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16/12/2015 | FRANCE | N°14/05937

France | France, Cour d'appel de colmar, DeuxiÈme chambre civile - section a, 16 décembre 2015, 14/05937


DEUXIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRÊT DU 16 décembre 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 14/05937
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 13 novembre 2014 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG
APPELANTE et défenderesse :
La S. A. BOUYGUES TELECOM prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social 32 Avenue Hoche 75008 PARIS

représentée par Maîtres CHEVALLIER-GASCHY, RICHARD-FRICK et HEICHELBECH, avocats à COLMAR plaidant : Maître Louis DES CARS, avocat à PARIS

INTIMÉS et demandeurs : r>1- Monsieur Samuel X... demeurant... 67000 STRASBOURG

2- Madame Sophie Y... épouse X... demeura...

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRÊT DU 16 décembre 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 14/05937
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 13 novembre 2014 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG
APPELANTE et défenderesse :
La S. A. BOUYGUES TELECOM prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social 32 Avenue Hoche 75008 PARIS

représentée par Maîtres CHEVALLIER-GASCHY, RICHARD-FRICK et HEICHELBECH, avocats à COLMAR plaidant : Maître Louis DES CARS, avocat à PARIS

INTIMÉS et demandeurs :
1- Monsieur Samuel X... demeurant... 67000 STRASBOURG

2- Madame Sophie Y... épouse X... demeurant... 67000 STRASBOURG

3- Monsieur Marc Z... demeurant... 67000 STRASBOURG

4- Madame Laurence C... épouse Z... demeurant... 67000 STRASBOURG

représentés par Maître SPIESER, avocat à COLMAR plaidant : Maître Catherine SCHULTZ-MARTIN, avocat à STRASBOURG

5- Monsieur Matthias A... demeurant... 68240 KAYSERSBERG

assigné à personne le 12 janvier 2015 n'ayant pas constitué avocat

6- L'EURL X... CONSULTING prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social... 67000 STRASBOURG

représentée par Maître SPIESER, avocat à COLMAR plaidant : Maître Catherine SCHULTZ-MARTIN, avocat à STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 04 novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Bernard POLLET, Président Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller Monsieur Olivier DAESCHLER, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier ad hoc, lors des débats : Madame Astrid DOLLE
ARRÊT Réputé contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Valérie ALVARO, greffier ad hoc, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 15 septembre 2011, la société Bouygues télécom a déposé à la mairie de Strasbourg une déclaration préalable en vue d'implanter une antenne de téléphonie mobile sur l'immeuble en copropriété sis ... à Strasbourg.
Cette déclaration n'a fait l'objet d'aucune opposition. La société Bouygues télécom s'étant fait consentir par le syndicat des copropriétaires un bail lui conférant la jouissance d'un emplacement sur le toit de l'immeuble, l'antenne a été installée sur cet emplacement.
Par acte d'huissier en date du 15 juillet 2013, les époux X..., l'EURL X... consulting, les époux Z... et M. A..., qui résident à proximité de l'antenne, ont fait assigner la société Bouygues télécom devant le tribunal de grande instance de Strasbourg afin qu'elle soit condamnée, d'une part à démanteler cette antenne, d'autre part à leur payer des dommages et intérêts.
La société Bouygues télécom ayant soulevé l'incompétence du tribunal de grande instance de Strasbourg au profit du tribunal administratif de Strasbourg, le juge de la mise en état, par ordonnance en date du 13 novembre 2014, a rejeté l'exception d'incompétence et déclaré le tribunal de grande instance de Strasbourg compétent pour connaître de l'intégralité des prétentions des demandeurs.
*
La société Bouygues télécom a régulièrement interjeté appel de cette ordonnance par déclaration en date du 5 décembre 2014.
Elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance déférée, de renvoyer les époux X... et consorts à se pourvoir devant le tribunal administratif de Strasbourg, excepté pour leur demande en indemnisation de leur préjudice de vue, et de les condamner au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante fait valoir que le juge judiciaire est incompétent pour connaître de la demande d'enlèvement de l'antenne dès lors que celle-ci a été implantée régulièrement, en vertu d'une autorisation implicite de la ville de Strasbourg. Elle ajoute que, le 25 avril 2014, elle a déposé en mairie une nouvelle déclaration préalable pour procéder au remplacement de l'antenne initiale par une autre adaptée à la technologie 4G, et que cette seconde déclaration n'a, pas plus que la première, été frappée d'opposition, l'architecte des bâtiments de France ayant émis un avis favorable. Elle fait observer qu'au demeurant, les époux X... et consorts ont formé le 14 novembre 2014 un recours devant le tribunal administratif de Strasbourg pour faire annuler la décision de non-opposition du maire de Strasbourg faisant suite à la déclaration du 25 avril 2014.
S'agissant des demandes de dommages et intérêts, la société Bouygues télécom soutient que toutes celles fondées sur l'existence d'un risque sanitaire relèvent de la protection de la santé publique et, par conséquent, de la compétence du juge administratif. Elle en déduit que le juge judiciaire n'est compétent, en l'espèce, que pour la demande d'indemnisation du préjudice de vue.
*
L'EURL X... consulting, les époux X... et les époux Z... concluent à la confirmation de l'ordonnance déférée et sollicitent la condamnation de l'appelante à leur payer une somme de 1 500 euros à chacun par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante, l'antenne litigieuse n'a pas été implantée conformément aux autorisations obtenues. En effet, selon eux, l'antenne ne se trouve pas à l'emplacement prévu, son orientation et l'implantation de ses accessoires ne sont pas conformes à la déclaration préalable. Les époux X... et consorts concluent dès lors à la compétence du juge judiciaire pour connaître de leur demande tendant au démantèlement de l'antenne.
Les intimés soutiennent par ailleurs que, l'antenne n'étant pas un ouvrage public puisqu'elle appartient à la société Bouygues télécom, le juge judiciaire est compétent pour connaître de l'intégralité de leurs demandes d'indemnisation.
*
La déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante ont été signifiées à M. Matthias A... par actes d'huissier en date des 12 janvier et 10 mars 2015 remis à la personne du destinataire. M. A... n'ayant pas constitué avocat, le présent arrêt sera réputé contradictoire.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique
-le 8 septembre 2015 pour la société Bouygues télécom,- le 27 avril 2015 pour les époux X... et consorts.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 14 octobre 2015.
MOTIFS
Par plusieurs arrêts du 14 mai 2012, le tribunal des conflits a énoncé que le juge administratif est seul compétent pour connaître des demandes tendant à obtenir l'interruption de l'émission, l'interdiction de l'implantation, l'enlèvement ou le déplacement d'une station radioélectrique régulièrement autorisée et implantée, et qu'en revanche, le juge judiciaire reste compétent, sous réserve d'une éventuelle question préjudicielle, pour connaître des litiges opposant un opérateur de communications électroniques à des usager ou à des tiers,
- d'une part, aux fins d'indemnisation des dommages causés par l'implantation ou le fonctionnement d'une station radioélectrique qui n'a pas le caractère d'un ouvrage public,- d'autre part, aux fins de faire cesser les troubles anormaux de voisinage liés à une implantation irrégulière ou à un fonctionnement non conforme aux prescriptions administratives ou à la preuve de nuisances et inconvénients anormaux autres que ceux afférents à la protection de la santé publique et aux brouillages préjudiciables.

Il s'ensuit qu'en l'espèce, l'antenne litigieuse n'étant pas un ouvrage public, le tribunal de grande instance de Strasbourg est compétent pour connaître des demandes de dommages et intérêts des époux X... et consorts. Sur ce point, l'ordonnance déférée doit être confirmée.
S'agissant de la demande de démantèlement de l'antenne, le juge judiciaire n'est compétent que si l'antenne n'a pas été régulièrement implantée ou si son fonctionnement n'est pas conforme aux prescriptions administratives. Il appartient donc aux époux X... et consorts de prouver, pour justifier la compétence du juge judiciaire qu'ils ont saisi et qui n'est, en principe, par compétent, que l'implantation ou le fonctionnement de l'antenne litigieuse ne sont pas conformes aux prescriptions administratives.
Or, cette preuve n'est pas rapportée.
En effet, il apparaît au vu, d'une part de la déclaration préalable de travaux déposée le 15 septembre 2011 par la société Bouygues télécom, d'autre part des constats et photographies produits par les époux X... et consorts, que l'antenne a bien été implantée sur le toit de l'immeuble en copropriété sis ..., à l'emplacement prévu sur les plans joints à la déclaration et selon un bail consenti par la copropriété.
Cet immeuble possède plusieurs entrées et le fait que l'antenne soit plus proche de celle située rue de Wissembourg que de celle située place de Haguenau n'affecte pas la régularité de l'implantation. Par ailleurs, si l'antenne, installée en retrait sur le toit de l'immeuble par rapport à la place de Haguenau, n'est visible depuis cette place qu'avec un certain recul, alors qu'elle est en vue directe pour certains riverains de la rue de Wissembourg, ceci n'est que la conséquence de l'implantation de l'antenne, conforme à la déclaration préalable.
Quant à l'orientation de l'antenne, les intimés n'établissent aucune irrégularité, l'antenne étant en forme de tube vertical. Il en est de même de l'implantation des coffrets laquelle, en toute hypothèse, est sans incidence sur l'exposition des riverains aux ondes radioélectriques.
Enfin, la nouvelle déclaration du 25 avril 2014 et les travaux subséquents n'ont rien changé à l'implantation de l'antenne puisque celle-ci a simplement été remplacée par une autre sans modification de l'installation.
En l'état de ces éléments, l'antenne doit être réputée régulièrement implantée. Il s'ensuit que la demande d'enlèvement de cet équipement relève de la compétence du juge administratif et que, sur ce point, l'ordonnance déférée doit être infirmée.
Dès lors que chaque partie succombe partiellement en ses prétentions, il convient de laisser à chacune d'elles la charge des dépens et des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, après débats en audience publique,
REFORME l'ordonnance rendue le 13 novembre 2014 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Strasbourg, en ce qu'elle a dit que le tribunal de grande instance de Strasbourg est compétent pour connaître de la demande des époux X... et consorts tendant au démantèlement de l'antenne litigieuse ;
Statuant à nouveau sur ce point,
DIT que le tribunal de grande instance de Strasbourg est incompétent pour connaître de la demande des époux X... et consorts tendant au démantèlement de l'antenne litigieuse ;
RENVOIE les époux X... et consorts à se mieux pourvoir quant à cette demande ;
CONFIRME, pour le surplus, l'ordonnance déférée ;
Ajoutant à la dite ordonnance,
REJETTE les demandes formées en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : DeuxiÈme chambre civile - section a
Numéro d'arrêt : 14/05937
Date de la décision : 16/12/2015
Type d'affaire : Civile

Analyses

L'action tendant à obtenir le démantèlement d'une antenne de téléphonie mobile installée sur un immeuble en copropriété, ne relève pas de la compétence de la juridiction judiciaire, compétente uniquement pour connaître de la demande d'indemnisation du préjudice de vue des riverains, mais de la compétence du juge administratif, s'agissant d'une antenne réputée régulièrement implantée et conforme aux prescriptions administratives.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 13 novembre 2014


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2015-12-16;14.05937 ?
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