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10/11/2008 | FRANCE | N°07/01258

France | France, Cour d'appel de colmar, Chambre civile 3, 10 novembre 2008, 07/01258


MINUTE N° 08 / 1075
Copie exécutoire à :
- la SCP PAULUS et GERRER- la SCP WACHSMANN et associés

Le 10 / 11 / 2008
COUR D'APPEL DE COLMAR TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 10 Novembre 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A 07 / 01258

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 décembre 2006 par le tribunal d'instance de COLMAR

APPELANT : Monsieur Roland X... demeurant ...68280 SUNDHOFFEN Représenté par la SCP PAULUS et GERRER (avocats au barreau de COLMAR)

INTIME : Monsieur Pierre Y... d

emeurant ...68320 MUNTZENHEIM Représenté par la SCP WACHSMANN et associés (avocats au barreau de STRASBOURG)...

MINUTE N° 08 / 1075
Copie exécutoire à :
- la SCP PAULUS et GERRER- la SCP WACHSMANN et associés

Le 10 / 11 / 2008
COUR D'APPEL DE COLMAR TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 10 Novembre 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A 07 / 01258

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 décembre 2006 par le tribunal d'instance de COLMAR

APPELANT : Monsieur Roland X... demeurant ...68280 SUNDHOFFEN Représenté par la SCP PAULUS et GERRER (avocats au barreau de COLMAR)

INTIME : Monsieur Pierre Y... demeurant ...68320 MUNTZENHEIM Représenté par la SCP WACHSMANN et associés (avocats au barreau de STRASBOURG)

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 29 septembre 2008, en audience publique, devant la cour composée de : Mme RASTEGAR, président de chambre M. JOBERT, conseiller M. DAESCHLER, conseiller

qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. UTTARD

ARRET :- contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Mme F. RASTEGAR, président, et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le rapport.

FAITS ET PROCÉDURE
Par lettre datée du 29 mai 2005, Monsieur Pierre Y..., lieutenant du service départemental d'incendie et de secours du Haut-Rhin, a remis une lettre à son supérieur hiérarchique, le lieutenant-colonel Roland X..., dans laquelle il critiquait sa fiche de notation de l'année 2004 et l'accusait de harcèlement moral.
Monsieur X... portait cette lettre à la connaissance de sa propre hiérarchie.
Elle provoquait l'organisation d'une réunion d'explication le 6 juin 2005 puis la création d'une commission administrative interne qui, dans son rapport daté du 7 novembre 2005, concluait à l'absence d'une situation de harcèlement moral.
Par acte introductif d'instance en date du 12 mai 2006, complété par des conclusions du 28 septembre 2006, Monsieur Roland X... a fait citer Monsieur Pierre Y... devant le tribunal d'instance de COLMAR afin d'obtenir sa condamnation à lui payer les sommes de 7 500 € de dommages et intérêts avec les intérêts au taux légal à compter du jour du jugement à venir, 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de la procédure.
Il a sollicité en outre l'affichage de la décision à venir sur les lieux de travail pendant un mois à compter du jour où elle serait devenue définitive.
Il a également demandé qu'il lui soit donné acte qu'il s'engageait à verser les dommages et intérêts qui lui seraient alloués à l'oeuvre des pupilles des sapeurs-pompiers.
A l'appui de sa demande, Monsieur X... a fait valoir en préalable qu'il aurait pu déposer une plainte pénale pour dénonciation calomnieuse et diffamation mais que dans un souci d'apaisement, il s'était contenté de porter l'affaire au civil.
Il a prétendu que Monsieur Y... aurait commis une faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil en tenant des propos portant atteinte à son honneur et sa respectabilité et laissant également planer un doute sur son honnêteté intellectuelle et sa droiture de chef.
Monsieur Y... a conclu à l'irrecevabilité et au débouté du demandeur et a réclamé sa condamnation à lui payer les sommes de 2 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre l'affichage du jugement à venir dans les locaux du service.
Il a affirmé que les éléments constitutifs de l'infraction de dénonciation calomnieuse (article 226-10 du code pénal) ne seraient pas réunis.
Au sujet de la diffamation, il a soutenu que l'acte introductif serait nul pour ne pas respecter les dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881. De plus, selon lui, la courte prescription de trois mois serait acquise de sorte que la demande sur ce fondement serait irrecevable.
Par jugement du 13 décembre 2006, le tribunal d'instance de COLMAR a déclaré irrecevable l'exception de nullité de la demande introductive d'instance en ce qu'elle porte sur des faits de diffamation, déclaré prescrite l'action fondée sur la diffamation, rejeté les prétentions de Monsieur X... fondées sur la dénonciation calomnieuse, rejeté la demande de dommages et intérêts de Monsieur Y..., condamné Monsieur X... à payer à ce dernier la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le premier juge n'a pas motivé l'irrecevabilité de l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance.
Il a estimé que les éléments constitutifs de l'infraction de dénonciation calomnieuse n'étaient pas réunis et que les faits de diffamation étaient prescrits.
Par déclaration reçue le 16 mars 2007 au greffe de la cour, Monsieur X... a interjeté appel de ce jugement.
Selon des écritures récapitulatives reçues le 20 février 2008 au greffe de la cour, l'appelant conclut à l'infirmation du jugement entrepris.
Il demande à la cour de condamner l'intimé à lui payer les sommes de 7 500 € de dommages et intérêts, les sommes alloués devant être reversées à l'oeuvre des pupilles des sapeurs-pompiers, 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre l'affichage de l'arrêt à venir sur les lieux de travail pendant un mois.
A l'appui de son recours, Monsieur X... fait valoir en substance que :
- le tribunal ne pouvait retenir la qualification de diffamation concernant une correspondance privée dont le contenu n'a pas été porté à la connaissance de tiers, les travaux de la commission d'enquête administrative étant confidentiels et insusceptibles de publicité en dehors de la communauté d'intérêt du service départemental d'incendie et de secours,
- la loi du 29 juillet 1881 est inapplicable en l'espèce et c'est à juste titre qu'il a fondé sa demande sur les articles 1382 et 1383 du Code civil,
- Monsieur Y... a commis une faute en tenant des propos inexacts et excessifs et en les répétant lors d'une réunion et de son audition par la commission d'enquête, s'il n'était pas satisfait de sa notation, il pouvait faire un recours gracieux ou hiérarchique,
- le préjudice moral et physique qu'il a subi est très important.
Selon des écritures récapitulatives parvenues le 20 novembre 2007 au greffe de la cour, l'intimé conclut à la confirmation du jugement entrepris.
Il demande à la cour de condamner l'appelant à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel.
Monsieur Y... expose en substance que :
- les éléments constitutifs de l'infraction de dénonciation calomnieuse ne sont pas réunis,
- des dommages et intérêts pour diffamation ne peuvent être réclamés que sur le fondement de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 et non sur celui des articles 1382 et 1383 du Code civil,
- la demande de Monsieur X... ne respecte pas le formalisme de l'article 53 de la loi précitée, de plus, elle est prescrite.

MOTIFS

Attendu que, selon Monsieur X..., le fait générateur de la responsabilité quasi délictuelle de Monsieur Y... pourrait recevoir la double qualification et de dénonciation calomnieuse et de diffamation ;
attendu que les fautes invoquées par l'appelant étant toutes deux des infractions pénales, l'action civile tendant à obtenir réparation du préjudice subi suppose que la preuve de la réunion de l'ensemble de leurs éléments constitutifs soit rapportée par la victime ;
attendu, s'agissant de la diffamation, que les circonstances soumises à la cour pourraient s'analyser, s'ils étaient établis, en l'infraction de diffamation non publique prévue par l'article R. 621-1 du Code pénal ;
attendu en effet qu'il ressort des pièces versées aux débats que l'accusation de harcèlement moral a été exprimé par Monsieur Y... dans une lettre qu'il a adressée le 29 mai 2005 à Monsieur X... personnellement ;
attendu qu'elle a été reprise lors d'une réunion qui s'est tenue le 6 juin 2005 dans le bureau du directeur du service départemental d'incendie et de secours du Haut-Rhin en présence des protagonistes de l'incident et deux autres personnes appartenant à ce service ;
attendu enfin qu'elle a été réitérée lors de l'audition de Monsieur Y... par la commission d'enquête administrative ad hoc composée uniquement de membres du service départemental d'incendie et de secours du Haut-Rhin, qui a eu lieu le 6 octobre 2005 ;
attendu ainsi que les propos supposés diffamatoires ont été tenus dans le cadre restreint d'un groupement de personnes appartenant au même service liées entre elles par une communauté d'intérêts, de sorte qu'ils n'ont pas eu un caractère public ;
attendu que l'action en réparation d'un préjudice né d'une diffamation non publique portée devant une juridiction civile obéit aux règles de forme et de fond de la loi du 29 juillet 1881 et notamment son article 53, à l'exclusion des articles 1382 et 1383 du Code civil ;
attendu en l'espèce que force est de constater que Monsieur X... n'apporte pas la preuve que l'acte introductif d'instance reçu le 12 mai 2006 au greffe du tribunal d'instance de COLMAR ait été notifié au Ministère Public comme l'exige l'article 53 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 à peine de nullité de la poursuite ;
attendu dès lors que le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception de nullité de la demande introductive d'instance en ce qu'elle porte sur des faits de diffamation et en ce qu'il a déclaré prescrite l'action fondée sur la diffamation ;
attendu que, statuant à nouveau sur ce point, il convient de déclarer nul l'acte introductif d'instance du 12 mai 2006 ;
attendu, pour ce qui est de la dénonciation calomnieuse, que la lettre du 29 mai 2005 a été adressée à l'auteur présumé du harcèlement moral et non à son supérieur hiérarchique ;
attendu ensuite que les déclarations faites par l'intimé tant lors de la réunion du 6 juin 2006 que lors de son audition par la commission d'enquête ad hoc, n'ont pas eu un caractère spontané mais sont intervenues sur interrogation ;
attendu enfin et en tout état de cause qu'il ne peut y avoir dénonciation calomnieuse que si les faits dénoncés ont été préalablement reconnus faux par l'autorité compétente, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la commission d'enquête n'ayant rendu ses conclusions que postérieurement à l'audition de l'intimé ;
attendu en conséquence que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions de Monsieur X... fondées sur la dénonciation calomnieuse et sa demande de dommages et intérêts ;
attendu que le jugement entrepris doit également être confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur X..., partie perdante, à payer à Monsieur Y... la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance ;
attendu qu'à hauteur d'appel, l'équité commande que l'appelant soit condamné à payer à l'intimé la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
attendu qu'il supportera les dépens d'appel en tant que partie perdante ;

PAR CES MOTIFS,

- CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les prétentions de Monsieur Roland X... fondées sur la dénonciation calomnieuse, en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de ce dernier, en ce qu'il l'a condamné à payer à Monsieur Pierre Y... la somme de 500 € (cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance.

- L'INFIRME en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception de nullité de la demande introductive d'instance en ce qu'elle porte sur des faits de diffamation et en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en réparation fondée sur la diffamation.
Statuant à nouveau dans cette limite,
- DÉCLARE nul l'acte introductif d'instance reçu le 12 mai 2006 au greffe du tribunal d'instance de COLMAR.
- CONDAMNE Monsieur Roland X... à payer à Monsieur Pierre Y... la somme de 500 € (cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 07/01258
Date de la décision : 10/11/2008
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESSE - Diffamation - Diffamation non publique - Procédure - / JDF

L'action en réparation d'un préjudice né d'une diffamation non publique portée devant une juridiction civile obéit aux règles de forme et de fond de la loi du 29 juillet 1881, à l'exclusion des articles 1382 et 1383 du code civil. De fait, conformément à l'article 53 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881, le défaut de notification au Ministère public de l'acte introductif d'instance pour diffamation non publique emporte nullité de la poursuite


Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Colmar, 13 décembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-11-10;07.01258 ?
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