Chambre 12
R.G. No : 12/00593
Minute No : 12M 179/12
LRAR aux parties
Copie exécutoire àMe Solange RECKla SCP SCP BOKARIUS ARCAY WETTERERle
Le Greffier RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
ARRET DU 01 JUIN 2012
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU PRONONCE
M. LEIBER, PrésidentMme SCHIRER, ConseillerMme DIEPENBROEK, Conseillerqui en ont délibéré sur le rapport de Clarisse SCHIRER
Greffier, lors du prononcé : Mme MUNCH-SCHEBACHER, Greffier
MINISTERE PUBLIC auquel le dossier a été communiqué :M. SCHMELCK, Avocat Général
ARRET CONTRADICTOIRE du 01 Juin 2012prononcé par le Président.
NATURE DE L'AFFAIRE : vente forcée immobilière
DEMANDERESSE AU POURVOI :
SCI WILLEMIN actuellement dénommée SCI CALMELETRoute Nationale 83Lieudit "La Belle Escale"68210 ETEIMBES
représentée par Me Solange RECK, avocat au barreau de MULHOUSE
DEFENDERESSE AU POURVOI:
CAISSE DE CREDIT MUTUEL LA DOLLER3 rue du 2ème Bataillon de Choc68290 MASEVAUX
représentée par la SCP SCP BOKARIUS ARCAY WETTERER, avocats au barreau de MULHOUSE
Le 16 décembre 2011, sur requête de la Caisse de Crédit Mutuel La Doller datée du 30 juin 2011, le Tribunal d-'instance de Mulhouse, agissant en qualité de tribunal de l'exécution, a ordonné l'adjudication forcée des biens immobiliers inscrits au livre foncier d'ETEIMBES,(Haut-Rhin) au nom de la SCI WILLEMIN actuellement dénommée SCI CALMELET, section 2 no 37/7, section 2 n o 38 et section 2 no 4917 en exécution d'un contrat de prêt passé par-devant Maître Y..., notaire à Héricourt, en date du 15 octobre 2001, répertorié no 981550 01, contenant soumission à exécution forcée, muni de la clause exécutoire et dûment signifié avec commandement de payer le 19 janvier 2011 aux fins de recouvrement d'une somme de 226 650,03 euros en principal outre les intérêts et frais ;
Par mémoire de son conseil déposé au greffe le 29 décembre 2011, la SCI WILLEMIN actuellement dénommée SCI CALMELET a formé un pourvoi immédiat contre cette ordonnance;
Elle fait valoir à l'appui de son pourvoi que :- les intérêts ont été calculés par référence à une année bancaire de 360 jours au lieu d'une année civile ;- dans son calcul, la Caisse de Crédit Mutuel a découpé l'année civile en 12 fractions de 30 jours et que cette pratique constitue un usage bancaire sanctionné par la Jurisprudence s'il n'est pas expressément mentionné dans l'acte de prêt, ce qui est le cas en l'espèce ;- la sanction est la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et la substitution du taux légal au taux contractuel depuis l'origine du prêt ;
Elle sollicite en conséquence :- l'infirmation de l'ordonnance rendue le 16 décembre 2011 ;- que la clause d'intérêt conventionnel sur les bases de laquelle ont été calculés les intérêts soit déclarée nulle ;- que le commandement de payer délivré le 19 janvier 2011 soit également déclaré nul et de nul effet ;
Par conclusions datées du 17 janvier 2012, la Caisse du Crédit Mutuel de la Doller fait valoir :- l'incompétence du Juge d'instance au profit du Juge de l'exécution concernant la réception du pourvoi immédiat ;- que les moyens invoqués par la débitrice à l'appui de son pourvoi ne figurent pas au titre de ceux permettant à cette dernière de contester la décision d'adjudication forcée immobilière ;- que les montants réellement dus feront l'objet d'une procédure de purge, puis de la distribution des fonds provenant de la vente immobilière ;- les intérêts convenus résultent clairement de l'acte de prêt daté du 15 octobre 2001 et que le prêt est stipulé à taux révisable ;- que les argumentations développées par la SCI sont totalement dilatoires, abusives et infondées;
Elle conclut en conséquence :- au rejet des objections invoquées par la SCI CALMELET ;- à la confirmation de l'ordonnance du 16 décembre 2011 ;- à la condamnation de la SCI au versement d'un montant de 2 000 euros avec les intérêts de droit, par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;- enfin, à ce qu'il soit dit et jugé que les intérêts dus pour une année entière seront eux-mêmes productifs d'intérêts au taux légal par application des dispositions de l'article 1154 du Code civil;
Le 24 janvier 2012, le Tribunal d'instance de Mulhouse a maintenu son ordonnance du 16 décembre 2011 et a transmis le dossier à la Cour d'appel ;
A hauteur de Cour, les parties ont repris leurs conclusions antérieures ;
Monsieur le Procureur Général s'en est remis à justice ;
Vu le dossier de la procédure ;
Vu les articles 141 et suivants de la loi du 1er juin 1924 ;
Attendu que le pourvoi formé dans le délai légal est recevable en la forme ;Qu'il a été valablement formé devant le tribunal d'instance de Mulhouse ayant statué en qualité de tribunal de l'exécution forcée immobilière ;Attendu que la créancière dispose d'un titre exécutoire valable, au regard des exigences imposées par la procédure d'exécution forcée immobilière en droit local ;
Attendu que le titre exécutoire a été régulièrement signifié à la débitrice ;
Attendu qu'au premier soutien de son pourvoi, la SCI CALMELET se prévaut d'une erreur dans le calcul des intérêts dus et elle demande à ce titre :- la déchéance du droit aux intérêts conventionnels- la substitution du taux légal d'intérêts au taux conventionnel depuis l'origine du prêt en se prévalant d'une exception de nullité de la clause de stipulation des intérêts ;
Attendu que le contrat de prêt du 15 octobre 2001 mentionne un taux d'intérêt du prêt de « 6,100 % l'an », un taux effectif global de « 7,127 % l'an » conformément aux articles L 313-1 et L 313-2 du Code de la consommation ;
Attendu que la CCM La Doller ne conteste pas avoir expressément procédé au calcul des intérêts en se référant à une année bancaire de 360 jours, au lieu d'une année civile de 365 ou 366 jours tel qu'indiqué par la demanderesse au pourvoi, faisant vainement valoir que ce moyen n'est pas de nature à remettre en cause l'adjudication immobilière forcée ;
Attendu que le tribunal de l'exécution forcée immobilière, respectivement la Cour d'APpel statuant sur le recours formé contre sa décision, est compétent pour examiner les questions de fond qui se posent à l'occasion de la procédure d'exécution, notamment quant à la déchéance du droit aux intérêts ;
Attendu, certes, que si le taux effectif global doit être calculé sur la base d'une année civile, rien n'interdit aux parties de convenir d'un taux d'intérêt nominal conventionnel calculé sur une autre base, dès lors que, d'une part, cette base figure expressément dans l'acte de prêt et, d'autre part, ces modalités de calcul ont été librement convenues entre les parties et ne peuvent être remises en cause;
Attendu qu'à défaut de mention expresse, dans le contrat de prêt en date du 15 octobre 2001, du mode de calcul des intérêts sur une année de 360 jours au lieu de l'année civile, la CCM La Doller ne pouvait se référer à l'année de 360 jours pour établir le montant des intérêts ;
Attendu, en effet, que les intérêts perçus pour un taux d'intérêts donné sont plus élevés lorsque ce taux s'applique, au jour le jour, sur 360 jours et non sur 365 jours, et ce, à l'unique bénéfice du créancier ;
Attendu que, dans ces circonstances, le taux d'intérêts indiqué n'a pas été effectivement appliqué, de sorte que les exigences légales relatives à l'indication préalable et par écrit du taux effectif global n'ont pas été respectées (Cass. Comm. 17 janvier 2006 Bull. 2006 IV no11) ;
Attendu que la stipulation des intérêts conventionnels doit ainsi être déclarée nulle ;
Attendu qu'il y a donc lieu de substituer, en l'espèce, le taux d'intérêt légal au taux fixé dans le contrat ; qu'à défaut de capitalisation des intérêts mentionnés dans le contrat de prêt, l'article 1154 du code civil ne trouve pas à s'appliquer ;
Attendu qu'au second soutien de son pourvoi, la SCI CALMELET invoque que la mention erronée des intérêts dus dans le commandement de payer, entraine la nullité de ce commandement et de la procédure subséquente ;
Attendu que l'article 15 du décret en date du 27 juillet 2006 précise en effet que le commandement de payer doit comporter « le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus », et qu'une telle mention est prescrite à peine de nullité ;
Attendu, cependant, que ce même article dispose dans son dernier alinéa que « la nullité n'est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles qui sont dues au créancier »;
Attendu qu'en l'espèce, les intérêts mentionnés dans le commandement de payer sont supérieurs aux intérêts dus effectivement à la suite de la substitution du taux légal au taux conventionnel des intérêts ;
Attendu qu'une telle erreur ne saurait entraîner la nullité du commandement de payer ;
Attendu, en outre, que l'erreur dans le calcul des intérêts lors de la production du décompte en justice n'est pas de nature à invalider l'ensemble de la procédure d'adjudication forcée, le principe de la créance demeurant toujours clairement établi ;
Attendu que l'ordonnance entreprise doit donc être confirmée, sauf en ce qui concerne le calcul des intérêts ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en Chambre du Conseil,
Déclare le pourvoi recevable en la forme,
Au fond, déboute la SCI CALMELET de son pourvoi immédiat, sauf en ce qui concerne le calcul des intérêts ;
Ordonne la substitution du taux légal d'intérêt au taux conventionnel fixé au contrat ;
Confirme pour le surplus l'ordonnance du Tribunal d' Instance de Mulhouse du 16 décembre 2011,
Condamne la SCI WILLEMIN actuellement dénommée CALMELET aux dépens, ainsi qu'au versement d'une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile à la CCM de la Doller ;
Ordonne la notification du présent arrêt aux parties,
Dit qu'une copie sera adressée à Maître Z..., notaire à Altkirch.
Le greffier Le président