BJ / UC
MINUTE N° 08 / 1073
Copie exécutoire à :
- Me Anne-Marie BOUCON-Me Anne CROVISIER
Le 10/11/2008
Le greffier
REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR TROISIEME CHAMBRE CIVILE-SECTION A
ARRET DU 10 Novembre 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A 05 / 00942
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 2 février 2005 par le juge de l'exécution délégué au Tribunal d'Instance de STRASBOURG
APPELANTE : SARL ESCA ayant son siège social 12 rue des Pontonniers 67000 STRASBOURG Représentée par Me Anne-Marie BOUCON (avocat à la cour)
INTIME : Monsieur Claude X... demeurant ... 88220 XERTIGNY Représenté par Me Anne CROVISIER (avocat à la cour) Plaidant : Me Olivier COUSIN (avocat à EPINAL)
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 septembre 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. JOBERT, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme RASTEGAR, président de chambre M. JOBERT, conseiller M. DAESCHLER, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. UTTARD
ARRET :- contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,- signé par Mme F. RASTEGAR, président et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le rapport,
FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement du tribunal correctionnel d'EPINAL en date du 12 novembre 2002, confirmé par un arrêt de la Cour d'Appel de NANCY du 13 février 2003, Monsieur Daniel Z... a été condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement pour abus de confiance en récidive et escroquerie.
Il a également été déclaré entièrement responsable du préjudice subi par les parties civiles, dont Monsieur Claude X..., et condamné à payer à ce dernier la somme de 5.223, 20 € à titre de dommages et intérêts.
La SA ESCA a été déclarée civilement responsable des agissements de Monsieur Z... au détriment des parties civiles.
Par exploit du 24 septembre 2004, Monsieur Claude X... a fait signifier un commandement aux fins de saisie-vente portant sur une somme de 6.057, 99 € à la SA ESCA sur le fondement de ces deux décisions de justice.
Par exploit signifié le 14 octobre 2004, la société ESCA a assigné Monsieur Claude X... devant le juge de l'exécution délégué au tribunal d'instance de STRASBOURG en vue d'obtenir l'annulation de ce commandement, ce dont elle a été déboutée par jugement du 2 février 2005.
Le premier juge a considéré que le créancier disposait à l'encontre de cette société d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible et l'autorisant par conséquent à engager des mesures d'exécution forcée à son encontre.
Par déclaration reçue le 18 février 2005 au greffe de la cour, la SA ESCA a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été préalablement notifié le 9 février 2005.
Selon des écritures récapitulatives parvenues le 11 mars 2008 au greffe de la cour, l'appelante conclut à l'infirmation du jugement entrepris.
Elle demande à la cour d'annuler le commandement de payer du 24 septembre 2004 avec toutes ses conséquences de droit, à titre subsidiaire, de constater la faute de l'intimé, de dire et juger en conséquence que ce dernier ne peut prétendre à une somme supérieure à 1.524, 49 €, en tout état de cause, de le condamner à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de la procédure.
A l'appui de son recours, elle fait valoir en substance que :
- tant le jugement du tribunal correctionnel d'EPINAL du 12 novembre 2002 que l'arrêt de la cour d'appel de NANCY du 13 février 2003 ne prononcent aucune condamnation à son encontre, se contentant de la déclarer civilement responsable des agissements de Monsieur Z... à l'encontre, notamment, du saisissant,
- ces deux décisions ne pouvaient par conséquent servir de fondement à une mesure de saisie-vente,
- considérer que ces décisions de justice peuvent servir de titre exécutoire reviendrait à la priver du droit de faire valoir ses moyens de défense contre la victime dans le cadre d'un débat devant la juridiction civile sur le fondement de l'article 1384-5 du Code civil, ce qui constituerait une violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- à titre subsidiaire, Monsieur X... a commis une faute en versant à Monsieur Z... une somme de 34.000 F en espèces en 1999 alors que la réglementation alors applicable n'autorisait aucun paiement en espèces supérieur à 10.000 F, ce qui justifie un partage de responsabilité.
Selon des écritures récapitulatives reçues le 14 janvier 2008 au greffe de la cour, l'intimé conclut à la confirmation du jugement entrepris.
Il sollicite en outre la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur X... expose en substance que :
- la société ESCA a été déclarée civilement responsable des agissements de Monsieur Z... contre lequel une condamnation au paiement d'une somme d'argent a été prononcée au profit de l'intimé,
- les titres exécutoires qui servent de fondement à la saisie-vente comportent l'obligation de payer une somme d'argent et mentionne clairement l'identité du débiteur,
- il n'est pas nécessaire que le titre exécutoire contienne une condamnation formelle de la personne contre laquelle l'exécution forcée est conduite,
- les dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été respectées dans la mesure où la société ESCA a pu faire valoir ses droits dans le cadre d'un débat contradictoire et où elle n'a pas exercé de recours contre la décision rendue ; de plus, elle a la possibilité de saisir une juridiction civile, ce qu'elle n'a pas fait à ce jour,
- les prétentions subsidiaires de l'appelante sont irrecevables dès lors que le présent débat ne concerne que l'exécution forcée et que le juge de l'exécution n'est pas compétent pour prononcer un partage de responsabilité.
MOTIFS
Attendu que l'article 50 de la loi du 9 juillet 1991 dispose que : " tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur... " ;
Attendu qu'au vu de ce texte, le créancier qui engage une procédure de saisie-vente doit justifier d'un titre qui ne fait que constater l'existence d'une créance liquide et exigible à l'encontre du débiteur mais non qui le condamne au paiement d'une somme d'argent ;
Attendu en l'espèce que le jugement du tribunal correctionnel d'EPINAL du 12 novembre 2002 qui sert de fondement aux poursuites condamne en son dispositif Monsieur Daniel Z... à payer la somme de 5.223, 20 € de dommages et intérêts à Monsieur Claude X... qui s'était constitué partie civile, déclare la SA ESCA civilement responsable des agissements commis par Monsieur Daniel Z... au détriment des parties civiles et lui déclare le jugement opposable ;
Attendu que la déclaration de responsabilité de la SA ESCA signifie qu'elle est tenue de réparer le préjudice causé par Monsieur Z... qui était alors son préposé, tel que le tribunal correctionnel l'a fixé pour chacune des parties civiles dont l'intimé ;
Attendu dès lors que le créancier saisissant est bien titulaire à l'encontre de l'appelante d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible d'un montant de 5.223, 20 € en principal ;
Attendu par ailleurs qu'il ressort des mentions portées sur le jugement du tribunal correctionnel d'EPINAL du 12 novembre 2002 que la société ESCA était représentée par un avocat lors des débats de sorte qu'elle a pu faire valoir ses droits et invoquer des moyens de défense face aux parties civiles devant la juridiction qui a émis le titre exécutoire litigieux ;
Attendu qu'il lui était loisible notamment de soulever la faute de la partie civile et de solliciter un partage de responsabilité ;
Attendu en outre qu'elle a fait appel devant la cour d'appel de NANCY mais a été défaillante devant cette juridiction ;
Attendu de plus qu'en vertu de l'article 117 du décret du 31 juillet 1992, le débiteur saisi peut former une contestation de saisie devant le juge de l'exécution, droit que la société ESCA a exercé de manière effective tant devant le juge de l'exécution que devant la cour ;
Attendu dès lors que la SA ESCA n'a pas été privée des garanties d'un procès équitable ;
Attendu au contraire qu'elle a pu faire entendre sa cause et ses moyens de défense tant dans la procédure pénale que dans la procédure de contestation de la mesure d'exécution forcée accomplie à son encontre ;
Attendu qu'au vu de ce qui précède, l'intimé remplissait les conditions pour exécuter une saisie-vente à l'encontre de la SA ESCA dont le commandement de payer est l'acte d'engagement ;
Attendu, par ailleurs, que tant le juge de l'exécution que la cour ne peuvent remettre en cause le titre exécutoire qui sert de fondement aux poursuites ni dans son principe ni dans la validité des droits et obligations qu'il constate ;
Attendu que la demande de la société ESCA tendant au prononcé d'un partage de responsabilité entre Monsieur Z... et Monsieur X... est irrecevable parce qu'elle remet en cause le jugement du tribunal correctionnel d'EPINAL du 12 novembre 2002 qui a déclaré Monsieur Z... entièrement responsable du préjudice subi par les parties civiles dont Monsieur X... ;
Attendu que le jugement entrepris doit donc être confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que l'équité commande que l'appelante, partie perdante, soit condamnée à payer à l'intimé la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que pour la même raison, elle supportera les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
CONDAMNE la SA ESCA à payer à Monsieur Claude X... la somme de 1.000 (mille) € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel.