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03/07/2008 | FRANCE | N°05/03455

France | France, Cour d'appel de colmar, 03 juillet 2008, 05/03455


DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE Section A

MINUTE N° 627 / 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 05 / 03455

Copies exécutoires à :
Maîtres HEICHELBECH, RICHARD- FRICK et CHEVALLIER- GASCHY

Maître ROUSSEL
COUR D'APPEL DE COLMAR
ARRET DU 03 juillet 2008
Décision déférée à la Cour : jugement du 30 juin 2005 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de MULHOUSE
APPELANTS, défendeurs et demandeurs reconventionnels :
1- Monsieur Marcel X... 2- Madame Geneviève Y... épouse X... demeurant ensemble......

représentés par Maître

s HEICHELBECH, RICHARD- FRICK et CHEVALLIER- GASCHY, avocats à COLMAR
INTIMEE, demanderesse et défenderesse reco...

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE Section A

MINUTE N° 627 / 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 05 / 03455

Copies exécutoires à :
Maîtres HEICHELBECH, RICHARD- FRICK et CHEVALLIER- GASCHY

Maître ROUSSEL
COUR D'APPEL DE COLMAR
ARRET DU 03 juillet 2008
Décision déférée à la Cour : jugement du 30 juin 2005 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de MULHOUSE
APPELANTS, défendeurs et demandeurs reconventionnels :
1- Monsieur Marcel X... 2- Madame Geneviève Y... épouse X... demeurant ensemble......

représentés par Maîtres HEICHELBECH, RICHARD- FRICK et CHEVALLIER- GASCHY, avocats à COLMAR
INTIMEE, demanderesse et défenderesse reconventionnelle :
Madame Patricia Marguerite A... veuve B... demeurant... ès qualités d'héritière de : 1- Madame Jacqueline Gabrielle C... veuve A..., décédée 2- Monsieur René A..., décédé ayant agi tous deux en qualité d'héritiers de Monsieur Séverin D...

représentée par Maître ROUSSEL, avocat à COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 mai 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Michel WERL, Président de Chambre Martine CONTE, Conseiller Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Corinne LAEMLE
ARRET :
- Contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.- signé par Michel WERL, Président, et Corinne LAEMLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Ouï Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller, en son rapport,
* * *
FAITS, PROCEDURE et PRETENTIONS des PARTIES
Par acte reçu par Maître E..., le 1er octobre 1997, Monsieur Séverin D... a donné procuration à Monsieur Marcel X... et à son épouse Madame Geneviève X... née Y... pour régir, gérer et administrer, tant activement que passivement, tous ses biens et affaires présents et à venir.
Sur la base de cet acte une procuration a été établie le 10 Octobre 1997 en faveur des époux X... auprès du Crédit Mutuel Mulhouse Saint Paul à Mulhouse pour gérer les comptes ouverts par M. D... en cet établissement. La procuration donnée à Monsieur Marcel X... auprès de cet organisme bancaire a été annulée le 10 Juin 1999.
Le 26 novembre 1997, Monsieur Séverin D... a vendu son appartement et son garage situés... aux époux Geneviève et Marcel X.... Le prix de vente de 450 000 francs a été converti en une rente annuelle et viagère, créée sur la tête du vendeur, d'un montant annuel de 72 000 francs, payable en douze termes mensuels de 6 000 francs.
Par acte du même jour, les époux X... ont donné à bail à Monsieur Séverin D... l'appartement et le garage, avec effet au 1er janvier 1998, moyennant un loyer mensuel de 3 500 francs, augmenté d'une avance sur charges de 1 000 F.
Par actes introductifs d'instance enregistrés le 29 juin 2001, Monsieur Séverin D... a assigné Monsieur Marcel X... et son épouse Madame Geneviève Y... devant le Tribunal de Grande Instance de Mulhouse en annulation de ces actes et en paiement de différents montants.
Monsieur Séverin D... étant décédé le 8 février 2002, les époux Jacqueline C... et René A..., que le défunt avait institués en qualité de légataires universels, par testament reçu par Maître E..., notaire, le 1er Juin 1999, ont repris l'instance.
Ils ont demandé au tribunal de prononcer l'annulation des contrats de vente et de bail conclus le 26 novembre 1997 ainsi que du mandat général du 1er octobre 1997, la restitution des loyers perçus et de tout objet pris dans l'appartement et dans le garage, des clés et de tous documents concernant cet appartement qui seraient en la possession des défendeurs, la restitution du véhicule de marque RENAULT CLIO ayant appartenu à M. D... ou sa contre- valeur en euros au jour de la vente, augmentée des intérêts à compter de la demande, ainsi que la condamnation des époux X... à leur payer la somme de 14 741, 82 € avec intérêts de droit à compter du 2 Juin 1999, au titre des sommes prélevées sur le compte bancaire du défunt, la somme de 3 049 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Au soutien de leurs prétentions, ils faisaient valoir que M. D..., qui était de langue allemande et ne maîtrisait pas la langue française, n'avait pas compris la portée des actes litigieux, lesquels ne lui avaient pas été traduits.
Les époux X... se sont opposés à cette demande et ont sollicité des dommages et intérêts pour procédure abusive, soutenant que, si M. D..., avec qui ils entretenaient des relations étroites, parlait et lisait le français avec difficulté, il avait néanmoins compris la portée des actes notariés conclus.
Par jugement en date du 30 juin 2005, le Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE a :
- prononcé la nullité du contrat de mandat conclu le 1er octobre 1997, du contrat de vente et du contrat de bail conclus le 26 novembre 1997,- condamné les époux Geneviève et Marcel X... à payer aux époux René et Jacqueline A... la somme de 6 936, 43 €,

- ordonné aux époux X... de restituer aux époux A... toutes les clés de l'appartement et du garage situés ...,- débouté les époux A... de leur demande de restitution des loyers versés par Monsieur Séverin D..., de tous objets ayant appartenu au défunt et du véhicule de marque CLIO ou de sa contre- valeur en euros,- débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts,- condamné les époux Geneviève et Marcel X... aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 400 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Les époux Geneviève et Marcel X... ont interjeté appel de ce jugement par déclaration enregistrée au greffe le 15 juillet 2005 et les époux René et Jacqueline A... ont formé appel incident.
Les époux René et Jacqueline A... sont décédés en cours de procédure. L'instance a été déclarée interrompue le 14 juin 2007 et a été reprise le 21 décembre 2007, par leur fille et seule héritière, Mme Patricia A..., veuve B....
Par conclusions récapitulatives du 21 janvier 2008, les époux Geneviève et Marcel X... concluent au débouté de Mme Patricia A... . Subsidiairement, en cas de confirmation de l'annulation des contrats de vente et de bail, ils demandent la condamnation de l'intimée au paiement d'une somme de 27 288, 66 € au titre de la restitution des rentes viagères versées, déduction faite du loyer perçu, outre intérêts au taux légal à compter de la demande, ainsi que la restitution des charges et taxes acquittées depuis le 1er octobre 2005, soit une somme de 5 424, 48 €. Ils sollicitent enfin la condamnation de Mme Patricia A... au paiement d'une indemnité de procédure de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Ils exposent qu'ils se sont occupés quotidiennement de M. D... et qu'ils ont rénové entièrement l'appartement qu'il occupait.
Ils soutiennent que M. D... comprenait le français et qu'ils communiquaient dans cette langue ou en alsacien, que M. D... s'était rendu de sa propre initiative à plusieurs reprises en l'étude du notaire pour prendre des renseignements, étude dans laquelle travaillait une traductrice en langue polonaise à qui il avait l'habitude de s'adresser, M. D... ayant déjà passé différents actes en la même étude notariale et font valoir que la preuve d'une erreur ou de manoeuvres de leur part n'est pas rapportée.
Ils soulignent que les actes litigieux n'ont pas été remis en cause par M. D... qui les a exécutés jusqu'en 2001, encaissant la rente viagère et payant le loyer, son changement d'attitude étant lié à l'emprise exercée sur lui par les époux René et Jacqueline A... et soutiennent que l'existence d'une erreur ne peut se déduire de la conclusion le même jour d'un acte de vente et d'un contrat de bail.
S'agissant de la restitution des sommes prélevées en exécution du mandat, ils font valoir que l'annulation ne peut avoir d'effet que pour l'avenir. Ils prétendent que les prélèvements ont toujours été opérés sur instructions de M. D... et que ces sommes ont pour partie servi à financer l'acquisition de matériaux pour la rénovation de l'appartement réalisée par M. X....
Par conclusions du 21 décembre 2007, Mme Patricia A... conclut à la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demande de restitution et de dommages et intérêts et sur appel incident, reprend les conclusions formées par ses auteurs en première instance. Elle sollicite enfin la condamnation des appelants au paiement d'une indemnité de procédure de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Mme Patricia A... soutient que le consentement de M. D..., qui ne maîtrise pas la langue française, a été vicié, et en veut pour preuve le fait que le défunt a dicté son testament en langue allemande et qu'il a été assisté d'une interprète en langue polonaise lors de son audition par les services de police, suite à la plainte qu'il avait déposée contre les époux X....
S'agissant des restitutions, elle estime qu'il convient de tenir compte des sommes retirées par M. D... qui étaient destinées à rémunérer M. X... pour les travaux réalisés dans l'appartement et que les demandes formulées par les époux Geneviève et Marcel X... à hauteur de Cour sont irrecevables comme étant nouvelles.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 1er février 2008.
MOTIFS
Les appelants critiquent le jugement entrepris, d'une part, en ce qu'il a retenu l'existence de manoeuvres dolosives de leur part et, d'autre part, en ce qu'il a admis que le consentement de M. D... avait été vicié par l'erreur, au motif que ce dernier ne maîtrisait pas la langue française.
Il est constant que M. Séverin D..., qui était âgé de 83 ans à l'époque à laquelle ont été passés les actes litigieux, était de nationalité polonaise et qu'il n'est fait nulle mention dans les actes que ceux-ci auraient été traduits.
Cependant, la circonstance que les trois actes dont s'agit ont été passés par-devant Maître E..., notaire, conjuguée avec le fait que ce dernier était le notaire habituel de M. D..., Maître E... ayant en effet précédemment reçu un acte de vente en l'état futur d'achèvement en date du 30 mai 1974, un acte de vente en date du 11 octobre 1974 ainsi qu'un acte de réalisation de clause d'accroissement en date du 26 juin 1997, auxquels M. D... était partie, permet d'exclure toute manoeuvre dolosive de la part des consorts A....
Le dol est d'autant moins caractérisé qu'il résulte d'une attestation signée par M. F..., clerc de notaire de Maître E..., que M. D... s'était présenté à de nombreuses reprises à l'étude, avant la signature de l'acte, afin d'obtenir des renseignements, lesquels lui avaient été fournis par une secrétaire de l'étude, traductrice en langue polonaise, ce que celle- ci confirme.
Pour démontrer l'erreur qu'elle allègue, Mme Patricia A... invoque à l'appui de ses allégations le testament reçu le 1er juin 1999 par Maître E..., qui précise que M. D..., ne sachant pas s'exprimer en langue française, a dicté son testament en langue allemande, les témoignages de son médecin traitant, le Docteur G..., ainsi que d'une infirmière, Mme H..., qui attestent de ce que M. D... ne s'exprimait qu'en allemand et ne comprenait pas le français, ainsi que le fait que lors de son audition par les services de gendarmerie le 9 mai 2000, M. D... était assisté d'une interprète en langue polonaise.
Le fait que M. D... éprouve des difficultés pour s'exprimer en langue française ne permet cependant pas d'exclure qu'il puisse comprendre cette langue. Les témoignages produits sont d'ailleurs contredits par celui de M. Denis I..., voisin de M. D..., qui déclare qu'il s'entretenait régulièrement avec lui en langue française.
En outre, ainsi que cela a déjà été souligné précédemment, il résulte tant de l'attestation signée par M. F..., clerc de notaire de Maître E..., que du témoignage de Mme J..., secrétaire de l'étude et interprète en langue polonaise, que M. D... s'était rendu à plusieurs reprises à l'étude afin d'obtenir des explications sur les actes en cause, lesquelles lui avaient été données en langue polonaise.
Il ressort par ailleurs de l'audition de M. D... par les services de gendarmerie que celui- ci avait manifestement compris la portée des actes litigieux, puisqu'il reconnaît qu'il était question de la vente de son appartement et qu'il lui avait été indiqué qu'il recevrait de M. X... une somme mensuelle de 6 000 F, lui-même devant s'acquitter d'un loyer de 3 000 F.
Aucun indice ni présomption ne peut enfin être retiré du fait que l'acte de vente et le bail aient été signés le même jour.
La preuve de ce que le consentement de M. D... aurait été vicié par l'erreur au moment de la passation de l'acte de vente et du contrat de bail n'est dans ces conditions pas rapportée.
Cette preuve n'est pas davantage rapportée s'agissant du mandat général, qui n'a de surcroît aucunement été remis en cause par M. D... avant introduction de la présente instance en juin 2001, alors que les époux Geneviève et Marcel X... démontrent qu'ils ont effectué de nombreuses démarches pour le compte et dans l'intérêt du mandant (portage de repas, régularisation des charges locatives, paiement de la taxe sur les ordures ménagères), ce que celui- ci ne pouvait ignorer. De même, nonobstant la procuration, ses extraits de comptes bancaires lui étaient adressés.
Le jugement entrepris devra donc être infirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation des actes litigieux.
En l'absence d'annulation de la vente, la demande de restitution des loyers est sans objet. Le jugement sera donc confirmé pour ce motif substitué à celui du premier juge.
La demande de restitution des sommes prélevées sur le compte du défunt qui est expressément formée à raison de la nullité du mandat et ne tend pas à la reddition des comptes est également dépourvue d'objet. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a accueilli partiellement cette demande.
Le jugement entrepris sera par contre confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de restitution du véhicule Renault Clio et des objets mobiliers prétendument détournés par les époux Geneviève et Marcel X... en l'absence de preuve de ce détournement, cette preuve ne pouvant résulter des seules déclarations de M. D... qui ne sont corroborées par aucun autre élément.
Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts respectives, dans la mesure où, d'une part, le rejet de la demande principale induit le rejet de la demande formée par Mme Patricia A... et où, d'autre part, les appelants n'ont pas réitéré leur demande à hauteur de Cour.
Le jugement sera par contre infirmé en ce qui concerne les dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Mme Patricia A..., qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel ainsi que d'une indemnité de procédure de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
CONSTATE l'absence de contestation quant à la recevabilité de l'appel ;
DECLARE l'appel bien fondé ;
INFIRME le jugement du Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE en date du 30 juin 2005 en ce qu'il a prononcé la nullité du mandat en date du 1er octobre 1997, des contrats de vente et de bail en date du 26 novembre 1997 et en ce qu'il a ordonné la restitution des clés ;
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les époux Geneviève et Marcel X... au paiement d'une somme de 6 936, 43 € (six mille neuf cent trente-six euros et quarante-trois centimes) outre intérêts ;
INFIRME le jugement entrepris en ce qui concerne les dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
DEBOUTE Mme Patricia A... de sa demande d'annulation du mandat général en date du 1er octobre 1997, des contrats de vente et de bail en date du 26 novembre 1997 ;
DEBOUTE Mme Patricia A... de ses demandes subséquentes en restitution des clés et des sommes prélevées ;
CONDAMNE Mme Patricia A... aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer aux époux Geneviève et Marcel X... la somme de 2 000 € (deux mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : 05/03455
Date de la décision : 03/07/2008
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Mulhouse, 30 juin 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-07-03;05.03455 ?
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