DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE Section A
MINUTE N° 655 / 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 07 / 00763
Copies exécutoires à :
Maître SPIESER
Maître SENGELEN- CHIODETTI
Le 3 juillet 2008
COUR D'APPEL DE COLMAR
ARRET DU 03 juillet 2008
Décision déférée à la Cour : jugement du 12 octobre 2004 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG
APPELANT et demandeur :
Monsieur Denis X... demeurant ...
représenté par Maître SPIESER, avocat à COLMAR plaidant : Maître Serge BUEB, avocat à STRASBOURG
INTIMÉE et défenderesse :
La S.A. ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL (A.C.M.) VIE représentée par son représentant légal ayant son siège social 34, rue du Wacken 67000 STRASBOURG
représentée par Maître SENGELEN- CHIODETTI, avocat à COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 avril 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Michel WERL, Président de Chambre Martine CONTE, Conseiller Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Corinne LAEMLE
ARRET :- contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile- signé par Michel WERL, Président, et Corinne LAEMLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Ouï Michel WERL, Président de Chambre en son rapport,
* * *
Monsieur X... a conclu avec la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de SAINT- MARTIN (GUADELOUPE) deux contrats de prêt immobilier, l'un de 1. 500. 000 F, remboursable en 180 mensualités, selon contrat du 5 octobre 2000 passé devant notaire, l'autre de 266. 785 €, remboursable in fine, selon contrat du 7 mai 2003 également reçu devant notaire.
Il a adhéré, pour ces deux contrats, à la convention d'assurance collective des emprunteurs conclue entre la FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL et les A.C.M. (ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL).
Par une décision du 20 décembre 2001, la CAISSE D'ASSURANCE MALADIE a reconnu l'invalidité de Monsieur X..., classée dans la deuxième catégorie définie à l'article L. 341-4 du Code de la Sécurité Sociale. Par lettre du 19 août 2002, Monsieur X... a sollicité des A.C.M. la mise en oeuvre de sa garantie au titre des deux prêts, ce que l'assureur a refusé aux motifs que :
- s'agissant du premier prêt, Monsieur X... n'avait sollicité et obtenu que la garantie décès et perte totale et irréversible d'autonomie (P.T.I.A.), ce dernier risque n'étant pas constitué par la seule invalidité en 2e catégorie de la Sécurité Sociale qui exclut l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie,
- s'agissant du deuxième prêt, Monsieur X... n'avait sollicité que la garantie décès.
Monsieur X... a assigné le 18 octobre 2002 les A.C.M. devant le Tribunal de grande instance de STRASBOURG afin de les condamner, en exécution de leurs obligations contractuelles :
à prendre en charge la totalité des échéances du premier prêt à compter du 20 décembre 2001 et à lui payer celles qu'il a lui- même réglées depuis cette date au titre de ce prêt, et à prendre en charge la totalité du remboursement du second prêt,
subsidiairement, sur le fondement quasi délictuel, Monsieur X... demandait la condamnation des A.C.M. à lui payer 671. 479, 98 €.
Par jugement prononcé le 12 octobre 2004, le Tribunal de grande instance de STRASBOURG a débouté Monsieur X... de toutes ses demandes et l'a condamné à payer aux A.C.M. une somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Le Tribunal a considéré, en ce qui concerne le premier prêt, que l'offre préalable de crédit soumise à Monsieur X... l'informait clairement que seule la garantie décès était obligatoire et que l'assuré pouvait opter entre plusieurs garanties facultatives, parmi lesquelles l'option "ECO" garantissant, outre le décès, le risque P.T.I.A. (perte totale et irréversible d'autonomie), dont la définition, comme celle des autres risques, était mentionnée explicitement dans les documents contractuels, notamment la notice d'information que le demandeur reconnaissait, dans sa demande d'adhésion, avoir reçue.
Le premier Juge a ensuite constaté que l'invalidité de 2e catégorie de la Sécurité Sociale ne constituait pas le risque P.T.I.A. garanti par les A.C.M.
S'agissant du deuxième prêt, le Tribunal a relevé que Monsieur X... avait été informé avant la signature du contrat et après les examens médicaux prescrits par l'assureur, que seule l'assurance décès pouvait lui être accordée moyennant le versement d'une surprime, le courrier du 25 mars 2002 des A.C.M. précisant que les garanties P.T.I.A. et I.T.T. ne pouvaient lui être accordées. Monsieur X... ayant, dans sa réponse datée du 2 avril 2002 retournée à l'assureur, déclaré accepter ces conditions, il ne pouvait sans mauvaise foi se prévaloir d'une garantie qu'il n'avait pas souscrite et qui lui avait même été refusée en raison de ses antécédents médicaux.
Le premier Juge rappelle également que Monsieur X... avait paraphé toutes les pages de la notice d'information, laquelle était annexée au contrat de prêt passé en la forme authentique.
Par déclaration reçue le 25 octobre 2004, Monsieur X... a interjeté appel contre ce jugement.
Il demande à la Cour, dans le dernier état de ses conclusions reçues le 21 décembre 2007, d'infirmer le jugement entrepris et de faire droit à ses demandes initiales de prise en charge du remboursement de ses deux prêts, d'ordonner en tant que de besoin une expertise médicale.
Sur le premier prêt, Monsieur X... soutient, d'une part, que les conditions générales de l'assurance ne lui ont pas été remises lorsqu'il a accepté le 28 août 2000 l'offre de prêt qui lui avait été faite le 7 août 2000 par les A.C.M. à la suite de sa demande d'adhésion, d'autre part, que cette demande d'adhésion ne mentionnait les risques garantis que sous forme des sigles "D.C.P.T.I.A.", ce qui est insuffisant pour lui opposer la limitation de la garantie de l'assureur aux risques décès et perte totale et irréversible d'autonomie.
Il fait valoir subsidiairement qu'il est atteint, outre de l'incapacité et de l'invalidité, de la P.T.I.A., laquelle n'est pas exclue du seul fait qu'il est classé par la Sécurité Sociale parmi les invalides de 2e catégorie, Monsieur X... affirmant qu'il est dans l'impossibilité absolue et définitive de se livrer à une occupation ou à un travail quelconque lui procurant gain ou profit, son état le mettant dans l'impossibilité d'effectuer les actes ordinaires de la vie sans avoir recours à une tierce personne, même si ce recours n'est pas permanent. Le demandeur se réfère à cet égard à une jurisprudence de la Cour de Cassation écartant l'exigence de la permanence du recours à une tierce personne pour caractériser la P.T.I.A.
Concernant le deuxième prêt, Monsieur X... fait valoir qu'il n'a pas reçu communication de la notice d'information définissant de manière claire et précise les risques garantis ainsi que les conditions de mise en oeuvre des garanties, et affirme que les conditions générales du contrat tenant lieu de notice d'information selon les A.C.M. n'ont été paraphées par le demandeur qu'au moment de la réception de l'acte notarié, soit postérieurement à son acceptation de l'offre de l'assureur.
Les limites et restrictions invoquées par les A.C.M. pour refuser sa garantie sont donc inopposables à l'appelant, qui reprend également pour ce deuxième prêt les moyens développés pour le premier quant à l'insuffisance des définitions (par sigles) figurant dans le document d'adhésion.
Enfin, en réplique au moyen selon lequel l'assuré se trouvait déjà en état d'invalidité lorsqu'il a adhéré à l'assurance à l'occasion du deuxième prêt, ce qui établirait l'absence d'aléa et donc de nullité du contrat, Monsieur X... soutient que les A.C.M. ne rapportent pas la preuve de cet état d'invalidité au moment de la souscription de ce contrat.
Par ses dernières conclusions du 27 novembre 2007, la Compagnie d'assurances A.C.M. demande à la Cour de rejeter l'appel, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et subsidiairement, si la Cour estimait que la garantie invalidité était due, d'ordonner une expertise afin de déterminer si l'état de santé de Monsieur X... répond à la définition contractuelle du risque garanti.
Les A.C.M. indiquent, s'agissant du premier prêt, que l'obligation d'information pèse sur le souscripteur du contrat d'assurance groupe et qu'en ce qui concerne l'assureur, celui- ci a rempli ses obligations. Les A.C.M. soutiennent, en se référant à une jurisprudence, que la signature apposée par Monsieur X... sur la demande d'adhésion, sous les mentions attestant qu'il avait pris connaissance des conditions générales du contrat et avait reçu et conservé un exemplaire de celles- ci, constituait la preuve de la remise de la notice d'information, laquelle énonçait en l'espèce clairement les options possibles de garantie offertes à l'assuré, qui a choisi en connaissance de cause les seules garanties "D.C. et P.T.I.A.".
Au surplus, selon l'intimé, il ne pouvait y avoir de doute sur les garanties pour lesquelles Monsieur X... avait opté, en raison du montant des cotisations prélevées, correspondant à ses seules garanties. Les A.C.M. se réfèrent encore au taux effectif global et à une attestation d'un témoin, salarié de la C.C.M., pour établir que l'assuré connaissait les limites des garanties. Elles réfutent l'analyse que fait Monsieur X... du risque " Perte Totale et Irréversible d'Autonomie "(P.T.I.A.) qui ne saurait être assimilable à l'invalidité de 2e catégorie de la Sécurité Sociale, laquelle exclut le recours à une tierce personne.
Concernant le deuxième prêt, les A.C.M. développent la même argumentation relative à la notice d'information que pour le premier prêt, l'intimé rappelant en outre qu'en signant le bulletin d'adhésion, Monsieur X... était expressément informé que son adhésion à l'assurance était subordonnée à l'acceptation médicale de son dossier.
Or, après étude des éléments médicaux fournis au médecin conseil, seule la garantie décès a été accordée par les A.C.M. qui admettent cependant une "erreur" dans un courrier du 28 août 2002 adressé à Monsieur X..., mentionnant l'acceptation pour les risques décès et P.T.I.A., ce courrier ne remettant pas en cause, selon l'intimée, l'accord de l'assuré exprimé dans un courrier du 25 mars 2002 pour être garanti pour le seul risque décès.
Vu l'ordonnance de clôture du 28 février 2008 ;
Vu les conclusions susvisées, l'ensemble de la procédure et les pièces produites par les parties ;
EN CET ETAT :
Attendu, en premier lieu, s'agissant du deuxième prêt contracté auprès du CRÉDIT MUTUEL pour un montant de 266. 785 €, que Monsieur X... a signé le 10 janvier 2002 une demande d'adhésion au contrat d'assurance collective souscrit auprès des A.C.M. VIE, pour garantir les risques "D.C.- P.T.I.A." (Décès et Perte Totale et Irréversible d'Autonomie) ; que l'admission à la couverture de ces garanties était soumise à l'examen préalable de son dossier médical à l'issue duquel, selon les termes du document d'adhésion : " l'assureur confirmera ultérieurement sa décision : admission aux conditions normales, ou à des conditions particulières, ou refus, ou ajournement ", le demandeur à l'adhésion ne bénéficiant en attendant les résultats de cet examen, d'aucune garantie, ainsi qu'il ressort des mentions clairement portées sur la demande d'adhésion que Monsieur X... a signée ;
Attendu qu'il n'est pas discuté qu'après examen médical et étude du dossier médical du demandeur, celui- ci a été informé par lettre du 25 mars 2002 des ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL, que seul le risque décès était pris en charge par l'assureur moyennant paiement d'une surprime mensuelle de 10, 60 € pour 10. 000 € de capital, à l'exclusion de toute garantie au titre des risques Perte Totale et Irréversible d'Autonomie et Incapacité Temporaire Totale de Travail ; que Monsieur X..., selon mention datée du 2 avril 2002 qu'il a signée, figurant sur ce même courrier retourné à l'assureur, a déclaré expressément accepter cette proposition ; que, dès lors, alors qu'aucune ambiguïté ne peut s'attacher à la prise en charge du seul risque décès, malgré les termes erronés d'une lettre du 27 août 2002 des A.C.M., Monsieur X... ne peut prétendre à la couverture de son invalidité en exécution de ce contrat ;
Attendu, en second lieu, que Monsieur X... avait également contracté un prêt de 1. 500. 000 F auprès du CRÉDIT MUTUEL et, pour garantir celui- ci, signé le 25 juillet 2000 une demande d'adhésion au contrat d'assurance collective souscrit par cet établissement auprès des A. C. M., en couverture des risques décès et perte totale et irréversible d'autonomie ; que cette demande a été acceptée pour ces deux garanties, ce qui n'est pas discuté par l'assureur ; que Monsieur X... réclamant la garantie des A.C.M. du fait de son invalidité, résultant en particulier de son classement dans la deuxième catégorie des invalides définie à l'article L. 341-4 du Code de la Sécurité Sociale, à compter du 1er octobre 2001, la défenderesse a refusé sa garantie en lui opposant que la garantie P.T.I.A. correspondait à la 3e catégorie des invalides de la Sécurité Sociale et qu'il n'avait pas opté pour la garantie incapacité de travail / invalidité susceptible de couvrir le risque correspondant à son état ;
Attendu cependant que Monsieur X... est fondé à soutenir qu'il n'avait pas été correctement informé de la nature et de l'étendue du risque garanti en cas d'invalidité, en l'absence de remise d'une notice d'information annexée au contrat de prêt définissant de façon claire et précise les risques garanties ainsi que les modalités de la mise en jeu de l'assurance conformément aux dispositions de l'article L. 312-9 du Code de la consommation ; que contrairement à l'opinion des premiers Juges, cette obligation d'information n'est pas satisfaite par la signature apposée par Monsieur X... sous la mention rédigée en minuscules caractères pré- imprimés sur sa demande d'adhésion, selon laquelle il " reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales du contrat groupe valant notice d'information... et avoir reçu et conservé un exemplaire de cette notice d'information " ; qu'au surplus cette prétendue notice d'information, dont il est mentionné dans l'acte notarié de prêt du 5 octobre 2000 qu'elle est annexée à celui- ci, n'est qu'un extrait des conditions générales du contrat d'assurance des emprunteurs souscrit par la FÉDÉRATION RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL auprès des A.C.M., et ne répond nullement à la définition requise pour une notice d'information spécifique qui doit être simple, claire et précise quant aux risques garantis par l'emprunteur ;
Attendu que s'il est exact que l'obligation d'information pèse sur le souscripteur qui doit remettre à l'adhérent la notice établie par l'assureur, il résulte des pièces du dossier et n'est pas contesté par les ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL que l'assureur n'avait pas rédigé de notice d'information conforme aux exigences de l'article L. 312-9 du Code de la consommation pour être remise par le souscripteur à l'adhérent, s'étant borné à reproduire sous la désignation de notice d'information un extrait des conditions générales du contrat d'assurance des emprunteurs ainsi que rappelé ci- dessus ;
Attendu, dès lors, que les ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL ne peuvent opposer à Monsieur X... la non-prise en charge du risque résultant de son invalidité à dater du 1er octobre 2001 en exécution du contrat d'assurance auquel il a été admis le 9 août 2000 au titre du prêt de 1. 500. 000 F ; que, par suite, le jugement entrepris sera partiellement infirmé, les A.C.M. étant condamnées à prendre en charge la totalité des échéances de ce prêt à compter du 1er octobre 2001 ;
Attendu que l'issue du litige conduit à dire que les A.C.M. supporteront les entiers dépens de première instance et de l'instance d'appel et seront condamnées à payer à Monsieur X... une somme de 2. 000 € au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés ;
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable et partiellement fondé,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur X... de sa demande de prise en charge par les ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL du risque invalidité au titre du prêt de 1. 500. 000 F (UN MILLION CINQ CENT MILLE FRANCS) qui lui a été consenti selon acte du 5 octobre 2000, et en ce qu'il a condamné Monsieur X... aux dépens et à payer 2. 000 € (DEUX MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile à la défenderesse,
Statuant à nouveau :
CONDAMNE les ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL à garantir Monsieur X... au titre de son invalidité à compter du 1er octobre 2001,
CONDAMNE en conséquence les ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL à prendre en charge la totalité des échéances du prêt objet du contrat du 5 octobre 2000, à compter du 1er octobre 2001, et la condamne à rembourser à Monsieur X... le montant des échéances qu'il a réglées au titre de ce prêt à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de SAINT- MARTIN depuis cette date, avec les intérêts au taux légal à dater de l'assignation du 18 octobre 2002,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur X... de sa demande présentée au titre du prêt du 7 mai 2002,
CONDAMNE les ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à Monsieur X... une somme de 2. 000 € (DEUX MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.