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12/06/2008 | FRANCE | N°07/00698

France | France, Cour d'appel de colmar, Ct0163, 12 juin 2008, 07/00698


MINUTE N° 903 / 08
NOTIFICATION :
Copie aux parties
-DRASS
Clause exécutoire aux :
- avocats-parties non représentées

COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE-SECTION SB

ARRET DU 12 Juin 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB 07 / 00698
Décision déférée à la Cour : 13 Décembre 2006 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du BAS-RHIN
APPELANTE :
Madame Mariama SAID Y... veuve Z..., non comparante... 75018 PARIS Représentée par Maître Magali DELTEIL, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

ETA

BLISSEMENT NATIONAL DES INVALIDES DE LA MARINE (ENIM), prise en la personne de son Directeur, non comparant, 3 place ...

MINUTE N° 903 / 08
NOTIFICATION :
Copie aux parties
-DRASS
Clause exécutoire aux :
- avocats-parties non représentées

COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE-SECTION SB

ARRET DU 12 Juin 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB 07 / 00698
Décision déférée à la Cour : 13 Décembre 2006 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du BAS-RHIN
APPELANTE :
Madame Mariama SAID Y... veuve Z..., non comparante... 75018 PARIS Représentée par Maître Magali DELTEIL, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

ETABLISSEMENT NATIONAL DES INVALIDES DE LA MARINE (ENIM), prise en la personne de son Directeur, non comparant, 3 place Fontenoy 75700 PARIS CEDEX Représenté par Mademoiselle X..., munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Mars 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : M. SCHILLI, Conseiller faisant fonction de président, M. DIE, Conseiller Mme KOEBELE, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme DETTWEILER, faisant fonction
ARRET :- contradictoire-prononcé par mise à disposition au greffe par Jean-Pierre SCHILLI, Conseiller faisant fonction de président-signé par Jean-Pierre SCHILLI, Conseiller faisant fonction de président et Doris DETTWEILER, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE :
Mme Mariama Z... a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Bas-Rhin d'un recours contre la décision de l'Etablissement National des Invalides de la Marine du 1er juillet 2005 qui a maintenu l'application de l'article L. 27 du Code des Pensions de Retraite des Marins pour refuser de la faire bénéficier du taux plein de sa pension à compter de la date d'entrée en jouissance de celle-ci, le 2 janvier 1977.
Par jugement rendu le 13 décembre 2006, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Bas-Rhin a dit qu'une faute de l'ENIM n'est pas démontrée ;- que la prescription de l'article L. 27 du Code des Pensions de Retraite des Marins est opposable à Mme Z....- a dit que la pension doit être rétablie au taux plein à compter du 1er janvier 1993 ;- a pris acte de la décision de l'ENIM de procéder à la révision de la pension de Mme Z... à compter du 1er janvier 1993 ;- a débouté Mme Z... de ses autres demandes ;- a condamné l'ENIM à verser à Mme Z... une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Pour statuer en ce sens les premiers juges ont essentiellement observé qu'à l'époque de l'instruction du dossier, l'ENIM a estimé que Mme Z... n'avait pas la nationalité française ; que, toutefois l'attitude de l'ENIM ne peut être analysé comme un comportement fautif dès lors que l'imprimé de demande de pension vraisemblablement initialement rempli par Mme Z... n'est pas produit.
Les premiers juges ont estimé que la prescription de quatre ans était applicable au rappel d'arrérages dûs au titulaire de la pension.
La demande ayant été déposée en 1997, la pension a été rétablie au taux plein à compter du 1er janvier 1993 au lieu du 1er janvier 1999.
Ce jugement a été notifié à Mme Mariama Z... le 15 janvier 2007 (l'accusé de réception n'a pas été réclamé), laquelle en a interjeté appel le 13 février 2007.
Se référant oralement à ses conclusions visées le 24 octobre 2007, Mme Z... demande que la Cour infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau :
- Condamne l'ENIM à la rétablir dans ses droits au bénéfice d'une pension de réversion revalorisable et majorée depuis le 2 janvier 1977.
En conséquence à lui verser :
1) 41. 157, 12 € à titre de rappel d'arrérages pour la période du 2 janvier 1977 au 31 décembre 1992, avec intérêts capitalisés à compter du 2 janvier 1977.
2) 14. 803, 20 € avec intérêts capitalisés correspondant au rappel au titre de la majoration pour enfants élevés pour la période du 2 janvier 1977 au 31 octobre 2006.

- Condamne l'ENIM à réparer le préjudice subi et en conséquence à lui verser 56. 000 € à titre de dommages intérêts capitalisés à compter de la saisine du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale.

L'appelante précise à la barre que la demande à titre de dommages intérêts est faite à titre subsidiaire.
En tout état de cause, condamne l'ENIM au paiement d'une somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Au soutien de son appel elle fait essentiellement valoir que l'ENIM a commis une erreur lors de la liquidation de sa pension de réversion dont elle doit réparer les conséquences.
Elle estime que la prescription quadriennale n'est pas applicable au cas d'espèce, car s'appliquant selon l'article L. 27 du Code des Pensions de Retraites des Marins lorsque par suite du fait personnel du pensionné la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposé postérieurement à l'expiration de la quatrième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension.
Cette disposition restrictive des droits des pensionnés doit s'interpréter strictement.
Elle fait observer qu'aucun manquement ne saurait lui être reprochée dans la mesure où elle a demandé la liquidation de sa pension de réversion lors du décès de son mari en janvier 1977.
Il appartenait selon elle, à l'ENIM :- de demander confirmation de sa nationalité française ou de l'éventuelle perte de celle-ci.- d'indiquer que la pension qui lui était servie était servie à un taux cristallisé ;- de demander les justificatifs de sa situation familiale ;- une demande fait auprès du service de l'état civil ne saurait exonérer l'ENIM de ses responsabilités.

Elle ajoute que l'ENIM a en toute hypothèse, commis des fautes lui ayant occasionné un préjudice dont elle doit réparation en application de l'article 1382 du Code Civil.
L'ENIM n'a fourni aucun renseignement lors de la liquidation de la pension sur le montant de celle-ci et ses modalités de calcul. Cet établissement a manqué à son obligation d'information.
Par ailleurs, l'ENIM a, par son comportement, introduit une différence de traitement injustifiée entre Mme Z... et les autres veuves de marins cf. à cet égard CE Sous Sections Réunies (9 et 10) 3 / 7 / 2002.
Se référant oralement à ses conclusions visées le 18 avril 2007, l'ENIM demande que la Cour confirme le jugement déféré.
Il réplique que le quartier des affaires maritimes du HAVRE a cherché à connaître la nationalité de Mme Z... dès 1977.
Etablissement public à caractère administratif il applique pour pensions servies aux anciens marins et à leur ayants cause originaires des anciens territoires sous protectorat ou tutelle de la France les dispositions prévues par l'article 71 de la Loi n° 59-1454 du 26 / 12 / 1959.
Pour ce qui concerne les personnes de nationalité Comorienne, les pensions sont servies à un taux cristallisé depuis le 11 avril 1976, date de clôture du scrutin sur le maintien de MAYOTTE au sein de la République Française.
Le service des pensions de l'ENIM a considéré Mme Z... comme n'étant pas de nationalité française et lui a concédé le 13 mars 1978 une pension au taux bloqué, à la suite d'un courrier du 21 novembre 1977 du service de l'état civil de NANTES qui a fait connaître que l'acte de naissance de l'intéressé ne figurait pas dans les archives, en précisant par ailleurs que cet acte ne paraissait pas avoir été dressé ni transcrit dans les registres de l'état civil consulaire.
La demande de pension de réversion a été faite par Mme Z... par courrier des 2 août et septembre 1997.
Il lui a été demandé de produire des justificatifs de nationalité qu'elle n'a pu fournir qu'en 2003.
La prescription s'applique, la demande de révision ayant été déposée postérieurement à la 4e année qui suit la date normale de la pension.
Une bonification de 15 % par enfants est incluse dans cette révision, compte tenu des dispositions des articles L. 17 et R. 14 du Code des Pensions de Retraite des Marins.

SUR QUOI, LA COUR :

Vu l'ensemble de la procédure et les pièces ;

Vu l'avis d'audience à la DRASS ;

L'article L. 18 du Code des Pensions de Retraite des Marins dispose que les veuves de marins ont droit, à partir d'un âge fixé par voie réglementaire à une fraction de la pension et des bonifications dont le mari était titulaire ou, s'il est décédé avant d'être pensionné, de la pension et des bonifications qu'il aurait obtenues en raison de ses services effectifs. Toutefois la veuve est dispensée de la condition d'âge s'il existe un ou plusieurs enfants issus du mariage avec le marin.

L'article L. 17 dudit Code prévoit que la pension est bonifiée pour les titulaires ayant élevé au moins deux enfants jusqu'à un âge déterminé, d'un pourcentage qui varie suivant le nombre des enfants.
L'article R. 14 dudit Code prévoit que le taux de bonification de la pension est fixé à 15 % au delà de 3 enfants.
L'article R. 15 dudit Code prévoit que la pension de réversion dont peut bénéficier la veuve du marin visée à l'article L18 est égale à 54 % de la pension et les bonifications dont le marin était titulaire.
En l'espèce, M. BEN SAID Z..., qui était navigateur au sein des messageries maritimes et était affilié à la Caisse de Retraite des Marins gérée par l'Etablissement National des Invalides de la Marine (ENIM) est décédé le 2 janvier 1977.
De l'union de Mariama SAID Y... épouse Z... et de BEN SAID Z... sont nés quatre enfants :- Haoudhoit Z..., né le 10 février 1965 ;- Fatima Z..., née le 9 janvier1967 ;- Hayatti Z..., née le 19 mars 1970 ;- Saïd Z..., né le 25 avril 1971.

L'ENIM a liquidé la pension de Madame Z... (pension CRM no 78. 10. 502 B) en faisant application des dispositions de l'article 71 de la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 qui prévoit expressément que les pensions imputées sur le budget de l'Etat ou d'établissements publics dont sont titulaires les nationaux des pays ou territoires, soit ayant appartenu à l'Union ou communauté française, soit ayant été placées sous protectorat ou tutelle de la France sont remplacés par des indemnités annuelles.
L'ENIM a en effet considéré, sur la base de renseignements pris auprès du Service Central de l'Etat Civil de NANTES que Mme Z... n'avait pas la nationalité française et qu'en conséquence étant de nationalité comorienne, sa pension devait être servie à un taux cristallisé, le point de départ de cette pension fixé au 2 janvier 1977 étant postérieur au 11 avril 1976, date de clôture du scrutin sur le maintien de MAYOTTE au sein de la République Française.
A la suite de la demande formée par Mme Z... d'être rétablie dans ses droits à compter de janvier 1977, en raison de ce qu'elle rapportait la preuve de ce qu'elle avait conservé la nationalité française à la date du décès de son époux, l'ENIM a tout d'abord procédé à une révision de la pension à compter du 1er janvier 1999, en invoquant la prescription quadriennale, compte tenu de la demande formée le 3 février 2003.
Puis l'ENIM, considérant après des échanges de correspondance avec le conseil de Mme Z... que la demande avait été déposée en 1997, a décidé de procéder à la révision de la pension de Mme Z... à compter du 1er janvier 1993 au lieu du 1er janvier 1999, en invoquant toujours les dispositions de l'article L. 27 du Code des pension de Retraite des Marins.
Mme Z... soutient pour sa part que l'ENIM doit la rétablir dans ses droits depuis le 2 janvier 1977 au motif que les dispositions de l'article L. 27 susvisé ne lui sont pas applicables, aucun manquement ne pouvant lui être reproché alors qu'elle a demandé la liquidation de sa pension lors du décès de son mari en janvier 1977.
L'article L. 27 du Code des pension de Retraite des Marins dispose que lorsque par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la quatrième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux quatre années antérieures.
Contrairement à l'opinion des premiers juges, les dispositions de l'article L. 27 susvisé ne trouvent pas application.
En l'espèce, le caractère tardif de la demande n'est pas dû au fait personnel du pensionné mais à un manquement de l'ENIM à son obligation d'information envers l'ayant droit de M. Z....
Il appartenait en effet à l'ENIM dans le cadre de l'instruction du dossier de demande de pension de réversion, d'interroger Mme Z... sur sa nationalité et de solliciter de sa part des documents justificatifs de sa nationalité française.
Mme Z... a toujours eu la nationalité française et son domicile est fixé en France depuis 1968. cf. À cet égard Cass. 2e Civ. 25 mai 2004- CIPAV / DUBOSSAGE)
Le fait que Mme Z... ait conservé la nationalité française résulte du courrier adressé par le Ministre de l'Emploi et de la Solidarité à Madame Y... Z... Mariama le 5 août 1997 à la suite d'une demande de renseignements du 15 juillet 1997.
Ce courrier précise que Mme Z... a souscrit une déclaration le 27 mai 1977 en vue de se faire reconnaître la nationalité française en application des articles 10 de la loi n° 75-560 du 3 juillet 1975 et 9 de la loi n° 75-1337 du 31 décembre 1975.
Un certificat de nationalité française a été établi le 12 janvier 1978 par le Juge du Tribunal d'Instance du HAVRE en se référant à cette déclaration.
Il appartenait également à l'ENIM d'indiquer à Madame Z... que la pension qui lui était concédée était servie à un taux cristallisé, et de lui demander les justificatifs de la situation familiale.
La Cour constate que le conditions d'application de la prescription prévue à l'article L. 27 susvisé ne sont pas réunies.
Il convient, dans ces conditions, d'infirmer le jugement déféré, et de condamner l'ENIM a rétablir Mme Z... dans ses droits au bénéfice d'une pension de réversion revalorisable et majorée depuis le 2 janvier 1977.
L'ENIM devra verser à Mme Z... les rappels d'arrérages pour la période du 2 janvier 1977 au 31 décembre 1992, la pension de réversion majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 1977, et les rappels d'arrérages au titre de la majoration pour enfants élevés pour la période du 2 janvier 1977 au 31 octobre 2006.
Il n'est pas inéquitable de condamner l'ENIM à verser à Madame Z... la somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de confirmer le jugement déféré en ce que l'ENIM a été condamné à verser à Mme Z... la somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme,
Déclare l'appel régulier et recevable ;

Au fond,

Y fait droit ;
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celles prenant acte de la décision de l'ENIM de procéder à la révision de la pension de Madame Z... à compter du 1er janvier 1993, et condamnant l'ENIM à verser à Mme Z... une somme de 2. 000 € (deux mille euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Statuant à nouveau dans cette limite :

Condamne l'Etablissement National des Invalides de la Marine (ENIM) à rétablir Madame Mariama Z... dans ses droits au bénéfice d'une pension de réversion revalorisable et majorée depuis le 1er janvier 1977.
En conséquence, condamne l'ENIM à verser à Madame Z... :
1) la somme de 41. 157, 12 € (quarante et un mille cent cinquante sept euros et douze centimes) à titre de rappel d'arrérages pour la période du 2 janvier 1977 au 31 décembre 1992 avec intérêts aux taux légal à compter du 2 janvier 1977.
2) la somme de 14. 803, 20 € (quatorze mille huit cent trois euros vingt centimes) au titre de la majoration pour enfants élevés pour la période du 2 janvier 1977 au 31 octobre 2006 avec intérêt aux taux légal à compter du 2 janvier 1977.
3) la somme de 1. 000 € (mille euros) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Rappelle que la procédure est gratuite et sans frais.

Et le présent arrêt a été signé par Jean-Pierre SCHILLI, Conseiller faisant fonction de Président, et Doris DETTWEILER, faisant fonction de Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Ct0163
Numéro d'arrêt : 07/00698
Date de la décision : 12/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Strasbourg, 13 décembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-06-12;07.00698 ?
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