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03/07/2008 | FRANCE | N°06/01349

France | France, Cour d'appel de colmar, 03 juillet 2008, 06/01349


DEUXIÈME CHAMBRE CIVILESection A

MINUTE N° 626/2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 06/01349

Copies exécutoires à :

Maître SCHNEIDER
Maîtres ROSENBLIEH,WELSCHINGER, WIESELet DUBOIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

ARRET DU 03 juillet 2008
Décision déférée à la Cour : jugement du 19 janvier 2006 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de COLMAR
APPELANTE et demanderesse :
La SARL LES CHARPENTES D'ALSACEprise en la personne de son représentant légal ayant son siège social 5, rue de Bergheim67820 WITTISHEIM

représentée par

Maître SCHNEIDER, avocat à COLMAR

INTIMÉES et défenderesses :

1 - La CAISSE D'ASSURANCE MUTUELLE DU BÂTIMENT ET DES...

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILESection A

MINUTE N° 626/2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 06/01349

Copies exécutoires à :

Maître SCHNEIDER
Maîtres ROSENBLIEH,WELSCHINGER, WIESELet DUBOIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

ARRET DU 03 juillet 2008
Décision déférée à la Cour : jugement du 19 janvier 2006 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de COLMAR
APPELANTE et demanderesse :
La SARL LES CHARPENTES D'ALSACEprise en la personne de son représentant légal ayant son siège social 5, rue de Bergheim67820 WITTISHEIM

représentée par Maître SCHNEIDER, avocat à COLMAR

INTIMÉES et défenderesses :

1 - La CAISSE D'ASSURANCE MUTUELLE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (C.A.M.B.T.P.)représentée par son représentant légalayant son siège social 5, rue Jacques KabléB.P. 44867009 STRASBOURG CEDEX

2 - L'Eurl CABINET RAYMOND EHRHARDreprésentée par son représentant légalayant son siège social 65, rue de Sélestat67600 BALDENHEIM

représentées par Maîtres ROSENBLIEH, WELSCHINGER, WIESEL et DUBOIS, avocats à COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 mai 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Michel WERL, Président de ChambreMartine CONTE, ConseillerIsabelle DIEPENBROEK, Conseillerqui en ont délibéré.

Greffier ad hoc, lors des débats : Christine WEIGEL
ARRET :
- Contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.- signé par Michel WERL, Président, et Corinne LAEMLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Ouï Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller en son rapport,

* * *

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES
Selon contrat du 21 décembre 2001, Mme Annette Z... a confié à l'Eurl Raymond EHRHARD la maîtrise d'oeuvre de la transformation d'un ancien corps de ferme en appartements. Le lot charpente a été confié à la SARL Charpentes d'Alsace assurée comme le maître d'oeuvre auprès de la CAMBTP.
Invoquant différents désordres intervenus en cours de construction consistant en des affaissements et flexions au niveau des sous-poutres posées en renfort sous le solivage du passage au rez-de-chaussée, Mme Annette Z... a obtenu en référé, le 21 mai 2002, la désignation de M. A... en qualité d'expert qui a déposé son rapport le 27 décembre 2002.
Par acte introductif d'instance du 5 novembre 2003, Mme Annette Z... a fait citer l'Eurl Raymond EHRHARD, la SARL Charpentes d'Alsace et la CAMBTP devant le Tribunal de Grande Instance de Colmar aux fins de les voir condamner solidairement au paiement de différents montants.
Par jugement en date du 15 décembre 2005, frappé d'appel, le Tribunal de Grande Instance de Colmar a :- déclaré irrecevables les conclusions d'appel en garantie dirigées à l'encontre de la SARL Charpentes d'Alsace,

- déclaré l'Eurl Raymond EHRHARD et la SARL Charpentes d'Alsace entièrement responsables des désordres affectant l'immeuble de Mme Annette WENDLING,- condamné l'Eurl Raymond EHRHARD et la SARL Charpentes d'Alsace in solidum avec la CAMBTP à payer à Mme Annette Z... les sommes de :

· 67 414,93 € au titre de la réfection des désordres· 30 000 € au titre des pénalités de retard,· 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,· 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

et a rejeté les autres demandes.
Par exploit du 20 septembre 2004, la SARL Charpentes d'Alsace a fait citer parallèlement la CAMBTP et l'Eurl Raymond EHRHARD devant le Tribunal de Grande Instance de Colmar aux fins de les voir condamner à la garantir de toutes condamnations prononcées contre elles au bénéfice de Mme Annette Z....
Par jugement en date du 19 janvier 2006, le Tribunal de Grande Instance de Colmar a :
- déclaré recevable l'appel en garantie formé par la SARL Charpentes d'Alsace contre la CAMBTP ;- condamné l'Eurl Raymond EHRHARD à garantir la SARL Charpentes d'Alsace de toute condamnation prononcée au profit de Mme Annette Z... à concurrence de 33.707,46 € ; - rejeté les autres demandes ;- condamné la SARL Charpentes d'Alsace à payer à la CAMBTP a somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;- condamné l'Eurl Raymond EHRHARD à payer à la SARL Charpentes d'Alsace la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'Eurl Raymond EHRHARD et la CAMBTP ont interjeté appel de ce jugement par déclaration enregistrée au greffe le 30 mars 2006. La SARL Charpentes d'Alsace a formé appel incident.
Les appelantes concluent à l'infirmation du jugement entrepris et demandent à la Cour de déclarer la demande de la SARL Charpentes d'Alsace irrecevable, en tout cas mal fondée, subsidiairement, de dire que la part de responsabilité de l'Eurl Raymond EHRHARD ne saurait excéder 20 %.

La CAMBTP soulève la prescription, la demande ayant été introduite le 20 septembre 2004 alors que l'ordonnance de référé, prononcée sur assignation de Mme Z..., est datée du 21 mai 2002. Elle fait valoir qu'en tout état de cause la police exclut les dommages avant réception et que la garantie effondrement ne peut jouer. Si cette garantie devait néanmoins être retenue, elle souligne que les dommages immatériels ne sont pas couverts et qu'il y a lieu d'appliquer la franchise. Elle invoque enfin l'absence d'aléa.

Par conclusions du 24 janvier 2008, la SARL Charpentes d'Alsace conclut à l'infirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'Eurl Raymond EHRHARD à la garantir à hauteur de 80 % ainsi que la condamnation de la CAMBTP à la garantir. Elle sollicite la condamnation de la CAMBTP et de l'Eurl Raymond EHRHARD à lui payer une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle soutient que l'Eurl Raymond EHRHARD, qui est architecte d'intérieur, a commis de graves erreurs de conception et de coordination, que le maître d'oeuvre a décidé de la suppression de certaines pièces de charpente, du déplacement de poteaux et d'un mur porteur.
Elle prétend que la prescription a l'égard de l'assureur a été interrompue par la désignation de l'expert et que la CAMBTP doit sa garantie, le risque d'effondrement étant avéré et ayant été constaté par l'expert.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 7 février 2008.

MOTIFS

- Sur la demande formée contre la CAMBTP
Il est justifié de ce que la CAMBTP a notifié à la SARL Charpentes d'Alsace son refus de garantie le 11 avril 2002, courrier qui marque le point de départ du délai de prescription biennale de l'article L. 114-2 du Code des assurances.
Le 21 mai 2002, M. A... a été désigné en qualité d'expert par le juge des référés. Cette ordonnance, rendue à l'initiative de Mme Annette Z..., n'est pas interruptive de prescription dans les rapports assureur/assuré (Civ. 3e, 23 juin 2004, Bull. III n° 124).
La participation de la CAMBTP aux opérations d'expertise ne peut valoir reconnaissance de responsabilité, cette dernière ayant dénié sa garantie et étant également assureur de l'Eurl Raymond EHRHARD.
La demande introduite le 20 septembre 2004 est donc irrecevable comme prescrite. Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.

- Sur la demande formée contre l'Eurl Raymond EHRHARD :

Les recours entre locateurs d'ouvrage sont de nature quasi délictuelle. Leur responsabilité est proportionnelle à la gravité de leurs fautes respectives.
Aux termes de son rapport en date du 27 décembre 2002, M. A..., expert judiciaire, indique que les désordres constatés (affaissements et flexions des sous-poutres posées en renfort sous le solivage du passage du rez-de-chaussée) trouvent leur origine dans la suppression des fermes intérieures ainsi que de certaines pièces formant triangulation et des contreventements ainsi que par le déplacement d'éléments porteurs et de pannes intermédiaires, ce qui augmente la portée des chevrons.
L'expert estime que ces désordres proviennent, d'une part, de la carence du maître d'oeuvre lors de l'établissement des plans, dans la mesure où il n'a pas été tenu compte de certaines pièces importantes de la structure de base de la charpente traditionnelle, ainsi que d'un manque de contrôle dans le suivi du chantier et, d'autre part, d'une méconnaissance des règles de l'art par l'entreprise de charpente qui a coupé les éléments qui la gênaient.
La méconnaissance des règles de l'art qui résulte de la suppression des fermes intérieures, des contreventements et de certains éléments porteurs, est suffisamment établie par les constatations ci-dessus et caractérise un manquement grave aux règles de l'art imputable à l'entrepreneur.
S'il incombait à la SARL Charpentes d'Alsace de faire procéder à une étude de structure et d'établir les plans d'exécution conformément à l'article 8 § 2 du C.C.A.P., il n'en demeure pas moins que l'Eurl Raymond EHRHARD n'a pas vérifié la réalisation par la SARL Charpentes d'Alsace de cette étude, alors même que le C.C.A.P. prévoit que l'entrepreneur est tenu d'en remettre copie au maître d'oeuvre à sa demande, une telle demande n'ayant été formulée que le 4 mars 2002, après que les premiers désordres avaient été constatés. De même, ce n'est qu'après l'apparition des désordres et la constatation d'un risque d'effondrement que, le 11 mars 2002, le maître d'oeuvre a mandaté un bureau d'études spécialisé.
Ce manque de contrôle du maître d'oeuvre de l'impact des travaux affectant la structure est d'autant plus avéré qu'il résulte des comptes-rendus de chantiers que certaines des interventions réalisées par la SARL Charpentes d'Alsace ont été avalisées par lui, ainsi que le relève l'expert.
Ainsi le 6 février 2002, l'Eurl Raymond EHRHARD a vérifié le positionnement de la lucarne, des fenêtres de toit et des poteaux, le 13 février 2002, le maître d'oeuvre demandait la reprise des pannes intermédiaires pour mise en place des "velux", le 20 février il demandait la mise en place d'une poutre en lamellé collé pour reprendre les charges au droit de la lucarne, demande réitérée le 27 février 2002 avec mise en place de moises pour reprises des charges. Le 6 mars 2002, il demandait l'enlèvement d'un poteau et l'enlèvement d'un morceau de panne intermédiaire.
Le manque de vigilance du maître d'oeuvre dans le suivi du chantier est ainsi suffisamment caractérisé.
Les fautes susceptibles d'être reprochées respectivement à l'entreprise de charpente et au maître d'oeuvre justifient un partage de responsabilité par moitié, chacun ayant concouru à part égale à la réalisation du dommage.
Le jugement entrepris devra donc être confirmé en ce qui concerne le principe et le quantum du partage de responsabilité opéré.
Par contre il devra être infirmé en ce qu'il a fixé le montant de la créance qui ne peut être arrêté définitivement, compte tenu de l'appel en cours contre le jugement du 20 décembre 2005.
L'Eurl Raymond EHRHARD devra donc être condamnée à garantir la SARL Charpentes d'Alsace à concurrence de 50 % des condamnations en principal, intérêts, accessoires et frais prononcées en faveur de Mme Annette Z..., à l'exception des pénalités de retard qui ont un caractère contractuel et ne sont qu'à la charge du maître d'oeuvre.
Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et frais irrépétibles.
Les dépens d'appel seront supportés par moitié par l'Eurl Raymond EHRHARD et la SARL Charpentes d'Alsace. Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, les demandes de l'Eurl Raymond EHRHARD, de la SARL Charpentes d'Alsace et de la CAMBTP de ce chef seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS

CONSTATE l'absence de contestation quant à la recevabilité de l'appel ;

DECLARE l'appel partiellement bien fondé ;

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable la demande en garantie formée par la SARL Charpentes d'Alsace contre la CAMBTP ;
Statuant à nouveau de ce chef,
DECLARE irrecevable comme prescrite la demande en garantie formée par la SARL Charpentes d'Alsace contre la CAMBTP ;
CONFIRME le jugement du Tribunal de Grande Instance de Colmar en date du 19 janvier 2006 en ce qu'il a déclaré l'Eurl Raymond EHRHARD tenue de garantir la SARL Charpentes d'Alsace à concurrence de moitié ;
INFIRME le jugement en ce qu'il a statué sur le quantum de la créance ;
Statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE l'Eurl Raymond EHRHARD à garantir la SARL Charpentes d'Alsace à concurrence de 50 % des condamnations en principal, intérêts, accessoires et frais prononcées en faveur de Mme Annette Z... à l'exception des pénalités de retard ;
CONFIRME le jugement entrepris en ce qui concerne les dépens et frais irrépétibles ;
DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE l'Eurl Raymond EHRHARD et la SARL Charpentes d'Alsace à supporter les dépens d'appel par moitié.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : 06/01349
Date de la décision : 03/07/2008
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Colmar, 19 janvier 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-07-03;06.01349 ?
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