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10/06/2015 | FRANCE | N°14/01694

France | France, Cour d'appel de colmar, DeuxiÈme chambre civile - section a, 10 juin 2015, 14/01694


ID
MINUTE No 387/ 2015

Copies exécutoires à :

Maître LITOU-WOLFF
Maîtres WETZEL et FRICK

Le 10 juin 2015

Le Greffier RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRÊT DU 10 juin 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 14/ 01694

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 27 mars 2014 rendue par le Juge de la Mise en Etat du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANT et défendeur :

Monsieur Jean-Charles X...de

meurant ... 83100 TOULON

représenté par Maître LITOU-WOLFF, avocat à COLMAR

INTIMÉ et demandeur :

LE PARLEMENT EUROPÉEN agissa...

ID
MINUTE No 387/ 2015

Copies exécutoires à :

Maître LITOU-WOLFF
Maîtres WETZEL et FRICK

Le 10 juin 2015

Le Greffier RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRÊT DU 10 juin 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 14/ 01694

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 27 mars 2014 rendue par le Juge de la Mise en Etat du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANT et défendeur :

Monsieur Jean-Charles X...demeurant ... 83100 TOULON

représenté par Maître LITOU-WOLFF, avocat à COLMAR

INTIMÉ et demandeur :

LE PARLEMENT EUROPÉEN agissant au nom de l'Union Européenne pris en la personne de son Jurisconsulte, Monsieur Christian Y...ayant son siège social Bâtiment Konrad Adenauer-service courrier-Bureau 00D001 008 2929 LUXEMBOURG (LUXEMBOURG)

représenté par Maîtres WETZEL et FRICK, avocats à COLMAR plaidant : Maître STORCK, avocat à STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 01 avril 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Adrien LEIBER, Président Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller Monsieur Olivier DAESCHLER, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier ad hoc, lors des débats : Madame Astrid DOLLE

ARRÊT Contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par Monsieur Adrien LEIBER, Président et Madame Astrid DOLLE, greffier ad hoc, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Ouï Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller en son rapport,
FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES
Selon exploit du 12 juin 2013, le Parlement européen a fait citer M. Jean-Charles X..., ancien député européen, devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins de le voir condamner, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, subsidiairement de la répétition de l'indu, au paiement d'une somme de 255 847, 99 ¿ correspondant à des indemnités versées au titre de la rémunération de trois personnes employées par lui en qualité d'assistants parlementaires, qui en réalité auraient été affectées à des fonctions sans lien avec son activité parlementaire.
Selon requête enregistrée au greffe le 7 novembre 2013, M. Jean-Charles X...a saisi, in limine litis, le juge de la mise en état, d'une exception d'incompétence, revendiquant la compétence du Tribunal de première instance de l'Union européenne.
Par ordonnance du 27 mars 2014, le juge de la mise en état a rejeté l'exception soulevée au motif que la compétence de la Cour de Justice de l'Union Européenne ne s'étend pas aux litiges de droit privé afférents à la réparation du préjudice subi par une institution européenne dotée de la personnalité juridique imputé à la faute d'une personne physique, fut-il ancien parlementaire.
Le premier juge a également relevé que le litige opposant les mêmes parties pendant devant le tribunal de première instance de l'Union européenne, n'a pas le même objet s'agissant d'une demande d'annulation d'un acte d'un organe de l'Union et que la procédure de recouvrement mise en oeuvre par le secrétaire général du Parlement n'exclut pas le recours à la voie judiciaire nationale, les décisions du Parlement ne constituant pas des titres exécutoires.

M. Jean-Charles X...a interjeté appel de cette décision le 31 mars 2014.

Par conclusions du 13 mars 2015, il en demande l'infirmation et demande à la cour de dire que le tribunal de grande instance de Strasbourg est incompétent matériellement pour connaître de la demande telle qu'elle résulte de l'assignation notifiée le 12 juin 2013, de renvoyer le Parlement européen à mieux se pourvoir, subsidiairement de désigner le tribunal de première instance de l'Union européenne comme compétent pour connaître du litige, de débouter le Parlement européen de ses demandes et de le condamner au paiement d'une somme de 5000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 6000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens de premières instance et d'appel.
Au soutien de son appel, M. Jean-Charles X...fait valoir que le litige ne relève pas du droit commun mais de règles de droit communautaire dérivé, à savoir de la réglementation FID, relative aux frais et indemnités des députés et des décisions du parlement relatives au statut des députés, que ces règles communautaires prévalent sur les dispositions de droit interne et s'agissant de règles de droit spécial, priment sur les règles de droit général.
Il soutient que le litige ne relève pas de la compétence matérielle du tribunal de grande instance dans la mesure où la demande étant fondée sur deux décisions de recouvrement prises par le secrétaire général du Parlement le 4 mars 2009 et le 4 juillet 2013 portant sur des montants, qui cumulés correspondent à la somme de 255 847, 99 ¿ réclamée, la recevabilité et le bien fondé de la demande sont conditionnées par la validité desdites décisions dont l'appréciation relève de la compétence exclusive des juridictions de l'Union conformément aux articles 256 et 263 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, lesquelles sont au demeurant déjà saisies.
Il en déduit que c'est à tort que le premier juge a considéré que le litige dont est saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg a un autre objet que l'instance pendante devant le Tribunal de première instance de l'Union européenne, laquelle tend précisément à contester la validité des décisions de recouvrement prises par le secrétaire général du Parlement.
Il soutient ensuite que la référence faite au droit privé par le premier juge pour exclure la compétence des juridictions de l'Union est inopérante, le droit de l'Union n'opérant pas une telle distinction et les articles 268 et 340 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoyant explicitement la compétence de la Cour de Justice de l'Union Européenne pour les litiges extra-contractuels et quasi délictuels entre une personne physique et une institution communautaire.
Il fait valoir enfin que le premier juge a commis une erreur de droit en considérant que les actes du secrétaire général du Parlement pris pour l'exécution de la réglementation FID ne constituant pas des titres exécutoires, leur exécution suppose la saisine des juridictions nationales, alors qu'en application des dispositions combinées des articles 79 du règlement financier et 85 du règlement d'application du règlement financier, le Parlement européen doit saisir la Commission et non pas les juridictions nationales pour obtenir un titre exécutoire.
L'appelante considère donc que la saisine du tribunal de grande instance constitue un détournement de procédure et rappelle que la Cour de Justice de l'Union Européenne est actuellement saisie.

Par conclusions du 30 janvier 2015, le Parlement européen conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée, au débouté de M. Jean-Charles X...et à sa condamnation au paiement d'une indemnité de procédure de 6000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Parlement européen soutient que M. Jean-Charles X...résidant en France relève du droit français, quand bien même l'action est elle fondée sur le non respect des règles sur les frais et indemnités des députés. Il conteste vouloir éluder le droit européen au profit du droit national s'agissant de fondements juridiques distincts qui ne sont pas exclusifs l'un de l'autre, l'application de la réglementation FID ayant abouti à la constatation d'une créance par le secrétaire général du Parlement, alors que la saisine du tribunal de grande instance est destinée à obtenir un titre exécutoire permettant le recouvrement de cette créance, la prévalence du droit européen sur le droit national n'ayant pas à s'appliquer lorsque, comme en l'espèce, ces règles ne sont pas en conflit.
L'intimé conteste l'interprétation donnée par l'appelant aux dispositions des articles 268 et 340 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne s'agissant de la compétence des juridictions de l'Union.
Il fait valoir que la compétence de la Cour de Justice de l'Union Européenne est strictement définie et que notamment en matière de réparation, elle est limitée aux recours visant à obtenir réparation des dommages causés par les institutions de l'Union ou par un agent de l'Union dans l'exercice de ses fonctions dans les cas visés à l'article 340 alinéas 2 et 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à savoir la responsabilité extra contractuelle de l'Union laquelle n'est pas en cause en l'espèce.
S'agissant de l'instance pendante devant la Cour de Justice de l'Union Européenne, le Parlement européen approuve les motifs du juge de la mise en état qui a considéré que l'objet et le fondement juridique des deux procédures sont distincts, le tribunal de grande instance de Strasbourg n'étant pas saisi de la question de la validité des décisions du secrétaire général, soulignant qu'au demeurant seule la décision du 4 juillet 2013 est contestée, la décision du 4 mars 2009 étant définitive. Il considère que la recevabilité de l'action n'est pas conditionnée par la légalité des décisions du secrétaire général du Parlement et conteste tout détournement de procédure.
Il réfute l'argument tiré de ce qu'il devrait saisir la Commission pour obtenir un titre exécutoire, cette possibilité n'étant prévue par l'article 79 précité que dans des cas exceptionnels, s'agissant de créances liées au personnel auquel le statut personnel s'applique, d'un montant significatif et prétend que M. Jean-Charles X...confère à l'article 85 précité une portée générale alors qu'il s'agit d'un texte d'application de l'article 79 qui est restrictif.
Il conclut que dès lors, seule la saisine des juridictions nationales peut lui permettre d'obtenir un titre exécutoire que le tribunal de l'Union ne peut lui délivrer et que refuser la compétence de la juridiction nationale aboutirait à un déni de justice.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 17 mars 2015.

MOTIFS

Pour critiquer la décision du premier juge, M. Jean-Charles X...invoque vainement le principe de primauté du droit européen sur le droit interne et le principe de primauté de la règle spéciale sur la règle générale, lesquels gouvernent les règles de fond et non pas les règles de compétence, la loi applicable au fond du litige ne commandant pas la compétence de la juridiction saisie.
Ainsi que l'a exactement rappelé le premier juge, conformément à l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal de grande instance a une compétence générale pour connaître de tous les litiges civils et commerciaux dont la connaissance n'est pas attribuée, en raison de leur nature ou du montant à une autre juridiction.
De même les juridictions nationales ont une compétence générale pour connaître des litiges auxquels sont parties des personnes résidant sur leur territoire, à l'exclusion de ceux qui relèvent de la compétence exclusive d'une autre juridiction.
La compétence de la Cour de Justice de l'Union Européenne respectivement du tribunal de première instance de l'Union européenne, est définie par les articles 256 et 267 à 270 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Aucune de ces dispositions n'attribue compétence aux juridictions de l'Union pour connaître des actions en répétition de l'indu. De même, en matière de responsabilité non contractuelle, la compétence de la Cour de Justice de l'Union Européenne, est strictement limitée, conformément aux articles 268 et 340 du TFUE combinés, aux litiges
relatifs à la réparation des dommages causés par les institutions de l'Union ou par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions et ne s'étend pas, contrairement à ce que soutient l'appelant, aux litiges relatifs à la réparation d'un dommage causé à l'une des institutions de l'Union par une personne physique, fût-elle ancien parlementaire.
C'est tout aussi vainement que M. Jean-Charles X...invoque l'instance actuellement pendante devant la Cour de Justice de l'Union Européenne tendant à l'annulation de la décision de recouvrement prise par le secrétaire général du Parlement européen le 4 juillet 2013, laquelle n'a pas le même objet que l'action en responsabilité, respectivement en répétition de l'indu, dont est saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg.
La circonstance que cette action repose sur deux décisions dont la validité de l'une d'entre elles est contestée devant les juridictions de l'Union, n'emporte pas prorogation de compétence au profit de ces juridictions, le tribunal de grande instance, ayant la faculté, le cas échéant, de surseoir à statuer, dans l'attente de la décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne.
À cet égard, M. Jean-Charles X...se réfère de manière inopérante à des décisions du tribunal de première instance de l'Union européenne en date du 16 décembre 2010 (T-276/ 07), du 24 mars 2011 (T-149/ 09) et du 22 décembre 2005 (T-146/ 04) qui concernent des recours en annulation ou en suspension de décisions du secrétaire général du Parlement européen et non pas des actions en responsabilité ou en répétition de l'indu dirigées contre d'anciens parlementaires.
Il n'est enfin pas discuté que les décisions de recouvrement prises par le secrétaire général, dans le cadre de la réglementation FID, ne constituent pas en elles mêmes des titres exécutoires. Si l'instance engagée devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, s'appuie sur ces décisions, elle n'a pas pour objet de conférer à ces décisions force exécutoire en France, contrairement à ce que soutient l'appelant, mais d'obtenir un titre exécutoire contre lui sur le fondement de la répétition de l'indu ou de l'article 1382 du code civil.
C'est à tort que l'appelant considère que seule la Commission serait compétente pour délivrer un titre exécutoire en application de l'article 85 paragraphe 2 du règlement d'application du règlement financier, conférant à ce texte une portée générale qu'il n'a pas. En effet, l'article 85 paragraphe 2 renvoie à son paragraphe 1er qui lui même renvoie à l'article 79 paragraphe 2 du règlement financier, lequel ne permet à la Commission d'adopter un titre exécutoire au profit d'autres institutions que dans des cas exceptionnels et s'agissant de créances liées au personnel auquel le statut personnel s'applique, d'un montant significatif. Or aucune de ces conditions n'est remplie en l'espèce.
La décision entreprise, qui n'est pas entachée d'erreur de droit, doit donc être confirmée, en ce qu'elle a rejeté l'exception soulevée mais aussi en ce qu'elle a rejeté les demandes annexes de M. Jean-Charles X...et notamment sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
M. Jean-Charles X..., qui succombe supportera la charge des dépens ainsi que d'une indemnité de procédure de 2500 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande de ce chef étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 27 mars 2014 en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE M. Jean-Charles X...de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. Jean-Charles X...aux dépens ainsi qu'à payer au Parlement européen la somme de 2500 ¿ (deux mille cinq cents euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : DeuxiÈme chambre civile - section a
Numéro d'arrêt : 14/01694
Date de la décision : 10/06/2015
Type d'affaire : Civile

Analyses

"En l'absence de disposition spécifique attribuant compétence pour connaître des actions en répétition de l'indu aux juridictions de l'Union, dont la compétence en matière extra contractuelle, est par ailleurs strictement limitée aux litiges relatifs à la réparation des dommages causés par les institutions de l'Union ou par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, en application des articles 268 et 340 combinés du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une action engagée, sur le fondement de la répétition de l'indu, respectivement de l'article 1382 du code civil, par le Parlement européen contre un ancien parlementaire, en vertu d'une décision de recouvrement prise par son secrétaire général, relève de la compétence des juridictions nationales"


Références :

ARRET du 09 novembre 2016, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 9 novembre 2016, 15-25.021, Inédit

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 27 mars 2014


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2015-06-10;14.01694 ?
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