MINUTE N° 08 / 750
COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE-SECTION B
ARRET DU 20 Mai 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 B 07 / 02400
Décision déférée à la Cour : 30 Avril 2007 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE STRASBOURG
APPELANTE :
LA POSTE représentée par M. le Directeur Opérationnel Territorial Courrier de l'Alsace, prise en la personne de son représentant légal, 4, avenue de la Liberté BP 50026 67074 STRASBOURG CEDEX Non comparant, représenté par Me BIGOT remplaçant Me Claire DERRENDINGER-avocats au barreau de STRASBOURG
INTIMEE et APPELANTE INCIDENTE :
Madame Sylvie Y... ...... Non comparante, représentée par Me PAGANI remplaçant Me Frantz Michel WELSCH-avocats au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BURGER, Conseiller faisant fonction de Président, et Mme WOLF, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme BURGER, Conseiller faisant fonction de Président Mme WOLF, Conseiller, M. SCHILLI, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme MASSON,
ARRET :- contradictoire- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme Catherine BURGER, Conseiller faisant fonction de président-signé par Mme Catherine BURGER, Conseiller faisant fonction de président et Mme Linda MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Après plusieurs contrats à durée déterminée, Madame Sylvie Y... a été embauchée par LA POSTE par contrat à durée indéterminée à compter du 3 janvier 2000 en qualité de distributrice de publicité non adressée PNA à raison de 800 heures par an, avec pour lieu d'affectation le bureau de poste de MOLSHEIM, le contrat précisant qu'elle pouvait être affectée dans l'ensemble des établissements du groupement.
Madame Y... exprimait le souhait le 9 juin 2003 de passer à 1000 heures par an et de se rapprocher de son domicile familial situé depuis 2001 en MEURTHE et MOSELLE, soit à être affectée sur le secteur SAVERNE, WASSELONNE, SARRE-UNION. Elle renouvelait cette demande le 5 septembre 2003 et indiquait vouloir bénéficier d'une promotion, c'est-à-dire passer un examen interne pour obtenir une classification supérieure, et suivre pour cela une formation AFPA. Mais après s'être inscrite à cette formation le 19 septembre 2003, elle y renonçait.
Ayant cessé son activité de distribution PNA sur MOLSHEIM à compter du 20 octobre 2003, LA POSTE proposait à Madame Y... le 11 décembre 2003, dans le cadre d'un accord de reclassement, une activité similaire à SARRE-UNION, que la salariée refusait, demandant le transfert de son dossier sur la Direction de METZ pour laquelle travaille son mari.
Le 26 janvier 2004, LA POSTE l'informait que ce transfert n'était pas possible et lui proposait d'effectuer des travaux de ménage, correspondant à son niveau de classification, au centre de distribution de HAGUENAU.
Par suite d'un nouveau refus de Madame Y..., LA POSTE lui proposait encore le 6 février 2004 un poste de distributrice de PNA à BARR et ERSTEIN, également décliné compte tenu de la distance géographique, puis le 4 mai 2004 une activité de ménage au centre de distribution de MOLSHEIM, toujours refusée.
Durant toute cette période, la salariée a été dispensée de tout service tout en continuant à être rémunérée.
Le 26 mai 2004, Madame Y... était reçue par le conseiller mobilité pour étudier toutes les possibilités de reclassement et elle acceptait le 2 juin 2004 une mission de six semaines de distribution de catalogues à MOLSHEIM.
Pour élargir les possibilités de postes à offrir à la salariée qui avait encore exprimé le vœu de se rapprocher de son domicile par courrier du 30 août 2004, LA POSTE lui proposait de nouveau de l'inscrire à un dispositif de promotion pour l'accès à un niveau supérieur, mais elle refusait encore, de même qu'elle ne donnait pas suite à une mission de manutention proposée au centre de tri de HOLTZHEIM à compter du 21 septembre 2004 et à une autre mission prévue à compter du 4 octobre 2004 au service d'archivage du centre d'expertise de STRASBOURG, adressant à son employeur un avis d'arrêt de travail du 17 au 24 septembre, puis un certificat de son neuropsychiatre, le Dr B..., déconseillant la mission à STRASBOURG.
LA POSTE lui proposait encore une mission à compter du 8 novembre 2004 au centre de tri de MOLSHEIM, lui rappelant qu'un collègue domicilié dans son village pouvait l'emmener sur son lieu de travail, mais essuyait un nouveau refus à l'appui d'un nouveau certificat de son médecin non assorti d'un arrêt de travail.
Le 8 décembre 2004, LA POSTE adressait à Madame Y..., par lettre recommandée avec accusé de réception, une mise en demeure d'avoir à reprendre son service, l'avertissant que son refus serait considéré comme un abandon de poste et que seule la médecine du travail, à savoir le centre de prévention médicale, pouvait décider de son aptitude au travail.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 décembre 2004, la salariée était convoquée à un entretien préalable fixé au 28 décembre, mais elle ne s'y rendait pas toujours à l'appui d'un certificat du Dr B... .
LA POSTE demandait à Madame Y..., par courrier du 4 janvier 2005, de s'expliquer par écrit et lui indiquait qu'elle était considérée comme étant en absence injustifiée depuis le 24 septembre 2004, date de l'expiration de son avis d'arrêt de travail. Entre-temps, LA POSTE avait suspendu le paiement de son salaire à compter du 9 décembre 2004.
Madame Y... répondait le 5 janvier 2005 que tous ses refus étaient justifiés par le fait qu'elle avait toujours demandé à être affectée sur SARREBOURG et elle adressait à son employeur un arrêt de travail « de prolongation » pour la période du 5 janvier au 19 janvier établi par un autre médecin, le Dr C..., ensuite remplacé par un arrêt de travail initial pour la même période, puis régulièrement prolongé.
Sur demande de LA POSTE, la salariée était soumise à une expertise médicale privée équivalant à une contre-visite, réalisée par le Dr D... le 7 janvier 2005, lequel concluait qu'elle aurait pu se rendre à MOLSHEIM en étant passagère de son collègue et voisin. Sur demande de Madame Y..., une visite médicale de reprise avait aussi lieu le 10 février 2005, mais le médecin du travail s'abstenait de toute conclusion compte du fait qu'elle était en arrêt maladie.
Après un avis positif unanime de la commission consultative paritaire, Madame Y... était licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 mars 2005 pour abandon de poste à compter du 8 novembre 2004 et absence de suite donnée à la mise en demeure du 8 décembre 2004.
Madame Y... saisissait le Conseil de Prud'hommes de STRASBOURG le 14 mars 2005 pour voir dire que son licenciement était nul, obtenir sa réintégration sous astreinte, le paiement de ses salaires de janvier à mars 2005 et de 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le caractère nul de son licenciement, subsidiairement pour absence de cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 30 avril 2007, ce Conseil, tout en disant que le licenciement aurait été justifié pour faute grave compte tenu de l'absence injustifiée, prononçait la nullité du licenciement sur le fondement de l'article L 122-41 du Code du travail, le licenciement étant selon lui intervenu plus d'un mois après l'entretien préalable du 28 décembre 2004 et la mise en oeuvre de la procédure conventionnelle de consultation de la commission paritaire intervenue le 16 février 2005, et il accordait à la salariée sur le fondement de l'article L 122-14-4 du code du travail 3. 165 euros à titre de dommages et intérêts, le paiement de l'indemnité de préavis et des salaires du 1er janvier au 22 mars 2005, dont à déduire les éventuelles indemnités journalières, ainsi que 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
LA POSTE a interjeté appel le 4 juin 2007 et, développant à la barre ses conclusions visées le 6 septembre 2007, elle sollicite l'infirmation de ce jugement, le débouté de Madame Y... de toutes ses prétentions et réclame 2. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en exposant en substance que :
- Madame Y... a été informée de la mise en œuvre de la procédure conventionnelle par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 janvier 2005 réceptionnée le lendemain, soit avant l'expiration du délai d'un mois suivant l'entretien préalable et la nullité du licenciement ne peut donc être encourue,- suite à la suppression de l'activité PNA sur le secteur de MOLSHEIM, elle a respecté en tous points la procédure de reclassement définie par sa commission de dialogue social, qui prévoyait qu'en attendant sa réorientation sur un poste vacant, le salarié pourra être mis à disposition d'un établissement pour y exercer des fonctions correspondant à son niveau,- en l'occurrence, la salariée a fait preuve d'une particulière mauvaise volonté en refusant au total huit propositions de postes qui entraient dans ses attributions et étaient proches de son lieu d'affectation initial dont trois postes à MOLSHEIM même, ou conformes à ses souhaits s'agissant du poste de SARRE-UNION, l'employeur ne pouvant être tenu pour responsable de l'éloignement géographique librement choisi par la salariée lors de son changement de domicile intervenu postérieurement à la conclusion du contrat à durée indéterminée,- Madame Y... qui avait finalement accepté une mission de six semaines sur MOLSHEIM en juillet 2004, sans trouver à y redire, ne pouvait sans faire preuve de mauvaise foi refuser la nouvelle mission proposée au centre de MOLSHEM à compter du 8 novembre 2004, qui consistait pour elle à venir deux jours par semaine avec son collègue, Monsieur E..., habitant le même village qu'elle, effectuer des travaux de manutention au tri du courrier, a fortiori refuser de se soumettre à la mise en demeure qui lui a été adressée le 8 décembre 2004,- Madame Y... n'ayant pas bénéficié d'arrêts de travail réguliers postérieurement au 24 septembre 2004, ni fait l'objet d'un avis d'inaptitude de la médecine de prévention, elle ne peut excuser son absence par son état de santé,- compte tenu notamment des efforts qu'elle a déployés pour reclasser Madame Y..., elle ne saurait être accusée de mise au placard et de harcèlement moral.
Se référant oralement à la barre à son écrit déposé le 24 août 2007, Madame Sylvie Y... demande, sur appel incident :
- à titre principal qu'il soit dit que son licenciement est nul sur le fondement de l'article L 122-49 du Code du travail, que soit ordonnée sa réintégration dans ses fonctions ou un emploi équivalent sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, que LA POSTE soit condamnée à lui payer un euro à titre de provision en réparation du préjudice subi pour défaut de fourniture de travail jusqu'à la réintégration, avec réserve de ses droits à chiffrer sa demande au titre de ce préjudice après sa réintégration, subsidiairement 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts à défaut de réintégration, ainsi que trois fois 527, 41 euros au titre des salaires de janvier à mars 2005 et les congés payés sur ces montants,- à titre subsidiaire, qu'il soit dit que son licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, qu'il lui soit donné acte qu'elle demande sa réintégration, que l'employeur soit interrogé à ce sujet et que sa réintégration soit ordonnée, subsidiairement que LA POSTE soit condamnée à lui payer 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts, 1. 112, 46 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, plus 111, 24 euros pour les congés payés afférents et 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'intimée fait valoir pour l'essentiel que :
- elle demande la nullité de son licenciement car elle estime avoir été victime d'un harcèlement moral de son employeur qui a aggravé son état de santé au point qu'elle n'a pu reprendre son travail, celui-ci ayant consisté dans une mise au placard, une pression anormale et répétée par la proposition de nombreuses missions ou postes de travail qu'elle ne pouvait accepter compte tenu de leur nature ou de leur localisation et un comportement de suspicion quant à son état de santé malgré les certificats de son médecin,- son licenciement a été irrégulier dans la forme puisqu'il est intervenu près de trois mois après l'entretien préalable et alors que la procédure conventionnelle n'avait pas été mise en œuvre au-delà du délai prescrit d'un mois,- la procédure conventionnelle a été entachée d'irrégularités de fond car la composition de la commission n'était pas paritaire et elle n'a pas reçu l'avis motivé de cet organe disciplinaire,- l'employeur n'a pas respecté ses obligations en matière de santé au travail, en ne s'assurant pas de son aptitude au travail malgré les certificats médicaux qu'elle avait produits pour justifier de son incapacité à remplir les missions qui lui étaient demandées,- elle ne pouvait reprendre un poste de travail, la distribution de PNA, qui n'existait plus à MOLSHEIM et à un lieu d'affectation revêtant plusieurs dénominations.
SUR QUOI, LA COUR ;
Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour un plus ample exposé de leurs moyens et arguments,
- Sur la forme
La recevabilité de l'appel et sa régularité formelle ne sont pas contestées.
- Au fond
-sur la régularité de la procédure de licenciement
Lorsqu'un employeur est conduit à mettre en œuvre une procédure conventionnelle, l'obligeant à recueillir l'avis d'un organisme disciplinaire avant toute sanction ou tout licenciement, le délai maximum d'un mois fixé par l'article L. 1332-2, alinéa 4, anciennement L. 122-41 du Code du travail, pour l'intervention de la sanction après le jour fixé pour l'entretien préalable peut être dépassé dès lors que le salarié a été informé avant l'expiration de ce délai de la décision de l'employeur de saisir cet organisme.
En l'occurrence, LA POSTE a saisi pour avis la commission consultative paritaire et Madame Y... a été informée de manière claire et précise que son dossier serait soumis à cette commission par une lettre recommandée avec accusé de réception du 25 janvier 2005, soit alors qu'un délai d'un mois ne s'était pas encore écoulé à compter de l'entretien préalable auquel elle a été convoquée et qui a eu lieu, en son absence, le 28 décembre 2004.
Par conséquent, même si Madame Y... n'a été convoquée que le 16 février 2005 à la réunion de cette commission prévue le 2 mars 2005, la procédure de licenciement a été régulière et il convient d'infirmer le jugement déféré pour avoir prononcé la nullité du licenciement et pour avoir accordé en conséquence à la salariée l'indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés et des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du travail.
La Cour constate par ailleurs que la commission consultative paritaire a valablement siégé dans le respect du quorum de présence de trois quart au moins des membres ayant voix délibérative, la parité n'étant pas exigée en ce cas par les règles régissant la procédure conventionnelle, et que Madame Y... a pu s'expliquer devant cette Commission et était assistée pour sa défense par son mari.
L'avis unanime de cette commission en faveur d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave a en outre été respecté par LA POSTE comme l'indique la lettre de licenciement du 14 mars 2004.
S'agissant de l'éventuelle absence de communication à Madame Y... de l'avis du conseil de discipline, il est rappelé qu'en vertu de l'article L. 1333-3, anciennement L. 122-43 du Code du travail, aucune nullité d'une sanction disciplinaire pour irrégularité de forme n'est encourue si la mesure prise est le licenciement.
En effet, l'irrégularité de la procédure de licenciement n'ouvre droit le cas échéant qu'à l'indemnité prévue par l'article L. 1235-2, anciennement L. 122-14-4 du même Code, or aucune demande n'a été formulée en ce sens par Madame Y... .
En définitive, aucune irrégularité ni de fond, ni de forme n'a entaché la procédure de licenciement de la salariée.
Il convient, en outre, d'écarter tous les arguments de Madame Y... tenant au non-respect des règles applicables en matière de santé au travail.
En dehors d'un arrêt de travail du 17 au 24 septembre 2004, Madame Y... n'a en effet bénéficié d'aucun autre arrêt de travail régulier en la forme avant le 5 janvier 2005, les certificats médicaux de son neuropsychiatre ne pouvant en tenir lieu.
Elle n'était notamment pas en arrêt maladie lors de la mise en demeure du 8 décembre 2004, ni lors de l'introduction de la procédure par la lettre recommandée avec accusé de réception du 14 décembre 2004 qui la convoquait à l'entretien préalable, ni même le jour de cet entretien le 28 décembre 2004.
Il importe donc peu que LA POSTE ne se soit pas assurée de son aptitude à reprendre le travail en saisissant la médecine de prévention avant d'envisager son licenciement, alors qu'elle n'avait aucune obligation légale en ce sens compte tenu d'un arrêt de travail pour maladie non professionnelle d'une durée de huit jours, à la date de l'entretien préalable.
De même, LA POSTE n'a commis aucune faute jusqu'au licenciement le 14 mars 2005, puisque Madame Y... a bénéficié d'arrêts de travail continus du 5 janvier 2005 jusqu'à cette date et même jusqu'au 3 mai 2005 et que donc aucune visite de reprise n'avait à être envisagée.
- sur la nullité du licenciement pour harcèlement moral
En vertu des dispositions de l'article L. 1152-1, anciennement L. 122-49 du Code du travail, le harcèlement moral suppose des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En l'espèce, il convient d'abord d'observer que Madame Y... ne saurait se plaindre d'une dégradation de ses conditions de travail stricto sensu puisque, en dehors de la mission de six semaines qu'elle a acceptée en juin 2004, elle n'a pas travaillé entre le 20 octobre 2003 et le jour de son licenciement.
Ensuite, ne peuvent constituer des faits de harcèlement l'accomplissement par LA POSTE de l'obligation qu'elle avait de reclasser sa salariée dans un autre poste après la suppression de l'activité de distribution de plis non adressés sur le secteur de MOLSHEIM et par conséquent l'envoi de différentes propositions de postes correspondant à son niveau de qualification et disponibles sur son lieu d'affectation ou sur le ressort de la direction dont elle dépendait.
Il convient de relever que l'employeur de Madame Y... était, d'après les contrats de travail successifs qu'elle avait librement signés, la Direction Départementale du BAS-RHIN de LA POSTE et que son lieu de travail avait été fixé au bureau de poste de MOLSHEIM, mais qu'elle pouvait être appelée à exercer ses fonctions dans l'ensemble des établissements du ressort géographique du groupement (article 2 du contrat à durée indéterminée) ou selon les nécessités de service être affectée dans un autre établissement du BAS-RHIN (article 12 du même contrat).
Ces dispositions ne créaient aucun droit acquis pour la salariée à un changement de lieu d'affectation en dehors du ressort de la direction du BAS-RHIN, ni aucune obligation pour cette dernière de lui rechercher un poste en dehors de ce ressort.
Le texte établi à l'issue de la commission de dialogue social de LA POSTE du 3 juillet 2003 obligeait par contre l'employeur à proposer par écrit à Madame Y... au moins trois postes dans les douze mois, ainsi qu'un accompagnement particulier en vue notamment d'une promotion de la qualification ACC11 qui était la sienne au niveau supérieur I. 2, avec possibilité en ce cas d'une réorientation au sein de LA POSTE maison mère, sans frein géographique.
LA POSTE ne faisait donc que respecter les engagements pris envers ses salariés en concertation avec les organisations représentatives du personnel.
Dans ces conditions, Madame Y... ne pouvait se plaindre des diverses correspondances de son employeur lui proposant des missions ou une formation pour sa promotion au niveau I. 2, dont le nombre a été proportionnel à celui de ses refus ou de ses changements de décision, dont son refus de la formation AFPA qu'elle avait d'abord acceptée en vue de sa promotion, malgré l'avantage représenté par une telle promotion, qui lui aurait permis de prétendre à un changement d'établissement.
Ainsi, si la salariée a eu l'impression d'une « mise au placard » ou d'une « pression anormale », cette impression n'a pu résulter que de la situation qu'elle a elle même créée par ses tergiversations sur ses volontés de promotion ou ses refus systématiques de postes fondés uniquement sur un souhait de changement de direction d'affectation que la direction du BAS-RHIN ne pouvait satisfaire, car il n'était pas en adéquation avec son contrat de travail.
Il est notamment relevé que le premier de ces refus concernait un poste similaire à celui qu'elle venait de perdre, situé à SARRE-UNION, qui correspondait pourtant tant au souhait géographique qu'au souhait fonctionnel émis par elle quelques mois auparavant en juin 2003, soit être affectée au secteur SAVERNE SARRE-UNION et conserver son activité de distribution de PNA hors zone Médiapost.
Ne constituent pas davantage des faits de harcèlement les circonstances ayant entouré la maladie de Madame Y..., un employeur étant parfaitement en droit de s'étonner de la remise d'un avis d'arrêt de travail dit de « prolongation », alors qu'il n'y a pas eu d'arrêt de travail initial, ou de demander à un expert privé de se prononcer sur le bien fondé des avis d'arrêt de travail de son salarié.
LA POSTE ne peut en outre être accusée de malveillance si le hasard a apparemment voulu que l'expert privé convoque Madame Y... à son cabinet le même jour que celui où cette dernière devait à sa demande être reçue par la médecine de prévention.
Il n'y a donc pas en définitive de motif justifiant l'annulation du licenciement.
- sur le bien-fondé du licenciement
Il est relevé que dans plusieurs des courriers de propositions de poste ou de formation adressés à Madame Y..., celle-ci a été informée par LA POSTE que le dispositif de reclassement mis en œuvre en vertu des dispositions prises au sein de la commission de dialogue social n'était valable que jusque fin août 2004.
Par conséquent, à compter de cette date, Madame Y... ne pouvait plus refuser d'occuper un poste assigné par son employeur et correspondant tant à sa qualification qu'aux stipulations de son contrat de travail.
Or il est constant qu'elle n'a donné aucune suite ni à la mission de manutention au centre de tri de HOLTZHEIM, qui lui avait été proposée par courrier du 14 septembre 2004, ni à la mission d'archivage au centre d'expertise de la Poste proposée le 22 septembre 2004, ni encore moins à la proposition, intervenue par courrier du 27 octobre 2004, d'une mission au centre de tri de MOLSHEIM, son lieu d'affectation en vertu de son contrat de travail, à compter du 8 novembre 2004.
Le refus de se présenter à ce dernier poste n'était justifié ni par un arrêt de travail régulier en la forme, ni même pour une sérieuse raison médicale, alors qu'il lui était proposé, pour éviter d'avoir à conduire, de se rendre sur place dans le véhicule d'un collègue domicilié près de chez elle, encore moins pour le motif invoqué d'une désignation imprécise du lieu de travail sous un sigle tantôt CDIS, tantôt CC-TI.
Cette dénomination est en effet un détail sans importance, dès lors que le courrier du 27 octobre 2005 indiquait le lieu exact et précis de la mission, à savoir le centre de distribution du courrier de MOLSHEIM et que ce lieu était aussi celui désigné par la lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 décembre 2004 de mise en demeure de reprendre le service sous peine d'être en situation d'abandon de poste, seule la lettre de licenciement ayant désigné ce lieu sous le sigle erroné de MOLSHEIM CDIS.
Madame Y... ayant, après plus de cinq propositions de reclassement toutes déclinées et deux affectations auxquelles elle n'a pas donné suite, été régulièrement mise en demeure de rejoindre le dernier poste qui lui avait été assigné en exécution de son contrat de travail et n'ayant pas déféré à cette mise en demeure, l'abandon de poste était constitué et son licenciement justifié par une cause tant réelle que sérieuse, son attitude systématiquement négative rendant impossible la poursuite des relations contractuelles.
En conséquence, Madame Y... ne peut prétendre à des dommages et intérêts.
Elle ne peut davantage prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis, même si elle n'a pas été licenciée pour faute grave, alors qu'il résulte de son bulletin de salaire d'avril 2005 produit par elle aux débats et des avis de paiement produits par LA POSTE pour les mois d'avril et mai 2005 qu'elle a déjà perçu cette indemnité.
- sur le maintien du salaire durant la maladie
L'article 56 de la convention commune applicable à LA POSTE prévoit qu'en cas d'arrêt de travail consécutif à une maladie, cette dernière assure à ses agents, sur présentation d'un certificat médical, l'équivalent de 100 % du salaire net pendant 90 jours continus ou discontinus, déduction faites des indemnités journalières éventuellement versées par la sécurité sociale.
Ce texte ne conditionne nullement le maintien du salaire au versement effectif d'indemnités journalières, mais exige seulement que l'arrêt maladie soit médicalement justifié.
Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris pour avoir fait droit à la demande de Madame Y... en paiement des salaires et congés payés afférents dus pendant la période du 1er janvier 2005 au 22 mars 2005, date de réception de la lettre de licenciement, soit les sommes de 1. 318, 52 euros brut et 131, 85 euros brut, dont à déduire éventuellement les indemnités journalières versées par la CPAM, le cas échéant par subrogation de LA POSTE dans les droits de Madame Y... à ce titre.
- sur le surplus
Madame Y..., qui succombe pour l'essentiel, supportera tant les dépens de première instance que les dépens d'appel.
Il n'y a pas lieu par ailleurs à application en sa faveur de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il est équitable, par contre, d'allouer à LA POSTE, une somme de 1000 euros pour ses frais non répétibles exposés lors des deux instances.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE l'appel régulier et recevable ;
Au fond,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné LA POSTE à payer à Madame Sylvie Y... les arriérés de salaire du 1er janvier 2005 au 22 mars 2005, soit la somme de 1. 318, 52 € (mille trois cent dix huit euros et cinquante deux centimes), plus 131, 85 € (cent trente et un euros et quatre vingt cinq centimes) au titre des congés payés sur ce montant, dont à déduire éventuellement les indemnités journalières de la CPAM ou en autorisant la subrogation éventuelle pour les indemnités de cette période,
INFIRME ce jugement pour le surplus et, statuant à nouveau,
DIT N'Y AVOIR LIEU de prononcer la nullité du licenciement de Madame Sylvie Y... ;
DIT que le licenciement de Madame Y... reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
DEBOUTE Madame Y... de ses demandes en paiement de dommages et intérêts et de l'indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents, ainsi que du surplus de ses prétentions ;
CONDAMNE Madame Sylvie Y... aux dépens de première instance et d'appel ;
LA CONDAMNE à payer à LA POSTE la somme de 1. 000 € (mille euros) par application de l'article 700 du Code de procédure civile pour les deux instances.