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06/06/2008 | FRANCE | N°05/04684

France | France, Cour d'appel de colmar, Ct0395, 06 juin 2008, 05/04684


MINUTE N° 08/828

COUR D'APPEL DE COLMARCHAMBRE SOCIALE - SECTION C
ARRET DU 06 Juin 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 C 05/04684Décision déférée à la Cour : 20 Septembre 2005 par le TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE GUEBWILLER

APPELANTE :COMMUNE DE REGUISHEIM, représentée par son Maire, non comparantMairie68190 REGUISHEIMReprésentée par Me Emmanuel KARM (avocat au barreau de STRASBOURG)
INTIMEE :Madame Carole X... veuve Y..., non comparante...68260 KINGERSHEIMReprésentée par Me Marie-Jeanne CHORON (avocat au barreau de COLMAR)
INT

ERVENANTE VOLONTAIRE :EARL JEAN Y..., prise en la personne de son gérant, non comparant...

MINUTE N° 08/828

COUR D'APPEL DE COLMARCHAMBRE SOCIALE - SECTION C
ARRET DU 06 Juin 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 C 05/04684Décision déférée à la Cour : 20 Septembre 2005 par le TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE GUEBWILLER

APPELANTE :COMMUNE DE REGUISHEIM, représentée par son Maire, non comparantMairie68190 REGUISHEIMReprésentée par Me Emmanuel KARM (avocat au barreau de STRASBOURG)
INTIMEE :Madame Carole X... veuve Y..., non comparante...68260 KINGERSHEIMReprésentée par Me Marie-Jeanne CHORON (avocat au barreau de COLMAR)
INTERVENANTE VOLONTAIRE :EARL JEAN Y..., prise en la personne de son gérant, non comparantRoute de MulhouseBP 668890 REGUISHEIMReprésentée par Me Jean DEBEAURAIN (avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE)

COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 25 Avril 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :M. DIE, Conseiller faisant fonction de Président Mme WOLF, ConseillerMme GAILLY, Conseillerqui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Melle OBERZUSSER, Faisant fonction
ARRET :- contradictoire, en dernier ressort- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe- signé par M. Jérôme DIE, Conseiller faisant fonction de Président et Melle Catherine OBERZUSSER, greffier ad hocauquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par contrat de bail à ferme du 29 mai 1990 à effet au 11 novembre 1988, la commune de REGUISHEIM donna en location une parcelle agricole sise sur son territoire et cadastrée au lieudit Obere HARDT, section 20, no9/2p, d'une contenance de 5.500 ares.
Le 22 juin 1991, à la suite du décès du preneur Jean-Pierre Y..., sa veuve Carole X... sollicita le transfert du bail à son nom, ce que la commune de REGUISHEIM accepta.
Par lettre recommandée du 9 octobre 1991, Mme Carole X... veuve Y... informa le maire de REGUISHEIM qu'elle confiait l'exploitation de la parcelle à l'entreprise agricole à responsabilité limitée (E.A.R.L.) JEAN Y..., dans laquelle elle est associée.
Le 15 avril 2004, la commune de REGUISHEIM fit assigner Mme Carole X... en résiliation du bail pour défaut de participation personnelle à l'exploitation qu'elle avait confiée à l'E.A.R.L. JEAN Y....
Mme Carole X... et l'E.A.R.L. JEAN Y..., intervenante volontaire, soutinrent que cette dernière était devenue titulaire du bail.
Par jugement du 20 septembre 2005, le tribunal paritaire des baux ruraux de GUEBWILLER considéra que la mise à disposition ne pouvait être assimilée à un apport du droit au bail, que la preneuse Carole X... était restée seule titulaire du bail, mais que cette dernière n'était pas tenue de se consacrer à l'exploitation du bien loué par elle et mis à disposition en participant aux travaux d'exploitation.
En conséquence, le tribunal débouta la commune de REGUISHEIM, il dit que Mme Carole X... veuve Y... était titulaire du bail et que l'E.A.R.L. JEAN Y... disposait d'une mise à disposition régulière, et il condamna la commune de REGUISHEIM à payer 250 € à Mme Carole X... et 250 € à l'E.A.R.L. en contribution à leur frais irrépétibles.
Ce jugement fut frappé par deux appels réguliers, le premier interjeté le 28 septembre 2005 par la commune de REGUISHEIM, le second interjeté le 20 octobre par l'E.A.R.L. JEAN Y....
Devant la Cour, la commune de REGUISHEIM fait oralement développer ses conclusions d'appel déposées le 28 février 2007. Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a désigné Mme Carole X... comme titulaire du bail rural. Pour le reste, elle demande à la Cour de l'infirmer, de prononcer la résiliation du bail pour infraction aux articles L411-37, L411-46 et L 331-1 et suivants du code rural, de condamner Mme Carole X... et l'E.A.R.L. JEAN Y... à abandonner immédiatement l'exploitation sous astreinte de 200 € par jour de retard et à verser chacune 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, avec réserve des droits de la commune à chiffrer son préjudice.
L'E.A.R.L. JEAN Y... fait oralement soutenir qu'elle est titulaire du bail rural soit en vertu d'une convention verbale passée directement avec la commune de REGUISHEIM, soit en vertu d'une cession du droit au bail consentie par Mme Carole X... et à laquelle la commune a acquiescé par son comportement ultérieur. Pour le reste, elle se réfère à ses dernières conclusions d'appel pour demander à la Cour de réformer le jugement entrepris, de dire que l'E.A.R.L. est titulaire du bail, de débouter la commune de REGUISHEIM et de la condamner à verser 250 € au titre des frais irrépétibles.
Mme Carole X... veuve Y... conteste avoir jamais été titulaire du bail et affirme que l'acte de mise à disposition ne résulte que d'une erreur. Elle admet n'avoir jamais exploité les terres. Elle fait oralement reprendre ses conclusions déposées le 6 novembre 2007 en réplique et au soutien d'un appel incident en demandant à la Cour de déclarer irrecevable l'action dirigée à son encontre et de condamner la commune de REGUISHEIM à payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est référé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

SUR QUOI, LA COUR
Sur la recevabilité de la demande de résiliation de bail, et le mérite de l'intervention de l'E.A.R.L. JEAN Y...
La commune appelante a dirigé son action en résiliation de bail contre la seule Mme Carole X... veuve Y.... La recevabilité de son action suppose que Mme Carole X... est devenue et qu'elle est restée titulaire du bail rural initialement consenti à feu Jean-Pierre Y....
D'une part, Mme Carole X... ne peut contester qu'elle a succédé à son défunt époux dans les droits du preneur au bail souscrit le 29 mai 1990 à effet au 11 novembre 1988.
En premier lieu, par lettre du 22 juin 1991, Mme Carole X... a exposé qu'à la suite du décès de son époux Jean-Pierre Y..., elle devait poursuivre l'exploitation pour assurer les besoins de son foyer, avec deux enfants en bas âge, et pour faire face aux engagements pris par son conjoint, et elle a expressément sollicité le transfert à son nom du bail précédemment consenti.
En second lieu, par lettre recommandée du 9 octobre 1991, au visa de l'article L411-37 du code rural et 1742 du code civil, Mme Carole X... a notifié au maire de REGUISHEIM qu'elle mettait la parcelle en cause, exactement désignée, à la disposition de l'E.A.R.L. JEAN Y... en précisant la forme juridique, l'objet et la durée de cette société.
Dans un premier temps, par lettre du 12 novembre 1991, le maire de REGUISHEIM a répondu en invitant Mme Carole X... à fournir les renseignements nécessaires. Dans un second temps, par lettre du 26 novembre 1991, il lui a adressé un extrait du procès-verbal de la délibération du 18 novembre 1991 par laquelle le conseil municipal de REGUISHEIM avait accepté le transfert du bail, sous condition d'obtenir la preuve de la participation effective de la requérante à l'exploitation. Dans un troisième temps, par lettre du 2 décembre 1991, Mme Carole X... a écrit au maire en annexant la preuve demandée, en précisant que le montant du fermage était maintenu.
Rien n'atteste de l'erreur que Mme Carole X... prétend avoir commise sur ses droits. Les diverses correspondances, espacées sur quelques mois, sont précises dans la relation des circonstances, dans l'exposé de leur objet, et dans la référence aux dispositions légales appliquées. Elles ne révèlent aucune méprise.
Il en résulte la preuve que Mme Carole X... a sollicité, obtenu et exercé les droits du preneur en vertu du bail rural initialement consenti à feu Jean-Pierre Y....

D'autre part, Mme Carole X... ne justifie pas qu'il ait été mis fin à ses droits de preneur de la parcelle en cause.
L'E.A.R.L. JEAN Y... ne produit aucun écrit attestant d'une cession de bail ou d'une conclusion de bail à son profit. Elle se limite à invoquer une série de faits dont elle entend tirer la preuve dont elle a la charge.
En premier lieu, l'E.A.R.L. JEAN Y... souligne que de 1993 à 2005, elle a payé les fermages dus à la commune de REGUISHEIM qui les a acceptés. Mais cette circonstance n'établit pas qu'elle est le preneur dès lors qu'à la suite de la mise à disposition du 9 octobre 1991 et en application de l'article L411-37 du code rural, l'E.A.R.L. est devenue co-débitrice des fermages.
En deuxième lieu, l'E.A.R.L. JEAN Y... fait valoir qu'elle s'est acquittée du droit au bail, suivant avis de recette établi par la recette principale des impôts de GUEBWILLER en date du 8 juin 1994. Mais l'avis de recette n'a pas d'autre valeur probante dès lors qu'en qualité d'exploitante et en application du même article L. 411-37, l'E.A.R.L. était elle-même tenue des dettes à caractère fiscal.
En troisième lieu, l'E.A.R.L. JEAN Y... se prévaut de trois procès-verbaux des délibérations du Conseil municipal de REGUISHEIM faisant état d'un bail consenti à l'E.A.R.L. Mais le premier procès-verbal en date du 3 juillet 1992 est relatif à l'abattage d'arbres sur une parcelle numérotée 20, et le deuxième en date du 21 septembre 1992et le troisième en date du 25 novembre 1993 sont relatifs à des travaux d'aménagement d'un carrefour en bordure de la même parcelle. Aucun ne concerne la parcelle en cause située au lieudit Obere HARDT, section 20, et numérotée 9/2p.
En quatrième lieu, l'E.A.R.L. Y... invoque un aveu judiciaire en ce que, dans une instance l'ayant opposée à la commune de REGUISHEIM devant le tribunal administratif de STRASBOURG, la commune a présenté un mémoire récapitulatif daté du 20 octobre et déposé le 22 octobre 1993 en écrivant que l'E.A.R.L. était titulaire de baux soumis au statut du fermage sur plus de 200 hectares de terres communales. Mais si le passage visé atteste de la réalité de baux consentis par la commune de REGUISHEIM à l'E.A.R.L. Y... pour diverses terres agricoles, il ne précise pas s'il concerne la parcelle en cause.
En cinquième lieu, l'E.A.R.L. JEAN Y... entend se prévaloir du rapport qu'un géomètre-expert a dressé le 11 mars 1993 des travaux d'arpentage que la commune de REGUISHEIM lui avait commandés, en particulier sur la parcelle en cause. Le rapport récapitule la surface cultivée par les locataires BRANDELIK et Y..., et par l'E.A.R.L. JEAN Y.... Il ne contient aucune désignation de l'E.A.R.L. comme étant la locataire de la commune pour la parcelle en cause.
En sixième et dernier lieu, l'E.A.R.L. Y... justifie de l'inscription à son nom de la parcelle en cause sur le relevé de la Caisse de Mutualité Sociale Agricole d'Alsace. Mais cette inscription ne résulte que d'une déclaration unilatérale faite par l'E.A.R.L. à cet organisme de sécurité sociale. Elle n'engage en rien la commune de REGUISHEIM.
Il en résulte que l'E.A.R.L. JEAN Y... ne parvient à démontrer à son profit ni bail verbal directement consenti par la commune propriétaire, ni cession de bail avec l'acquiescement implicite de la commune propriétaire.
Il s'en suit que Mme Carole X... est restée la seule titulaire du bail rural.
Par conséquent, non seulement l'E.A.R.L. JEAN Y... doit être déboutée de ses prétentions, mais l'action dirigée contre Mme Carole X... est recevable.

Sur le bien-fondé de la demande de résiliation
Selon l'article L. 411-37, quatrième alinéa du code rural, en cas de mise à la disposition d'une société à objet principalement agricole par un preneur qui est associé de cette société, ce preneur reste seul titulaire du bail et il doit, à peine de résiliation du bail, continuer à se consacrer à l'exploitation du lieu loué et mis à disposition, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation.
En l'espèce, Mme Carole X... admet qu'en dépit du document justificatif qu'elle a adressé au maire de REGUISHEIM le 2 décembre 1991, elle n'a jamais personnellement concouru aux travaux d'exploitation de l'E.A.R.L. JEAN Y... dans laquelle elle est associée et à la disposition de laquelle elle a mis la parcelle en cause.
Ce manquement aux dispositions susvisées justifie la résiliation du bail que sollicite la commune bailleresse.
Il y a donc lieu d'y faire droit et d'ordonner l'évacuation de la parcelle en cause en assortissant cette condamnation d'une astreinte à compter de la fin de la période culturale, c'est-à-dire à compter du 12 novembre 2008.

Sur les dispositions accessoires
Comme le demande la commune appelante, il y a lieu de réserver ses droits à réclamer l'indemnisation de son préjudice.
Il n'est pas contraire à l'équité de laisser à chaque partie, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la charge de ses frais irrépétibles.
Conformément au principe de l'article 696 du même code, il échet de mettre les entiers dépens à la charge de l'E.A.R.L. JEAN Y... qui succombe en son appel principal.

PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare recevables les deux appels principaux et l'appel incident ;
Infirme le jugement entrepris ;
Prononce la résiliation, aux torts de Mme Carole X... veuve Y..., du bail rural initialement consenti par la commune de REGUISHEIM à feu Jean-Pierre Y..., par acte du 29 mai 1990 à effet au 11 novembre 1988, sur la parcelle située sur le territoire communal de REGUISHEIM au lieudit Obere HARDT, cadastrée section 20, no 9/2p, d'une contenance de 5.500 ares ;
Condamne Mme Carole X... veuve Y... à libérer immédiatement de toute occupation ou exploitation personnelle ou de son chef ladite parcelle qu'elle remettra à la commune de REGUISHEIM, et ce sous astreinte de 50 euros (cinquante euros) par jour de retard à compter du 12 novembre 2008 ;
Réserve à la commune de REGUISHEIM l'exercice de son droit à agir en indemnisation de son préjudice ;
Déboute Mme Carole X... veuve Y... et l'E.A.R.L. JEAN Y... de leurs prétentions ;
Dit n'y avoir lieu à contribution aux frais irrépétibles des parties ;
Condamne l'E.A.R.L. JEAN Y... à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par M. Jérôme DIE, conseiller faisant fonction de président, et Melle Catherine OBERZUSSER, greffier ad hoc.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Ct0395
Numéro d'arrêt : 05/04684
Date de la décision : 06/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal paritaire des baux ruraux de Guebwiller, 20 septembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-06-06;05.04684 ?
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