MINUTE N° 602 / 2008
Copie exécutoire à
- Me Claude LEVY- Me Christine LAISSUE- STRAVOPODIS- Me Claus WIESEL
COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE- SECTION A
ARRÊT DU 03 Juillet 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 06 / 04511 Décision déférée à la Cour : 04 Août 2006 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE
APPELANTE et DEMANDERESSE :
Madame Margarethe X... divorcée Y.........
Représentée par Me Claude LEVY, avocat au barreau de COLMAR,
INTIMÉS et DÉFENDEURS :
SOCIÉTÉ DROIT SUISSE STOCKLIN + CO AG, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est, Bahnweg 16 à 04107 ETTINGEN (SUISSE)
Représentée par Me Christine LAISSUE- STRAVOPODIS, avocat au barreau de COLMAR,
SARL JOSY BERTELE, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est, 15 rue de Rodersdorf à 68220 LEYMEN Assignée à personne morale le 22 février 2007, non représentée,
Monsieur René A.........
Représenté par Me Claus WIESEL, avocat au barreau de COLMAR,
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 14 Mai 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : M. WERL, Président de Chambre Mme CONTE, Conseiller Mme DIEPENBROEK, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier ad hoc, lors des débats : Mme WEIGEL,
ARRÊT :- Réputé contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.- signé par M. Michel WERL, président, et Mme Corinne LAEMLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
- Ouï Mme CONTE, Conseiller, en son rapport ;
FAITS et PROCÉDURE :
Mme X... et M. A... sont propriétaires de fonds voisins respectivement situés....
Le 30 juin 2000 se produisait un glissement de terrain qui causait d'importants dommages à Mme X... en détruisant une pergola ainsi que les aménagements et plantations du jardin.
Considérant que ce sinistre pouvait trouver son origine dans les travaux de terrassement et remblaiement que M. A... avait fait réaliser en 1992 sur son terrain par le truchement de la Société de droit suisse STOCKLIN- qui les aurait sous- traités à la SARL JOSY BERTELE ; Mme X... a obtenu en référé le 14 novembre 2000, au contradictoire de toutes ces parties, la désignation d'un expert judiciaire dont le rapport a été déposé le 28 mars 2002.
Le 12 mars 2003, Mme X... a fait citer ces trois mêmes parties aux fins de les entendre in solidum condamner à lui payer, outre intérêts et frais, respectivement en réparation de son dommage matériel ainsi que de son trouble de jouissance les sommes de 18. 059, 60 € et 8. 000 €, M. A... avait dirigé des appels en garantie contre les deux entreprises.
Par jugement du 04 août 2006 le Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE a débouté Mme X... de l'intégralité de ses prétentions, et par suite il a rejeté les recours en garantie.
Le 06 octobre 2006 Mme X... a interjeté appel général de ce jugement en intimant toutes les parties.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2008.
PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES :
Pour un plus ample exposé, la Cour se réfère expressément aux dernières conclusions déposées par les parties :
- le 21 décembre 2007 par Mme X...,- le 26 juin 2007 par M. A...,- le 26 octobre 2007 par la SA STOCKLIN.
La SARL JOSY, assignée le 22 février 2007 à personne morale, n'a pas constitué avocat. Par le même acte lui ont été signifiées les conclusions d'appel.
Par voie d'infirmation du jugement déféré, Mme X... réitère ses prétentions initiales sauf à en élever, outre intérêts et frais, les montants comme suit :
-4. 573 € pour la mise aux normes du terrain,-18. 059 € pour la remise en état des aménagements, constructions et plantations du jardin,-10. 800 € pour le trouble de jouissance.
* * *
M. A... et la Société STOCKLIN ont conclu à la confirmation du jugement et M. A... à titre subsidiaire a sollicité la condamnation de la Société STOCKLIN à le garantir, cette dernière s'y opposant.
MOTIFS :
Attendu que Mme X..., qui fonde exclusivement son action sur la théorie du trouble anormal de voisinage, observe exactement que celle- là est recevable tant contre le propriétaire voisin qu'envers les entreprises qui auraient exécuté les travaux constitutifs du fait générateur de ses dommages ;
Qu'elle ajoute exactement que le bien- fondé de telles prétentions n'est pas subordonné à l'administration de la preuve d'une faute des mis en cause ;
Qu'en revanche il lui incombe pour prospérer en ses demandes d'établir d'abord l'imputabilité des troubles aux intimés puis leur caractère excédant les inconvénients normaux de voisinage ;
Attendu que s'agissant en premier lieu de M. A..., celui- ci a toujours reconnu- tant devant l'expert que dans ses écritures de première instance comme d'appel- qu'au cours de l'année 1992 il avait fait procéder sur son terrain à des travaux de remblai ;
Qu'il conteste seulement l'existence d'un lien d'imputabilité entre lesdits travaux et le glissement de terrain qui a ravagé le jardin de Mme X... ;
Que cependant Mme X... relève avec pertinence que pour admettre l'argumentation de M. A..., le premier juge s'est livré à une interprétation inexacte du rapport d'expertise judiciaire, et qu'il en a déduit en droit des conséquences erronées ;
Attendu que le Tribunal a retenu que du fait de la chronologie- huit années s'étant écoulées entre les travaux réalisés sur le terrain de M. A... et le sinistre subi par Mme X...- ainsi que de la circonstance qu'à la même époque les consorts C... avaient aussi fait procéder à des travaux de remblai sur la propriété qu'ils ont vendue en 1996 à Mme X..., puis que le 29 juin 2000 un autre voisin M. D... avait fait pratiquer une excavation sur son terrain, un doute subsistait quant à l'imputabilité du trouble de M. A...
Que cependant l'expert a apporté une réponse exempte d'ambiguïté aux questions posées par le Tribunal ;
Que sans être techniquement contredit, il a affirmé que les remblais posés sur la propriété de M. A... au mépris des règles de l'art- tant du fait de l'insuffisante préparation du terrain que d'un volume trop important- avaient commencé à glisser avant même l'intervention de l'entreprise de terrassement sur le fond de M. D..., et que celle- ci n'avait eu pour effet que d'accélérer le phénomène de glissement et d'entraîner les terres du terrain contigu, à savoir celui de Mme X... ;
Qu'il s'en évince que l'action de M. A... a contribué à causer l'entier trouble supporté par Mme X... ;
Qu'il s'agit d'un dommage excédant les inconvénients normaux de voisinage alors que la terrasse, la pergola, le bassin et les plantations de Mme X... ont été détruits et que la remise en état impose la construction préalable d'un mur de soutènement ;
Attendu qu'en considération de ces constats il importe peu que les travaux exécutés à la demande des consorts C... ou de M. D... aient aussi pu contribuer à provoquer les préjudices de Mme X..., celle- ci étant fondée à réclamer réparation intégrale à un seul des auteurs, sans préjudice des éventuels recours de ces derniers entre eux ;
Que par suite le rapport d'expertise non judiciaire émanant de M. E... dont entend exciper M. A... se trouve sans emport dans le litige qui l'oppose à Mme X... puisqu'il ne tend- à tort ou à raison- qu'à mettre en évidence la responsabilité de M. D... ;
Qu'il en est de même de la discussion instaurée autour de l'arrêt rendu le 22 février 2007 par la Cour de céans entre M. A... et M. D... dans une instance en référé et qui est à l'évidence dépourvu non seulement d'autorité de chose jugée mais même d'intérêt pour la présente procédure ;
Que l'attestation produite par M. A... où M. F... se borne à affirmer que depuis 1992 le terrain de celui- là était stable, se trouve dépourvue de valeur probante au regard de l'analyse technique de l'expert judiciaire ;
Attendu que M. A... ne critique pas le jugement en ce qu'il a écarté sa demande de contre- expertise ;
Attendu qu'il appert du tout que M. A... est obligé à réparation des entiers préjudices subis par Mme X... ;
Que l'infirmation du jugement déféré s'impose en conséquence de ce chef ;
Attendu en revanche que l'imputabilité du sinistre aux société BERTELE et STOCKLIN ne se trouve aucunement établie ;
Que ce n'est que par voie d'affirmations que Mme X... et M. A..., puis avec eux l'expert, soutiennent que ces entreprises ont exécuté les travaux intérimaires ;
Que la société STOCKLIN observe à bon droit qu'aucun document prouvant l'existence d'un lien contractuel avec M. A... n'est versé aux débats ;
Que son allégation selon laquelle elle aurait limité son intervention à la livraison de matériaux n'est donc pas contredite ;
Que les factures en date des 17 août et 12 octobre 1992 émanant de la SARL BERTELE sont libellées au nom de M. C... ;
Que deux documents à l'en- tête de la société STOCKLIN datés des 16 et 25 août 1993 semblant concerner de la livraison de terre végétale (humus) sont aussi à l'intention de M. C... ;
Que seuls deux feuillets épars, manuscrits, totalement abscons, comportant des relevés de quantités ou d'heures, avec des références de dates (juin à juillet 1992), mais exclusifs de toute mention permettant d'identifier leur rédacteur, visent M. C... et aussi M. A... ;
Que ces documents sont exempts de force probante ;
Que partant pas plus l'action principale de Mme X..., que le recours en garantie de M. A... ne sauraient être accueillis envers ces deux intimées ;
Que ces motifs commandent de confirmer sur ce point le jugement attaqué ;
Attendu que s'agissant de l'étendue des préjudices de Mme X... l'expert avait provisoirement évalué les premières remises en état de la terrasse et la pergola à la somme de 4. 573 € ;
Que Mme X... produit le devis des pépinières WANNER dont il appert que la réfection des plantations, du bassin et des ornements coûtait au 30 avril 2002 la somme de 18. 059, 60 € ;
Que Mme X... est donc fondée à réclamer la condamnation de M. A... à lui payer ces sommes en indemnisation de son préjudice matériel augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date de l'expertise et du devis pour la remplir de son droit à réparation intégrale ;
Attendu que Mme X... est privée de la jouissance de son jardin depuis le 30 juin 2000 ;
Qu'au moyen de photos prises avant et après le sinistre elle démontre que ledit jardin abondamment fleuri, orné d'une pergola, d'un bassin de type " biotop " constituait un lieu de loisir et d'agrément rendu impraticable par le glissement des terres ;
Qu'en considération de ces éléments, la somme de 10. 800 € qu'elle demande correspond à la réparation intégrale de son préjudice de jouissance et M. A... sera condamné à la payer ;
Attendu que le jugement sera infirmé en ce qui concerne les dépens et frais irrépétibles sauf en ce qu'il a condamné Mme X... à payer la somme de 1. 000 € à chacune des sociétés STOCKLIN et BERTELE pour frais irrépétibles de première instance ;
Attendu que l'issue du litige commande de condamner Mme X... et M. A... respectivement aux dépens de première instance et d'appel de leur action et recours en garantie formés contre les sociétés STOCKLIN et BERTELE ;
Que Mme X... et M. A... seront chacun condamnés à payer la somme de 750 € à la société STOCKLIN pour frais irrépétibles d'appel ;
Que M. A... sera condamné à tous les autres dépens de première instance et d'appel, en ceux- ci compris les frais et honoraires de la procédure de référé et de l'expertise, ainsi qu'au paiement à Mme X... de la somme de 3. 000 € pour frais irrépétibles de première instance et d'appel, sa propre demande à ce titre étant rejetée ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris seulement en ce qu'il a :
- rejeté la demande de contre- expertise,
- débouté Mme X... et M. A... de toutes leurs prétentions dirigées contre la société STOCKLIN et la SARL JOSY BERTELE,
- condamné Mme X... à payer la somme de 1. 000 € (mille euros) à la société STOCKLIN pour frais irrépétibles,
INFIRME pour le surplus le jugement déféré,
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
CONDAMNE M. A... à payer à Mme X... les sommes suivantes :
-4. 573 € (quatre mille cinq cent soixante-treize euros) avec intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2002 en réparation de l'entier préjudice lié à la remise en état de son terrain,
-18. 059, 60 € (dix-huit mille cinquante-neuf euros et soixante cents) avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2002 en réparation de l'entier préjudice lié à la remise en état des plantations et ornements du jardin,
-10. 800 € (dix mille huit cents euros) avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt en réparation de l'entier trouble de jouissance,
-3. 000 € (trois mille euros) pour frais irrépétibles de première instance et d'appel,
CONDAMNE Mme X... et M. A... à payer chacun à la société STOCKLIN la somme de 750 € (sept cent cinquante euros) pour frais irrépétibles d'appel,
DÉBOUTE M. A... de sa demande de frais irrépétibles,
CONDAMNE Mme X... et M. A... respectivement aux dépens de première instance et d'appel de leur action principale et recours en garantie contre les sociétés STOCKLIN et JOSY BERTELE,
CONDAMNE M. A... en tous les autres dépens de première instance et d'appel en ceux- ci compris les frais et honoraires de la procédure de référé et de l'expertise.