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04/11/2015 | FRANCE | N°13/00294

France | France, Cour d'appel de colmar, DeuxiÈme chambre civile - section a, 04 novembre 2015, 13/00294


BP
MINUTE No 636/2015

Copies exécutoires à

Maître HOHMATTER
Maîtres D'AMBRA et BOUCON

Le 4 novembre 2015

Le GreffierRÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMARDEUXIÈME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRÊT DU 04 novembre 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 13/00294

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 21 décembre 2012 rendue par le Juge de la mise en état du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de SAVERNE

APPELANTE et défenderesse :

La S.A. ORANGE, anciennement dÃ

©nommée FRANCE TELECOM prise en la personne de son représentant légalayant son siège social 6 Place d'Alleray75015 PARIS

représentée p...

BP
MINUTE No 636/2015

Copies exécutoires à

Maître HOHMATTER
Maîtres D'AMBRA et BOUCON

Le 4 novembre 2015

Le GreffierRÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMARDEUXIÈME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRÊT DU 04 novembre 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 13/00294

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 21 décembre 2012 rendue par le Juge de la mise en état du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de SAVERNE

APPELANTE et défenderesse :

La S.A. ORANGE, anciennement dénommée FRANCE TELECOM prise en la personne de son représentant légalayant son siège social 6 Place d'Alleray75015 PARIS

représentée par Maître HOHMATTER, avocat à COLMARplaidant : Maître HASDAY, avocat à PARIS

INTIMÉ et demandeur :

L'OFFICE NATIONAL DES FORETS (ONF)pris en la personne de son représentant légalayant son siège social 2 Avenue de Saint Mandé75012 PARIS

représenté par Maîtres D'AMBRA et BOUCON, avocats à COLMARplaidant : Maître GODON (Cabinet DRAY), avocat à PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 16 septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :Monsieur Bernard POLLET, PrésidentMadame Isabelle DIEPENBROEK, ConseillerMonsieur Olivier DAESCHLER, Conseillerqui en ont délibéré.

Greffier ad hoc , lors des débats : Madame Astrid DOLLE

ARRÊT Contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Astrid DOLLE, greffier ad hoc, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le 5 juillet 2004, la société France Télécom a fait savoir à l'Office national des forêts (ci-après, l'ONF) qu'elle avait l'intention de remplacer un câble en cuivre traversant la forêt domaniale de Haslach par une ligne en fibre optique.
Le 10 août 2004, l'ONF a donné son accord à cette opération et indiqué à France Télécom qu'il lui ferait parvenir une convention de concession.
Les travaux ont été réalisés en décembre 2004.
Les parties ne sont pas parvenues à se mettre d'accord sur la conclusion d'une convention fixant l'indemnisation de l'ONF.
Par acte d'huissier en date du 22 décembre 2009, l'ONF a fait assigner la société France Télécom devant le tribunal de grande instance de Saverne, demandant au tribunal
- à titre principal, de dire que les implantations dont s'agit doivent être assimilées à celles bénéficiant du droit de passage sur le domaine public routier visé par les articles L. 45-1 et L. 47 du code des postes et des communications électroniques, de dire que ces implantations constituent une emprise irrégulière sur le domaine privé de l'Etat, d'ordonner l'expulsion de France Télécom des parcelles concernées et de la condamner au paiement d'une indemnité d'occupation,- à titre subsidiaire, de constater que l'ONF offre d'autoriser France Télécom à poursuivre son occupation moyennant la signature d'une convention de concession jointe à l'assignation avec effet rétroactif au 1er janvier 2005, prévoyant une redevance annuelle indexée.

La société France Télécom a soulevé l'incompétence du tribunal de grande instance de Saverne, au profit
- du président du tribunal de grande instance de Saverne pour connaître de la contestation relative aux modalités de mise en oeuvre de la servitude,- du juge de l'expropriation près le tribunal de grande instance de Strasbourg pour connaître de la contestation relative à la fixation d'une indemnité compte tenu du désaccord entre les parties,- du tribunal administratif de Strasbourg pour, comme le demande l'ONF, "dire que les implantations dont s'agit doivent être assimilées à celles bénéficiant du droit de passage sur le domaine public routier visé par les articles L. 45-1 et L. 47 du code des postes et des communications électroniques".

Par ordonnance en date du 21 décembre 2012, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Saverne a rejeté les exceptions d'incompétence soulevées par France Télécom. Il a motivé sa décision par le fait que les articles L. 45-9 et suivants, qui prévoient des servitudes légales en faveur des exploitants des réseaux de télécommunications, ne sont applicables qu'aux occupations du domaine public et aux servitudes sur les propriétés privées, et non aux servitudes qui, comme en l'espèce, grèvent le domaine privé de l'Etat, de sorte que la servitude litigieuse est nécessairement de nature conventionnelle.
*

La société France Télécom, devenue société Orange, a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 18 janvier 2013.

Elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance déférée, de déclarer le tribunal de grande instance de Saverne incompétent au profit des trois juridictions qu'elle a déjà désignées en première instance et de condamner l'ONF aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante soutient que son exception d'incompétence est recevable, comme ayant été soulevée avant toute défense au fond, avec indication des juridictions compétentes ratione materiae, la désignation de celles compétentes ratione loci ayant pu intervenir postérieurement. Elle ajoute qu'elle pouvait désigner plusieurs juridictions compétentes, dès lors que le litige posait plusieurs questions relevant de la compétence de juridictions différentes.
La société Orange fait valoir que, contrairement à l'appréciation du premier juge, les servitudes administratives prévues aux articles L. 45-1 du code des postes et des télécommunications électroniques s'appliquent au domaine privé de l'Etat, dont dépend la forêt de Haslach, et que, selon l'article L. 48 du même code, c'est le président du tribunal de grande instance qui est compétent pour fixer les modalités de mise en oeuvre d'une telle servitude, et le juge de l'expropriation qui l'est pour fixer l'indemnité due au propriétaire du fonds grevé de la servitude. Elle prétend en outre que seul le tribunal administratif est compétent pour "dire que les implantations dont s'agit doivent être assimilées à celles bénéficiant du droit de passage sur le domaine public routier visé par les articles L. 45-1 et L. 47 du code des postes et des communications électroniques", ce qui revient, selon l'appelante, à qualifier de public ou privé le domaine géré en l'espèce par l'ONF.
*
L'ONF conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée, par substitution de motifs, et à la condamnation de l'appelante à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que les exceptions d'incompétence soulevées par la société France Télécom sont irrecevables pour trois raisons: l'appelante avait antérieurement invoqué des moyens de défense au fond, elle n'a pas indiqué dès son déclinatoire de compétence les juridictions qu'elle estimait compétentes territorialement, et elle ne pouvait désigner trois juridictions différentes, l'affaire ne pouvant être renvoyée que devant l'une d'entre elles.
L'ONF conteste la compétence du président du tribunal de grande instance, car le litige porte en l'espèce sur l'existence même de la servitude légale invoquée, et non sur la mise en oeuvre de ses modalités. Il fait valoir que le juge de l'expropriation ne serait compétent que si l'existence de la servitude légale invoquée était admise, ce qui est discuté. Il ajoute, que, faute de bénéficier de l'autorisation délivrée au nom de l'Etat par le maire, comme prévu à l'article L. 48 du code des postes et des communications électroniques, la société Orange ne peut se prévaloir d'une servitude légale, d'où il se déduit que la servitude litigieuse est de nature conventionnelle et qu'elle relève de la compétence du juge judiciaire.
*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises à la cour par voie électronique

- le 2 février 2013 pour la société Orange,- le 11 février 2014 pour l'ONF.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 18 mars 2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des exceptions d'incompétence
Aux termes de l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.
L'article 75 du même code dispose que, s'il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée.
En l'espèce, les exceptions d'incompétence ont été soulevées dans les premières conclusions de la société France Télécom devant le tribunal de grande instance de Saverne, déposées le 20 juin 2010. Le dispositif de ces conclusions comportait un premier chef libellé comme suit: "à titre principal, se déclarer incompétent pour statuer sur la requête de l'ONF". Il s'ensuit que l'incompétence de la juridiction saisie a bien été soulevée avant toute défense au fond.
Les conclusions précitées de la société France Télécom comportaient, sinon dans leur dispositif, du moins dans l'exposé des motifs, l'indication de trois juridictions compétentes: le président du tribunal de grande instance, le juge de l'expropriation et le tribunal administratif. Les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile n'étant pas applicables devant le tribunal de grande instance, ces mentions suffisaient à désigner la ou les juridictions compétentes ratione materiae, l'indication de celles compétentes ratione loci ayant valablement été faite dans des écritures postérieures, avant que le juge ne statue.
Aucun texte n'oblige celui qui soulève l'incompétence de la juridiction saisie à ne désigner qu'une seule juridiction compétente, s'il estime que le litige porte sur plusieurs demandes relevant de la compétence de juridictions différentes.
L'ordonnance déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle retenu que les exceptions d'incompétence soulevées étaient recevables.
Sur le bien fondé des exceptions d'incompétence
La compétence doit être appréciée au regard de la demande principale de l'ONF, qui tend à voir déclarer la société Orange occupante sans droit ni titre du domaine privé de l'Etat, à voir ordonner son expulsion, et à mettre à sa charge une indemnité d'occupation.

Cette demande ne relève pas de la compétence du président du tribunal de grande instance prévue à l'article L. 48 du code des postes et des communications électroniques, qui est limitée aux contestations portant sur les modalités de mise en oeuvre de la servitude. En effet, la contestation porte en l'espèce sur la nature de la servitude, sur le régime juridique qui lui est applicable, et, surtout, sur l'indemnisation à laquelle peut prétendre l'ONF, et non sur les modalités de mise en oeuvre de la dite servitude.

Le juge de l'expropriation n'est pas compétent, à ce stade, pour connaître du litige, dès lors que sa compétence, prévue par l'article L. 48 du code des postes et des communications électroniques, suppose que soit acquis le principe de l'existence d'une servitude régie par les dispositions de ce texte légal, ce qui est contesté en l'espèce.
Contrairement à ce que soutient la société Orange, le fait que l'ONF demande qu'il soit jugé que "les implantations dont s'agit doivent être assimilées à celles bénéficiant du droit de passage sur le domaine public routier visé par les articles L. 45-1 et L. 47 du code des postes et des communications électroniques" ne revient pas à déterminer si le domaine géré par l'ONF, à savoir la forêt de Haslach, appartient au domaine public ou au domaine privé de l'Etat, ce qui relèverait de la compétence de la juridiction administrative. En effet, il est admis par les deux parties que la forêt de Haslach fait partie du domaine privé de l'Etat. L'assimilation au domaine public routier, sollicitée par l'ONF, ne vise qu'à étayer sa thèse concernant la nature et le régime juridique de la servitude litigieuse.
En définitive, il apparaît que le litige relève du contentieux des actes de gestion, par l'ONF, du domaine privé de l'Etat, qui, étant régi par le droit privé, est de la compétence du juge judiciaire.
L'ordonnance déférée sera donc confirmée, étant précisé qu'il appartiendra au tribunal de grande instance de Saverne, le cas échéant, de poser toute question préjudicielle à la juridiction administrative, et, après avoir statué sur la nature de la servitude, de renvoyer les parties devant le juge de l'expropriation, pour autant qu'il aura jugé les dispositions de l'article L. 48 du code des postes et des communications électroniques applicables en l'espèce.
Sur les frais et dépens
L'appelante, qui succombe en son recours, sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par l'intimé en cause d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de l'appelante tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique,
CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 21 décembre 2012 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Saverne ;
Ajoutant à la dite ordonnance,
CONDAMNE la société Orange à payer à l'Office national des forêts la somme de 2 000 ¿ (deux mille euros) au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel ;
REJETTE la demande de la société Orange formée en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Orange aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : DeuxiÈme chambre civile - section a
Numéro d'arrêt : 13/00294
Date de la décision : 04/11/2015
Type d'affaire : Civile

Analyses

"L'action tendant à voir déclarer la société exploitante d'un réseau de télécommunications occupante sans droit ni titre du domaine privé de l'Etat, à voir ordonner son expulsion des parcelles concernées et à mettre à sa charge une indemnité d'occupation, ne relève, ni de la compétence de la juridiction administrative, en l'absence de contestation sur l'appartenance des parcelles concernées au domaine privé de l'Etat, ni de celle du Président du tribunal de grande instance ou du juge de l'expropriation, telle que prévue par l'article L.48 du code des postes et des communications électroniques, dès lors que l'existence d'une servitude régie par les dispositions des articles L.45-1 à L. 47 du code des postes et des communications électroniques et le régime juridique applicable aux implantations effectuées sont contestés, mais de la compétence générale du tribunal de grande instance, s'agissant d'actes de gestion du domaine privé de l'Etat"


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Saverne, 21 décembre 2012


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2015-11-04;13.00294 ?
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