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09/03/2010 | FRANCE | N°224/10

France | France, Cour d'appel de colmar, Premiere chambre civile - section a, 09 mars 2010, 224/10


COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRET DU 09 Mars 2010
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 09/ 01480
Décision déférée à la Cour : 11 Mars 2009 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE
APPELANTES :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DES DEUX VALLEES 29 rue de Lattre de Tassigny 68560 HIRSINGUE CAISSE DE CREDIT MUTUEL MULHOUSE SAINT PAUL 61 Avenue de Colmar BP 2238 68068 MULHOUSE CEDEX

représentées par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour Avocat plaidant : Me BILGER, avocat à STRASBOURG

INTIMES :
Mons

ieur Joseph Z...... Madame Josette A... épouse Z......

Représentés par Me Antoine S. SCHNEIDER, a...

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRET DU 09 Mars 2010
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 09/ 01480
Décision déférée à la Cour : 11 Mars 2009 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE
APPELANTES :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DES DEUX VALLEES 29 rue de Lattre de Tassigny 68560 HIRSINGUE CAISSE DE CREDIT MUTUEL MULHOUSE SAINT PAUL 61 Avenue de Colmar BP 2238 68068 MULHOUSE CEDEX

représentées par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour Avocat plaidant : Me BILGER, avocat à STRASBOURG

INTIMES :
Monsieur Joseph Z...... Madame Josette A... épouse Z......

Représentés par Me Antoine S. SCHNEIDER, avocat à la Cour Avocat plaidant : Me BERGERON, avocat à MULHOUSE

SELARL FRANCOIS C..., représentée par Me François C... ès qualités de mandataire judiciaire puis commissaire à l'exécution du plan de M. Joseph Z... et Mme Josette A... épouse Z......

représentée par Me Julien ZIMMERMANN, avocat à la Cour
Maître D... Pierre, ès qualités d'administrateur judiciaire au RJ de M. Joseph Z... et Mme Josette A... épouse Z...... 68000 COLMAR

non représenté, assigné par voir d'huissier à personne le 02. 06. 2009
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Janvier 2010, en chambre du conseil, devant la Cour composée de : M. HOFFBECK, Président de Chambre, entendu en son rapport M. CUENOT, Conseiller M. ALLARD, Conseiller, qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme MUNCH-SCHEBACHER, Greffier

Ministère Public : représenté lors des débats par Monsieur François JURDEY, avocat général, qui a fait connaître son avis et dont les réquisitions écrites ont été communiquées aux parties.

ARRET :- Contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par M. Michel HOFFBECK, président et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La présente procédure est consécutive aux difficultés rencontrées par la Société Civile d'exploitation agricole LE DOMAINE Z... constituée par Monsieur et Madame Z..., qui avaient par ailleurs constitué une société civile immobilière, propriétaire de plusieurs appartements donnés en location à Strasbourg.

Par un jugement du 6 décembre 2006, le Tribunal de Grande Instance de Mulhouse (Chambre civile) a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SCEA LE DOMAINE Z..., de Monsieur et Madame Z... à titre personnel, ainsi que de la SCI DES VERGERS. Il a également désigné Maître D... en qualité d'administrateur judiciaire, avec mission d'assistance, et Maître C... en qualité de mandataire judiciaire.
Par un jugement du 2 juillet 2008, le tribunal a ordonné la disjonction des trois procédures, a arrêté le plan de continuation et d'apurement du passif concernant la SCI DES VERGERS, a ordonné la prorogation jusqu'au 31 octobre 2008 de la période d'observation pour les époux Z... et pour la SCEA LE DOMAINE Z... par application des dispositions spécifiques aux exploitations agricoles.
Par un arrêt du 25 novembre 2008, la Cour d'appel de Colmar a infirmé ce jugement en ce qu'il avait arrêté le plan de continuation et d'apurement du passif concernant la SCI DES VERGERS et a prononcé la liquidation judiciaire de cette société.
Par un premier jugement du 17 décembre 2008, dans la procédure de redressement judiciaire de la SCEA LE DOMAINE Z..., le tribunal a arrêté un plan de continuation et d'apurement du passif proposé le 28 août 2008 par Maître D... pour le compte de ladite société, les créances inférieures à 300 Euros devant être réglées immédiatement, les créances super-privilégiées conformément aux dispositions de l'article L. 626-20 du Code de Commerce et toutes les autres créances selon des modalités précisément indiquées (versement de dividendes annuels selon des pourcentages variant selon les années, sur une période de 15 ans).
Par second jugement du même jour, dans la procédure de redressement judiciaire concernant Monsieur et Madame Z..., le tribunal :
- a mis fin à la période d'observation ;- a arrêté le plan d'apurement du passif proposé le 28 août 2008 par Maître D... pour le compte de Monsieur et Madame Z..., et portant exclusivement sur les engagements personnels des débiteurs (soit une somme de 240. 731 Euros) ;- a donné acte aux créanciers des délais de remises ;- a dit que les créances résultant d'engagements de caution des époux Z... étaient hors plan ;- a défini comme suit les modalités d'apurement du passif : + règlement dès arrêté du plan des créances inférieures à 300 Euros (soit une créance de 346, 38 Euros) ; + règlement des autres créances (240. 384, 88 Euros) sur une période de15 années selon des pourcentages annuels définis ;- a dit que les paiements étaient portables ;- a dit que les époux la SCI DES VERGERS étaient tenus à l'exécution du plan ;- a désigné la SELARL FRANÇOIS C... en la personne de Maître C... en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;- a mis fin à la mission de l'administrateur.

Pour statuer ainsi, le tribunal retient notamment :

- que l'endettement des époux Z... est essentiellement constitué par des engagements de caution, des prêts bancaires et des créances fiscales ; qu'il totalise 1. 587. 466, 67 Euros, dont 1. 346. 735, 41 Euros d'engagements de caution et 240. 731, 26 Euros d'engagements personnels ;- que la dissociation du sort des époux n'est pas envisageable, tant leurs intérêts sont liés, l'admission d'un plan d'apurement du passif supposant la participation et l'engagement des deux époux, et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de l'un entraînant nécessairement la liquidation judiciaire de l'autre ;- que si la cession des biens immobiliers dont les époux Z... sont propriétaires permettrait d'apurer une part importante du passif, une telle décision aurait pour effet d'entraîner la liquidation judiciaire de la SCEA LE DOMAINE Z... qui exploite son activité sur des terres appartenant essentiellement aux époux Z... (40 ha sur 44) ; qu'à cet égard, la disparition d'une entité économique performante, qui emploie 23 salariés dont 7 emplois fixes et 16 saisonniers, offrant de sérieuses perspectives de développement, n'est pas souhaitable ;- que la liquidation judiciaire de la SCI DES VERGERS ayant été ordonnée par la Cour d'appel de Colmar, la cession de l'actif immobilier devrait permettre d'apurer l'intégralité du passif de cette société, également cautionné par Monsieur et Madame Z... ;- que, s'agissant de la garantie du passif de la SCEA LE DOMAINE Z..., il faut admettre que le respect des engagements du plan arrêté pour cette société permettra d'éviter la mise en oeuvre de poursuites à l'encontre des cautions ;- que ces créances exigibles et régulièrement déclarées n'entrant pas dans le cadre des propositions d'apurement du passif des époux Z..., il y a lieu de les déclarer hors plan et d'arrêter pour le surplus le plan d'apurement du passif proposé par Monsieur et Madame Z....

Par déclaration enregistrée au greffe le 24 décembre 2008, la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL, principaux créanciers de Monsieur et Madame Z..., ont formé tierce opposition à ce jugement.
Par un jugement du 11 mars 2009, le tribunal a déclaré cette tierce opposition irrecevable, motifs pris :
- qu'il ressort des dispositions des articles 582 et 583 du Code de Procédure Civile que la tierce opposition est une voie extraordinaire de recours, ayant pour objet de faire rétracter ou réformer un jugement, dont l'exercice est réservé à toute personne justifiant d'un intérêt, qui n'a été ni partie ni représenté au jugement qu'elle attaque, et qui a pour objet de remettre en question les points jugés qu'elle critique ;- qu'en l'occurrence, la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL ont été à l'origine de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; qu'elles sont intervenues à tous les stades de cette procédure, non seulement pour obtenir leur désignation en qualité de contrôleurs, mais également pour formuler des observations écrites et verbales à chacune des audiences, y compris celle au cours de laquelle l'adoption du plan proposé par les époux Z... a été débattue en leur présence ;- que dans ces conditions, les opposantes ne peuvent prétendre à la qualité de " tiers à la procédure " au sens de l'article 583 précité.

Selon une déclaration enregistrée au greffe le 16 mars 2009, la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL ont interjeté appel de ce jugement.
Par des conclusions déposées le 18 mai 2009, elles demandent à la Cour de :
- déclarer les concluantes recevables et bien fondées en leur tierce opposition ; En conséquence,

- rétracter, subsidiairement réformer le jugement du 17 décembre 2008 en ses dispositions concernant la durée du plan applicable à Madame Z... et l'intégration des créances des concluantes ; Statuant à nouveau, à titre principal,- constater que les créances des concluantes font l'objet d'une inscription au passif de Monsieur et Madame Z... et d'une admission à titre définitif (en principal et intérêts au taux conventionnel majoré) ;- dire que le plan de redressement par voie de continuation et d'apurement du passif présenté par Madame Z... ne peut excéder 10 ans ;- dire que les créances des concluantes tant en principal qu'en intérêts au taux conventionnel majoré seront remboursées en exécution du plan de redressement par voie de continuation et d'apurement du passif de Monsieur et Madame Z... ;- dire que l'éventuel boni de liquidation à percevoir par Monsieur et Madame Z... dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SCI DES VERGERS devra être intégralement affecté au remboursement anticipé des créances de Monsieur et Madame Z... telles que figurant à l'état du passif admis ;- modifier en conséquence de ce qui précède le plan de redressement par voie de continuation et d'apurement du passif présenté par Monsieur et Madame Z... ; A titre subsidiaire,- constater que le plan arrêté selon jugement du 17 décembre 2008 n'offre pas de possibilité sérieuse de redressement et de règlement du passif de Monsieur et Madame Z... ;- prononcer la liquidation judiciaire de Monsieur et Madame Z... ; En toutes hypothèses,- ordonner les mesures de publicité, avis et communications prévus par les textes ;- condamner Monsieur et Madame Z... in solidum ou solidairement à payer une somme de 2500 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;- les condamner in solidum ou solidairement aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel, y compris ceux de la procédure ayant abouti au jugement du 17 décembre 2008 ;- dire que les frais et dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.

Par des conclusions déposées le 16 novembre 2009, Monsieur et Madame Z... demandent à la Cour de :
Sur la recevabilité de l'appel,- déclarer l'appel irrecevable ; Sur l'irrecevabilité de la tierce opposition telle que jugée en première instance,- dire et juger que la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL ne sont pas des " tiers " au sens juridique du terme, tiers recevables à interjeter tierce opposition à l'encontre du jugement du 17 décembre 2008 par lequel s'est achevée la procédure de redressement judiciaire dont elles étaient elles-mêmes à l'origine ;- constater qu'elles ont été constamment présentes au cours de la procédure de redressement judiciaire de Monsieur et Madame Z..., initiée par elles ;- en conséquence dire et juger qu'elles n'étaient pas des " tiers " admis à former tierce opposition, ayant à faire valoir en la présente instance de nouveaux arguments qui, s'ils avaient été connus du tribunal, auraient pu l'amener à trancher différemment le contentieux soumis à son appréciation ;- déclarer en conséquence que la tierce opposition était effectivement irrecevable et confirmer le jugement entrepris du 11 mars 2009 ;- condamner la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL à payer à Monsieur et Madame Z... la somme de 3000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;- les condamner aux frais et dépens ; Subsidiairement sur le fond,

- dire et juger que la juridiction de céans n'a ni compétence ni qualité pour modifier l'état des créances qui a déjà l'autorité de la chose jugée ;- débouter en conséquence la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL de toutes leurs prétentions en termes de modification de l'état des créances ;- dire et juger que la juridiction de céans n'a ni compétence ni qualité pour dire et juger que le boni de liquidation de la procédure de liquidation judiciaire de la SCI DES VERGERS (qui est une procédure parallèle non présentement soumise à l'examen de la Cour) doit échoir à titre privilégié aux deux opposantes ;- débouter en conséquence la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL de toutes leurs prétentions en termes de boni de liquidation ;- les condamner à verser à Monsieur et Madame Z... la somme de 3000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;- les condamner en tous les frais et dépens ; Très subsidiairement,- intégrer les créances des opposantes au plan de redressement de Monsieur et Madame Z..., telles qu'admises au passif et non tel qu'elles le demandent en la présente procédure, tout en précisant que le créance ne pourra pas bénéficier d'un double paiement à la fois du débiteur principal et des cautions au titre de la même annuité.

La SELARL François C..., en sa qualité de mandataire judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan de Monsieur et Madame Z..., demande à la Cour de :
- dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL à l'encontre du jugement du 11 mars 2009 ;- donner acte à la SELARL François C... de son avis favorable à la tierce opposition formée par les deux opposantes contre le jugement du 17 décembre 2008 ;- statuer ce que de droit quant aux frais et dépens de la procédure d'appel.

Bien que régulièrement assigné par acte d'huissier délivré le 2 juin 2009 à personne, Maître D... en sa qualité d'administrateur judiciaire n'a pas constitué avocat.
Monsieur le Procureur Général a fait observer que la tierce opposition était à son avis recevable et que le plan de redressement adopté en première instance lui paraissait irréalisable.

SUR CE, LA COUR

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles la Cour se réfère pour plus ample exposé des faits et moyens ;
Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu que, tout en concluant dans le dispositif de ses conclusions à l'irrecevabilité de l'appel, Monsieur et Madame Z... n'exposent aucun moyen pour la soutenir ;
Attendu en tout état de cause que l'article L. 661-3 du Code de Commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 applicable à la présente procédure collective, précise que le jugement statuant sur la tierce opposition est susceptible d'appel de la part du tiers opposant ;

Attendu dès lors que, en l'absence de motif d'ordre public susceptible d'être soulevé d'office, il y a lieu de déclarer l'appel recevable ;

Sur la recevabilité et le bien fondé de la tierce opposition :
Attendu que, selon une déclaration du 24 décembre 2008 faite au greffe du tribunal, dont la régularité formelle n'est pas en elle-même contestée, la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL ont formé opposition au jugement du 17 décembre 2008 ayant entériné le plan de redressement de Monsieur et Madame Z... ;
Attendu qu'en vertu de l'article L. 661-3 du Code de Commerce, les décisions arrêtant le plan de redressement sont susceptibles de tierce opposition ;
Attendu que la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL, principaux créanciers de Monsieur et Madame Z..., ne sont toutefois recevables à former tierce opposition qu'à la condition de répondre aux exigences de l'article 583 alinéa 1er du Code de Procédure Civile, soit à condition d'y avoir intérêt et de n'avoir été ni parties ni représentées au jugement qu'elles attaquent ;
Attendu que Monsieur et Madame Z... font observer que, s'il est admis qu'un créancier puisse former tierce opposition à l'encontre d'un jugement arrêtant un plan, tel ne doit pas être le cas du créancier qui est lui-même à l'origine de la procédure et qui est le " créancier assignant ", constamment présent dans la procédure collective et ne pouvant exciper d'un " intérêt distinct " de ceux des autres créanciers ;
Attendu cependant qu'en matière de procédure collective, les différentes décisions qui sont susceptibles d'intervenir sont soumises à des modalités de recours spécifiques ; qu'il importe donc peu que les deux établissements financiers opposants aient provoqué l'ouverture de la procédure collective ou bien encore qu'ils aient pu présenter des observations à l'occasion des audiences ultérieures ; qu'en l'occurrence, il convient uniquement de rechercher en quoi les deux établissements financiers opposants ont pu intervenir à l'audience ayant abouti au jugement du 17 décembre 2008, frappé de tierce opposition, et s'ils y avaient la qualité de partie et s'y trouvaient représentées ;
Attendu qu'il ressort dudit jugement que la Caisse de CREDIT MUTUEL DES DEUX VALLEES était représentée à l'audience par un avocat, Maître Olivier BILGER, mais uniquement en sa qualité de contrôleur ; qu'elle n'avait donc pas la qualité de partie à la procédure ; qu'il apparaît d'ailleurs qu'elle s'est contentée, conformément à son rôle de contrôleur, de présenter des " observations " sur le plan de redressement proposé par Maître D..., administrateur judiciaire, sans pour autant émettre des prétentions ; qu'elle ne pouvait à cette occasion être considérée comme partie à la procédure, ce qui excluait toute possibilité d'appel de sa part ;
Attendu qu'en ce qui la concerne, la Caisse de CREDIT MUTUEL SAINT PAUL, qui n'avait pas elle-même été désignée contrôleur (contrairement à ce qu'a retenu le tribunal dans la décision entreprise), n'est pas intervenue à l'audience ayant abouti au jugement du 17 décembre 2008 ; que les intérêts collectifs des créanciers étaient défendus par le mandataire judiciaire ; que, même si les deux établissements financiers ont déposé au cours des mois précédents, par leur avocat, des observations écrites par lesquelles ils déclaraient s'opposer au projet de plan de redressement de Maître D..., cela ne les rendait pas pour autant parties à la procédure d'homologation du plan ;
Attendu ainsi que les deux établissements financiers, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, avaient la qualité de tiers dans la procédure ayant abouti au jugement du 17 décembre 2008 entérinant le plan de redressement de Monsieur et Madame Z... ;
Attendu ensuite que la recevabilité de la tierce opposition impose la démonstration d'un intérêt propre de la part des deux créanciers opposants, distinct de l'intérêt collectif des créanciers défendu par le mandataire judiciaire ;
Attendu que la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL estiment que tel est le cas en l'espèce, dans la mesure où leurs créances ont été exclues du plan adopté par le jugement critiqué ;

Attendu qu'à cet égard, elles font plus précisément valoir :
- que leurs créances ont fait l'objet d'une déclaration à titre échu, d'une vérification et d'une admission à titre définitif au passif de Monsieur et Madame Z... ;- qu'il est de jurisprudence que les créanciers sont égaux face au plan de continuation ou de redressement ; que le tribunal doit respecter un principe égalitaire entre les créances (article L. 626-18 du Code de Commerce) ;- que dès lors que le créancier a été admis au passif, le plan de continuation ou de redressement ne saurait tenir en échec l'admission ;- que le plan de Monsieur et Madame Z... ne peut donc exclure l'amortissement des créances des deux établissements financiers et devra faire l'objet d'une correction pour préciser que les créances des banques doivent faire l'objet d'un paiement selon les mêmes modalités que pour les autres créances ;- qu'il conviendra de fixer une durée d'amortissement des créances pour Madame Z... sur10 ans, celle-ci n'étant pas exploitant agricole ;- qu'il conviendra en outre d'appréhender le boni de liquidation de la SCI DES VERGERS, en l'affectant au remboursement des dettes de Monsieur et Madame Z... ;- qu'à défaut, il conviendra de constater que le plan arrêté selon jugement du 17 décembre 2008 n'offre pas de possibilité sérieuse de redressement, ce qui entraînerait la conversion en liquidation judiciaire ;

Attendu que Monsieur et Madame Z... estiment de leur côté que les créances des deux établissements financiers, déclarées à leur encontre en qualité de cautions, n'ont pas lieu d'être et doivent effectivement être " hors plan ", comme conséquence du plan de redressement de la SCEA et par application de la règle de l'arrêt des poursuites bénéficiant à la caution lorsque celle-ci est elle-même mise en redressement judiciaire ;
Attendu cependant que, contrairement à ce que soutiennent les intimés, l'homologation d'un plan de redressement au bénéfice de la SCEA LE DOMAINE Z... fait recouvrer aux créanciers leur droit de poursuite à l'égard des cautions ; que si les cautions sont elles-mêmes mises en redressement judiciaire, il appartient naturellement aux créanciers de déclarer leurs créances dans les procédures collectives respectives, ce qui a d'ailleurs était fait par la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL ; que cela veut également dire que, si un plan de redressement est proposé par les cautions, les créances déclarées devront nécessairement être incluses dans le plan ;
Attendu ainsi que les créances déclarées des deux établissements bancaires, correspondant aux engagements de caution de Monsieur et Madame Z..., ne pouvaient être mises " hors plan " ;
Attendu ensuite que, dans la procédure de consultation, les créanciers, dont la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL, ont majoritairement rejeté les propositions de plan émanant de Monsieur et Madame Z... ;
Attendu que, dans une procédure collective et en vertu de l'article L. 626-18 al 1er du Code de Commerce, les créanciers réfractaires à l'adoption d'un plan, auxquels aucune remise de dette ne peut être imposée, doivent être traités de manière égale relativement aux modalités selon lesquelles ils obtiendront le versement des dividendes annuels ; que cela exclut que l'on puisse établir un plan qui traite de façon inégale les créanciers réfractaires à son adoption ;
Attendu qu'il apparaît donc également que, en déclarant hors plan les créances résultant des engagements de caution de Monsieur et Madame Z..., le tribunal n'a pas traité la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL sur un plan d'égalité par rapport aux autres créanciers (et ce d'autant plus qu'il est constant que les créances litigieuses ont d'ores et déjà été vérifiées et admises, ce qui permet de connaître exactement et définitivement leur impact sur l'exécution du plan) ;
Attendu qu'il en résulte que les deux établissements bancaires appelants justifient d'un intérêt distinct de celui de l'ensemble des créanciers, représentés par Maître C... en sa qualité de mandataire judiciaire, pour former une tierce opposition au jugement du 17 novembre 2008 ; que cette voie de recours leur est donc ouverte parce que le ledit jugement n'a pas intégré leurs créances dans le plan de redressement de Monsieur et Madame Z... ;
Attendu en effet que, s'agissant de la durée du plan fixée à 15 ans, si les appelantes estiment que les dispositions spécifiques aux exploitants agricoles ne peuvent bénéficier à Madame Z... et qu'il conviendrait de ramener à 10 ans la durée du plan concernant cette dernière, la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL ne justifient pas à cet égard d'un intérêt distinct de celui de l'ensemble des créanciers, de sorte que leur tierce opposition formée à cet égard n'est pas recevable ;
Attendu qu'il en est de même de la critique formulée par les appelantes, relative au défaut de prise en considération du boni de liquidation pouvant résulter de la liquidation de la SCI DES VERGERS, puisqu'il s'agit également d'une question concernant l'ensemble des créanciers, et ne relevant en tout cas pas de l'intérêt spécifique des deux créanciers opposants ;
Attendu que la tierce opposition apparaît en définitive bien fondée dans la mesure où le jugement attaqué a refusé d'intégrer les créances, telles que définitivement admises dans la procédure collective, dans le plan de redressement de Monsieur et Madame Z... ;
Attendu toutefois que l'obligation d'intégrer les deux créances de la CCM DES DEUX VALLEES et la CCM MULHOUSE SAINT PAUL dans un plan de redressement a pour effet de modifier substantiellement le contenu du plan proposé par Monsieur et Madame Z..., et auquel Maître D... avait donné un avis favorable, en particulier pour tous les autres créanciers qui vont se trouver dorénavant en concours avec les deux banques opposantes ;
Attendu ainsi que l'indivisibilité de la tierce opposition en matière de procédure collective conduit naturellement la Cour à rétracter le jugement attaqué, considéré comme non avenu, et à renvoyer le dossier devant le tribunal afin de permettre aux époux Z... de présenter un plan conforme aux exigences légales et de le soumettre à la consultation des créanciers, et subsidiairement, si l'élaboration d'un tel plan devait s'avérer impossible, aux

fins de mise en liquidation judiciaire des débiteurs ; qu'il sera d'ailleurs possible, dans le cadre d'un nouveau plan, de prendre en considération le boni de liquidation pouvant résulter de la liquidation de la SCI DES VERGERS (même si le sort de ce boni ne rendait pas en soi recevable la tierce opposition) ;

Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

P A R C E S M O T I F S

LA COUR,

Reçoit l'appel, régulier en la forme ;
Au fond :
Réformant le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
Déclare la tierce opposition de la CCM DES DEUX VALLEES et de la CCM MULHOUSE SAINT PAUL recevable à l'encontre du jugement rendu le 17 décembre 2008 dans le redressement judiciaire de Monsieur et Madame Z..., en ce que le jugement frappé de tierce opposition a refusé d'intégrer dans le plan de redressement de Monsieur et Madame Z... les créances de cautionnement de la CCM DES DEUX VALLEES et de la CCM MULHOUSE SAINT PAUL, telles que définitivement admises dans la procédure collective ;
La déclare également bien fondée et rétracte en conséquence le jugement rendu le 17 décembre 2008 entérinant le plan de redressement de Monsieur et Madame Z... ;
Renvoie le dossier devant le tribunal ;
Ouvre à cet effet une nouvelle période d'observation d'une durée maximale trois mois conformément à l'article L. 661-9 al 1er du Code de Commerce ;
Dit que la mission de Maître D... en qualité d'administrateur, avec mission d'assistance, reprendra à compter de ce jour ;
Rejette les prétentions fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront considérés comme des frais privilégiés des procédures collectives respectives.
Le greffier : Le Président :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Premiere chambre civile - section a
Numéro d'arrêt : 224/10
Date de la décision : 09/03/2010
Type d'affaire : Civile

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Procédure (dispositions générales) - Voies de recours - Décisions susceptibles

En application de l'article L. 661-3 du code de commerce et de l'article 583, alinéa 1, du code de procédure civile, le créancier à l'origine de la procédure collective est recevable à former tierce opposition au jugement arrêtant le plan de redressement s'il y a intérêt, puisqu'il n'est pas partie à la procédure d'homologation du plan, même s'il a pu, en sa qualité de contrôleur, présenter des observations sur ce plan. Son opposition est recevable et fondée lorsque, au mépris du principe d'égalité des créanciers posé par l'article L. 626-18 du code de commerce, sa créance, bien que définitivement admise dans la procédure collective, n'a pas été intégrée dans le plan de redressement. En raison de l'indivisibilité de la tierce opposition en matière de procédure collective, le jugement contesté doit être rétracté et considéré comme non avenu


Références :

article L. 661-3 du code de commerce

article 583, alinéa 1, do code de procédure civile.

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Mulhouse, 11 mars 2009


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2010-03-09;224.10 ?
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