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13/03/2012 | FRANCE | N°11/03187

France | France, Cour d'appel de colmar, Premiere chambre civile-section a, 13 mars 2012, 11/03187


COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRET DU 13 Mars 2012

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 11/ 03187

Décision déférée à la Cour : 11 Mai 2011 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE MULHOUSE
APPELANTE :
TRESORERIE GENERALE DU HAUT RHIN BP 60449-6 rue Bruat 68020 COLMAR

Représentée par Me Dominique HARNIST, avocat à la Cour
Défenderesse et INTIMEE :
SELARL " Emmanuelle X...-Mandataire Judiciaire " venant aux droits de la SELARL FRANCOIS Y...X... représentée par son Gérant

Me Emmanuelle X... ès-qualités de Mandataire Liquidateur de la SARL LES BANDES SOMOS ...68100 MULHO...

COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRET DU 13 Mars 2012

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 11/ 03187

Décision déférée à la Cour : 11 Mai 2011 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE MULHOUSE
APPELANTE :
TRESORERIE GENERALE DU HAUT RHIN BP 60449-6 rue Bruat 68020 COLMAR

Représentée par Me Dominique HARNIST, avocat à la Cour
Défenderesse et INTIMEE :
SELARL " Emmanuelle X...-Mandataire Judiciaire " venant aux droits de la SELARL FRANCOIS Y...X... représentée par son Gérant Me Emmanuelle X... ès-qualités de Mandataire Liquidateur de la SARL LES BANDES SOMOS ...68100 MULHOUSE

Représentée par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Février 2012, en chambre du conseil, devant la Cour composée de : M. HOFFBECK, Président de Chambre, entendu en son rapport M. CUENOT, Conseiller M. ALLARD, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE,

Ministère Public : représenté lors des débats par M. François JURDEY, substitut général, qui a fait connaître son avis et dont les réquisitions écrites ont été communiquées aux parties.

ARRET :- Contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par M. Michel HOFFBECK, président et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Attendu que dans le cadre de la procédure collective concernant la société LES BANDES SOMOS, ouverte le 19 novembre 2008 et convertie en liquidation judiciaire le 15 avril 2009, la Trésorerie Générale du Haut-Rhin a sollicité le 5 novembre 2009 le relevé de forclusion pour produire une créance de 271. 365 € correspondant à une exonération fiscale temporaire, jugée incompatible par les instances européennes avec les règles européennes de concurrence ;

Attendu que par ordonnance du 23 mars 2010, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société LES BANDES SOMOS a rejeté cette requête, au motif qu'il appartenait à la Trésorerie de régulariser dans le délai de production une déclaration provisionnelle de créance ;
Attendu que la Trésorerie Générale du Haut-Rhin a formalisé le 14 octobre 2010 un recours devant le Tribunal de grande instance de MULHOUSE contre la décision du juge-commissaire ;
Attendu que par jugement du 11 mai 2011, le Tribunal de grande instance de MULHOUSE a déclaré irrecevable ce recours, faute d'avoir été formalisé dans le délai de la loi ;
Qu'il a condamné la Trésorerie Générale du Haut-Rhin à payer à la société LES BANDES SOMOS une compensation de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que la Trésorerie Générale du Haut-Rhin a relevé appel le 17 juin 2011 de ce jugement, dans des conditions de recevabilité non contestées, en l'absence de justification de sa signification ;
Attendu qu'au soutien de son recours, la Trésorerie Générale du Haut-Rhin indique essentiellement que dans cette matière spécifique de récupération des aides jugées incompatibles avec les règles européennes de concurrence, le juge national a l'obligation de laisser inappliquées les règles internes susceptibles de faire échec à l'action en récupération conformément à l'article 14 du règlement européen 659 de 1999 ;
Qu'elle cite la jurisprudence européenne, selon laquelle l'absence d'actif récupérable est la seule façon pour un Etat membre de démontrer l'impossibilité de récupérer les aides ;
Qu'elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris, et à l'admission définitive de sa créance d'un montant de 271. 365 € ;
Qu'elle sollicite 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que la SELARL Emmanuelle X... représentée par Me X... conclut à la confirmation du jugement entrepris, et sollicite 10. 000 € de dommages et intérêts et 5. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que cette Cour rappelle en fait que la Trésorerie Générale du Haut-Rhin poursuit la restitution par la société LES BANDES SOMOS d'une somme de 271. 365 €, laquelle correspond à des dégrèvements fiscaux accordés sur le fondement de l'article 44 septies du Code général des impôts ;

Qu'il est constant que ces dégrèvements ont été considérés par les instances européennes comme des aides publiques contraires aux règles européennes de concurrence, ce qui impose à l'Etat français d'en obtenir rapidement la restitution ;

Attendu que le régime de cette restitution obéit aux dispositions de l'article 14 du règlement européen 659 de 1999, lequel dispose qu'elle s'effectue sans délais et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'Etat membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l'exécution immédiate et effective de la décision de la Commission ;
Attendu qu'il en résulte que la restitution des aides accordées en violation des normes européennes de concurrence se fait naturellement conformément aux procédures de droit interne, sous réserve qu'elles permettent une exécution immédiate et effective ;
Attendu que la jurisprudence européenne a été amenée à écarter l'effet suspensif de l'appel en procédure civile française, au motif que cette règle était contraire aux exigences d'exécution immédiate et effective imposées par le règlement précité ;
Attendu que cette Cour estime que sur la base de ces dispositions, il aurait été possible pour le juge-commissaire d'ordonner le relevé de la forclusion, ce qui était procéduralement possible et ce qui n'avait pas d'inconvénient pratique dans la mesure où le créancier ne serait venu en concours que sur les distributions ultérieures ;
Attendu qu'il est constant cependant que la décision du juge-commissaire a été notifiée le 26 mars 2010 à la Trésorerie Générale ;
Que si le formulaire de notification n'a pas été produit, son existence est reconnue par la Trésorerie, qui ne le critique que sur le fondement de " l'absence de base légale du délai de recours énoncé (dans la notification) " ;
Attendu cependant qu'aucune règle de procédure interne ne prescrit de mentionner le texte qui édicte le délai de recours ;
Que seul, le délai doit être indiqué ;
Attendu que malgré l'indication du délai de recours de 10 jours, conformément à l'article R 621-21 du Code de commerce, la Trésorerie Générale n'a formalisé un recours que le 14 octobre 2010, soit bien postérieurement après l'expiration du délai procéduralement imparti ;
Qu'il n'est d'ailleurs pas impossible qu'un tel retard ne soit pas fortuit ;
Attendu que sur la base de l'expiration de ce délai, le Tribunal de grande instance de MULHOUSE a pris la décision d'irrecevabilité actuellement entreprise ;
Attendu qu'il est exact que les règles européennes prescrivent de ne pas tenir compte des règles de procédure interne, dont l'application est reconnue cependant en principe, lorsqu'elles ont pour effet de ne pas rendre immédiate et effective la décision de récupération ;
Attendu qu'il n'apparaît pas cependant à cette Cour que les délais de recours aient automatiquement et par eux-mêmes l'effet de rendre non immédiate ou non effective la décision de récupération ;
Attendu qu'il a été jugé par la Cour de justice de l'Union Européenne que l'effet suspensif de l'appel selon la procédure française n'était pas compatible avec les nécessités d'exécution immédiate imposées par le règlement européen ;
Attendu cependant que cette règle de procédure interne avait effectivement par elle-même l'effet de différer la récupération, et de manière substantielle d'ailleurs ;
Attendu que la règle de procédure qui enferme le recours dans un délai de 10 jours n'est pas par elle-même contraire aux exigences d'exécution immédiate et effective ;
Qu'elle vise au contraire à accélérer la procédure, et que l'on comprend mal le retard de plus de six mois de la Trésorerie, lequel a amené d'ailleurs cette Cour à se demander s'il était réellement fortuit ;
Attendu que quoi qu'il en soit, il ne paraît pas possible d'ignorer systématiquement toutes les règles de procédure au seul motif qu'elles ne conduiraient pas à une décision de récupération effective ;
Que cela conduirait à une ignorance générale des règles de procédure, lesquelles ne seraient applicables qu'à l'autre partie en dépit des exigences fondamentales de tout procès équitable ;
Attendu qu'en réalité, seules les règles qui empêchent par elles-mêmes ou qui diffèrent par elles-mêmes l'action en récupération doivent être écartées ;
Que les autres règles, qui régissent la forme des actes de procédure et les modalités de procéder, demeurent applicables ;
Attendu que par ces motifs, cette Cour est amenée à confirmer la décision du Tribunal, qui a reconnu le caractère tardif du recours de la Trésorerie Générale du Haut-Rhin ;
Que le jugement entrepris est par conséquent confirmé ;
Attendu que l'appel de la Trésorerie Générale du Haut-Rhin n'est pas abusif, et qu'il posait au contraire un problème non dénué d'intérêt ;
Que la Cour rejette la demande de dommages et intérêts présentée par Me X... ;
Attendu que de même, cette Cour estime que l'équité ne commande pas de faire application au profit de la société LES BANDES SOMOS des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, dans la mesure où cette société a précisément bénéficié d'aides publiques d'un montant élevé ;
Que dans ces conditions, l'équité ne commande manifestement pas d'allouer des sommes supplémentaires à la charge des finances publiques ;
Attendu que la Cour infirme par conséquent la disposition qui a condamné la Trésorerie Générale du Haut-Rhin à payer à la société LES BANDES SOMOS une compensation de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et rejette toutes les demandes présentées sur le fondement de cette disposition, tant en première instance qu'en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,
REÇOIT l'appel de la Trésorerie Générale du Haut-Rhin contre le jugement du 11 mai 2011 du Tribunal de grande instance de MULHOUSE ;
Au fond, CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable le recours de la Trésorerie Générale du Haut-Rhin contre la décision du juge-commissaire du 23 mars 2010 ;
REFORME le jugement entrepris pour le surplus, et REJETTE toutes les demandes présentées en première instance sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts présentée par Me X..., et REJETTE toutes les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
CONFIRME la condamnation de la Trésorerie Générale du Haut-Rhin aux dépens de première instance, et la CONDAMNE aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Premiere chambre civile-section a
Numéro d'arrêt : 11/03187
Date de la décision : 13/03/2012
Type d'affaire : Civile

Analyses

La demande de restitution d'une aide jugée incompatible avec les règles européennes de concurrence obéit aux dispositions de l'article 14 du Règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil portant application de l'article 93 du traité CE, qui prévoit que la restitution des aides publiques s'effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'Etat concerné, pour autant que ces dernières permettent l'exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. Si en vertu de ce texte, il ne doit pas être tenu compte des règles de procédure interne lorsqu'elles ont pour effet de ne pas rendre immédiate et effective la décision de récupération, le Trésor public demeure néanmoins soumis aux règles qui régissent la forme des actes de procédure et les modalités de procédure. En conséquence, il doit, à peine d'irrecevabilité, former son recours contre une décision du juge commissaire ayant rejeté sa requête dans le délai imparti par l'article R 621-21 du code de commerce


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Mulhouse, 11 mai 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2012-03-13;11.03187 ?
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