSE



APPELANT et défendeur :

Monsieur Diego X...

demeurant...

68200 MULHOUSE

représenté par Maîtres CHEVALLIER-GASCHY, RICHARD-FRICK & HEICHELBECH, avocats à COLMAR



INTIMÉE et demanderesse :

La SARL AS IMMO
prise en la personne

de son représentant légal
ayant son siège social 91 rue de Mulhouse
68390 SAUSHEIM

représentée par Maître HARTER, avocat à COLMAR



COMPOSITION DE...

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRÊT DU 18 décembre 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 14/01752

Décision déférée à la Cour : jugement du 04 février 2014 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de MULHOUSE

APPELANT et défendeur :

Monsieur Diego X...

demeurant...

68200 MULHOUSE

représenté par Maîtres CHEVALLIER-GASCHY, RICHARD-FRICK & HEICHELBECH, avocats à COLMAR

INTIMÉE et demanderesse :

La SARL AS IMMO
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social 91 rue de Mulhouse
68390 SAUSHEIM

représentée par Maître HARTER, avocat à COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bernard POLLET, Président
Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller
Madame Pascale BLIND, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie NEFF

ARRÊT Contradictoire
-prononcé publiquement après prorogation du 4 décembre 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Nathalie NEFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Selon « mandat de vente sans exclusivité en cas de démarchage » en date du 24 janvier 2012 conclu pour une durée de trois mois, M.
X...
a mandaté l'agence immobilière AS Immo pour vendre un immeuble situé ... à Sausheim, au prix de 84 000 euros comprenant une rémunération du mandataire à la charge de l'acquéreur fixée à 9 000 euros, soit au prix net vendeur de 75 000 euros.

M.
X...
a signé un compromis de vente en date du 18 février 2012 par lequel il vendait sa propriété à M. Mathieu A..., acquéreur présenté par la société AS Immo, moyennant le versement d'un prix de vente de 75 000 euros, le montant de 9 000 euros étant par ailleurs mis à la charge de l'acquéreur, au titre des frais de négociation. L'acte était conclu sous condition suspensive de l'obtention par l'acquéreur d'un prêt de 69 500 euros, au plus tard le 19 mars 2012 à 18 heures, et prévoyait que la somme de 9 000 euros serait acquise à titre de clause pénale à l'agent immobilier en cas de refus de signer l'acte, malgré la réalisation de la condition suspensive.

L'acte de vente n'a pas été réitéré en la forme authentique en raison de l'opposition de M.
X...
, qui entendait vendre son bien un autre acquéreur.

Par acte du 7 juin 2012, la SARL AS Immo a assigné M.
X...
aux fins de le voir condamné à lui verser la somme de 9 000 euros, correspondant à la clause pénale, augmentée des intérêts légaux à compter de la signature du compromis de vente, outre 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

En réplique, M.
X...
a conclu à la nullité du mandat de vente, au motif que les dispositions de l'article L. 121-24 du code de la consommation relatives au démarchage à domicile n'avaient pas été respectées, en l'absence de formulaire de rétractation. Il a fait valoir en outre que, l'acquéreur n'ayant pas obtenu le financement du prêt dans le délai imparti, il n'était plus tenu de réitérer l'acte de vente.

Par jugement du 4 février 2014, le tribunal de grande instance de Mulhouse a rejeté la demande de nullité du contrat de mandat, condamné avec exécution provisoire M.
X...
à verser à la société As Immo la somme de 9 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la demande, outre 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande de dommages intérêts et condamné le défendeur aux dépens.

Le tribunal a retenu que les articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation relatifs au démarchage à domicile étaient applicables, que sur la copie du contrat produit par la société AS Immo figuraient la faculté de renonciation ainsi que les textes applicables, alors que M.
X...
prétendait avoir perdu son exemplaire ; par ailleurs, le bordereau détachable se trouvait bien sur les exemplaires vierges de mandats produits par l'agent immobilier et M.
X...
n'avait jamais entendu remettre en cause le mandat qu'il avait donné, alors qu'il savait pertinemment qu'il pouvait y renoncer dans le délai de sept jours, puisque mention en était faite dans le contrat. D'autre part, le tribunal a rappelé que la condition suspensive relative à l'octroi du prêt était stipulée au seul profit de l'acquéreur.

*

M.
X...
a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 2 avril 2014.

Aux termes de ses dernières conclusions du 12 novembre 2014, il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de déclarer nul le mandat de vente du 24 janvier 2012 et, par voie de conséquence, de déclarer également nul le compromis de vente du 18 février 2012, de déclarer en toute hypothèse nul le compromis de vente pour cause de dol, de rejeter les demandes de la SARL AS Immo. Subsidiairement, il sollicite la réduction du montant de la clause pénale et, encore plus subsidiairement, des délais de paiement. Il réclame enfin la condamnation de l'intimée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, il fait valoir que :

- le mandat de vente a été signé dans le cadre d'un démarchage à domicile ainsi qu'il résulte des termes mêmes du mandat et il n'est pas un professionnel de l'immobilier, la société Eurorésidences, à laquelle se réfère la partie adverse, étant gérée par un homonyme,
- le mandat de vente produit en copie par l'intimée ne comporte pas le formulaire détachable de rétractation, si bien que le mandat de vente est nul, ce qui entraîne la nullité du compromis de vente,
- l'agent immobilier s'est présenté chez lui un samedi soir au prétexte qu'il fallait encore signer des documents et il a découvert plus tard qu'il avait été trompé puisqu'il s'agissait en réalité d'un compromis de vente ; or, il avait lui-même déjà trouvé acquéreur et signé un acte sous-seing privé de vente pour un prix supérieur, de 80 000 euros, huit jours plus tôt, le 10 février 2012,
- la condition suspensive à laquelle M. A... n'avait pas renoncé n'a pas été réalisée,
- l'agence AS Immo n'a pas justifié avoir fait courir le délai de rétractation prévue à l'article L. 271-1 du code de la construction.

La SARL AS Immo a conclu le 17 mars 2015 à la confirmation du jugement déféré, à la condamnation de l'appelant aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée affirme que M.
X...
est un professionnel des négociations immobilières puisqu'il gère une société dénommée Eurorésidences dont l'objet social est la promotion immobilière, de sorte que la réglementation sur le démarchage n'a pas à s'appliquer en l'espèce.

En tout état de cause, selon elle, les prescriptions des articles L. 121-24 et suivants du code de la consommation ont été parfaitement respectées ; elle regrette que l'appelant ne verse pas au dossier son exemplaire du mandat et indique produire elle-même un exemplaire vierge comprenant le formulaire détachable utilisé dans le cadre de la vente du bien immobilier susvisé. Elle souligne par ailleurs la mauvaise foi de M.
X...
qui, pour la première fois dans le cadre du litige, tente de faire croire qu'il aurait été piégé par l'agent immobilier dans le but d'obtenir sa signature alors qu'il venait de signer un compromis de vente quelques jours auparavant ; elle affirme à cet égard que le compromis de vente dont il se prévaut a été rédigé uniquement pour les besoins de la cause.

Pour le surplus, la SARL AS Immo soutient que seul M. A... pouvait se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive dans le délai du compromis et que l'acquéreur avait bien obtenu une offre de prêt avant l'expiration du délai de 30 jours, prévu à l'acte.
Pour l'exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions respectives susvisées.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 12 mai 2015.

MOTIFS

Le mandat de vente a été signé au lieu où se situe l'immeuble, objet du contrat.

Il n'est pas établi que la personne concernée par le présent litige, à savoir M. Diego X..., né le 26 août 1953, soit la même que le gérant de la société Eurorésidences, qui est né en 1965, selon les mentions figurant sur le site internet société. com.

Par ailleurs, la société AS Immo a elle-même utilisé pour la conclusion du contrat le formulaire de mandat de vente sans exclusivité en cas de démarchage, mentionnant l'application des articles L. 123-23 et suivants du code de la consommation, reconnaissant ainsi que son cocontractant n'était pas un professionnel de l'immobilier.

Il en résulte que la législation protectrice sur les opérations de démarchage à domicile s'applique en l'espèce.

Selon les articles L. 121-21 et L. 121-23 du code de la consommation, de telles opérations doivent faire l'objet d'un contrat mentionnant, à peine de nullité, la faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25 ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.

L'article L. 124-24 précise que le contrat visé à l'article L. 123-23 doit comprendre le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 121-25. En outre, l'article R. 121-3 de ce code, issu du décret 97-298 du 27 mars 1997, indique que le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation prévu à l'article L. 121-25 fait partie de l'exemplaire du contrat laissé au client, qu'il doit pouvoir en être séparé facilement et que sur l'exemplaire du contrat doit figurer la mention : « si vous annulez votre commande, vous pouvez utiliser le formulaire détachable ci-contre ». Le formulaire doit par ailleurs comporter sur son autre face, la mention « Annulation de commande » en gros caractères, suivie de la référence « Code de la consommation, articles L. 121-23 à L. 121-26 », ainsi qu'un certain nombre d'instructions sur les conditions d'utilisation du formulaire.

Il incombe au professionnel qui se prévaut d'un contrat conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile de prouver la régularité du contrat au regard des dispositions légales applicables. En particulier, c'est au professionnel de prouver que le consommateur a été mis en possession d'un exemplaire du contrat comportant le formulaire détachable prévu à l'article L. 121-25 du code de la consommation, destiné à faciliter l'exercice, par le consommateur, de sa faculté de renonciation.

En l'espèce, l'exemplaire du mandat produit par la société AS Immo ne comporte pas le formulaire détachable de rétractation. Le contrat ne comporte pas non plus de clause aux termes de laquelle le mandant aurait reconnu avoir reçu un exemplaire comportant le bordereau détachable de rétractation.

Par ailleurs, si la société AS Immo verse aux débats un exemplaire vierge du contrat comportant un bordereau de rétractation détachable, cet exemplaire n'est pas exactement identique à celui utilisé en l'espèce.

Enfin, la présence d'un bordereau de rétractation annexé à l'exemplaire du contrat remis à M.
X...
ne saurait être déduite du seul fait que celui-ci ne verse pas aux débats cet exemplaire, alors qu'aux termes du contrat, il n'a nullement reconnu s'être vu remettre un tel bordereau.

Par conséquent, force est de constater que la société AS Immo échoue à prouver la régularité du contrat, lequel encourt dès lors la nullité.

Le premier juge a écarté la nullité, au motif que M.
X...
avait été informé de la faculté de rétractation qui était rappelée dans le contrat, qu'il n'avait pas exercé cette faculté et que la société AS Immo avait quant à elle exécuté ses obligations.

Mais la loi ne se contente pas d'exiger que la faculté de rétractation soit portée à la connaissance du consommateur. Elle dispose que celui-ci doit, en outre, se voir remettre le bordereau détachable qui doit lui faciliter l'exercice de cette faculté. Par ailleurs, la validité du contrat devant être appréciée à la date de sa formation, il est indifférent à cet égard que le professionnel ait exécuté ses obligations contractuelles. Quant au consommateur, en admettant qu'il puisse renoncer à la nullité du contrat, encore faudrait-il qu'une telle renonciation résulte d'un comportement non équivoque de sa part. Or, en l'espèce, le fait, pour M.
X...
, de signer le compromis de vente avec l'acquéreur présenté par l'agent immobilier, ne constitue pas une manifestation sans équivoque de sa volonté de renoncer à la nullité du mandat.

Il convient donc d'annuler le mandat de vente et, la nullité du contrat entraînant cette de la clause pénale, de débouter la société AS Immo de ses prétentions.

Surabondamment, il sera observé que la vente n'a pas été effectivement conclue, M. A... ayant finalement renoncé à l'acquisition, et il sera rappelé que, dans une telle hypothèse, l'agent immobilier ne peut prétendre à aucune commission ni somme d'argent quelconque, ni, sous couvert de l'application d'une clause pénale, au paiement d'une indemnité compensatrice de sa perte de rémunération.

La société AS Immo, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité ne prescrit pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement rendu le 4 février 2014 par le tribunal de grande instance de Mulhouse ;

Statuant à nouveau,

REJETTE les demandes de la société AS Immo ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société AS Immo aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Numéro d'arrêt : 14/01752
Date de la décision : 18/12/2015

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Mulhouse


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-18;14.01752 ?
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