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10/02/2009 | FRANCE | N°07/02873

France | France, Cour d'appel de colmar, Premiere chambre civile - section a, 10 février 2009, 07/02873


PA/SD
MINUTE No

Copie exécutoire à
- Me François-Xavier HEICHELBECH
- Me Joëlle LITOU-WOLFF

Le 11.02.2009
Le GreffierREPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMARPREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 10 Février 2009

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 07/02873
Décision déférée à la Cour : 24 Mai 2007 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE STRASBOURG

APPELANTE :
SARL TOUMATParc d'Activités des Pins 67310 WASSELONNE
représentée par Me François-Xavier HEICH

ELBECH, avocat à la Cour

INTIMEE :
SARL GRAVIERES DE NORDHOUSERoute Départementale 68 67150 NORDHOUSE
représentée ...

PA/SD
MINUTE No

Copie exécutoire à
- Me François-Xavier HEICHELBECH
- Me Joëlle LITOU-WOLFF

Le 11.02.2009
Le GreffierREPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMARPREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 10 Février 2009

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 07/02873
Décision déférée à la Cour : 24 Mai 2007 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE STRASBOURG

APPELANTE :
SARL TOUMATParc d'Activités des Pins 67310 WASSELONNE
représentée par Me François-Xavier HEICHELBECH, avocat à la Cour

INTIMEE :
SARL GRAVIERES DE NORDHOUSERoute Départementale 68 67150 NORDHOUSE
représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour Avocat plaidant : Me Thomas BLOCH, avocat à STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Janvier 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :M. HOFFBECK, Président de Chambre, entendu en son rapportM. CUENOT, ConseillerM. ALLARD, Conseillerqui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme MUNCH-SCHEBACHER

ARRET :- Contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par M. Michel HOFFBECK, président et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. En exécution d'une commande en date du 15 octobre 1996, la société TOUMAT a livré à la société GRAVIERES DE NORDHOUSE un "prédoseur" d'occasion de marque ERM de type PCAP1 no 100.
Le 4 février 1997, vers 13 h 25, M Z..., un ouvrier de la société GRAVIERES DE NORDHOUSE, a eu l'avant-bras droit arraché lors d'une intervention sur cette machine.
Selon mémoire du 10 novembre 2003, M Z... a introduit devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin une action en reconnaissance de faute inexcusable à l'encontre de son employeur. La société GRAVIERES DE NORDHOUSE a appelé en garantie la société TOUMAT devant cette juridiction. Par un jugement du 8 décembre 2004, la juridiction saisie a déclaré cet appel en garantie irrecevable. Cette décision a été confirmée par un arrêt de cette cour rendu le 12 janvier 2006. Par un jugement du 8 mars 2006, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Strasbourg a reconnu que l'accident était "dû à la faute inexcusable" de l'employeur.
Selon assignation du 16 mai 2006, la société GRAVIERES DE NORDHOUSE a attrait la société TOUMAT devant le tribunal de grande instance de Strasbourg pour obtenir sa garantie de toutes condamnations intervenues à son encontre selon jugement du 8 mars 2006.
La société TOUMAT a argué de la nullité de l'assignation et a dénié toute responsabilité dans l'accident.
Par jugement du 24 mai 2007, le tribunal de grande instance de Strasbourg a :
- déclaré la société TOUMAT responsable pour moitié des dommages dont avait été victime M Z... à la suite de l'accident du 4 février 1997,- dit la société TOUMAT tenue à garantir la société GRAVIERES DE NORDHOUSE des condamnations prononcées à son encontre selon jugement du 8 mars 2006 ainsi que de tout jugement ultérieur,- dit n'y avoir lieu à paiement de frais irrépétibles,- condamné la société TOUMAT aux dépens.
Les premiers juges ont principalement retenu :
- que la société TOUMAT n'identifiant ni la disposition méconnue, ni ne caractérisant le grief causé par l'irrégularité, le moyen tiré de la nullité de l'assignation devait être rejeté;
- que la société TOUMAT avait manqué à son obligation de renseignement en vendant une machine démunie de dispositif de protection, sans certificat de conformité, ni notice d'instruction ;
- que la société GRAVIERES DE NORDHOUSE avait également engagé sa responsabilité puisqu'il lui incombait de prendre toutes les mesures concernant la sécurité des personnes avant la mise en exploitation.
Par déclaration reçue le 4 juillet 2007, la société TOUMAT a interjeté appel de cette décision. La société GRAVIERES DE NORDHOUSE a formé un appel incident.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 16 juin 2008, la société TOUMAT demande à la cour de :
- recevoir son appel ;- déclarer l'appel en garantie dirigé par la société GRAVIERES DE NORDHOUSE contre l'appelante irrecevable et en tout cas mal fondé ;- à titre subsidiaire, réduire dans de très fortes proportions la part de responsabilité de l'appelante ;- condamner la société GRAVIERES DE NORDHOUSE à lui payer une indemnité de 1.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;- condamner la société GRAVIERES DE NORDHOUSE aux dépens.
Au soutien de son appel, elle fait valoir en substance :
- qu'en relaxant M. A..., gérant de l'appelante, du chef de blessures involontaires, la juridiction pénale a écarté toute relation de cause à effet entre la vente de la machine et l'accident ;
- que la reconnaissance du caractère inexcusable de la faute de l'employeur est exclusive de toute autre faute, soit du salarié, soit d'un tiers ;
- que la responsabilité de l'accident incombe à la société GRAVIERES DE NORDHOUSE qui a installé et mis en service la machine sans prévoir d'organe de protection et qui a aggravé le risque en la surélevant.
Selon conclusions remises le 16 juillet 2008, la société GRAVIERES DE NORDHOUSE rétorque :
- que la responsabilité de la société TOUMAT ne peut qu'être intégrale puisque l'accident ne se serait pas produit si la machine vendue avait répondu aux normes de sécurité;
- que la concluante a été trompée par les modifications effectuées par le précédent utilisateur ;
- qu'aucune autorité attachée au jugement pénal ne peut lui être opposée ;
- que l'appréciation de la faute inexcusable de l'employeur n'intervient que dans le champ des rapports liés au contrat de travail.
En conséquence, elle prie la cour de :
sur l'appel principal,- débouter la société TOUMAT de ses fins et conclusions ;- condamner la société TOUMAT aux dépens ainsi qu'au paiement de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;sur l'appel incident,- dire que la société TOUMAT devra garantir la concluante des condamnations intervenues à son encontre selon jugement du TASS du Bas-Rhin en date du 8 mars 2006 en principal, intérêts, dommages et intérêts, article 700 et frais ;- dire que cette garantie s'étendra à tout jugement ou arrêt ultérieur ;- condamner la société TOUMAT aux dépens de l'appel incident.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2008.
SUR CE, LA COUR
Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation,
Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée ; qu'aucun élément du dossier ne démontrant qu'il aurait été tardivement exercé, l'appel qui a été interjeté suivant les formes légales sera déclaré recevable ;
Attendu que si la reconnaissance par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin de la faute inexcusable de l'employeur interdit de mettre à la charge de la société TOUMAT l'entière responsabilité de l'accident du 4 février 1997, la société GRAVIERES DE NORDHOUSE demeure cependant en droit de se retourner contre les tiers responsables;
Attendu, certes, que M. A..., gérant de la société TOUMAT, qui avait été poursuivi pour "avoir courant octobre 1996 et le 4 février 1997, à Nordhouse et en tout cas en temps non prescrit et sur l'étendue du territoire national, par maladresse, inattention, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, en l'espèce pour avoir vendu à la société GRAVIERES DE NORDHOUSE un prédoseur sans dispositif de protection contre l'accès aux parties mobiles, ni remise de certificat de conformité, ni notice d'instruction, faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, causé à Jean-Claude Z... une incapacité totale de travail n'excédant pas trois mois", a été relaxé le 1er février 2002 par le tribunal correctionnel de Strasbourg ;
Mais attendu que l'article 4-1 du code de procédure pénale prévoit que l'absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement de l'article 1383 du code civil si l'existence de la faute civile prévue par cet article est établie, ou en application de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale si l'existence de la faute inexcusable prévue par cet article est établie ;
Attendu qu'en raison de la dissociation opérée par la loi Fauchon entre la faute pénale et la faute civile, la relaxe dont a bénéficié M. A... ne fait pas obstacle au recours introduit par la société GRAVIERES DE NORDHOUSE contre son fournisseur, puisqu'elle n'a pas été motivée par une absence de faute, M. A... étant au contraire reconnu coupable par la juridiction pénale d'"avoir courant octobre 1996 et le 4 février 1997, à Nordhouse et en tout cas en temps non prescrit et sur l'étendue du territoire national, comme gérant de la société TOUMAT, par sa faute personnelle, omis de respecter les mesures relatives à l'hygiène et à la sécurité du travail, en l'espèce pour avoir vendu à la société GRAVIERES DE NORDHOUSE un prédoseur sans dispositif de protection contre l'accès aux parties mobiles, ni remise de certificat de conformité, ni notice d'instruction" ;
Attendu qu'il est inutile de reprendre les données factuelles exposées par les premiers juges se rapportant tant à l'historique des modifications subies par la machine qu'aux circonstances de l'accident ;
Attendu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que la société TOUMAT était débitrice d'une obligation générale d'information en vertu de laquelle elle aurait dû alerter sa cliente sur la non-conformité de l'engin aux règles de sécurité ; que cette défaillance a motivé la condamnation pénale de son gérant ; que la présence d'un dispositif de sécurité aurait empêché l'ouvrier d'intervenir sous la bande transporteuse en mouvement et aurait prévenu l'accident ; qu'un lien de causalité entre la faute reprochée à l'appelante et l'accident est caractérisé ;
Attendu que la négligence de la société TOUMAT ne doit pas masquer les carences de l'utilisatrice professionnelle qu'était la société GRAVIERES DE NORDHOUSE, dont le manque de curiosité a été souligné par M. B..., expert judiciaire, dans son rapport du 27 novembre 1997 ; que la société GRAVIERES DE NORDHOUSE a méconnu l'obligation de prévention des risques consacrée et explicitée par le règlement général des industries extractives institué par le décret no 80-331 du 7 mai 1980 ; qu'en effet, "l'exploitant doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des personnes" selon ce texte ;
Attendu qu'eu égard à la gravité respective des fautes qui ont concouru à la réalisation de l'accident, la société TOUMAT sera déclarée responsable des dommages à due concurrence d'un quart ; qu'en conséquence, la société TOUMAT sera condamnée à rembourser à la société GRAVIERES DE NORDHOUSE un quart de la fraction de la cotisation complémentaire d'accident du travail mise à sa charge en vertu de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale ainsi qu'un quart des indemnités versées à M Z... en réparation de ses préjudices personnels ;
Attendu que les dépens de première instance et d'appel seront répartis conformément au partage de responsabilité opéré, chaque partie conservant la charge de ses frais irrépétibles;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,
Déclare la société TOUMAT recevable en son appel principal ;
Déclare la société GRAVIERES DE NORDHOUSE recevable en son appel incident;
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
Déclare la société TOUMAT responsable de l'accident du 4 février 1997 à hauteur d'un quart ;
Condamne la société TOUMAT à rembourser à la société GRAVIERES DE NORDHOUSE un quart de la fraction de la cotisation complémentaire d'accident du travail mise à sa charge en vertu de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale ainsi qu'un quart des indemnités versées par cette dernière à son salarié en réparation de ses préjudices personnels ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés à due concurrence d'un quart par la société TOUMAT et des trois quarts par la société GRAVIERES DE NORDHOUSE.
Le Greffier : Le Président :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Premiere chambre civile - section a
Numéro d'arrêt : 07/02873
Date de la décision : 10/02/2009
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Tiers responsable - Recours de l'employeur -

1) La décision du tribunal des affaires de sécurité sociale déclarant qu'il y a faute inexcusable de l'employeur dans le cadre d'un accident de travail ne fait pas obstacle à un recours dudit employeur contre les tiers responsables. 2) Conformément à l'article 4-1 du code de procédure pénale et en raison de la dissociation opérée par la loi Fauchon entre la faute pénale et la faute civile, la relaxe dont a bénéficié le gérant de la société ayant livré la machine impliquée dans l'accident, dès lors qu'elle n'a pas été justifiée par l'absence de toute faute, ne fait pas obstacle au recours introduit par l'employeur contre son fournisseur.


Références :

article 4-1 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 24 mai 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2009-02-10;07.02873 ?
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